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Les premiers réfugiés : Espagnols
« Certains jours il y eut 60 000 habitants dans les murs » raconte Alfred GERNOUX dans son excellent livre « Châteaubriant et ses martyrs » en présentant la période 39-45 à Châteaubriant. (ouvrage réédité, dont on en trouve encore quelques exemplaires, notamment à la mairie de Châteaubriant) .
Lorsqu’arrivent les premiers réfugiés espagnols fuyant le régime franquiste, au tout début du mois d’avril 1939, la Guerre d’Espagne retentit jusqu’à la cité de Françoise de Foix . « Je me souviens de leur arrivée, en train, à la gare de Châteaubriant, en cohortes lamentables » dit Yves Cosson.
« Aussitôt, la cité devient vibrante, elle se penche vers toute cette misère humaine, elle ravitaille cette foule qui a faim, elle réchauffe ceux qui ont froid et met de la tendresse au cœur de ces épaves » raconte Alfred Gernoux, enjolivant les faits, dans son livre « Châteaubriant et ses martyrs ».
Les quelque 110 Espagnols sont regroupés en hâte au rez-de-chaussée de la mairie transformé en centre d’hébergement pour un mois, puis dans la salle Lutétia (ancienne salle de bal) et en divers entrepôts de la ville où sont installées les cuisines et les couchettes. Le Maire Ernest BREANT fait acheter des couvertures, cuisinières, batteries de cuisine. Le Sous-Préfet Raymond ARNAUD, avec son épouse, gère les denrées alimentaires que la concierge de la sous-préfecture, Madame CASSIN, va porter aux Espagnols dans sa brouette.
Les Castelbriantais sont plutôt réservés voire réticents, mais sous l’impulsion du Maire et du Sous-Préfet quelques-uns apportent du linge, en particulier pour les bébés, tout en regardant d’un drôle d’air ces « rouges » sûrement partisans du communisme. Mais la dignité des réfugiés, « leur attitude pleine de sagesse » comme dit le Sous-Préfet, impressionnent favorablement la population locale. Les autorités ecclésiastiques, « Le Journal de Châteaubriant » et même Le « Courrier de Châteaubriant », s’emploient à changer le regard des Castelbriantais. Diverses manifestations de solidarité, dont des soirées dansantes et des représentations théâtrales, sont organisées au Marché Couvert au bénéfice de ces malheureux.
Pendant ce temps-là, les autorités s’activent à préparer des camps (des planches pour faire des lits, 620 paillasses, 600 kg de paille) aux anciennes ardoisières de Juigné-les-Moutiers et aux anciennes Forges de Moisdon. A la fin mai 1939, environ 1200 réfugiés espagnols, venant de tout le département, y sont parqués et leur seule présence (pourtant essentiellement des femmes et d’enfants) effraie la population de Moisdon : dans ce milieu rural, les « rouges » ne pouvaient être acceptés et, sauf exception, la population de Moisdon ne manifeste aucune sympathie pour les réfugiés (singulièrement, d’ailleurs, les habitants de Moisdon ne participeront guère, plus tard, à la Résistance contre l’Occupant).
Les Espagnols ne restent pas longtemps dans la région : après l’entrée en guerre de la France, contre l’Allemagne, en septembre 1939, le gouvernement français organise l’expulsion progressive de ces réfugiés, sauf de ceux qui, comme Fernandez DIEZ, se sont engagés dans l’armée française. Les camps sont officiellement dissous à la fin du mois d’octobre 1939. Quelques Espagnols restent cependant à Châteaubriant, fréquentent ses écoles et ses clubs de football et y fonderont par la suite une famille. Certains seront enrôlés par l’Allemagne dans l’organisation Todt (qui construit le mur de l’Atlantique). D’autres réussiront à s’évader, à rejoindre les maquis et la France Libre.
Lire plus en détail ici : http://www.chateaubriant.org/76-les...
Les Espagnols en Loire-Atlantique
M. Carlos Fernandez (de Nantes) fait des recherches aux Archives de Loire-Atlantique et dans la presse locale de 1936-1939, en quête d’indications sur les réfugiés espagnols venus en Loire-Inférieure, pour fuir la guerre civile
Les premiers réfugiés prennent le bateau ARKALE le 25 juillet 1936 au Port de Carino (Galice) et débarquent à St Nazaire. Ils sont 38 et sont dirigés vers Bourges, Moulins, Nevers et St Etienne.
400 Espagnols arrivent par le train le 13 septembre 1936 : 185 d’entre eux seront dirigés vers Ancenis, les autres vers Blois.
503 réfugiés débarquent à St Nazaire le 14 septembre 1936 du navire espagnol ALIONA-MENDi en provenance de St Sébastien. Ils sont dirigés vers Bourges, Moulins, Nevers et St Etienne.
Les 158 réfugiés arrivés le 16 octobre sur le navire « Le Mexique » sont expédiés vers l’Amérique Latine ou renvoyés en Espagne en train.
Cela fait donc 1099 arrivées en 1936.
En 1937 l’exode s’accentue : 19 309 réfugiés en Loire-Inférieure. Puis 153 en 1938 et 8689 en 1939. Soit en tout : 29 250 réfugiés pour ce département. (Pour l’année 1939, au moment de ¨la Retirada¨, on comptera plus de 500 000 réfugiés en France).
Parmi eux on compte les 6000 réfugiés partis de Catalogne le 31 janvier 1939 et dont une partie arrivera à Châteaubriant au tout début d’avril 1939.
Accueil
En mai 1937, le Consul d’Espagne remercie le Préfet « pour l’accueil que vous avez bien voulu faire aux réfugiés espagnols arrivés hier, veillant personnellement et avec la plus grande sollicitude à leur installation et à l’aménagement du Centre d’Hébergement d’Ancenis que j’ai pu visiter aujourd’hui. Mes compatriotes m’ont prié de vous exprimer toute leur reconnaissance ».
Le 17 décembre 1937 le Consul félicite l’Union des Syndicats de St Nazaire et de la Région pour « toute votre fraternité et l’organisation que vous déployez pour mon peuple ». L’Union des Syndicats a collecté des vivres en Espagne. « Je vous prie de bien vouloir me dire si ces colis sont destinés à des particuliers ou à des organisations chargées de l’approvisionnement des combattants ».
Globalement ces réfugiés ne sont guère restés en Loire-Inférieure puisqu’on recensait 1190 Espagnols en janvier 1936 et 1797 en janvier 1941. Beaucoup d’entre eux ont été renvoyés vers l’Espagne. Une lettre du 25 juillet 1939, au Préfet de Loire-Inférieure, dont copie a été transmise au Sous-Préfet de Châteaubriant, indique :
« Vous pourrez diriger sur Hendaye, le 30 juillet 1939, aux fins de rapatriement en Espagne, 75 réfugiés espagnols (vieillards-non miliciens – femmes ou enfants). Il reste entendu que tous ces réfugiés doivent provenir de Catalogne et qu’en aucun cas :
le nombre indiqué ne devra être dépassé
la date du rapatriement ne pourra être avancée ni retardée ».
Il est précisé qu’un inspecteur de police, ou gradé de la gendarmerie ou de la garde mobile, sera chef de convoi et que « les rapatriés devront être mis en route de façon à arriver à Hendaye le 31 juillet 1939 entre 7h30 et 16 heures ».
Le 19 août 1939, Gabriel Goudy, secrétaire de la Bourse du Travail de Nantes, écrit au Sous-Préfet de Châteaubriant : « J’ai recueilli une petite somme d’argent que j’ai consacrée à l’achat de crayons et cahiers ; je vais faire parvenir ceux-ci incessamment aux Réfugiés Espagnols de Moisdon et de Juigné. Si j’ai des possibilités pour des sandales, je vous le ferai savoir »
Le 18 octobre 1939, un recensement indique que 6 Espagnols sont en résidence libre (3 hommes et 3 femmes). Les autres sont …
au Camp de la Forge à Moisdon-la-Rivière :
Hommes 26Femmes 306Enfants 356…………soit en tout 688
au Camp de la Tangourde en Juigné-des-Moutiers :
Hommes 0Femmes 158Enfants 150 …………soit en tout 308
Expulsés
Ces deux camps fermeront début novembre 1939. La plupart des Espagnols sont alors expulsés vers l’Espagne au poste frontière d’Irun. Une décision lourde de conséquences, puisqu’ils seront la plupart du temps internés et maltraités par les Franquistes. Le cas de Maria SALVO, internée au Camp de Moisdon, est significatif : elle ne retrouvera la liberté qu’en 1957 !
Le 6 décembre 1940, on ne compte plus que 24 Espagnols dans l’arrondissement de Châteaubriant : femmes seules ou avec enfants, hommes seuls.
- 5 femmes (dont une avec 2 enfants et une autre avec 3 enfants)
- 14 hommes
Deux de ces femmes sont employées à la Maternité de Gâtine en Issé. Les trois autres sont « sans profession »..
Quant aux hommes : l’un est ouvrier-tailleur chez Morin (rue de Couëré à Châteaubriant), un autre a un contrat de travail d’un an comme manœuvre chez M. Voisine, représentant en vins à Soudan. Sept hommes sont carriers à La Blinais en St Vincent des Landes. Trois sont journaliers chez François Blanchet à Derval, et un autre est journalier chez M. Geutet à Issé. Enfin, le dernier, après avoir travaillé aux Mines de la Brutz à Bonne Fontaine, est au chômage.