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Les souvenirs d’André Dufland


 Les souvenirs d’André Dufland

André Dufland, né en 1926, a gardé des souvenirs précis de certains événements des années de guerre. Il se souvient de l’arrivée des Allemands : « Nous habitions au 17 rue de Nantes. Mes parents avaient signalé qu’ils avaient une chambre libre : celle-ci a servi à héberger un officier polonais. Lorsque celui-ci est parti, avant l’arrivée des Allemands, sans doute restait-il une fiche à la mairie car, dès le lendemain de leur arrivée, trois Allemands se sont présentés pour l’occuper. Ils y couchaient à trois : deux dans le grand lit et un dans le lit à une place. Ils allaient chercher leur soupe, le soir, à la cantine de St Joseph. Ils disaient qu’elle n’était pas bonne et ils la donnaient à notre chienne … qui ne la mangeait pas ! Des fois ils venaient dans notre cuisine et utilisaient la radio pour trouver des informations de leur pays. Un jour ils sont tombés sur Radio-Londres et les messages destinés aux Résistants. Nous avons eu très peur ».

Un autre jour un officier allemand se présente chez Mme Dufland : il venait chercher le matelas du grand lit. Ses hommes étaient arrivés le jour même et étaient parqués « chez Ermine » dans la cour située Rue de la Barre, face à la rue Baptiste Marcet. « Ma mère a refusé mais elle n’a pas eu gain de cause » . « Mes hommes sont fatigués, ils ont besoin de bien dormir » lui a dit l’officier en promettant de ramener le matelas le lendemain matin. Ce qui fut fait. Mais ailleurs, là où les gens n’avaient pas réclamé, le matelas n’a pas été rendu.

André Dufland évoque l’expédition des jeunes au château, en février 1942. « Il y avait Robert Guertault, Taillandier, Chaplais (fils du charcutier) et François Bouchet (fils de l’agent de ville) et moi. Guertault et Taillandier, de vrais acrobates, sont montés par l’escalier d’honneur, jusqu’aux combles. Là ils avaient repéré un trou qui leur a permis de traverser toute la Salle des Gardes, par la charpente. Ils ont pu passer ainsi jusqu’à la Tour Nord. Je leur avais prêté une corde de ramonage. Alors, avec un crochet, ils ont pu attraper 20 à 25 fusils et revolvers qu’ils ont jetés dehors. Nous, sur la pelouse au pied du château, côté Torche, nous les avons récupérés. Quand ils nous ont eu rejoints, nous sommes allés cacher les armes dans le réduit situé sous le kiosque à musique. Taillandier en a caché à la Fonderie Leroy, dans le sable de fonderie. Guertault en a mis un dans le lavoir situé derrière chez Mme Chailleux (bureau de tabacs de la Place des Terrasses). On l’a retrouvé après la Libération ».

Robert Guertault a aussi gardé un revolver sur lui. Un soir de colère, il l’a montré à un camarade, qui en a parlé à son père, qui en a parlé à des copains, qui … qui … et c’est revenu aux oreilles de la gendarmerie allemande. « Nous étions jeunes, un peu insconscients, nous ne nous doutions pas des représailles possibles ».

 Garde à vous !

« Parmi mes copains, il y avait Jean Gledel, le fils du patron
du café Gledel, à côté de la mairie. Un jour il nous invite : ‘
venez ce soir à la relève de la garde’. Un soldat descen-
dait le drapeau allemand flottant sur la mairie. Tout à coup,
face à lui, une fenêtre s’ouvre à l’étage du café. Apparaît
alors un officier allemand de la Grande Guerre, avec va-
reuse à boutons et casque à pointe. Le soldat allemand est
resté au garde-à-vous, il ne savait plus où il en était !
Jean Gledel a alors refermé la fenêtre. Nous étions un peu
délurés en ce temps-là ... ce qui scandalisait fort l’épouse de l’agent de ville. Pauvre femme, elle ne savait pas que son François était des nôtres ! ».

Lorsqu’il a eu 15 ans, André Dufland a travaillé avec son père, couvreur. « Nous allions entretenir les toits du château et nous laissions les outils dans un petit local auprès de la Salle des Gardes. Un jour, en les reprenant, nous avons fauché un rouleau de papier goudronné. Le garde qui était là nous a même donné un coup de main ! ». C’était du temps où les officiers français étaient prisonniers au château. « Ils nous confiaient des lettres pour les poster ».

Souvenirs plus tristes : André Dufland se trouvait au château lorsque les corps des 27 Otages ont été apportés. « Nous étions devant le logis de la concierge. Le conducteur de la Traction Avant nous a fait signe de déguerpir. Nous sommes allés du côté du château médiéval. Lorsque nous avons pu partir, nous avons vu les traînées de sang sur le chemin. C’est alors que nous avons croisé Paul Sinenberg qui, lui, se trouvait à la ferme « Sainte Amélie », derrière la carrière de sable ».

Paul Sinenberg raconte en effet : « Ce mercredi 22 octobre il n’y avait pas classe car les instituteurs étaient en réunion pédagogique. Je me trouvais à la ferme chez mon ami Claude Chopin quand nous avons vu arriver les Allemands. Apeurés, nous nous sommes cachés tout au fond d’un pailler, dans le trou qui servait de niche au chien. Quand le soldat allemand a fait le tour de la ferme, le chien a aboyé, il nous a sauvé la vie : le soldat n’a pas imaginé que nous étions là ». Paul Sinenberg se souvient d’avoir entendu les Otages chanter La Marseillaise et « la lutte finale », il a entendu les salves et le coup de grâce. Il en pleure encore.

Après l’exécution des Otages, l’atmosphère s’est durcie à Châteaubriant. « Dans les commerces où, auparavant, les Allemands étaient accueillis comme des clients presque ordinaires, tout-à-coup l’hostilité est devenue manifeste ».

« Le jour de la Toussaint 1941, beaucoup de Castelbriantais sont allés spontanément rendre hommage aux fusillés dans la Carrière. J’y suis allé avec ma mère. Quand nous sommes ressortis, nous avons croisé des camions allemands et avons été priés de déguerpir ! »

« La Résistance ? Oui, j’en avais entendu parler. Le père Letertre avait même sollicité mon père. Au point que, longtemps après l’arrestation des Letertre, nous avions une valise prête à la maison au cas où mon père aurait été arrêté. Je me souviens aussi d’Emile Letort, couvreur, un riche en gueule. Je l’ai entendu crier, du haut d’un toit : ‘Tu viens, ce soir ?’ . Ce n’était pas prudent, car on avait entendu dire qu’il y avait des parachutages ».

Le marché noir ? Bien sûr qu’il y en avait. « Quand je suis devenu apprenti mécanicien chez le dentiste Bernou, j’allais avec lui tous les jeudis à Pouancé. Je trimballais trois valises : une pour l’outillage, une pour les empreintes, une pour les appareils à réparer et, au retour, on me chargeait d’une valise de charcuterie. Un jour les douaniers m’ont fait ouvrir les valises. Quand on a ouvert celle des empreintes, qui à l’époque n’étaient pas très propres, cela les a dégoutés. Ouf, je l’ai échappé belle ».

André Dufland se souvient aussi de l’arrestation de la famille Sinenberg. « Ils habitaient juste à côté de chez nous. Paul et André, bien que plus jeunes que moi, étaient mes amis. Cette arrestation nous a beaucoup touchés. Heureusement que le père Alfred avait épousé une catholique : cela leur a évité le camp d’extermination qui a emporté des membres de leur famille » .




Texte figurant dans la deuxieme edition du livre "Telles furent nos jeunes annees"

Plan du livre

Texte en pdf : http://www.journal-la-mee.fr/IMG/pd...