Mis en ligne le 24 octobre 2005
Le remarquable livre "la tuberculose au cours des âges" (par Charles Coury, 1972, Ed. Lepetit à Suresnes) recense les différentes méthodes utilisées pour le traitement de la tuberculose. Contre « la phtisie » (nom qu’on donnait alors à la tuberculose) , les médecins archaïques recouraient à la prière et à l’incantation, souvent avec un rituel religieux et magique "Ô Fièvre, avec ton frère la Consomption, avec ta sœur la Toux, va-t-en frapper les gens d’en-dessous" disait-on en Inde. En France, au Moyen-âge, on implorait les "Saints Guérisseurs" dont St Malo ou St Marcoul qui, en raison de son nom, était supposer guérir les douleurs cervicales. On attribuait aux Rois un pouvoir "de toucher" capable de guérir les maladies.
Dès l’Antiquité, et pendant le Moyen-âge et la Renaissance, d’innombrables médications d’origine végétale, animale ou minérale ont été essayées. Par exemple, le broyat de poumon animal (loup, cerf ou renard) ou le mou de veau ... mais est-ce plus "bizarre" que les croyances en l’huile de foie de morue ? Par exemple aussi, la chair de vipère, de lézard ou de cloporte. On peut sourire des vertus prêtées au sirop d’escargots, mais Waksman, l’inventeur de la streptomycine, n’a-t-il pas signalé l’action antibacillaire des lombrics ?
Photo : transfusion de lait de Chèvre (Document paru dans "Réalités Médecine" 1968)
Le lait des femmes
Parmi toutes les prescriptions alimentaires, une des plus anciennes et des plus durables a été celle du régime lacté. Laennec lui-même reconnaissait "aux laits de femme, d’ânesse, de vache, de chèvre, de jument" des vertus propres à rendre la toux moins pénible. Vanté par les Arabes, les Chinois, les Indiens et les disciples d’Hippocrate, le régime lacté a atteint sa plus grande vogue à la Renaissance.
Le lait de femme était particulièrement recommandé et devait être consommé à la tétée. "La nourrice, de préférence jeune et agréable, partageait au besoin le lit du malade, malgré les risques de contagion et les autres inconvénients, aisément imaginables, qui pouvaient en résulter. On alla plus loin : parmi les moyens de guérison de la phtisie, quelques Médecins Anciens et Modernes en ont inventé un, auquel ils ont attribué des cures surprenantes. C’est de faire coucher les malades avec leurs nourrices, ou avec des jeunes filles bien fraîches et bien saines. Une émanation du corps de ces jeunes filles, s’insinue par les pores dans le corps du malade épuisé et le ranime, au détriment de la jeune personne qui dépérit insensiblement" (1).
Sang de chèvre et graisse de chien
Entre autres médications d’origine animale, on a essayé les transfusions de sang d’un animal réfractaire à la maladie, comme la chèvre. Ces pratiques ont connu une certaine vogue jusqu’à la fin du siècle dernier. La graisse de chien (ou d’homme) passait aussi pour être efficace...
De nombreux végétaux ont été essayés contre la phtisie : les purgatifs, les diurétiques, les opiacés ont joui d’une faveur prolongée. Citons l’encens, la myrrhe, l’eau de goudron, l’ail, le chou et le quinquina, le miel, les amandes amères, le poivre noir, l’orge, la digitale, l’ergot de seigle, le cresson, la ciguë, la térébenthine, sans oublier le gui.
Parmi les minéraux, l’arsenic, le mercure, le soufre ont eu leur vogue, comme les sels de cuivre, le plomb, l’argent et l’or bien sûr. Mais aussi le calcium, l’iode et l’antimoine.
On a essayé des inhalations d’oxygène, d’ozone, d’ammoniaque, d’iode, d’acide arsénieux ou sulfureux ou sulfurique, d’acide phénique, d’hydrogène sulfuré etc. on a pensé à traiter la tuberculose par l’électricité statique (1901) ou par les saignées ou par des procédés aussi barbares que d’appliquer des cautères à la marge de l’anus.
Diète ou gavage ?
Le régime alimentaire à appliquer aux tuberculeux a fait l’objet de nombreuses controverses. BROUSSAIS (qui a donné son nom à l’hôpital militaire de Nantes) recommandait une diète sévère, accompagnée de saignées et de sangsues.
D’autres médecins penchaient pour un régime exclusivement végétal. D’autres conseillaient au contraire la volaille et les viandes légères, en particulier celles des animaux à course rapide. On a recommandé les farineux, les céréales, les œufs, les laitages, les graisses. Parfois jusqu’à la suralimentation, avec les troubles digestifs et nutritionnels qu’entraînait ce "gavage".
Les boissons alcoolisées, loin d’être interdites, étaient souvent recommandées. Hippocrate conseillait le vin entre les repas et même, au Congrès médical de Lyon en 1864, un médecin a affirmé que " la phtisie est moins fréquente chez les ivrognes de profession que chez les sujets sobres". Par la suite cependant, de nombreux médecins ont attiré l’attention sur les dangers de l’alcoolisme.
Dissiper les "passions tristes"
Le mode de vie recommandé aux tuberculeux a différé sensiblement selon les époques et les écoles de pensée, mais le repos ou, du moins, la modération des efforts physiques, a été largement prôné ... tout comme le repos moral : " Le malade doit séjourner à une altitude élevée ou dans une forêt profonde, en observant un repos rigoureux dans une chambre tranquille. Il lui faut purifier son cœur en restant paisiblement assis, libéré de toute pensée. On allumera près de lui un bâton d’encens et il devra serrer les dents dans la volonté de guérir. La clé de la guérison réside dans la tempérance aussi bien sexuelle qu’alimentaire. Aucune drogue n’aura d’effet si le malade n’observe pas au préalable les principes précédents". - "On lui interdira le chant, le rire, les éclats de voix, la conversation trop soutenue, l’usage des instruments à vent, le tabac" dit un autre médecin.
D’autres encore conseillaient de courtes marches ou la promenade en litière ou l’escarpolette. Pour assurer au malade la tranquillité d’esprit, on recommandait d’entretenir leur bien être moral par quelques divertissements, par une compagnie agréable, par la musique et une certaine élégance vestimentaire, tout ce qui pouvait "dissiper les passions tristes".
Est-il utile de préciser que ces recommandations ne pouvaient s’adresser qu’aux malades d’un milieu aisé. Les autres, sans argent pour se soigner et faire vivre leur famille, n’avaient qu’à se laisser aller à leurs "passions tristes" et à mourir en silence, le plus vite possible.
Photo : La cure individuelle à Nice vers 1890 (paru dans le Bulletin général de thérapie. Ed.Masson - 1890)
Le changement d’air
Le changement d’air a toujours été considéré comme une condition nécessaire à l’amélioration de l’état des tuberculeux. On leur recommandait les voyages et surtout le repos dans un lieu au climat favorable. C’était l’air marin, pour certains médecins ; la montagne pour d’autres ou l’air des forêts ou les villes de cure comme le Mont-Dore, Aix-les-Bains, Cauterets ou la Bourboule. Certains médecins recommandaient les pays chauds, d’autres le climat chaud et humide des bas-pays marécageux ou l’altitude.
Les premiers établissements spéciaux réservés à la cure d’air et au traitement des tuberculeux datent du milieu du 19e siècle. C’était bien entendu, des établissements privés, donc payants, dont l’accès était de ce fait réservé aux classes moyennes et aisées. Mais le premier sanatorium gratuit a été fondé en Allemagne le 15 août 1892, à la suite des lois sociales de Bismark qui, le premier en Europe, a mis en place un système d’assurances contre la maladie (1883).
L’existence d’un tel établissement à Châteaubriant peut surprendre. En réalité, il est lié à la présence du Dr Bernou qui l’institua, à la demande de ses malades fortunés, pour permettre de mieux suivre leur traitement qui s’étendait sur plusieurs années. Mais, comme dit le Dr Burnand, grand partisan des climats de montagne, "l’air pur, le repos, l’alimentation saine, sont les facteurs les plus puissants de la guérison et peuvent être administrés partout" (1).
La collapsothérapie
Puis vinrent des méthodes chirurgicales, à partir de la technique du "pneumothorax" dont le théoricien et le premier réalisateur a été Carlo FORLANINI en 1882, et que le Dr Bernou pratiqua largement aux Fougerays avant que les antibiotiques ne détrônent cette méthode qui a assuré le salut d’innombrables malades.
La phtisie : mal de l’âme
"Avec le romantisme, l’atteinte au poumon est considérée comme une maladie de l’âme. La mort des tuberculeux prend ainsi une dimension esthétique. C’est une mort magnifique" (2) a-t-on pu dire à une certaine époque. "Les romantiques vieillissent mal, et sans doute les romantiques les plus authentiques sont-ils ceux qui ne vieillissent pas. La solution est de mourir jeune. La tuberculose, la consomption, maladie romantique par excellence, propose une issue radicale ; le poète jette son cri, et la maladie même atteste que l’existence, en sa banalité, a quelque chose d’insupportable" (G. Gusdorf, dans "L’homme romantique") (2).
La phtisie a toujours fasciné les auteurs romantiques. Elle est en toile de fond dans "Le lys dans la vallée" de Balzac et au cœur des "Méditations" ou de "Raphaël" de Lamartine : une mort qui ne respecte ni la beauté, ni la noble élévation des sentiments les plus purs.
Avec "La dame aux camélias" d’Alexandre Dumas Fils, la mort n’est pas le sacrifice de l’innocence, même si elle est encore le massacre de la beauté. La mort de Marguerite, due à la phtisie, a une dimension miraculeuse : elle réconcilie la beauté et la pureté.
Dans la plupart des romans, l’on s’attendrit sur le triste sort de ceux qui, jeunes, riches, beaux et bien nés, sont privés par la maladie de tous les bienfaits dont une heureuse naissance les avait largement dotés ou qu’ils avaient acquis par une réussite exemplaire. Avec Victor Hugo, par contre, les héros ou héroïnes ne sont pas tous issus d’un milieu social élevé. La Fantine des "Misérables" se meurt, victime de la faim, du froid, de l’isolement, de l’abandon, du dénuement.
Après Victor Hugo, la littérature populaire s’est peuplée de Fantines, accablées par une société impitoyable, un sort injuste. Avec "Corps et Ames" de Maxence Van Der Meersch, la tuberculose est présente dans tous les milieux sociaux, cause et conséquence de toutes les dépravations.
La maladie est aussi cause de sanctification comme dans "Les mémoires d’une religieuse" (1868). Mais François Mauriac dans "Le baiser au lépreux" rejette cette valorisation du mal et affirme la nécessité de reconnaître la dignité de l’homme dans le malade le plus lamentable. Quant à Octave Mirbeau dans "Le journal d’une femme de chambre" il dénonce certaines formes d’hypocrisie sociale.
A défaut de pouvoir être guérie par la médecine de l’époque, la "phtisie" a inspiré beaucoup d’œuvres de fiction, inscrivant dans les esprits la peur de la maladie, la crainte de Dieu et le respect des conventions sociales.
Tuberculose : brèves indications anatomiques
Dans "la santé de l’homme" publié en 1946 par le Ministère français de la Santé Publique, on lit ceci : "Il n’y a pas de remède curatif spécifique de la tuberculose. Drogues, médicaments et piqûres peuvent avoir leur intérêt, certes, mais n’ont qu’une importance secondaire. L’essentiel pour bien guérir, c’est de fortifier le terrain par le repos, la cure d’air, l’alimentation rationnelle : telle la triade des ressources offertes par le sanatorium. Enfin, dans l’état actuel de nos connaissances, le pneumothorax artificiel et la chirurgie thoracique représentent des moyens de grande valeur entre les mains de praticiens expérimentés".
Ce sont ces méthodes que nous voudrions décrire, en expliquant le travail des Castelbriantais comme les docteurs André BERNOU, Henri FRUCHAUD, Jean TRICOIRE et Lucienne MARECAUX.
La cavité thoracique forme une loge entièrement close car si son squelette (la cage thoracique) est à claire-voie, les espaces qui séparent les côtes sont remplis et recouverts par différents muscles. En bas, cette loge est fermée par le diaphragme. L’air ne peut donc pénétrer dans les poumons que par les voies respiratoires.
Les poumons occupent la plus grande partie de la cavité thoracique, ne laissant de place entre eux que pour le "médiastin" où se trouvent le cœur, l’aorte, les veines caves et l’œsophage. Le poumon droit est plus volumineux que le gauche, puisque celui-ci présente une dépression où se loge le cœur.
Les bronches : la trachée artère se subdivise en deux grosses bronches. Chacune d’elles, après avoir pénétré dans le poumon, se subdivise encore, comme une branche d’arbre, en bronches de plus en plus fines, puis se termine en "bronchioles" qui aboutissent à de minuscules cavités arrondies appelées "alvéoles pulmonaires".
La plèvre c’est comme un "sac" à double feuillet. L’un des feuillets adhère à la paroi thoracique, l’autre est soudé au poumon. Entre les deux feuillets de la plèvre se trouve le liquide pleural qui permet au poumon de glisser sur la paroi, lors de la respiration.
Le diaphragme est un muscle bombé vers le haut, qui sépare le thorax de l’abdomen. Il est mis en mouvement par deux nerfs phréniques. A chaque inspiration il s’aplatit, tirant le poumon vers le bas et refoulant les intestins, ce qui fait gonfler l’abdomen.
La création des cavernes
Lorsqu’une personne a été contaminée par le bacille de Kock, deux évolutions sont possibles : ou bien les bacilles tuberculeux sont en très grand nombre et débordent les défenses de l’organisme. C’est alors une tuberculose généralisée et le malade meurt rapidement. Ce type de tuberculose est rare.
Ou bien, autre possibilité, les globules blancs (leucocytes) forment autour du foyer tuberculeux une barrière que les bacilles de Kock ne peuvent franchir. Il se constitue alors un "tubercule" de taille variable au centre duquel se trouvent les bacilles, emprisonnés, mais vivants. C’est alors une lutte permanente entre l’organisme et les bacilles de Kock bien vivants à l’intérieur d’une prison dont la solidité des murs dépend du bon état général de l’individu et surtout de sa résistance personnelle à la tuberculose.
Le personnel des Fougerays s’est souvenu longtemps du cas d’Emile LETORT, ce Castelbriantais qui est rentré de déportation avec une tuberculose au dernier degré, touchant les deux poumons. Il était en si mauvais état que nul ne lui donnait plus de huit jours à vivre. "Je n’ai pas l’habitude de ressusciter les morts" lui a même dit le Dr BERNOU. Eh bien, en six mois, sans d’autres soins que le repos et une bonne alimentation, Emile Letort était tiré de son mauvais pas. Preuve qu’il avait une bonne résistance personnelle à la maladie.
Dans les années 1940-1950 et c’est sans doute vrai encore maintenant, tout le monde était plus ou moins contaminé par le bacille de Kock. Il suffit alors d’un terrain favorable et d’un affaiblissement de l’organisme (fatigue, soucis, surmenage, mauvaise alimentation) pour que les bacilles se développent à l’intérieur du tubercule dont la substance s’amollit jusqu’à prendre la consistance d’un fromage trop fait (on dit alors que le tubercule s’est caséifié). La paroi du tubercule cède bientôt et un liquide épais s’écoule. Ce pus tuberculeux est évacué par la bronche dont il dépend, dite "bronche de drainage". De là, le caséum (pus tuberculeux) peut, soit être évacué par les crachats, soit pénétrer dans d’autres bronches pour contaminer un nouvel endroit du poumon. Parfois un vaisseau sanguin est atteint et le malade crache le sang. Petit à petit, le tissu pulmonaire disparaît, "mangé" par les cavernes qui succèdent aux tubercules, et les substances cireuses du bacille de Kock se répandent dans le sang, intoxiquant le malade.
Cicatriser les cavernes
A chaque mouvement respiratoire, les parois des cavernes sont étirées. La cicatrisation est difficile dans ces conditions. Il faut donc mettre le poumon au repos. C’est ce qu’on appelle la "collapsothérapie" (collapsus veut dire affaissement).
Le premier qui a évoqué cette technique est le français Edmond-Claude BOURRU en 1770, mais le premier théoricien de cette technique est Carlo FORLANINI en 1882 (l’année même où KOCK isole le bacille de la tuberculose). Son travail est accueilli par l’ironie, mais il persévère et publie ses premiers résultats de guérison en 1894 et surtout en 1912, au VIIe Congrès International de la Tuberculose à Rome. Il a la chance, dira le professeur Etienne BERNARD "d’avoir pu donner l’envol de son initiative à l’heure même où Röntgen découvrait les rayons qui permirent de voir sous l’écran le poumon collabé par le pneumothorax". C’est en effet en 1895 que Röntgen découvrit les Rayons X qui permirent l’apparition des radios.
Pneumothorax
La "collapsothérapie" avait pour but de permettre au poumon de se rétracter, ce qu’il peut faire de lui-même en raison de son élasticité : les parois des cavernes peuvent alors s’accoler et se cicatriser plus facilement ... pour peu que l’organisme du malade se défende de son côté.
Deux méthodes principales ont été pratiquées : le pneumothorax et l’oléothorax. Quand la caverne se trouvait à la base du poumon, ce qui était plus rare, on pratiquait un "pneumopéritoine" en insufflant de l’air sous le diaphragme après avoir paralysé (ou non) le nerf phrénique. Le diaphragme se soulevait alors, du fait du pouvoir de rétraction du poumon, ce qui permettait la fermeture de la caverne. Enfin, quand ces méthodes n’étaient pas efficaces ou étaient impossibles, on pratiquait une "thoracoplastie" voire un "spéléotomie".
Le pneumothorax
Pour provoquer l’affaissement du poumon et obliger les cavernes à se fermer, on pratiquait des pneumothorax, c’est-à-dire qu’on insufflait de l’air entre les deux feuillets de la lèvre. "C’était une opération très délicate, explique le Dr Tricoire. Nous utilisions un trocart spécial (une aiguille avec une pointe mousse) que l’on piquait entre les côtes. On sentait d’abord la résistance des muscles, puis celle de la plèvre, analogue à la résistance d’un plastique mince. Il fallait percer le premier feuillet de la plèvre, sans toucher l’autre ... qui lui est pourtant pratiquement collé, et en sachant que chaque feuillet de la plèvre n’est guère plus épais que du papier de cigarette". On insufflait alors la quantité d’air suffisante pour que le poumon se rétracte et on contrôlait le pneumothorax à la radio. Il y avait là tout un calcul de "pression" de l’air à faire, ce à quoi était apte le Dr Bernou qui, lui, était un scientifique, à la différence de la quasi-totalité des médecins de l’époque qui avaient fait un baccalauréat "philo".
Au bout de 8 à 15 jours, il fallait réinsuffler de nouveau, et cela durait pendant 4 ans en moyenne.
Cette technique a été utilisée jusque vers 1950-1955, c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée des antibiotiques, et lorsque ces derniers ne suffisaient pas à eux seuls.
Une des complications du pneumothorax venait des "adhérences" : le feuillet interne de la plèvre restait fixé par endroits avec le feuillet externe. Cela se voyait très bien à la radio. Il fallait alors "couper les brides" par "galvanocautérisation" à l’aide d’un appareil, introduit dans la plèvre et "chauffé au rouge sombre". C’était nécessaire pour éviter toute hémorragie. Cependant, il arrivait que les "brides" soient impossibles à couper. Il fallait alors utiliser une autre méthode que le pneumothorax.
L’Oléothorax
C’est une méthode, inventée par le Dr Bernou, et destinée à remplacer les pneumothorax dans certains cas.
La première communication du Dr Bernou sur l’oléothorax a été faite à l’Académie de Médecine de Paris le 25 avril 1922. Il s’agissait de "lutter contre les insuffisances ou les complications du pneumothorax artificiel. Il était légitime, à cette époque, de tenter l’impossible pour soulager, parfois guérir nos malades lorsque le pneumothorax avait montré son insuffisance" écrit le Dr Bernou dans la "Gazette médicale de France" du 15 décembre 1936.
Il a eu l’idée, alors, d’injecter entre les deux feuillets de la plèvre de l’huile d’olive goménolée (ne pas oublier que le Dr Bernou était aussi pharmacien et connaissait les propriétés de nombreux produits). Ce fut pendant quelques années le traitement de choix des pleurésies purulentes, mais, rapidement, surtout avec les progrès de la chirurgie thoracique, et les perfectionnements apportés aux méthodes de lavage de plèvres, il reconnut les limites de cette technique, ne l’utilisant que pour les malades supportant mal les insufflations d’air et les lavages de plèvre. La plupart du temps, l’oléothorax avait un rôle de désinfection.
D’autres médecins, à la suite des indications de Bernou, ont utilisé de l’huile de paraffine à la place d’huile goménolée. Mais elle a le gros inconvénient d’épaissir la plèvre et de limiter la réexpansion ultérieure des poumons.
Par la suite, d’autres essais ont été tentés : le plombage par exemple, qui consistait à introduire entre la plèvre et les muscles intercostaux, des boules de "lucite" (matière synthétique). L’apicolyse (décollement des deux plèvres avec la main) a été essayée aussi. Mais ces deux méthodes, sans grand succès et surtout trop riches en complications, n’ont pas été pratiquées aux Fougerays.
Photo : L’écarteur automatique du Docteur Fruchaud (pour écarter l’omoplate du malade), outil fabriqué par Arsène LOUIS Serrurier et feronnier d’art à Châteaubriant. (document extrait du livre du Docteur Bernou sur les pleurésies purulentes tuberculeuses)
La thoracoplastie
La thoracoplastie était une opération chirurgicale pratiquée lorsque le pneumothorax échouait ou était impossible. Elle requérait, pour bien faire, un chirurgien et un médecin (c’était le cas aux Fougerays et à l’hôpital de Châteaubriant, mais pas toujours ailleurs, loin de là !).
Avant la guerre, le chirurgien était M. Henri FRUCHAUD d’Angers, ancien médecin militaire. Châteaubriant à l’époque n’avait pas de chirurgien : M. Fruchaud venait d’Angers à chaque fois qu’il y avait une opération à faire. (M. Fruchaud disparut un jour de France pendant la dernière guerre. Ce n’est que par la suite qu’on apprit qu’il était allé rejoindre le Général De Gaulle. M. Fruchaud a poursuivi sa carrière après la guerre dans les pays du Moyen Orient où il a fini comme Médecin Directeur à Alep en Syrie. Mais il a dû quitter le Moyen Orient, a trouvé un poste à Poitiers où il est décédé deux ans plus tard).
Le Dr Fruchaud a été remplacé par le Dr GOYER d’Angers et, en plus, par Mlle Lucienne MARECAUX, la seule femme en France titulaire d’un diplôme de chirurgie thoracique, venue s’installer à Châteaubriant pour travailler avec le Dr Bernou dont elle avait entendu parler.
Au cours de l’opération, le médecin phtisiologue, le Dr Bernou, entouré d’au moins un assistant (dont le Dr Jean TRICOIRE, de Châteaubriant), indiquait au chirurgien ce qu’il devait faire.
La technique de l’opération est assez simple à expliquer : on coupe des portions de côtes, après les avoir grattées de façon à conserver le "périoste" qui permet à l’os de se reformer tout seul par la suite. Privée d’une partie de son "armature" (les côtes), la paroi thoracique s’effondre sur le poumon qui se rétracte de lui-même.
Image : pleuro-thorasectomie dans la région axillaire. (document extrait du livre "Les pleurésies purulentes tuberculeuses" de MM. Bernou, Fruchaud et d’Hour - 1939 Ed. Doin page 195)
Dans la pratique, la thoracoplastie n’était pas facile à faire : il fallait déplacer l’omoplate de bas en haut, grâce à un écarteur automatique, conçu par M. Fruchaud et fabriqué à Châteaubriant par M. Arsène LOUIS, serrurier et ferronnier d’art.
Il fallait ensuite écarter les muscles en en coupant le moins possible, atteindre ainsi les côtes, gratter les côtes avec une "rugine" spéciale dont une extrémité était coudée à angle droit sur 3 ou 4 mm : une "rugine" assez longue pour racler le bord des côtes et les libérer, mais pas assez longue pour blesser la plèvre. Une seconde rugine permettait de libérer la face profonde de la plèvre. Tout dépendait de l’adresse du chirurgien (Mlle Marécaux était très experte).
Un des problèmes essentiels des thoracoplasties : les risques d’infection. Le médecin et le chirurgien prenaient des précautions considérables pour éviter tout danger.
De l’alcool dans le nerf phrénique
A signaler que le Dr Bernou a été le premier au monde à faire pratiquer des thoracoplasties partielles et sans couper le nerf phrénique. Cette méthode s’imposera partout ensuite. De même, plus tard, le Dr Bernou mettra au point des techniques d’alcoolisation du nerf phrénique, c’est-à-dire du nerf qui fait bouger le diaphragme : "le nerf phrénique est un nerf de 2 mm de diamètre. Pour guérir un poumon atteint de cavernes à la base, il fallait soit couper, soit bloquer le nerf phrénique. Pour le bloquer, on infiltrait de l’alcool dans le nerf, à la base du cou. Mais il fallait bien calculer le dosage, explique le Dr Tricoire, car trop d’alcool tuait le nerf, et si le dosage était trop faible, le nerf n’était pas bloqué assez longtemps".
La thoracoplastie, réputée mutilante, n’avait pas toujours la faveur des malades. Pourtant les résultats étaient satisfaisants. Mais c’était des opérations de longue durée, qui se faisaient en plusieurs fois, à trois semaines d’intervalle, dans les moments où les malades n’avaient pas de fièvre. Les premiers antibiotiques ont apporté une aide importante, surtout pour préparer l’intervention et en éviter l’échec.
Finalement, la thoracoplastie a été abandonnée après la découverte de nouveaux antibiotiques assez puissants pour guérir la tuberculose et faire se fermer les cavernes sans qu’il soit besoin ni de pneumothorax, ni de thoracoplastie. Progressivement, à partir de 1966, il ne s’est plus pratiquée que 3 ou 4 "thoraco" par an, au lieu d’une quinzaine par semaine comme précédemment (la moitié aux Fougerays, la moitié à l’hôpital de Châteaubriant).
Le chirurgien, Mlle MARECAUX, vit la fin totale des thoracoplasties. Le Dr Bernou, lui, venait de prendre sa retraite et n’a pas connu la disparition d’une technique opératoire qu’il avait tant fait pratiquer. Les derniers malades du Dr Bernou ont été guéris par les antibiotiques dont le Dr Tricoire avait ramené les premiers échantillons du Congrès de Vienne en 1965. Depuis, la tuberculose s’est raréfiée, mais existe toujours, guérissant moyennant un traitement par antibiotiques qui soit judicieusement conduit et sans aucune interruption sur une période prolongée (9 à 12 mois). Les tuberculoses les plus difficiles à guérir actuellement étant celles des alcooliques.
Pleurésies purulentes tuberculeuses
La pleurésie est une maladie due à la présence de pus entre les deux feuillets de la plèvre. On parle alors de "pleurésie purulente" ou de "pyothorax". Les unes n’étaient pas tuberculeuses, on les guérissait alors avec des aspirations du pus et des lavages de plèvres. Cela demandait peu de temps. Les premiers lavages de plèvres datent ... d’Hippocrate, cinq siècles avant J.C., qui utilisait du vin ou de l’huile tiédie.
Le cas le plus grave était celui des pyothorax tuberculeux qui, non traités, étaient mortels à 100 %. Dans ce cas, il fallait placer un drain, de façon permanente entre deux côtes, pour aspirer le pus. A la clinique des Fougerays, le Dr Bernou, spécialisé dans le traitement des pleurésies purulentes tuberculeuses, utilisait deux types d’aspiration.
Des malades branchés sur une pompe à vélo
S’il n’y avait pas perforation du poumon, le malade était muni d’un dispositif "simplifié" avec un drain dans la plèvre, un bocal récepteur de liquide, un manomètre à mercure et ... une pompe à bicyclette dont le personnel des Fougerays inversait la valve. Le menuisier, Jean BIGOT, de Châteaubriant, avait même fabriqué une boite pour transporter le tout, et permettre à ces malades de se déplacer.
Dans les cas les plus graves (perforation du poumon) il fallait une aspiration plus importante et le malade était "branché" sur une "trompe à eau" reliée au lavabo (plus tard ce sera un aspirateur électrique). Ces appareils d’aspiration étaient entretenus par des ouvriers qualifiés de Châteaubriant. Par exemple, un employé de chez LENEVEU travaillait en permanence aux Fougerays.
Enfin, dans les cas très graves, (perforation permanente du poumon), l’aspiration devait être combinée avec une thoracoplastie.
Le malade était guéri quand les deux feuillets de la plèvre se recollaient complètement.
Et quand ça ne se recollait pas ? Le Dr Bernou faisait une "pleurectomie" pour vider la poche où il restait du pus (dans la plèvre).
La pleurectomie
Il fallait couper les côtes correspondant à la hauteur de la poche et ouvrir les chairs comme on ouvre un coffre-fort. Cela faisait parfois des ouvertures de 20 ou 30 centimètres. Ensuite, on bourrait la poche avec des compresses stériles et on faisait un pansement externe mais ... on ne recousait surtout pas ! Car il fallait régulièrement nettoyer l’intérieur de la plaie et cautériser tous les petits trous des bronchioles avec des crayons de nitrate d’argent dont on enfonçait la pointe dans les trous ... à condition de trouver tous les trous !
Pour mieux voir les "trous" dans le poumon, le Dr Bernou mettait du savon liquide sur la paroi de la poche pleurale et faisait "pousser" le malade. Ça faisait des bulles à l’endroit qu’il fallait encore cautériser au nitrate d’argent pour éviter que l’infection n’y trouve refuge. La pleurectomie pouvait ainsi durer plusieurs années.
La spéléotomie : à la découverte des cavernes
En dernier recours, quand le pneumothorax, l’oléothorax et la thoracoplastie se révélaient incapables de cicatriser les cavernes du poumon, le Dr Bernou pratiquait une méthode nouvelle qu’il avait appelée la "spéléotomie" : il partait à la recherche des cavernes et les cicatrisait, une à une, toujours avec du nitrate d’argent.
"D’abord, il fallait trouver la caverne, à la radio et par des savants calculs de localisation, de profondeur, etc. on arrivait toujours à tomber juste, dit le Dr Tricoire, puis on ouvrait cette caverne aplatie, au thermocautère, en brûlant pour se frayer une ouverture. Puis, il fallait détruire les bacilles de Kock qui s’y étaient réfugiés. Cela pouvait durer longtemps, de un à trois ans, avec des soins continus, jusqu’à ce que les B.K. aient disparu. Et ils avaient la vie dure ! C’est sur les bronches de drainage de la caverne qu’ils tenaient le plus longtemps : on cautérisait tous les 8 jours au nitrate d’argent".
Une bricolothérapie salvatrice
Toutes les méthodes utilisées aux Fougerays, comme ailleurs, n’avaient qu’un seul but : soulager et guérir le malade. La thoracoplastie, "chirurgie de terreur" comme on disait au début, donnait d’excellents résultats, même sur des cas très graves. Le Dr Bernou cite un résultat sur 91 malades dont la moitié avaient une pleurésie tuberculeuse depuis plus de 2 ans : 43 % étaient guéris, 28.5 % en bonne voie et il n’y avait ... que 28.5 % de décès, "chiffre relativement peu important si l’on tient compte de la gravité du plus grand nombre des cas que nous avons entrepris et en particulier de l’ancienneté de ces pyothorax" dit Bernou. Il faut se rappeler en effet que, non traitée, une pleurésie tuberculeuse était mortelle à 100 %.
Beaucoup de médecins, de France et de l’Europe entière, venaient voir le Dr Bernou et apprendre ses techniques "mais c’étaient des techniques difficilement exportables. Il fallait le "coup de main" et surtout la passion du médecin, une grande assiduité auprès des malades qu’il fallait suivre de très près pendant des années ; il fallait une constante disponibilité des médecins et beaucoup s’y refusaient" dit le Dr Tricoire.
Heureusement que vinrent les antibiotiques qui mirent fin à ce qu’un médecin qualifiait un jour, avec quelques mépris, de "bricolothérapie". Bricolothérapie, peut-être, mais qui a sauvé la vie à de nombreux malades réputés incurables par les confrères du Dr Bernou. On dit que celui-ci réussissait à sauver 80 % des incurables des autres. Beau succès, non ?
Tant et si bien qu’on accourait aux Fougerays, de France, de l’étranger, et jusque d’Afrique du Nord. Nombre de personnages célèbres ont été traités aux Fougerays (souvent le premier étage leur était réservé), et même des chirurgiens parisiens ... alors que les spécialistes nantais d’alors feignaient d’ignorer l’existence même du Dr Bernou.
Le "malheur" du Dr Bernou est d’avoir mis au point des techniques chirurgicales que l’Histoire oubliera parce qu’elles sont devenues caduques depuis la découverte d’antibiotiques assez forts. Le nom du Dr Bernou ne restera pas dans l’histoire, mais il est gravé dans la chair des malades à qui il a sauvé la vie. N’est ce pas l’essentiel de la vocation d’un médecin ?
A propos de la thoracoplastie, le livre de P. Guillaume "les tuberculeux aux 19e et 20e siècles" raconte : "Il y a une certaine déformation du thorax. Même lorsqu’elle est importante et très marquée, il est rare qu’elle se remarque sur l’individu vêtu. Le thorax est privé d’une partie, parfois considérable, de sa charpente osseuse et on pourrait craindre qu’il demeure mou et peu résistants aux chocs extérieurs. Il n’en est rien cependant : le périoste des côtes qui n’ont pas été enlevées amène assez vite une réossification partielle".
BERNOU lui-même reconnaît : "les larges pleuro-thoracectomies, que nous ne pratiquons plus maintenant, peuvent laisser sur la paroi thoracique des traces énormes : dépressions, enfoncements considérables, larges cicatrices cutanées étoilées, sous lesquelles la main trouve directement le poumon rétracté mais encore mobile, quelques fois des plaies suppurantes et persistantes".
Quoi qu’il en soit, même très mutilante, la thoracoplastie a représenté la dernière chance de survie des tuberculeux, victimes de ce mal cruel face auquel les médecins ont été impuissants pendant près de 20 siècles.
André BERNOU, Homme politique Buste du Dr Bernou, par Jean Fréour
CONSEILLER MUNICIPAL, le Dr Bernou sera élu pour la première fois en 1929, puis "démissionné" en 1942 sous l’Occupation allemande par le Préfet de l’époque.
Après la Libération de la Ville de Châteaubriant, (le 6 août 1944) il est nommé Conseiller Municipal provisoire par arrêté préfectoral du 11 août 1944 au sein de la Commission qui comprend MM. Paul HUARD, Jean LE GOUHIR, Charles BESNARD (père), Jean LAHUPPE et Charles GOUPIL. En fait, il ne s’agit pas vraiment d’un Conseil Municipal, mais plutôt d’une Commission Municipale, nommée par M. JACQUIER (de son vrai nom Michel ... DEBRE), pour administrer la ville au lendemain de la Libération.
Le Dr Bernou fait ensuite partie du Conseil Municipal de 23 membres, nommé le 5 décembre 1944 (il n’y eut pas d’élections à cette époque puisque les prisonniers de guerre n’étaient pas rentrés).
Aux élections du 29 avril 1945, c’est le Dr Bernou qui eut le plus de voix : 3065 suffrages. Il restera conseiller jusqu’en 1947.
CONSEILLER GENERAL. C’est en octobre 1937 qu’André BERNOU, radical comme Ernest BREANT, sera élu pour la première fois. Relevé de ses fonctions sous l’Occupation, il ne se représentera jamais, trop absorbé par ses recherches scientifiques.
Tout ce que proposait BERNOU, Conseiller Général, en matière d’action sanitaire et sociale, était refusé par la majorité des paysans, comtes et marquis ...
Jean TRICOIRE, Lucienne MARECAUX et les autres
DOCTEUR Jean TRICOIRE (qui habitait Châteaubriant) a été assistant du Dr Bernou depuis 1947-48, puis a été responsable du service de Tuberculose à l’hôpital de Châteaubriant à partir de 1956. Le Dr Tricoire est lauréat de l’Académie Nationale de Médecine, membre de la Société Française de Tuberculose et des maladies respiratoires, membre de l’Association Française d’Asthmologie et membre associé de la société Française d’Allergie. Il a par ailleurs beaucoup œuvré pour le Cercle Celtique de Châteaubriant, notamment en collectant des danses du Pays de La Mée
DOCTEUR Lucienne MARECAUX a été le chirurgien des Fougerays à partir de 1936-37, jusqu’à la fin des thoracoplasties. Elle était la seule femme en France titulaire d’un diplôme de chirurgie thoracique. voir plus loin .
Il faut rappeler enfin la mémoire des chirurgiens FRUCHAUD et GOYER, du Dr VIVANT qui fut le premier assistant de BERNOU et qui s’est occupé du dispensaire de Châteaubriant, de Mlle CANONNE qui fut médecin directeur des Fougerays du temps de BERNOU. Sans oublier le personnel médical et hospitalier dont le dévouement, la gentillesse et la compétence concouraient à l’amélioration de la vie des malades.
C’était hier
Il existe maintenant des médicaments vraiment efficaces contre la tuberculose. Cela explique pourquoi on trouve moins, dans les livres scolaires, les explications de cette maladie et les moyens de la combattre. On y parle davantage du cancer et du SIDA. Voyons tout de même ce que disaient les livres destinés aux enfants :
Le bacille de Kock
Le bacille de Kock est un bâtonnet de 1 à 4 microns de longueur sur 0.3 microns de diamètre. Il est enveloppé d’une coque cireuse protectrice qui le met à l’abri de beaucoup d’agents de destruction. Il est très résistant au froid pouvant supporter moins 180° pendant 8 jours. La température de 70° le tue en une demi-heure ; celle de 80° en 5 minutes. La température favorable à sa culture est 37°-38°.
Il subsiste dans l’eau très longtemps : jusqu’à 70 jours dans l’eau stérile et 150 jours dans l’eau de rivière. La dessiccation le laisse vivant pendant plusieurs mois.
La lumière solaire, très destructrice pour ce microbe, le tue en deux heures ; les rayons ultraviolets en 10 minutes. Dans la poussière des rues, souillées par les crachats des tuberculeux, le microbe, après dessiccation, subsiste encore une dizaine de jours.
La contagion
Le tuberculeux n’est contagieux qu’à partir d’un certain stade appelé "tuberculose ouverte". La transmission des B.K. peut alors se faire de 2 façons :
- la transmission directe se fait essentiellement par les gouttelettes de salive, parfois microscopiques, que projette le malade autour de lui en parlant, en éternuant ou en toussant. De là vient la règle de politesse inculquée aux enfants "on met sa main devant sa bouche !"
- la transmission indirecte s’opère, par exemple, par les crachats desséchés mêlés à la poussière des rues et des logements
On peut aussi incriminer les mouches et le lait de vaches tuberculeuses.
Un crachoir de poche
Pour éviter la propagation de la maladie, il faut obtenir que le tuberculeux ne crache pas au hasard. Il est interdit de le faire dans tous les lieux publics (...). L’idéal serait que tout tuberculeux eut la sagesse de porter sur lui un "crachoir de poche" : il en existe de bien des modèles, faciles à laver et à stériliser.
Une autre mesure nécessaire serait la suppression du balayage à sec des locaux et du brossage à sec des vêtements.
Tels sont les conseils pratiques que l’on donnait encore il y a quarante ans. Extraits du livre "Sciences Naturelles, classe de Troisième" - par Georges BRESSE et Christian SCHLEGEL - Editions JB Baillière - 1956 -
Il est interdit de cracher par terre et de parler breton
Qui n’a pas entendu parler de cette interdiction ?
On comprend mieux ce qu’elle a d’ignoble, lorsqu’on se souvient que "cracher par terre" c’était prendre le risque de contaminer de nombreuses personnes et de les conduire à la mort par tuberculose.
Le parler breton était-il donc comparable à ce fléau ?
Lucienne Marécaux
Lucienne MARECAUX (les plus anciens disaient Maresco ou Marescu) était un personnage à Châteaubriant.
Les jeunes, c’est-à-dire dans ce cas la génération des moins de 40 ans, ont pu croiser une sorte d’Yvan Rebroff en jupons, avec manteau et toque de fourrure. Les plus anciens se souviendront certainement de la Traction grise qui faisait la navette entre le quartier de la Torche (où elle résidait) et la Clinique des Fougerays, à une vitesse sur laquelle les services de police ont toujours fermé les yeux. Plus tard ce furent des Citroën plus modestes du genre 3 CV, mais toujours des traction avant.
Lucienne MARECAUX, qui est morte le 19 juillet 1990, juste après avoir fêté ses 80 ans, était surtout l’exécuteur des hautes oeuvres du Docteur Bernou, entendez par là celle qui tranchait dans les chairs quand André Bernou avait tranché sur le cas pathologique.
C’est précisément pour aider le Docteur Bernou, dont elle avait entendu parler, que Lucienne Marécaux, originaire de Douai, est venue à Châteaubriant. Seule femme en France à être titulaire d’un diplôme de chirurgie thoracique, elle réalisait les thoracoplasties sur les indications du docteur Bernou : il fallait gratter les côtes, de façon à conserver le périoste qui permet à l’os de se reformer tout seul par la suite, puis couper des portions de côtes. Alors, privée de son armature (les côtes), la paroi thoracique du malade s’effondrait sur le poumon, ce qui permettait la guérison des cavernes.
Photo : Lucienne MARECAUX vers 1957
Couper les côtes : facile à dire. Pas si facile à faire. Il fallait déplacer l’omoplate du malade, de bas en haut, grâce à un écarteur à crémaillère que fabriquait Arsène LOUIS, ferronnier d’art et serrurier à Châteaubriant. Puis il fallait écarter les muscles en en coupant le moins possible, atteindre ainsi les côtes, les gratter avec une "rugine" sans blesser la plèvre et enfin libérer la face profonde de la plèvre. Longue opération, fatigante et mutilante pour le malade, et qui exigeait de Mlle MARECAUX une force physique et une dépense nerveuse considérable.
Les thoracoplasties ont été progressivement abandonnées à partir de 1965, quand les antibiotiques ont fait leur apparition à Châteaubriant). Le docteur Tricoire en avait ramené les premiers échantillons d’un congrès tenu à Vienne. Pour Mlle MARECAUX ce fut la fin de ce à quoi elle avait consacré sa vie.