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La Révolution à Châteaubriant - 3 - Un pays en proie au malaise

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LA FRANCE EN 1789 : UN PAYS EN PROIE AU MALAISE

Le peuple français de 1789 ne se composait pas de citoyens égaux devant la loi. L’organisation sociale avait pour principe l’inégalité. Les Français étaient divisés en trois Ordres : le Clergé, la Noblesse et le Tiers-Etat. Cette division ne correspondait pas à la réalité sociale : le haut clergé est noble, et le bas clergé roturier ; la petite noblesse de province est souvent plus pauvre que bien des bourgeois du Tiers-Etat.

Le Clergé est divisé en Haut Clergé et Bas Clergé . La Noblesse est divisée aussi : d’un côté la noblesse de race ou d’épée, de l’autre les anoblis ou noblesse de robe. Il y avait aussi la noblesse de cour et la noblesse de province .

Mais tous les nobles, quels qu’ils fussent, constituaient l’aristocratie et se distinguaient des autres par de nombreux privilèges, les uns honorifiques, les autres plus substantiels : immunités fiscales (exemption d’impôts), pouvoir de lever des droits seigneuriaux sur leurs terres, droit d’infliger et de percevoir de fructueuses amendes, droit de faire payer des péages sur les routes et les ponts et enfin Jes banalités, taxes perçues pour l’usage du moulin, du four et du pressoir dont le seigneur avait le monopole.

Le clergé avait aussi ses privilèges. Il n’y a que le Tiers Etat qui n’en avait pas. Ce Tiers-Etat comprenait trois classes séparées : les bourgeois, les artisans et les paysans. La bourgeoisie comprenait toutes sortes de catégories : des collecteurs d’impôts, receveurs, juges, notaires, greffiers, médecins, avocats, hommes de lettres, mais aussi banquiers, négociants et industriels. La Bourgeoisie, qui était la classe dirigeante au point de vue économique, aspirait à l’être au point de vue politique et social.

Au dessous des bourgeois, se trouvaient les artisans et les paysans qui arrivaient mal à vivre de leur travail, qui devaient payer les impôts directs (taille, capitation, vingtième) et les impôts indirects (gabelles et aides), qui étaient astreints au service militaire et à la corvée royale pour la construction et l’entretien des routes, et qui devaient la dime au curé et les droits féodaux au Seigneur.

Des tiers inégaux

DES TIERS ... INÉGAUX

Tiers-Etat ... 97,8 % de la population
Noblesse .... 1,5 % de la population
Clergé ......... 0,7 % de la population
On comprend que le Tiers-Etat ait demandé à avoir autant de Députés que les deux autres Ordres réunis.

UN AGRÉGAT INCONSTITUÉ DE PEUPLES DÉSUNIS

"Le royaume est divisé en diocèses sous le rapport écclésiastique ; en gouvernements sous le rapport militaire ; en généralités sous le rapport administratif ; en baïllages sous le rapport judiciaire" disait en 1789 un député aux Etats Généraux.

Les 33 "généralités" avaient chacune à leur tête un intendant nommé par le pouvoir royal. L’intendant avait sous ses ordres des "subdélégués" qui dirigeaient des circonscriptions (qu’on appelait encore des "élections").

Les intendants avaient des pouvoirs très étendus : ils étaient intendants de justice, police et finances. Mais leurs pouvoirs étaient limités, dans certaines régions de France, par le pouvoir des Etats Provinciaux, assemblées élues formées de représentants des trois Ordres quiavaient le droit de discuter avec l’intendant du montant des impôts directs, puis de les lever et d’en conserver une partie pour les dépenses locales.

Châteaubriant était à la frontière de deux régions qu’on appelait "pays d’Etat" (Bretagne) et "pays d’élection" (Anjou). L’absence d’unité caractérisait l’administration de l’Ancien Régime. Certaines lois ne s’appliquaient qu’à certaines régions. Les poids et mesures variaient de nom et de valeur selon les lieux ; les impôts ne pesaient pas de la même façon sur les Français ; dans les Pays d’Etat les impôts directs étaient répartis et levés par les Etats (comme le Parlement de Bretagne), ailleurs ils l’étaient par les agents du Roi. Les marchandises payaient des traites (droits de douane) en passant d’une région à une autre. Etc . Comme dit MIRABEAU, la France était "un agrégat inconstitué de peuples désunis"

LES PHILOSOPHES

La Révolution de 1789 a eu pour cause profonde les vices du régime politique et social, et pour cause immédiate une très grave crise financière. Mais cette crise ne prit une telle gravité et un tel développement que parce qu’il existait en France à cette époque une doctrine et un état d’esprit révolutionnaire, conséquence des écrits des Philosophes.

D’une façon simplifiée, il faut rappeler que tout allait mal en France à la fin du règne de Louis XV (1715-1774) : le pays connait une incontestable prospérité, mais le sort de la plupart des paysans et des ouvriers ne s’améliore pas. Les impôts pèsent lourdement sur les classes populaires, épargnant les privilégiés, et ne suffisant pas aux besoins de l’Etat. Celui-ci doit recourir aux emprunts, mais le paiement des intérêts des emprunts accroit encore la dette publique.

Les Français les plus "éclairés" supportent mal la monarchie absolue et cherchent des exemples ailleurs, notamment en Angleterre où, contrairement à la France, les rois ont été, par deux fois, vaincus par des révolutions au cours du XVIIe siècle. Depuis 1688, l’Angleterre est gouvernée par un cabinet ne dépendant pas du Roi, mais d’un Parlement obligatoirement réuni tous les ans. Et pendant ce temps-là, les Etats Généraux n’ont pas été réunis en France depuis 1614.

L’Angleterre est alors considérée comme une terre de liberté et les écrivains français se chargent de le faire savoir. MONTESQUIEU écrit par exemple : “quand un homme aurait en Angleterre autant d’ennemis qu’il a de cheveux sur la tête, il ne lui arriverait rien".

MONTESQUIEU (1689-1755) réclame une monarchie constitutionelle et la séparation des pouvoirs : le pouvoir exécutif au roi et à ses ministres ; le pouvoir législatif à une Assemblée Nationale ; le pouvoir judiciaire à des tribunaux indépendants .

VOLTAIRE (1694-1778), ne croit pas, lui, que le peuple soit capable de gouverner, mais il multiplie les critiques contre l’absolutisme et l’intolérance.

Jean-Jacques ROUSSEAU prône le travail manuel, l’éducation des enfants, la beauté de la nature. Il veut que le peuple fasse lui-même son bonheur et ses écrits répandent l’idée de l’égalité, du respect de la pauvreté, de la foi dans les vertus populaires .

Ceux qu’on a appelé "les Philosophes"’ pensaient que la toute puissance de la raison pouvait dépasser les anciens préjugés. Leur “machine de guerre" était L’ENCYCLOPEDIE de Diderot et d’Alembert . "Le prince tient de ses sujets l’autorité qu’il a sur eux et cette autorité est bornée par les lois de la nature et de l’Etat" disait DIDEROT. Un vrai travail de sape de la Monarchie Absolue .

En France, les idées nouvelles circulent, du moins à Paris, dans les salons, les académies, les sociétés de lecture, les clubs et les cafés. Des livres sont imprimés. Ils circulent jusqu’en province par les colporteurs et les vagabonds. On commence à dire que l’Etat devrait faire régner la justice, la liberté, la fraternité et travailler au bonheur de tous. C’est le temps où le nom de CITOYENS commence à remplacer celui de SUJETS.

À Châteaubriant les idées nouvelles parviennent aussi grâce au nombre des hommes de loi qui y résident (officiers seigneuriaux, notaires, procureurs, avocats), qui ont fait des études dans les Universités et qui sont en liens fréquents avecParis et avec Rennes où se trouve le Parlement de Bretagne dont dépend la région de Châteaubriant.

Le Roi et la Cour se refusent à toute réforme. C’est alors que les difficultés financières du pays vont obliger le Roi à convoquer les Etats Généraux, dans le but de trouver de nouvelles ressources .

Maryvonne Bompol


1789 n’a pas été une révolution sociale

En aucun autre des grands États européens, il n’existait une bourgeoisie aussi policée et cultivée, aussi consciente de sa valeur, que dans la France du temps de Louis XVI. La révolution de 1789 n’a pas été, dans son essence, une révolution sociale, mais une révolution politique. La révolution sociale s’était déjà accomplie, peu à peu, au cours du XVIII s. Dans cette France essentiellement rurale, 30% seulement des terres appartenaient encore aux deux ordres privilégiés, le clergé et la noblesse.

L’’immense majorité des paysans était libre (en 1779, le servage fut définitivement aboli dans le domaine royal). Dans l’ensemble, la condition des gens des campagnes (même si celle des journaliers, des ouvriers agricoles, restait précaire) s’était considérablement améliorée depuis le siècle précédent.

UNE BOURGEOISIE ACTIVE

Beaucoup plus impressionnants encore étaient les progrès de la bourgeoisie : Depuis la mort de Louis XIV, le commerce extérieur avait plus que quadruplé ; la flotte de commerce était passée de 1657 navires en 1730 à 2341 navires en 1788. Armateurs et négociants avaient acquis d’énormes fortunes, et l’intensité du mouvement d’argent s’était manifestée par la création de la Bourse de Paris (1724), avec un marché à terme, une cote, de l’agiotage. À partir de 1776 exista aussi une banque centrale, la Caisse d’escompte, au capital de 100 millions, qui négociait les effets de commerce et émettait des billets remboursables à vue. Necker pouvait affirmer que la France détenait la moitié du numéraire existant en Europe.

L’industrie se transformait, sous l’influence des méthodes anglaises ; l’introduction des machines à filer et à tisser, vers 1760, permit la création de grandes manufactures comme celle d’Oberkampf, à Jouy. Changements aussi dans l’industrie métallurgique : Le Creusot fut fondé en 1782. De véritables dynasties bourgeoises commençaient d’apparaître (Dietrich, de Wendel, Perier, etc.).

Le grand problème de la France résidait dans le retard des institutions par rapport aux réalités économiques.

UNE NOBLESSE OISIVE et ENDETTEE

L’idée d’une égalité civile fondée sur les droits naturels, accréditée par les philosophes, ne pouvait que séduire une bourgeoisie active et en pleine ascension. Les rapports entre les classes sociales s’aigrissaient : la noblesse méprisait les bourgeois anoblis mais les gens de commerce s’indignaient au spectacle de cette noblesse de cour, oisive, endettée et d’une avidité extraordinaire.

La monarchie avait commis de graves erreurs psychologiques en distinguant la noblesse antérieure au XV°s. et la noblesse plus récente (ordonnance des Carrosses, 1760) ou en réservant aux nobles d’extraction les places d’élèves officiers dans l’armée (règlement de 1781). Au sein même des ordres privilégiés, de sourds antagonismes opposaient les petits hobereaux de province, sans fortune, à la noblesse de cour ; le bas clergé, réduit à la portion congrue, et le haut clergé, fastueux et souvent indigne.

LA MONARCHIE CONTESTEE

Toutes les idées de l’époque contribuaient à ébranler les institutions traditionnelles et à discréditer l’autorité royale : aux « libertés communes » de l’ancienne France s’opposait la théorie des droits de l’individu ; à la réalité d’une société hiérarchisée, la mystique de légalité naturelle répandue par Rousseau ; au respect de la coutume er de la tradition, le désir d’une Constitution écrite, dictée par les lois de la raison ; enfin la conception d’une monarchie de droit divin perdait toute signification dans une époque où l’irréligion, répandue par le mouvement philosophique, avait gagné toutes les classes dirigeantes et cultivées de la société.

Ce furent les difficultés financières qui précipitèrent la crise : comme l’a souligné P. Gaxotte, dans cette France riche, l’État était pauvre : « Il était extraordinaire, notait Besenval, de voir le roi prêt à faire banqueroute dans un instant où la France était si florissante, la population au degré le plus désirable, l’agriculture et l’industrie poussées à leur comble, et Paris regorgeant d’argent. ». Le Trésor public souffrait des nombreuses guerres (la guerre de l’Indépendance américaine, 1778/83, fit échouer les réformes de Turgot), des dépenses de la Cour et surtout du paiement des rentes et de l’amortissement des emprunts. Pour imposer les réformes nécessaires, il eût fallu que l’État fût libre et fort.

UN ETAT AU BORD DE LA BANQUEROUTE

Louis XVI, dès son avènement, croyant se concilier la confiance de ses sujets, commit la faute de rappeler les parlements, qui se joignirent aussitôt à l’opposition des privilégiés. Turgot, disciple des physiocrates, voulut assouplir les cadres économiques de la nation (libre circulation des grains, suppression des corporations) et remplacer la corvée royale par une imposition juste, reposant sur les privilégiés. Il se heurta à une énorme opposition et fut sacrifié par Louis XVI (mai 1776). La guerre d’Amérique, à laquelle Turgot s’était opposé, ayant encore augmenté les dettes de l’État, Necker émit des emprunts coûteux et indigna la noblesse de cour en rendant public le chiffre des pensions. Il fut renvoyé à son tour (1781). La royauté se montrait décidément
impuissante devant l’opposition des parlementaires et dés privilégiés. L’appel de Calonne à l’assemblée des Notables (1787) fut un nouvel échec.

Quand Louis XVI se décida enfin à briser les parlements (réforme de Lamoignon, mai 1788), il était trop tard. L’État était au bord de la banqueroute (en 1789, les recettes s’élevèrent à 504 millions, les dépenses à 629 millions). Le roi dut céder : il convoqua les états généraux, rappela Necker, renvoya Lamoïgnon. Le principe du doublement des députés du Tiers Etat fut admis. Tout l’hiver 1788/89 fut consacré à la préparation des états généraux, qui fut aussi loyale que possible, et, le 5 mai 1789,
les états s’ouvrirent à Versailles.

(Extraits du Dictionnaire d’ Histoire Universelle de Michel MOURRE, Editions Bordas). Dans ce texte, les "parlementaires" sont les élus qui siègent aux Parlements de Bretagne, de Provence, de Bourgogne et du Languedoc.


à suivre :
4) La Révolution a commencé en Bretagne
5) Les événements à Châteaubriant
6) La nouvelle administration}
7) Quelques personnages de la Révolution
8) Réflexions sur la Révolution.

NDLR - Tous les écrits ci-dessus ont été largement empruntés au mémoire de Maryvonne BOMPOL sur "La Révolution à Châteaubriant" - disponible à la Bibiothèque municipale de la Ville et dans les archives de l’Université de Nantes .