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Histoire des Bains-Douches

L’histoire que nous allons vous conter pourrait presque commencer par une devinette : quelle est donc cette déesse qui, dès le matin, préside à nos ablutions ? On la dit fille d’ASCLEPIOS, ce dieu grec de la santé qui, non content de guérir les malades, allait jusqu’à ressusciter les morts. Il disparut lui-même le jour où ZEUS, inquiet de ce renversement dans l’ordre de la nature, décida de le faire mourir, foudroyé.

La fille d’Asclépios c’est HYGIE, déesse grecque de la Santé. Et Hygie a donné naissance, vers 1550 au mot « Hygiène » : ensemble des principes et des pratiques tendant à préserver et améliorer la santé. Une longue maturation, de Moïse à Lycurgue, d’Hippocrate au préfet Poubelle.

La civilisation romaine, au premier siècle avant notre ère, avait fait construire des « thermes » dans ses principales villes, Rome, Pompéi : les Romains y prenaient des bains tièdes, chauds ou froids. Mais la disparition de l’Empire Romain entraina l’effondrement de l’hygiène publique.

A Châteaubriant, à la suite des élections municipales de 1925, le maire républicain, Ernest BREANT, proposa à son Conseil la construction de Bains Douches. C’était le 9 septembre 1926. L’Etat promettait une subvention de 100 000 F.

COUTAN ET ROBIDA

Le 2 août 1928, le Conseil Municipal est sollicité pour voter les crédits nécessaires à la construction des Bains Douches : soit 100 000 francs (de l’époque) à la charge de la commune en plus des 100 000 francs promis par l’Etat. Un conseiller, qui ne peut être présent, demande le report de cette décision. Mais le Conseil pense qu’il faut faire vite parce que « la question des bains-douches fait partie des réalisations et du programme que s’est tracé le Conseil Municipal, parce que le budget a été étudié et conçu sans qu’il soit fait appel à aucun nouveau centime additionnel, et ensuite et surtout parce que c’est la dernière année où il soit possible de bénéficier de la subvention précitée de cent mille francs ».

Le 17 octobre 1928 le Conseil Municipal se réunit en session extraordinaire pour examiner les plans et devis des Bains-Douches, tels qu’ils ont été dressés par MM. COUTAN et ROBIDA architectes à Nantes. Il apprend qu’une subvention supplémentaire pourra, en cas de besoin, lui être attribuée « sur le produit des jeux ».

projet de Bains-Douches

Un premier appel d’offres, portant sur le gros oeuvre, propose de répartir les travaux en 7 lots. L’adjudication a lieu le 6 décembre 1928 :

Pour la maçonnerie : Emile JAMIN
Pour la charpente : Pierre RIVIERE
Pour la couverture-zinguerie : René BOUVIER
Pour la menuiserie : Georges LELIEVRE
Pour la serrurerie : François CHAPRON
Pour la plâtrerie : Raphaël OUARY
Pour peinture-vitrerie : Victorien NIGLAIS

En façade, la sculpture « bains-douches » a été confiée au sculpteur Monsieur DESMARCHIX, de Nantes.

Lors des appels d’offres, la municipalité constate que plusieurs entrepreneurs ont soumissionné. Elle décide de donner le marché à ceux qui promettent les plus importants rabais : certains iront jusqu’à « trois centimes par franc », « sept centimes par franc » et même « 21 centimes par franc ». Il est arrivé que deux entrepreneurs consentent le même rabais et refusent d’aller plus loin : il a fallu un tirage au sort pour les départager.

Les travaux de construction ont pris un certain temps puisque la dernière réception des travaux de gros oeuvre n’a eu lieu qu’au premier trimestre de 1931. Il faut dire que les architectes ont parfois dû se fâcher et demander au maire de prendre un arrêté de mise en demeure contre trois des entrepreneurs ! (lettre du 17 juillet 1930). Il a même fallu que le maire fasse notifier des ordres de service pour obtenir l’achèvement des travaux. : l’un des entrepreneurs a été sollicité 8 fois et les architectes n’hésitent pas à parler de « la négligence extraordinaire de messieurs XX » (nous tairons leur nom).

56 rivets en cuivre fondu

Construire des cabines de douche, c’est bien. Encore faut-il prévoir les équipements : le 2 janvier 1930 le Conseil Municipal décide de faire des « installations spéciales : hydrothérapie, chauffage, appareils sanitaires et ventilation. » Le cahier des charges précise que l’installation et les appareils devront être prévus de façon à maintenir 18° dans les bains douches et bureaux, et 14° dans les dégagements et services. Brrr ! fait pas chaud ! Quant à l’hydrothérapie elle doit permettre d’assurer pendant 8 heures un service de 36 douches de 40 litres et 4 bains de 200 litres par heure. »

Très sérieux ce cahier des charges, tout y était prévu : « il ne devra pas se produire de bruit par suite de la circulation de l’eau chaude » - « les tuyauteries seront revêtues d’une enveloppe calorifuge empêchant toute déperdition de chaleur » - « les radiateurs seront à éléments aussi lisses que possible, à grand écartement, à pieds ou de préférence à scellement sur consoles afin de permettre l’accès facile dans toutes leurs parties pour le nettoyage ». Economie d’énergie, hygiène, déjà.

On ne rigolait pas à l’époque, dans le libellé des contrats : « si l’installation était reconnue hors d’état de produire les résultats demandés ou si la consommation du combustible dépassait le maximum indiqué par l’entrepreneur, le marché serait résilié de plein droit. Le constructeur serait alors tenu d’enlever à ses frais, dans un délai d’un mois, sous astreinte de 60 F par jour de retard, tous les appareils et toutes les tuyauteries en prenant en outre à sa charge tous les frais résultant des travaux faits par l’Administration en vue de l’installation et ceux nécessaires à la remise en état des locaux » (cahier des charges du 12 décembre 1929, article 21).

Malgré ces clauses (fermes !) divers entrepreneurs ont montré leur intérêt : Lechartier de Laval, Courson de Rennes, Francheteau de Nantes, Leneveu de Châteaubriant, Lemarchand du Mans, Rineau de Nantes. Finalement, c’est la proposition RINEAU qui a été retenue car moins onéreuse, entraînant une moindre dépense de combustible, et utilisant un système, l’eau chaude, d’une grande régularité de fonctionnement et de température. Avec cependant un inconvénient de taille : « il fallait allumer à 6 heures avant le service pour avoir emmagaziné l’eau chaude du réservoir et cela pour un service prévu pendant 3 heures. L’installation pouvait permettre un service de 4 heures mais ne permettait pas un service de 5 heures ». Les travaux de plomberie, commencés fin avril 1930 ont été terminés en juillet de la même année.

Enfin, en mars 1931, la municipalité envisage l’installation d’électricité. Elle achète des accessoires de toilette : 14 porte-savons, 14 miroirs, 29 porte-manteaux, 14 caillebottis, 56 rivets en cuivre fondu, deux tabourets pour salles de bains et un tabouret pour la caisse. Et tout est prêt à fonctionner.

Des difficultés de paiement

Bains-douches Châteaubriant

Photo ci-contre : la façade principale des Bains Douches

Le paiement des travaux n’a pas toujours été très facile car la subvention de l’Etat s’est fait attendre. Fin octobre 1930, les architectes écrivent au maire : « le paiement de Monsieur X dépasse le crédit et ne pourra être effectué qu’après le vote d’un crédit supplémentaire ». Et de fil en aiguille, c’est le sous-traitant en bout de ligne qui se trouve étranglé, au point que l’un d’entre eux, spécialiste des travaux mosaïque, et habitant Angers, doit se résoudre à écrire au maire en octobre 1930 : « je suis dans une situation très critique et il me faut des fonds au plus tôt. Je ne pensais pas venir à Châteaubriant travailler pour la ville et attendre si longtemps. J’ai été obligé de reculer des traites à fin septembre, puis remettre au 20 octobre, et je viens vous supplier de me faire avoir les fonds nécessaires. Je suis un jeune entrepreneur et je ne vis que de mon travail, aussi voyez, Monsieur le Maire dans quel embarras je me trouve. ».

Heureusement la subvention de l’Etat est arrivée et tout a pu être réglé très vite.

Et puis, en juin 1932 nouvelle difficulté : alors que les travaux de plomberie sont finis depuis deux ans, l’entrepreneur est obligé de réclamer le reliquat restant dû sur les travaux à effectuer. Le Maire lui répond que « les crédits sont dépassés et nous devons attendre le budget additionnel avant de pouvoir vous régler ». Le Maire réclame d’ailleurs une nouvelle subvention à l’Etat « sur le produit des jeux ». Mais là encore, tout est bien qui finit bien : le paiement interviendra en janvier 1933. La construction aura duré environ 3 ans.

D’autres travaux, non prévus au départ, ont été réalisés : un mur de clôture, et un trottoir le long de l’établissement. Bref, on arrive au bout : pour un devis initial de 180 000 F, la dépense totale s’est montée à 214 130,18 F y compris le mobilier. Il faut y ajouter les honoraires des architectes (13 777,15 F) et leurs frais de déplacement depuis Nantes (2 141,30 F) soit un total général de 230 048,63 F, selon le mémoire établi par les architectes le 2 mars 1932. Cela fait tout de même un dépassement de 50 000 F par rapport au projet, soit près de 22 %.

Et maintenant, on ferme

Cela fait donc, maintenant, 66 ans que les Bains Douches sont ouverts à Châteaubriant, mais le Conseil Municipal du 28 mars 1996 a décidé de les fermer. Ils ont rendu de grands services en matière d’hygiène et ont été très fréquentés par les Castelbriantais qui ne disposaient pas, à l’époque, d’installations sanitaires. Rappelons en effet que le « tout-à-l’égout » n’a commencé à être installé qu’en 1959 en notre ville, soit près de 30 ans après l’ouverture des Bains Douches. Dans les années 1965-1980, il n’était pas rare de trouver des chambres à louer ne disposant ni de salle d’eau, ni de chauffe-eau, ni même de WC : il ne restait souvent que la solution d’aller au fond du jardin s’installer au-dessus d’un trou surplombant la Chère ou le Rollard.

Cependant les Bains Douches de Châteaubriant n’ont pas connu l’engouement attendu, au point que la deuxième aile n’a jamais été construite : l’accélération des techniques a permis de doter les habitations de « salle d’eau » à domicile.

De 100 à 12

Dans les années 80, les bains-douches avaient encore une bonne fréquentation. En effet, au budget 1980 : on comptait environ 5000 douches par an ce qui fait une moyenne de 100/semaine. La douche était alors à 4,50 F

au budget 1985 : on comptait environ 3200 douches par an ce qui fait une moyenne de 60/semaine. La douche était à 6,50 F

au budget 1990 : on comptait environ 2800 douches par an ce qui fait une moyenne de 54/semaine. La douche était à 8,30 F

au budget 1995 : on est tombé à 1200 douches par an ce qui fait une moyenne de 23/semaine. La douche était à 10 F avec gratuité pour les chômeurs.

Et puis la baisse s’est encore accentuée : il n’y a guère actuellement qu’une douzaine de « baigneurs » par semaine, soit 650 douches par an environ. La municipalité a donc pu, à juste titre, se demander s’il fallait maintenir ce « service ». D’autant plus que ce n’est pas un service gratuit, loin de là : il est ouvert 9 heures le samedi pour les clients. Il faut assurer en plus deux heures de ménage par semaine. Sans compter le gaz nécessaire pour le chauffage et la production d’eau chaude : tous les vendredis soirs une personne doit venir vers 18h pour allumer le chauffage afin qu’il fasse bon toute la journée du samedi. Cela fait donc près de 11 heures de travail, chaque semaine, pour 12 clients.

Alors, en comptant les dépenses (frais de personnel permanent, chauffage, etc) et les maigres recettes (12 000 F par an), on arrivait en 1995 à un déficit de 207 000 F soit plus de 330 F la douche. On peut se demander si le service rendu valait bien ce prix là.

Un but de sortie

Le rituel des Bains-Douches, pour Châteaubriant, c’est un peu comme le marché du mercredi, et la messe du dimanche : une occasion de sortie. « Après la douche, j’ai le temps d’aller faire un tour au café pour retrouver les copains ». Certains clients font leur petit calcul : « une douche à Châteaubriant me revient moins cher que chez nous » dit celui-ci. Un autre vient là chercher « la paix » : « chez moi, ma femme trouve que je passe trop de temps dans la salle de bains et que je mets de l’eau partout. Au moins ici, on ne me dit rien ». C’est vrai en ce qui concerne le nettoyage : Mme BOUDET ou Mme MARTIN passent elles-mêmes la serpillière à l’eau javellisée. Mais ce n’est d’ailleurs pas tout à fait vrai en ce qui concerne la durée : quand un client dépasse les 20 minutes de la douche ou la demi-heure du bain, il se fait gentiment rappeler au règlement « pour économiser l’eau chaude ».

En fait, le service des bains-douches n’est vraiment indispensable que pour une ou deux personnes habitant un logement sans confort dans la campagne castelbriantaise. A part çà, il ne répond plus à son ambition initiale : assurer l’hygiène publique. Les « SDF » (sans domicile fixe) eux-mêmes, peuvent disposer de douches dans le local d’accueil du Faubourg de Béré. Alors, à part quelquefois des gens en vacances dans une famille castelbriantaise, il n’y a guère qu’une clientèle d’habitués qui ont tous une douche à la maison.

Le service va donc fermer. Quand ? Prochainement ! Le personnel ne sait rien de précis, sinon qu’il va y perdre près de 11 heures de travail par semaine et que cela risque de faire des fuites dans son propre budget.

Aspects techniques

L’établissement des bains-douches a été construit par les architectes COUTAN et ROBIDA sur un terrain appartenant à la ville et situé sur la route de Vitré. Il se compose d’un bâtiment de 19,40 m sur 8 mètres, comportant une aile de douches (12 douches et deux bains), et un pavillon d’entrée et de services. Les plans étaient conçus « de façon à pouvoir recevoir ultérieurement une seconde aile exactement semblable à la première, mais placée perpendiculairement à celle-ci, de façon à pouvoir réaliser plus tard deux services distincts pour les deux sexes ». En fait cette deuxième aile n’a jamais été construite, et au moins au début, il était prévu que les femmes et les hommes ne devraient pas utiliser les bains douches le même jour.

L’installation a été prévue pour assurer pendant 3 heures un service de 36 douches et 4 bains. « 20 minutes pour les douches, une demi-heure pour les bains » dit encore une pancarte accrochée aux murs.

Les cabines de douche mesurent 1,20 m sur 2,50 m. Les murs jusqu’à 2 m de haut sont en mosaïque brouillée dite « granito », les sièges sont pris dans la masse et revêtus du même granito. La porte est en bois, les poignées de porte sont en cuivre (elles brillent : le personnel en prend grand soin).

Les « cabines de bains médicinaux » mesurent 1,50 m sur 2,50 m avec baignoire en fonte émaillée. Autrefois la robinetterie était en cuivre.

Au départ, l’éclairage n’était pas prévu : « la lumière électrique pourra être installée si la nécessité en est reconnue ultérieurement ».