sommaire général — Sommaire "Histoire"
Coutumes et pancartes
Droits de trépas
Ban
Cohues
Impôts sur le commerce
Mercatores
Foire de la St Hilaire
Sur la Motte à Madame
Le transfert du foirail
Ailleurs
COHUES, TREPAS et BANS
D’après le livre de l’Abbé Goudé (1870), son Altesse Sérénissime le Prince de Condé percevait, à Châteaubriant, une taxe sur le marché appelée "Pied-Fourchu". Les taxes sur les marchandises, sur les marchands et les clients ont été, pendant longtemps, prélevées par les évêques, les abbayes ou les monastères, par les seigneurs féodaux ou par les communes, soit pour construire et entretenir des chapelles, des monastères ou des calvaires, soit pour édifier des "cohues", soit pour aménager les places et les murailles des villes, soit, tout simplement, pour les besoins personnels de ceux qui prélevaient ces impôts.
Ce que l’on appelait le "droit de coutume" c’était l’ensemble des redevances payées au seigneur pour les denrées vendues dans sa seigneurie. Il y avait des coutumes de bouteillage et de salage, il y avait les droits de place et les droits d’étalage, les droits de cohuage et de fenaistrage, les droits de havage, de hallage, de mesurage, de minage, de nomblage et de clouaison et tous ceux dont l’histoire a perdu la trace. Ces droits variaient d’une commune à l’autre. Ils étaient souvent rassemblés sur ce qui s’appelait une "pancarte".
Il y avait d’autres droits, qui s’appelaient les tonlieux (droits de douane) et même le "trépas" (vieux mot qui signifie : "passer au-delà") et qui s’appellera plus tard "droit de péage". Ces "trépas" étaient perçus aussi bien sur les marchandises et les bestiaux que sur les gens allant ou revenant d’un marché. Les jours de foire, les droits étaient doublés.
Vers le 11ème siècle apparaît ce qu’on appelle le "ban" qui est une proclamation féodale. Le concessionnaire d’un "ban" a un double avantage : le premier, fiscal, lui donne le droit de prélever les taxes sur le commerce. Le deuxième, plus politique, lui permet d’assurer le police des marchés, pour y maintenir la paix entre les marchands avec les moyens appropriés, notamment le droit d’imposer une amende qu’on appelait "l’amende du ban royal".
Ce mot "ban" se retrouvait autrefois pour désigner des fours ou des moulins dont les gens d’une seigneurie étaient tenus de se servir en payant une redevance au seigneur. La Tour du Four-à-Ban (ou Tour du Four Banal) à Châteaubriant est sûrement désignée ainsi en souvenir de ces coutumes féodales.
Cohue
Autre vieux mot du vocabulaire des foires et marchés : la "cohue". Les premières cohues (comme celles de Redon), remontent sans doute au 12ème siècle. C’est le nom que l’on donnait à ce que sont maintenant les halles : des édifices en bois, à toits surbaissés, ouverts en plein air, garnis d’étals mobiles, pour faciliter l’approvisionnement des populations et la protection des marchandises périssables. Les commerçants qui s’y installaient payaient un droit de "cohuage", c’est à dire un droit d’étalage. La foule qui se pressait en ces lieux est sans doute à l’origine de ce qu’on entend désormais par "cohue" : assemblée nombreuse et tumultueuse.
QUELLE COHUE ?
Il y avait toutes sortes de cohues : cohue au pain, cohue aux poissons, cohue aux draps (comme à Vitré), cohue à la chair (comme à Fougères). Les cohues, véritables postes de ravitaillement publics, étaient soigneusement réglementées et les échanges hors de ces cohues étaient souvent interdits. Mais il arrivait que les cohues soient trop exiguës : les porches constitués par les maisons à piliers suppléaient tant bien que mal à cette carence.
IMPÔTS ET TAXES SUR LE COMMERCE ... C’ETAIT EN 1789
De tout temps, les commerçants ont protesté contre les taxes et impôts levés sur le commerce. On trouve la trace de ces récriminations dans les cahiers de doléance de 1789. Le cahier d’Erbray exige l’abolition de "toutes les coutumes que les seigneurs font payer arbitrairement aux foires, sur les bestiaux qui y sont conduits". Les habitants de cette paroisse entendent désormais que "toute exportation soit libre d’une province à l’autre et que les mesures de grains soient égales dans tout le royaume ou au moins en chaque province".
Le cahier de St Martin de Janzé demande que tous les droits de coutumes soient abolis "parce qu’il empêchent chaque particulier de faire son marché". Les habitants de St Jean de Béré estiment que les droits de coutumes prélevés sur les bestiaux constituent une inquisition fâcheuse contre les marchands. Quant à la municipalité de Châteaubriant, elle demande que la perception des droits de coutumes sur les denrées, à l’occasion des marchés et foires, soit désormais privative aux villes.
FOIRES et MARCHÉS
De quand datent les premiers marchés ? Leur origine se perd dans la nuit des temps. Ils sont nés sans doute du développement de l’esprit inventif de l’homme, du passage d’une économie de subsistance à des formes d’économie moins autarciques, basées sur un certain partage du travail et sur la nécessité d’échanger les produits et les biens.
Dans la mythologie grecque et romaine, le monde du commerce a un dieu. Il s’appelle Mercure chez les romains, protecteur des commerçants et des voyageurs. Il se nomme Hermès chez les grecs, fils de Zeus et de Maïa, patron des orateurs et des commerçants, inventeur des poids et mesures et des premiers instruments musicaux.
LES "MERCATORES"
Né de la nécessité des échanges, le commerce est lié à la facilité des transactions. Celles-ci se faisaient, autrefois, aux lieux de rassemblement des populations, qu’il s’agisse de bourgades ou de lieux de pèlerinages, fêtes ou pardons. Les commerçants n’étaient alors que des marchands ambulants, des "mercatores" parcourant le pays, à pied souvent, pour proposer des tissus, du sel, des cuirs et peaux, des poteries et autres articles ménagers. Quand la civilisation se fit moins rurale, les "mercatores" proposèrent des céréales, des vins, des poissons et des viandes et commencèrent à s’installer dans les bourgs.
Les foires et les marchés sont des survivances de ce type de commerce. A partir du 13ème siècle, on réserva le nom de "foires" aux rassemblements importants, durant plusieurs jours, tandis que le mot "marché" est destiné aux échanges périodiques au niveau d’une petite région, et n’attirant que les gens du pays qui viennent y écouler les produits de leur agriculture, de leur élevage ou de leur artisanat.
CHÂTEAUBRIANT :
LA FOIRE DE LA SAINT HILAIRE
Dans la région de Châteaubriant, la foire la plus ancienne est celle de la St Hilaire. Elle n’existe plus de nos jours, mais si le souvenir en reste, c’est parce que Brient, le fondateur de Châteaubriant, en 1050, en créant le Prieuré de Béré, lui fit don des "dîmes" c’est à dire des redevances qu’il prélevait sur les marchandises et sur les foires, et notamment sur celle de la St Hilaire. Par la suite, nous dit l’abbé Goudé, cette foire eut lieu le 14 septembre de chaque année.
A SAINT ANDRÉ
Une autre foire existait à Châteaubriant, au moment de Noël, au village de "St André". Si l’on en croit Michel Duval [1], ces deux foires ont été détrônées par celle de la Sainte Croix, à partir de 1281. En effet "le transfert décidé au monastère Saint Sauveur d’une parcelle de la Sainte Croix, au début du 13ème siècle, avait provoqué en ce lieu, le 14 septembre, d’importants pèlerinages.
En 1554, à la demande du Connétable de Montmorency, des foires furent instituées du 1er au 12 mai. Délaissées par la suite, elles ont été rétablies en août 1598, aux conditions anciennes.
Toutefois, ces transactions à des époques si éloignées, ne suffisaient pas aux besoins du pays. La ville de Châteaubriant, débordant son enceinte murée, s’étendait sur quatre faubourgs bâtis sur les routes qui conduisaient à Nantes, Angers, Rennes et Vitré. Les marchés hebdomadaires durent naître nécessairement de cet accroissement de population urbaine.
L’abbé Goudé (2) raconte :
"Le champ de foire fut tout d’abord établi sur la place St Nicolas. Cet espace était tellement resserré que toutes les rues adjacentes étaient encombrées par les bestiaux et les harnais, en sorte qu’on peut dire que toute la ville, ce jour-là, était transformée en champ de foire".
Un procès verbal de la Communauté de Ville, en l’année 1752, nous apprend que les marchés, depuis 20 ans, ont tellement augmenté que la Porte Neuve est encombrée par les bestiaux et las charrettes, "en sorte que, depuis neuf heures du matin jusqu’à trois heures du soir, il est impossible de sortir en voiture, ce qui est fort incommode".
SUR LA "MOTTE À MADAME"
Et l’abbé Goudé poursuit :
"C’est pourquoi on demanda au Prince l’autorisation d’agrandir la petite porte de la Poterne, qui n’avait que 3 pieds de large et 5 pieds de haut, de manière à ce que les charrettes pussent y passer : la requête fut accordée". Nous apprenons par ce même procès verbal que les marchés hebdomadaires ne se tenaient que depuis le 1er mai jusqu’à fin octobre. On peut supposer que les mauvais chemins devaient être l’unique cause de cette interruption fâcheuse. Il est difficile de se faire une idée de ce qu’étaient ces chemins dans la mauvaise saison : "les charrettes n’y pouvaient passer, les transports d’engrais et autres choses s’y faisaient à dos de mulets et de chevaux, ceux-ci avaient souvent peine à s’en tirer".
Pour sortir des inextricables embarras causés par l’exiguïté de la place St Nicolas, la ville prit le parti d’aplanir la petite place de la Motte, ce qui donnerait le moyen d’aborder plus facilement de la rue porte Neuve au faubourg de la Barre. Ensuite elle pensa qu’il valait mieux agrandir cette place en achetant une maison et des jardins situés entre la butte et les murs de la ville.
"l’aplanissement se fit en grand ce qui facilita le débouché de la route de Derval. Puis on appuya les terres par une levée faite dans le fossé au pied de la Tour du Four à Ban, sous laquelle on pratiqua un conduit pour l’écoulement des eaux du ruisseau. Au moyen de ces travaux entrepris pour ainsi dire avec l’encouragement et presque sous les yeux du Duc d’Aiguillon qui passa fréquemment en notre ville, Châteaubriant se trouva en possession d’un bel emplacement en dehors de ses murs".
En 1762, l’on demanda à S.A.S. le Prince de Condé l’autorisation d’y transporter le marché, ce qui fut accordé. D’ailleurs S.A. y était elle-même intéressée puisqu’elle percevait, sous le nom de pied-fourchu, un impôt qui lui rapportait des sommes considérables.
Le trafic des bœufs, vaches, chevaux et porcs constituait la branche commerciale la plus importante : "c’est encore elle qui alimente les marchés de chaque semaine" conclut l’abbé Goudé dans ce livre qui date de 1870.
Marcel BUFFE (3), qui est né à Châteaubriant en 1915, se souvient que les paysans et paysannes venaient encore au marché, au début de 20ème siècle, dans leur costume local :
"Sur la place des Terrasses, alors plantée d’acacias, se tenait le marché aux porcs. Non loin, près de l’étang de la Torche, se tenait le marché aux chevaux. Sur la place de la Motte, c’était le marché aux gros bovins. Là se concluaient l’après - marchés. Une bolée de cidre mettait finalement tout le monde d’accord après la traditionnelle frappe dans la main".
Les anciens se souviendront que dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre Mondiale, ces transactions se faisaient au Café Bossé (qui s’appelait avant le "Restaurant des Ormeaux" et qui est maintenant "Le Cours des Halles") et où braillait un orgue limonaire.
On allait aussi "baïre une bolée" chez "La Boule" ou chez "La Quille" noms donnés à deux des cafés de la place à cause de la corpulence de l’une des tenancières, et de la haute taille de l’autre.
Marcel Buffé poursuit son récit : "Sur le boulevard des Marronniers étaient disposées des barres métalliques pour attacher les chevaux qu’on marchandait là. Place de l’église les commerçants de toutes sortes avaient étalé leurs marchandises. Dans le Marché Couvert se faisait le commerce des volailles, des œufs et des "moches" de beurre savamment ornées. Chaque vendredi les marchands de poissons installaient leurs étals devant ce marché".
Tout cela a-t-il tellement changé au fil des temps ? Les paysans ont sans doute quitté le costume local, les goûts des clients ont changé. Les lieux, eux, ne changeaient guère et les délibérations des Conseils Municipaux en témoignent.
Le 3 juillet 1959, le Conseil décide des travaux pour le marché aux bestiaux (place de la Motte) afin de rapprocher les barres d’attache et de mettre en place des chaînes mobiles devant le café Toulon et l’immeuble Perrinel. Le 30 mai 1960, on déplace la bascule. Le 18 août 1960, le maire signale que l’approvisionnement du marché à bestiaux, pendant la période d’été, période creuse, n’a pas été inférieure à 1000 têtes. MILLE bovins sur la Place de la Motte !
LE TRANSFERT DU FOIRAIL : 1963
Décidément, le marché à bestiaux devient trop exigu et une extension n’est plus possible : toutes les possibilités d’utilisation de la place de la Motte pour le foirail apparaissent épuisées.
Et puis, il faut bien le dire, les problèmes de sécurité et d’hygiène devenaient cruciaux en plein centre ville avec tous les effluents liés au commerce des bestiaux : paille souillée de bouse de vache, purin, mouches , etc... C’est pourquoi le Conseil Municipal du 22 février 1962 a décidé de transférer le marché à bestiaux sur un terrain récemment acheté entre les deux lignes de chemin de fer et le Bois des Briotais, à proximité du nouvel abattoir dont la construction était envisagée. Le marché aux bestiaux devait coûter 2 000 000 francs, avec une subvention de 20% de la part de l’Etat. Le 06 novembre 1963, les travaux de construction du foirail étaient terminés et le 13 novembre 1963, le marché aux bestiaux se tenaient pour la première fois là où il se trouve actuellement, et, le 09 décembre 1963, était créé un service de liaison par car entre le nouveau foirail et le centre ville.
Dès le transfert du marché à bestiaux, les poteaux et barres d’attache ont été enlevés pour faciliter le stationnement des voitures, et, le 16 octobre 1964, le Conseil Municipal décidait l’extension du marché forain rue Michel Grimaud et sur la place de la Motte (une allée en bordure sud de la place), le reste de la place étant affecté au parking, en particulier pour les véhicules des marchands forains et pour les cars. Quant au marché des porcs et des veaux, il se fit, deux plus tard, en bordure du quai SNCF.
20 ans après, la Place de la Motte est occupée en totalité par le marché du mercredi matin. Quant au foirail, il sert au commerce de 2500 à 3000 bestiaux chaque semaine.
LES FOIRES ET MARCHES DANS LA REGION DE CHÂTEAUBRIANT
D’après le livre "foires et marchés en Bretagne", de M. Duval :
DERVAL en 1451 a été doté de trois foires et marchés, lorsque l’ancienne châtellenie de Derval a été érigée en baronnie par la volonté du Duc Pierre II. Par la suite, pour des raisons diverses, et notamment en raison des rivalités entre le Connétable de Montmorency et le Duc de Mercoeur au XVIème siècle, ces foires n’ont pas été régulièrement approvisionnées. A la fin du XVIIème siècle, 3 foires annuelles sont signalées à Derval mais sont vite déchues au profit de celles de Nozay. Au XVIIIème siècle, la subdélégation de Derval avait 3 marchés à Nozay, Fougeray et Blain et comptait 15 foires régulières dans ces bourgs et dans ceux de Conquereuil, Joué, Abbaretz et Pierric.
A BLAIN, au XVème siècle, le Vicomte de Rohan partageait avec le Duc Jean V le produit des coutumes de la foire de la Saint Laurent qui se tenait sur la Prée au Duc. A la fin du XVIIème siècle, Blain a plusieurs foires annuelles.
A ISSE, en 1419, Béatrix de La Lande, Dame de Derval en Issé, se fait concéder par le Duc Jean V, deux marchés à tenir au bourg.
A ROUGE, le 4 juin 1597, le connétable de Montmorency, baron de Châteaubriant, obtenait du Roi l’institution d’un marché et de 4 foires dans la ville de Rougé.
A ST JULIEN DE VOUVANTES, en 1748, un marché hebdomadaire a été institué et aboli deux ans plus tard. Il ne s’y tenait plus ensuite qu’une foire par an.
AU GAVRE et à VRITZ, en juin et juillet 1407, un marché et trois foires annuelles ont été instituées par le Duc Jean V.
Au vieux couvent de BRILLANGAULT, en lisière de la forêt de Domneiche, près de l’étang de la Hunaudière, avait lieu une foire très fréquentée qui ne sera supprimée qu’à la veille de la Révolution.
En 1764, des marchés se tenaient régulièrement à Nozay (le lundi), à La Guerche (le mardi), à Châteaubriant (le mercredi), à Martigné - Ferchaud (le vendredi).
A LA GUERCHE, l’existence d’un marché hebdomadaire le mardi est attestée dès avant 1181. La commune possédait des halles au XIIIème siècle puisque, dès 1206 les Bénédictins, qui venaient de s’installer, percevaient le dixième des droits de cohuage pour l’entretien de leur chapitre. Le 8 septembre s’ouvraient les "Foires Angevines" (dont l’appellation subsiste de nos jours) qui duraient toute une semaine.
A SAINT AUBIN DES CHATEAUX, en 1776, le ministre Trudaine, refusant que soient ressuscitées les 8 foires et le marché hebdomadaire, n’autorisa que deux foires et un simple marché tous les samedis.
ET DE NOS JOURS ?
Des marchés hebdomadaires ont lieu :
le lundi à Bain de Bretagne, Candé, Vitré
le mardi à La Guerche
le mercredi à Châteaubriant et Janzé
le jeudi à Ancenis et Pouancé
le vendredi à Renazé et Nort sur Erdre (par quinzaine) et un mini marché à Guéméné Penfao
le samedi à Derval, Nozay (par quinzaine), Angers et Laval
Des foires se tiennent annuellement à Châteaubriant (Béré), Bain de Bretagne, Nort sur Erdre, La Guerche ("les Angevines"), Janzé et Nozay (Foire de la Ste Catherine), pour ne citer que les plus importantes.