Jacques Michaux, maquisard
Jacques Michaux avait 16 ans lors de la déclaration de guerre, en 1939. Il se trouvait alors dans la région de Pontoise. Il se souvient de novembre 1939 : « les premiers avions ennemis étaient signalés et ce fut jour et nuit l’appel lugubre des sirènes. Comme mues par une mécanique, des grappes humaines sortaient en toute hâte des maisons et couraient à perdre haleine se réfugier dans les bois. Des parents n’avaient même pas pris le temps d’habiller leurs enfants et ils les entraînaient ainsi à travers l’herbe givrée. Des jeunes mamans avaient enveloppé leur bébé dans des couvertures. Des bambins s’agrippaient après la jupe de leur mère pour courir plus vite. Les vieillards haletant comme des caniches avançaient avec difficulté. On croyait les voir s’écrouler à chaque instant mais une force surnaturelle les tenait jusqu’à l’orée du bois où ils se laissaient choir sous les arbres. Chacun était attentif, l’oreille aux aguets, s’attendant à entendre la déflagration de l’engin mortel ». Au fil du temps, chacun s’est habitué. Nul ne prêtait plus attention aux sirènes .
10 mai 1940. Matin calme, « les oiseaux sifflaient gaiement. La fraîche rosée s’effaçait petit à petit sous les effets des premiers rayons du soleil. Les lilas embaumaient. On sentait la joie de vivre, de chanter, de respirer. L’alerte sonna comme d’habitude, lugubrement, personne ne bougea. Mais ce n’était plus une simple alerte, c’était un raid massif de l’aviation allemande sur les villes de France. Le soir même la radio annonçait : la grande attaque allemande est déclenchée et les armées ont envahi la Belgique ».
L’avance allemande fut rapide et meurtrière. « Des régiments entiers furent livrés à l’ennemi par les généraux et officiers de l’armée avec la complicité des ministres dont Paul Raynaud et Daladier. Tous les jours on voyait des cars et autobus, bondés de soldats, déferlant sur le Nord en direction du front. Il y avait environ un fusil pour trois soldats et la plupart n’avaient pas de munitions à mettre dedans. Les tanks étaient ravitaillés en essence, juste ce qu’il fallait pour aller jusqu’à la zone de combat. Arrivés là, panne sèche. Le tank était abandonné aux ennemis et l’équipage prisonnier. La Belgique rencontrait la même trahison, si bien que les Allemands n’eurent pas grand peine à pénétrer en France ».
Requis pour partir travailler en Allemagne, Jacques Michaux quitte la région parisienne pour Beuzeville (Haute-Normandie) et c’est là qu’il fait connaissance de « Germaine » qui deviendra son épouse. Germaine avait une sœur, Marie Louise, en Bretagne. « Nous descendons à la gare de Châteaubriant et nous parcourons à pieds les 17 km qui séparent Châteaubriant de Teillay. Marie Louise habite avec son mari et ses deux enfants, une petite maison en terre battue. Il n’y a qu’une seule pièce, un lit dans chaque coin, une armoire entre deux et une table au milieu. Le hameau s’appelle La Ploutière, il y a en tout une vingtaine d’habitants. Germaine trouve une place de bonne dans un hôtel-restaurant de Teillay et moi je vais faire le bûcheron en forêt. Il faut bûcher dur pour gagner quelques sous ». Le garde, le père Bosqueau, parcourt la forêt tous les samedis pour mesurer les cordes de bois et payer les ouvriers. « Il est très grand, maigre, avec des moustaches à la gauloise. Son bâton à la main on dirait un soldat de l’Empire »
Jacques Michaux fait alors la connaissance de quelques jeunes gars se camouflant en forêt pour échapper au STO (service du travail obligatoire en Allemagne). « J’avais appris qu’il allait se former un maquis et que, si je voulais y rentrer, il faudrait m’adresser au père Bosqueau ». Celui-ci l’envoie chez l’instituteur de Teillay.
Le 5 juin 1944, au lever du jour, Jacques Michaux prend le chemin du maquis en compagnie d’un jeune gars de Teillay, en n’emportant que quelques accessoires de toilette, un peu de linge de corps et une couverture. Au bout d’un certain temps deux hommes font irruption, armés de mitraillettes. Les deux jeunes gens sont conduits auprès de James Linard, chef du maquis. « Il me prend mon identité et tous les renseignements nécessaires pour avertir la famille en cas de décès. Il me pousse un petit spitche, me disant que je n’appartiens plus qu’à la France, qu’il ne faut pas trembler devant le danger et que si je ne suis pas sûr de moi, il est encore temps de renoncer. Mais le sang patriotique brûle dans mes veines et ma décision est prise ».
Jacques Michaux retrouve alors des jeunes qu’il avait connus en étant bûcheron : « Jeanneau un père de 2 enfants ; Bernard Gauthier qui devient mon meilleur camarade ; Roger Jeammet etc. Nous avons confectionné des cabanes avec des branchages et nous couchons sur une litière de fougères. Il y a quatre gars affectés à la cuisine, ils font la tambouille avec des instruments de fortune, des chaudrons placés sur des trépieds. Une unité allemande vient cantonner à 500 m de notre camp, nous devons être prudents pour ne pas attirer l’attention. Le 22 juin je suis de garde, l’aviation allemande vient nous mitrailler. Nous sommes repérés. Le commandant me confie une mission : porter un pli à l’instituteur. Je prends un vélo. En cours de route un sanglier qui traverse le sentier manque me culbuter. Je profite de mon passage à Teillay pour dire au revoir à Germaine ».
Cette nuit-là les quelques 80 maquisards montent dans trois camions pour Saffré. Deux heures après leur départ, les Allemands viennent en force pour attaquer le camp mais celui-ci est vide. Il était temps !
« Nous arrivons dans la cour d’une grande ferme [ndlr : la ferme des Brées à Saffré] encadrée de tous côtés par la forêt. Il y a déjà environ 300 hommes, bien organisés, et trois commandants : un nommé Yacco, un autre nommé Aubry et notre commandant James Linard . Il y a là des aviateurs anglais et américains dont l’avion a été abattu dans la région. Des hommes de toutes tendances politiques et religieuses se côtoient. Il y a des curés, des communistes. La vie est organisée comme au régiment. Lever 6 heures. A 7 heures après avoir avalé une tasse de jus, nous faisons l’instruction des armes jusqu’à midi et, à une heure, nous faisons les manœuvres, exercices, etc. Nous faisons la petite guerre dans la forêt. Il faut aussi assurer la garde du camp, une partie des hommes couchent dans une ferme située au nord du camp et l’autre partie située au sud. Je couche dans celle située au sud dans un vaste hangar, je partage ma couverture avec Bernard GAUTHIER. Nous sommes très bien nourris. Le pain est fait par des hommes de métier et cuit dans des fours qui existent toujours dans les fermes bretonnes. Les bêtes sont achetées dans les fermes environnantes, abattues et dépecées dans les étables du camp ».
« Un de nos camarades est affecté agent de liaison : Georges LAURENT, un jeune catholique de Rougé. Par son intermédiaire je peux correspondre avec Germaine. Nous avons une vingtaine de motos et de cars récupérés sur l’ennemi. L’inactivité pèse sur le moral des hommes qui ne demandent qu’à se battre. Les officiers le sentent bien, aussi le 27 juin dans l’après-midi le commandant nous rassemble pour nous annoncer que nous allons recevoir un parachutage dans la nuit et que nous irons attaquer les dépôts d’armes et de munitions et libérer le camp de concentration de Châteaubriant. La joie rayonne sur tous les visages : enfin nous allons prendre une part active à la libération de la France
Vers cinq heures de l’après-midi, les avions allemands survolent le camp à basse altitude. Mauvais présage. Un peu après 4 heures du matin le 28 juin, « les fusils mitrailleurs crachent de tous côtés, du Nord au Sud Ouest. D’un bond tout le monde est sur pied et s’élance vers les postes. Les miliciens et les Allemands nous attaquent avec l’artillerie, l’infanterie et les motorisés. Nous, nous n’avons pour armes : mitraillettes, grenades, fusils et fusils-mitrailleurs. Nous n’avons pas reçu notre parachutage aussi nous sommes vite débordés. Vers 10 heures nous devons battre en retraite, nous n’avons plus de munitions. Vers l’Ouest il ne paraît y avoir aucune activité mais quand nous atteignons la route de Saffré, les mitrailleuses allemandes se mettent en action. Quelques camarades réussissent à passer. Mais le groupe dans lequel je me trouve doit rebrousser chemin tellement le feu est intense. Nous courons dans la forêt cherchant à faire une percée mais nous sommes complètement encerclés. Nous nous réfugions dans un fourré d’ajoncs piquants. Les Allemands fouillent la forêt. Ils passent à proximité de notre refuge, nous retenons notre respiration. Des coups de feu claquent de temps en temps ».
« Vers 7 heures du soir nous essayons de sortir de la forêt. Nous sommes meurtris par les aiguilles des ajoncs. Arrivés à la lisière, on stoppe. Je pars en avant repérer les lieux. Il y a un poste de mitrailleuse allemande de chaque extrémité de la route. Je reviens vers mes compagnons et nous nous consultons : il faut coûte que coûte sortir de cette impasse. Nous nous laissons glisser dans le fossé et traversons la route d’un bond. Nous nous éloignons le plus possible en longeant les haies. Un paysan nous fait signe de ne pas aller aux abords de la route de Nantes. Quatorze camions d’Allemands arrivent en renfort pour fouiller la forêt. Nous en sommes sortis à temps ».
Le petit groupe traverse la route en amont et marche à travers champs. Ils ont faim et surtout soif. Ils s’arrêtent à un passage à niveau et frappent à la porte d’une maisonnette. Une vieille femme tout apeurée vient leur ouvrir. Elle leur tire un seau d’eau fraîche au puits : ils le vident entièrement.
« Nous reprenons la route. Il fait noir et nous ne savons où nous allons, aussi, pour plus de sécurité, nous décidons de passer la rivière qui nous barre le passage : le Canal de Nantes à Brest. Il ne faut pas songer passer sur les ponts, ils sont gardés. Nous nous jetons à l’eau et gagnons l’autre bord tant bien que mal, ceux qui savent nager aidant ceux qui ne savent pas. Nous passons dans un champ de blé pour y attendre le jour »
Mais au bout de 5 min, ils entendent le déclic d’un fusil que l’on arme et voient, à la lueur de la lune, un type qui les met en joue. « Je lui dis de ne pas tirer, que nous sommes Français. Il nous invite à approcher, nous déclarant qu’il est de la police secrète du maquis. Moi je n’ai guère confiance mais mes camarades veulent le suivre, il dit vouloir nous emmener à Nort sur Erdre mais je connais ce pays comme étant le nid de la milice. Mais puisque mes camarades le désirent … nous nous mettons en route. Nous parcourons quelques kilomètrès sans incident mais la méfiance gagne mes camarades. Trop tard. L’inconnu a sorti une lampe de poche allemande et fait des signaux. Au même instant, un ordre bref : "ne bougez plus" . Comme mus par un ressort, nous nous précipitons dans la forêt. Les balles nous sifflent aux oreilles. Je ne saurai dire combien de temps dura cette course éperdue ».
Les jeunes maquisards arrivent à la lisière de la forêt. Les champs s’étalent devant eux. « Chaque ombre dans la nuit nous semble suspecte. Nous sommes à bout de souffle. Des points de côté me tenaillent à me faire hurler. Un troupeau de vaches que nous prenons pour des ennemis, nous fait peur. Nous reprenons notre route de plus belle, nous tenant par la main pour ne laisser aucun d’entre eux derrière nous ».
Enfin, épuisés, les fuyards se laissent choir au pied d’une haie. Une corde de bois entreposée là, les cache de la vue découverte. Ils attendent que le jour se lève et longent les haies jusqu’à la première maison du village. C’est une petite ferme comme il en existe tant en Bretagne. « Nous frappons à la porte. Un homme à l’aspect sympathique vient nous ouvrir. D’un air effrayé, il nous informe que les Allemands viennent de perquisitionner dans les maisons, les granges, à la recherche des maquisards. Il accepte quand même de nous donner à manger. Aidé de sa femme, il nous fait une bonne soupe au lait et nous donne une tranche de pain et de lard. Le village où nous nous trouvons s’appelle Joué sur Erdre, à une vingtaine de km de Nantes. Nous décidons de nous séparer pour rejoindre chacun son chef de réseau. Deux camarades partiront pour Nantes, et les deux autres pour St Nazaire et moi je me dirigerai vers Teillay ».
Teillay ? Le paysan lui montre le clocher à 18-20 km, et Jacques Michaux s’y rend à travers champs, tenant à la main quelques pieds de betteraves pour se donner l’air d’un ouvrier agricole. Une brave femme lui offre du beurre et une boule de pain. Mais hélas, le paysan s’est mépris sur sa demande. Il lui a indiqué la direction de Teillé (Loire-Inférieure) et pas celle de Teillay (Ille et Vilaine). Un cantonnier lui dit « vous avez environ 100 km à faire ». Heureusement ce n’était que 52 km. « Je me serais découragé, si je n’avais été autrement plus éprouvé précédemment ».
J. Michaux se fait une raison et reprend la route. « J’ai une soif qui me dessèche la gorge. Le soleil est ardent, il est midi, aussi, en traversant la ville, je m’adresse à un foyer d’ouvriers pour avoir à boire. Pas d’argent en poche, l’estomac serré. Je ne peux manger bien que la brave femme me le propose. Je bois deux verres de vin si généreusement offerts et je laisse la boule de pain qui m’encombre »
A neuf heures du soir, à bout de fatigue, il s’arrête dans une ferme pour demander asile pour la nuit. Le paysan l’interroge pour savoir à qui il a affaire. « Je lui parle de l’attaque du Maquis et de ce qui a suivi. Justement il avait tué un cochon le jour même, aussi il m’invite à sa table. La marche m’a redonné de l’appétit, aussi je mange avec plaisir la soupe au lait, le boudin, le pâté, la saucisse qui composent le menu, ensuite il me montre le grenier à foin dans lequel je vais m’allonger. Je ne tarde pas à dormir d’un sommeil de plomb ».
Jacques Michaux repart dès le lendemain matin. St Mars la Jaille, Saint Sulpice des Landes, La Chapelle Glain. « Là je rencontre un groupe de nomades, les hommes marchant à pieds, les femmes et enfants dans les voitures. Je fais un bout de marche avec eux. Ils me donnent un billet de 50 francs. A un carrefour à St Julien de Vouvantes, ils partent sur Pouancé et moi sur Châteaubriant ». Fatigué mais impatient d’arriver, Jacques Michaux atteint enfin Teillay et s’introduit dans l’ancienne écurie de l’hôtel où travaille son épouse. Quand il l‘aperçoit, il l’interpelle, elle le regarde tout étonnée : la presse avait fait état de l’attaque du Maquis, un voyageur de commerce qui avait fait halte à l’auberge avait raconté qu’il n’y avait aucun survivant.
Jacques Michaux retrouve quelques rescapés du Maquis, du côté des Mines de Rougé et trouve à s’embaucher ici ou là dans des fermes, se tenant prêt à obéir au mot d’ordre qui pourrait être donné. Le 31 juillet 1944 il lui est demandé de se rendre à Châteaubriant. « Le 1er août au matin j’y retrouve divers Maquis. Nous sommes armés de grenades, mitraillettes, etc et la libération de la ville commence. La bagarre se limite à quelques escarmouches dans les coins de rues. Les Allemands concentrent le gros de leur troupe et artillerie aux environs de la gare à la sortie de la ville. Heureusement les premiers chars américains font leur apparition le 4 août et le duel s’engage. Quelques chars sont détruits mais l’artillerie allemande est mise en pièces et les hommes qui n’avaient pas eu le temps de fuir, faits prisonniers.
« Débarrassé partiellement des ennemis, il faut s’occuper des miliciens et des collaborateurs : nous arrêtons les collabos à domicile et nous les parquons dans la chapelle de l’école St Joseph, école qui nous sert de caserne (…). Appel est lancé à tous les officiers et sous officiers, hommes de troupes et volontaires, pour reformer l’armée ».
« De nombreux engagés se présentent mais c’est la grosse pagaille ! Les officiers, pour la plupart des anciens faux-braves de la défaite de 1940, veulent avoir la suprématie sur nos officiers de la résistance qui, eux, ont fait leurs preuves au combat. Mais la camaraderie entre les Maquisards et leurs chefs est formidable et il s’ensuit une série de vexations dont voici un exemple » :
« Les nouveaux engagés restent à la caserne où on leur donne des cours sur le maniement des armes, les anciens maquisards sont versés dans les corps francs et pourchassent les Allemands qui se regroupent dans les forêts. Nous étions partis la veille dans la forêt de La Guerche et nous rentrons le midi avec un certain nombre de prisonniers. Nous avons une faim de loup. Arrivés à la caserne, on nous dit qu’il n’y a pas grand chose à manger et qu’en plus il n’y a pas de pain. On nous distribue du pain allemand, boule de pain noir composé de seigle et d’orge. Mais voici qu’un camarade se rend dans la salle où sont retenus les Allemands prisonniers et constate avec amertume que les prisonniers ainsi que les collabos mangent du pain blanc, tandis que nous … Nous contenons notre colère jusqu’à 2 heures, heure à laquelle les officiers rassemblent les recrues, et là nous nous précipitons dans la cour en jetant nos boules à travers la figure des officiers ! ». A partir de ce jour-là les Maquisards seront nourris au restaurant. Pas longtemps puisqu’ils sont embarqués vers Blain, Fay de Bretagne, Plessé, St Gildas des Bois, Guenrouët et la poche de St Nazaire où se poursuivent les combats.
Forte tête ce Jacques Michaux ! Ne fumant pas, il faisait cadeau de sa ration de tabac aux blessés, le médecin étant chargé de la leur porter. « Mais j’appris par les copains que mes cigarettes ne leur parvenaient jamais. Je leur répondis qu’il n’y avait rien d’étonnant, que les officiers et le médecin ne devaient pas se priver et que c’était dégueulasse. La lettre tomba entre les mains de la censure qui la renvoya à l’Etat-Major. Je fus appelé par le capitaine qui m’annonça que le grade pour lequel j’étais proposé était cassé, permission supprimée ainsi que le tabac. A la suite de cet incident, je demandai audience au commandant de la place, à Plessé, je lui expliquai le bien-fondé de mon accusation, je lui dis que je me fichais pas mal des galons mais que j’entendais avoir ma permission et mon tabac. Le commandant reconnut ma bonne foi et me donna satisfaction »
10 novembre 1944 Jacques Michaux, ayant obtenu sa permission, va chercher son épouse à Teillay, prend le train à Rennes et remonte sur Paris, non sans de nombreuses péripéties. Puis il tente de repartir pour le front de St Nazaire. « Comme les communications ne sont pas rétablies, il faut que je me débrouille par mes propres moyens pour rejoindre mon régiment ». « En traversant la ville, je croise un groupe d’offciers. L’un d’eux m’interpelle : " Vous ne pouvez pas saluer devant des supérieurs ? A quelle unité appartenez-vous ? " - Je lui réponds : " Tu n’as qu’à venir sur le front, là-bas je te dirai mon unité ! ». Jacques Michaux n’aimait guère ceux qu’il appelait « les naphtalines » : « les officiers de parade, planqués, arrivistes et tripatouilleurs, guêtres blanches, gants blancs, culotte de peau à rayures ... ».
Jacques Michaux put rejoindre le front et poursuivre les combats : « Les pluies persistaient toujours, nous pataugions dans l’eau jour et nuit. Nous demandions à être relevés ... ». Par la suite, il fut incorporé dans l’armée régulière. Le journal, écrit en 1945, s’arrête là pour sa partie « guerre ».
Engagement d’honneur du FTPF Franc-Tireur Partisan Français
Je soussigné, déclare m’engager dans les rangs des FTPF pour servir avec honneur en tous lieux et jusqu’à la libération totale du territoire français.
Je jure de combattre avec fidélité et discipline dans les unités des F.T.P.F qui sont sur le sol de la Patrie l’avant-garde armée de la France combattante.
Je m’engage :
à servir la France en me consacrant de toutes mes forces à l’action contre les envahisseurs et les traitres à leur solde, afin que la France libérée de tout occupant, retrouve son indépendance et sa souveraineté au milieu des Nations libres.
à exécuter avec discipline et conscience tous les ordres et instructions qui me seront donnés par mes chefs, la discipline librement consentie, fermement appliquée, étant indispensable à l’accomplissement de notre mission et à la sécurité de nos forces.
à garder le secret le plus absolu envers quiconque sur tout ce qui concerne les unités F.T.P.F. et tout ce qui s’y rapporte, leur organisation, leur action, leurs chefs, ainsi que toutes les organisations patriotes quelles qu’elles soient.
à résister, au cas où je serais fait prisonnier par l’ennemi ou par la police dite française, à toutes les menaces comme aux pires tortures, à ne jamais donner aucune déclaration ou indication quelle qu’elle soit
à observer scrupuleusement toutes les règles de l’action illégale et clandestine auxquelles sont soumis tous ceux qui combattent contre l’envahisseur dans les conditions de l’occupation du territoire. Ces principales obligations et règles sont énumérées dans la note de service 210 A sur la sécurité dont je déclare avoir pris connaissance
à accomplir toutes les missions qui me seront confiées avec célérité, esprit d’initiative et abnégation, à reconnaître pour chef, au cas où mon unité se trouverait privée de son commandement au cours de l’action, soit son suppléant, soit le meilleur et le plus expérimenté des combattants afin de mener l’action jusqu’au bout.
à conserver toujours une conduite exemplaire afin que l’honneur des F.T.P.F ne puisse être entaché par un acte indigne d’un soldat de la Libération nationale et à faire régner la discrétion, tout bavardage étant considéré comme un manquement grave à la sécurité et à la discipline.
à observer à l’égard de tous les patriotes appelés à m’aider ou à m’héberger une conduite exemplaire, à témoigner par ma conduite et ma tenue de la gratitude à l’égard des patriotes qui m’aident à accomplir ma mission, à renforcer par mon exemple leur foi dans la cause de la Libération de la Patrie.
VIVE LA FRANCE LIBRE ET INDEPENDANTE !
(texte signé par Jacques Michaux)