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Les pompes à bras
Un compagnon de Molière
Moines et ribaudes
Les pompiers à Châteaubriant
Souvenirs, souvenirs
Le pendu et le poulet
Le feu à Maganis ...et les nuages toxiques
Le feu à l’abattoir
Les hommes tout terrain, toutes catastrophes
Des stages de médecine de catastrophe
Un VSR, deux VSAB, trois MPR
Grandeur et misère des pompiers
Souvenirs ... souvenirs
Le feu à l’abattoir
(article du 13 septembre 1999)
Dimanche 12 septembre 1999, une heure du matin, un riverain entend des bruits anormaux dehors : des ronflements, des sifflements inhabituels un samedi soir . « ici nous avons l’habitude de vivre au rythme de l’abattoir, et nous savons bien que l’entreprise ne travaille pas dans la nuit de samedi à dimanche, alors ces bruits m’ont inquiété » raconte Georges Galivel, adjoint au maire, que le bruit a réveillé. « Un coup d’œil dehors et j’ai tout compris : au bout du jardin les flammes étaient plus hautes que les sapins ».
Ammoniaque
Aussitôt prévenus les voisins ont été évacués rapidement : il fallait aller loin pour éviter le feu, et surtout les risques liés à l’ammoniaque. 82 pompiers sont accourus en force de toute la région et même de Nantes car c’est là que se trouve le plus gros matériel. L’équipe de Châteaubriant savait que l’objectif principal était de protéger en priorité la cuve d’ammoniaque.
Ce gaz présente en effet des dangers : un effet de souffle, s’il s’échappe de la cuve (voilà pourquoi les riverains ont fui le plus loin possible), un risque d’explosion et surtout la production de vapeurs qui auraient pu intoxiquer toute la ville. Heureusement il ne s’est rien produit de tel, grâce à l’action des pompiers aidés par le vent qui soufflait dans la bonne direction.
Le feu aurait pris dans le local de stockage des cartons et plastiques. Il s’est propagé à une vitesse folle, en raison de la nature des matériaux de construction : les murs étaient faits en une sorte de matière plastique prise en sandwich entre deux plaques de métal. Dans ce cas, la chaleur fait tordre le métal, et le plastique brûle sans qu’il soit possible de l’éteindre : l’eau des lances à incendie ruisselle sur le métal. La vitesse de propagation du feu a été considérable.
Tout est brûlé : plus aucun mur ne tient debout, les plaques sont boursouflées, les poutrelles sont tordues, le toit est effondré, tout le contenu des bureaux a brûlé, et notamment les archives informatiques. La viande des frigos est perdue. Seule reste debout la chaîne d’abattage. mais il n’est pas possible d’abattre des animaux et de ne pas pouvoir s’occuper de la viande. De ce fait, près de 500 personnes sont en chômage technique : ceux de l’abattoir lui-même, et chez de l’entreprise Viol dont la chaîne de plats préparés dépend de l’approvisionnement en viande de l’abattoir.
« Cela fait longtemps que nous attirions l’attention sur les dangers potentiels de l’abattoir » disent les riverains qui, depuis 10-15 ans ont multiplié les mises en garde et les pétitions. « Nous regrettons d’avoir eu raison » disent-ils.
Le Conseil Municipal en était bien conscient, il en avait encore débattu le 5 juillet 1999. Les débats ont montré que l’entreprise n’était pas en règle ... depuis 1970 ... avec la procédure des installations classées, concernant notamment la protection de l’environnement et les moyens de défense contre l’incendie. On a évoqué un permis de construire qui traînait depuis 2 ans. Il faut savoir que ce permis ne dépendait pas de la ville, mais de la Préfecture, comme pour toutes les installations classées. le fait de n’être pas en règle ne pouvait que retarder les choses . L’entreprise traînait les pieds. Par exemple elle n’avait accepté de construire ... que dans les 2 ans à venir ....un bâtiment spécial permettant le confinement total de l’ammoniaque. Le feu est allé plus vite.
Ni mort ni blessé à déplorer, personne n’a été intoxiqué, aucune maison détruite malgré les flammèches qui volaient partout (les riverains du vélodrome en ont même trouvé dans leurs jardins et sur leurs voitures) et auraient pu étendre l’incendie aux sapins voisins : une catastrophe a été évitée. De différents points de la ville, des HLM de la Ville aux Roses, du bâtiment « Les Hauts de Renac », les habitants ont pu voir le gigantesque incendie.
La suite n’est plus une affaire de pompiers .... Il s’agit tout simplement de la poursuite, ou non, de l’activité à Châteaubriant
Des hommes tout terrain
toutes catastrophes
Pourquoi devient-on pompier ? Impossible d’y répondre car les motivations sont trop diverses. Disons qu’on devient pompier comme d’autres s’engagent dans une équipe de football, comme d’autres font du secourisme ou deviennent syndicalistes.
A Châteaubriant, comme dans la plupart des communes, le pompier est un volontaire, un engagé bénévole qui choisit de porter secours à ses concitoyens, dans le cas d’incendie (de plus en plus rare heureusement, grâce aux mesures de prévention), ou d’accident routier ou autre.
Pompier, ce n’est pas un métier, sauf dans quelques grandes villes comme Paris, Marseille, Nantes, Lorient, etc... Mais s’il n’est pas « professionnel » au sens strict, le pompier n’est pourtant pas un amateur.
D’abord, il signe un engagement renouvelé tous les 5 ans. Ensuite, son choix volontaire s’accompagne d’un certain nombre d’exigences :
Prendre les gardes à tour de rôle, gardes simplifiées désormais grâce au signal sonore « Bip-Bip » qui permet au pompier de recevoir un message, de savoir par exemple à quel point il doit se rendre.
Entretenir un certain nombre de qualités physiques. De ce point de vue, le parcours sportif annuel est obligatoire et le cross interdépartemental, et tous les types de sports sont vivement recommandés.
Le pompier volontaire doit surtout accepter de suivre de nombreux stages d’entraînement. Il doit passer le Brevet National de Secourisme et il est fortement incité à suivre des stages plus « pointus » : incendie, réanimation, secours routier. Des stages plus spécialisés existent aussi : plongée (comme à Hyères), montagne (à Chambéry), secours en mer (Pornic). Il y a aussi des stages de sous-officiers, officiers et moniteurs.
En plus de l’entraînement mensuel (un samedi par mois) ces stages sont très prenants. Par exemple, celui de réanimation, qui se déroule en ce moment à Châteaubriant, aura exigé neuf ou dix matinées de samedi. Pompier, ce n’est pas une sinécure. « ce qui compte pour nous, c’est d’être capable d’aider les gens en détresse, de sauver des gens » nous a-t-on dit. Et si parfois, face à des corps déchiquetés par exemple, il faut avoir le cœur bien accroché, « au moment du sauvetage, on ne flanche pas, on ne voit que les gens à sortir de là » : pas le temps d’avoir des états d’âme personnels.
Un pompier doit être très entraîné pour savoir exactement quel geste faire en fonction de telle ou telle situation. Cela exige beaucoup de temps pour se former soi-même et, pour les moniteurs pour former les autres. « Je suis presque à la retraite, nous a dit l’un d’eux, et cette tâche m’enthousiasme autant qu’au début. Et puis, ce qui me fait plaisir, c’est que les gens se rendent compte du sérieux de l’affaire ».
Des stages de
médecine de catastrophe
Dans chaque Centre de Secours, il existe un médecin chargé de suivre les pompiers. Il est à la fois médecin et pompier. Une spécialisation très particulière.
Les médecins-pompiers reçoivent, s’ils le désirent, une formation à trois niveaux. D’abord une formation de base avec partie technique et législation et une partie médicale. Ensuite un stage d’oxyologie où on leur apprend les intubations, les techniques de réanimation, etc. Le troisième niveau est un diplôme d’Université de médecine de catastrophe. Un cas d’utilisation : celui de l’assassinat des Turcs, de 11 novembre 1984 où il y a eu, d’un seul coup, deux morts et six blessés.
Le but du stage, c’est de faire un « tri médical » et de gérer la situation pour qu’elle ne devienne pas plus catastrophique. Savoir par exemple si un accident de plus de 10 personnes avait lieu à Châteaubriant, qui envoyer sur l’hôpital de Châteaubriant, qui sur l’hôpital de Pouancé, qui à Nantes, qui à Rennes, en fonction de la gravité du cas et de l’urgence de l’intervention. Savoir aussi faire des choix douloureux : tel blessé va mourir quoi qu’on fasse, il faut donc donner la priorité des soins à tel autre blessé qui a encore ses chances.
Cependant, la seule présence d’un médecin, fût-il médecin-pompier, ne suffit pas : « sans notre matériel, nous ne sommes guère mieux que des secouristes ». Ce matériel c’est le VSAB (véhicule de secours aux asphyxiés et blessés), une camionnette très bien équipée avec des médicaments (valium, adrénaline, etc), du matériel pour les perfusions, ou pour les soins cardiaques et pulmonaires.
Il y a deux VSAB à Châteaubriant, et aussi un V.S.R. (véhicule de secours routier) qui comporte le matériel de levage classique et de découpage de tôles, un matériel de désincarcération (sortes de cisailles), des pompes, des chaînes, matériel électrogène, moteurs autonomes, réserves d’eau et projecteurs très puissants montés sur mat téléscopique.
Quand un appel parvient au 18, le pompier de service détermine la gravité du sinistre. Il envoie alors un appel sélectif si le sinistre ne paraît pas trop grave, sinon il déclenche l’ensemble des secours avec le VSAB, le VSR, un médecin-pompiers, etc. Lorsqu’on entend la sirène en ville, c’est qu’il se passe quelque chose de grave et que les quelques 50 pompiers castelbriantais sont mobilisés.
Grandeur et misère
des pompiers
Commençons par la misère : il est navrant de constater qu’il y a de grosses disparités entre un centre de pompiers et un autre. A côté de celui de Châteaubriant, très performant, il est des départements voisins où l’équipement laisse à désirer, de même que la formation et la compétence des équipes. Cela dépend de plusieurs facteurs : les choix des maires et la volonté de l’encadrement des Sapeurs-Pompiers.
A côté de cela, il existe en France une dizaine d’équipes de pompiers prêts à partir n’importe où (comme lors du tremblement de terre de Mexico, par exemple), à prêter main forte hors de leur secteur (comme à Nantes lors du nuage toxique de la fin 87). Il existe des Colonnes de Secours Mobile équipées de tout le matériel nécessaire pour monter, en très peu de temps, une salle d’opération chirurgicale complète. Il existe des cellules d’intervention de la Protection Civile et même une liste de gens capables d’être envoyés sur l’heure en des lieux de catastrophe, comme lors des incendies de forêt du sud de la France (des pompiers d’ici sont partis).
Fierté
Nous pouvons être fiers de nos pompiers, il ne faut pas hésiter à le dire.
Avis aux jeunes que cela intéresse : le Corps des Sapeurs Pompiers de Châteaubriant est prêt à les accueillir. Ils y trouveront des hommes avec de grandes qualités de courage, de sang-froid, d’esprit d’équipe, de discipline librement consentie. « et un esprit de camaraderie et de solidarité incroyable » nous a-t-on dit.
Finalement, être pompier, c’est à la fois difficile et exaltant. Une affaire de cœur.
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