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La sauvagine (2)


Ils allaient ... vêtus de peaux de bêtes
Les sauvagines
Le putois et l’officier
La valeur de la fourrure
Exemple d’une vente
Boulangers ... chez le sauvaginier
Des frites à l’huile de blaireau
La bécasse aux becquerels
Rogatien Mortier : grand piégeur devant l’éternel
« Taupier » à ses heures
Le commerce des sauvagines existe encore
30 à 40 tonnes de peaux de lapin par an


« Taupier » à ses heures

</font « Où trouve-t-on le réseau le plus serré de routes et d’autoroutes ? Donnez-vous votre langue au chat ? »

« C’est moi, dit la taupe, qui fais tout ce travail-là, sous vos routes, sous vos champs, dans les jardins et même sous vos autoroutes ».

LA TAUPE, petit mammifère fouisseur, vit de vers, de « béguins » comme on les appelle ici. Elle s’abrite le long des talus et des palissades, ou sous les clôtures en fil barbelé, là où personne, ni homme ni bête, ne risquera de piétiner son refuge aux multiples galeries. Pour se déplacer d’un point à un autre, elle a creusé des « autoroutes » à l’aide de ses pattes de devant munies d’ongles de 4 ou 5 mm de long. Les voies à grande circulation, au ras du sol dans les endroits peu passagers, peuvent être à 15-20 cm de profondeur à l’endroit du passage du bétail.

La taupe peut être 8 heures sans manger. Puis elle a faim, et elle doit gagner son « pain » en cherchant sa nourriture dans la terre. Voilà pourquoi elle creuse des petites galeries pour y trouver des larves et des vers.

Mais creuser la terre implique la nécessité de sortir mes déblais. La taupe « boute » alors, créant les fameuses taupinières, désagréables pour le paysan qui y ébrèche ses outils, et terreur des jardiniers qui voient « miter » une pelouse amoureusement roulée.

Pour se débarrasser des taupes, il y a des « taupiers ». Autrefois, chaque paysan était quelque peu taupier et il était fréquent de voir sécher, sur les poteaux de bois des clôtures, quelques peaux de taupes en attente d’être vendues. Il y avait aussi des taupiers quasi-professionnels, payés à l’hectare et qui avaient le droit de garder pou eux toutes les taupes qu’ils attrapaient. Le jour-même, ils devaient dépouiller la petite bête et faire sécher sur une planchette la fourrure de velours noir, trois pointes à la tête, une pointe à chaque patte. A l’époque, les manteaux de taupe étaient appréciés, même s’ils étaient fragiles.

Actuellement, on ne fait plus de tels manteaux, on ne trouve plus guère de taupiers professionnels. Mais LA MEE a eu la chance de pouvoir rencontrer, à Abbaretz, un paysan-taupier. « Je n’utilise que des pièges qu’on ouvre avec une clé spéciale. Sur un passage de taupe, ou dans une taupinière, je pose un piège. Mais il faut avoir soin de ne pas laisser d’odeur ni de savon, ni de tabac, voilà pourquoi de me frotte d’abord les mains avec de la terre et de l’herbe. Car la taupe est maligne : si elle sent le piège, elle se méfie et il n’y a pratiquement plus moyen de la prendre. Elle va même jusqu’à bourrer les pièges de terre ».

Ce taupier, qui peut prendre jusqu’à 30 taupes par jour, a pu débarrasser son terrain de ces bestioles. « Parfois, il m’arrive d’en tuer « à la tranche » quand la taupe « boute ». Mon chien l’entend sous la terre et fait arrêt. Il faut alors y aller à pas de chat, car la taupe, si elle est aveugle, a l’oreille fine. Le dernier pas, il faut le faire quand la taupe est occupée à travailler, à sortir les déblais ».

Une taupe peut faire 3 à 4 taupinières par jour, à chaque fois qu’elle a besoin de manger. La taupe aime les terrains fertiles et bien travaillés, là où elle peut fouir facilement et trouver les vers dont elle se nourrit. Cela se fait, évidemment beaucoup de dégâts : « j’ai piégé 24 taupes en quinze jours, dans le jardin d’une maison particulière » dit le taupier d’Abbaretz à qui a été confié le soin d’entretenir le terrain de sports de la commune et de former les employés communaux à la chasse aux taupes.

  Le commerce de la sauvagine existe encore

Le marché de la Sauvagine existe-t-il toujours à Châteaubriant ? Mais oui, même s’il n’a plus pignon sur rue. Une petite entreprise de la ville (deux personnes) s’occupe encore de la vente des peaux, essentiellement des sauvagines françaises, qu’elle vend à l’étranger (Espagne, Italie, Allemagne). C’est la M.C.M., rue Schubert à Châteaubriant.

Les sauvagines qu’elle commercialise viennent de la France entière, par l’intermédiaire des marchés spécialisés : Châlon-sur-Saône, Rodez, Poitiers, Guingamp, des villes qui ont gardé depuis le Moyen-Âge leurs foires traditionenelles. Mais une partie des sauvagines est toujours collectées dans la région : les lundis et mardis, Mme MONGES parcourt la Bretagne, par le chemin des écoliers, montant jusqu’à Josselin et Vannes, pour ramasser les « animaux en chair » déposés dans certaines communes par les sociétés de chasse ou par ceux qui organisent une battue aux Renards.

En 1986, 94% de ces peaux ont été vendues à l’exportation - le reste a servi à la fabrication sur place (Chez Mme MONGES) ou chez des fourreurs de Nantes, Rennes, Besançon, Paris.

Le marché des sauvagines existe donc toujours, mais il a un peu changé de nature : les loutres sont devenues rares et sont, de toute façon, protégées, il est interdit de les tuer. Les fouines, les martres, les putois ne sont pas protégés, mais la loi interdit de commercialiser leurs peaux. Les taupes n’intéressent plus personne.

On trouve encore, par contre, des blaireaux dont la peau sert à faire des gants de travail, car le cuir en est très isolant. Les poils des blaireaux servent toujours à faire des pinceaux, des « blaireaux » pour la barbe, voire des « plumets » pour le chapeau des allemands.

Des renards on en trouve toujours, et même plus qu’il y a 30 ou 40 ans. Mais leur nombre a tendance à diminuer, malgré ce que croient les paysans qui en voient davantage maintenant que le remembrement est fait un peu partout et que les renards ne peuvent plus être dissimulés par les haies.

On trouve également des visons de souche américaine, des rats musqués et des ragondins (ceux-ci étant environ 5 à 6 fois plus gros que le rat musqué). Ces animaux, devenus sauvages, sont, à l’origine, issus d’élevages ! En effet, avant la première guerre mondiale, quand les fourrures sont devenues très onéreuses, il s’est monté des élevages... que la deuxième guerre mondiale a souvent dispersés dans la nature, où les animaux se sont reproduits. Pendant longtemps, les marais et les ruisseaux ont été envahis de rats musqués au point que la Chambre d’Agriculture donnait, il y a 20 ans, 1 F par queue de rat musqué et 2 F par queue si le piégeur en ramenait plus de 20 par mois. Maintenant, le service de protection des végétaux incite toujours à la chasse au rat musqué, mais ne donne plus de prime,...il faut dire que les rats musqués ont été détrônés par les ragondins, animaux originaires d’Amérique du Sud (Argentine), qui font au rat musqué une concurrence alimentaire effrénée. Et comme le ragondin est 6 fois plus gros que le rat musqué, on comprend vite qui gagne la partie !

 

30 à 40 tonnes de peaux de lapin par an

Le commerce des sauvagines ne se fait plus comme avant : on ne trouve plus de commerçant exposant les dépouilles en vitrine, on ne trouve plus de chasseurs ou de braconniers venant proposer des peaux sur le marché.

Un commerce des peaux se fait pourtant toujours dans notre région, par exemple chez EXPERT à Pouancé, qui commercialise 30 à 40 tonnes de peaux de lapin par an. Ces peaux viennent souvent de volailler comme ceux de Craon (4000 à 5000 lapins par jour) ou de Saint Mars la Jaille (Gicquel)

Quand ces abattoirs ont 4 à 5 tonnes de peaux de lapins, ils préviennent M. EXPERT qui va les chercher et les ramène dans un séchoir où elles dont pendues une à une au plafond, tendues sur un fer cintré, poils à l’intérieur. Les peaux restent ainsi une huitaine de jours dans ce local chauffé et ventilé, puis elles sont triées, classées en fonction de leur qualité.

La qualité des peaux, toujours meilleures en hiver, se reconnaît de deux façons : le poil et la couleur de la peau. Une peau de lapin peut varier de 110 g à 250 g environ. Plus elle pèse, et plus le poil est abondant. Quant à la couleur de la peau, elle est crème, presque blanche en hiver, et tachée largement de noir pour les peaux de médiocre qualité.

La commercialisation des peaux de lapin dépend alors de la qualité. Les spécialistes distinguent cinq catégories :

  • les peaux les plus légères, on les appelle « les entre-deux » (en blanc ou en gris), font 12 kg pour 100 peaux. Elles sont utilisées en ganterie.
  • Ensuite, « les apprêtables »(blanc ou gris), 15 à 16 kg pour 100 peaux, servent à faire des couvertures.

Ces deux premières catégories sont expédiées à des tanneries, comme par exemple la tannerie-pelleterie « Souplex » de Bain de Bretagne.

Deux autres types de peaux sont envoyées dans les « couperies » où elles sont taillées en lanières et rasées. Le poil est ensuite filé et mélangé avec de la laine pour faire des laines « Mohair » ou « Angora ». Il existe une « couperie de poil », Angora-sélection, à Angers. Les peaux qui lui sont destinées sont « la coupe » (déchets), 13 à 14 kg pour 100 peaux - et « le clapier américain » (environ 18 kg pour 100 peaux), d’un rendement supérieur.

Les peaux les plus belles, qu’on appelle « les apprêts » font plus de 20 kg pour 100 peaux, servent à faire des manteaux. Mais il y a manteau et manteau...tout dépend encore une fois de la couleur de la peau, qui n’a rien à voir avec la couleur des poils :
Une peau presque blanche est de bonne qualité. Par contre, là où il y a des plages noirâtres, c’est une zone de fragilité : le poil ne tiendra pas.

Le commerce des peaux de lapin semble connaître un nouveau regain actuellement : pendant longtemps, de tels manteaux ont eu mauvaise réputation à cause des « margoulins » qui utilisaient des peaux de mauvaise qualité.