Vous continuerez la vie
Le spectacle donné à La Sablière le 21 octobre 2012 à Châteaubriant, est écrit, cette fois, par Claudine Merceron qui sera assistée d’Elodie Retière et de Martine Ritz, et de nombreux comédiens amateurs du Théâtre Messidor. Il évoque … Ambroise Croizat, un des pères de la Sécurité Sociale, Ministre du Travail en 1945.
Photo : l’affiche 2012
L’évocation s’attache aussi à « la flamme des femmes », à toutes celles, jeunes et moins jeunes, qui s’occupaient des gosses et de faire bouillir la marmite, avec les maris Résistants absents, tout en continuant la lutte. « La flamme ! Elle brûle depuis longtemps, d’avant le Front Populaire, devant les fours, les mines, les machines qui tuent et broient les hommes, les femmes, et même les enfants ». Souvenirs de 1936 : les Conventions Collectives, la semaine de 48 heures qui passe à 40 heures, et deux semaines de congés payés, un statut du fermage et du métayage, l’école obligatoire jusqu’à 14 ans, le développement de la lecture publique, la construction de musées... « En un mois a été réalisé ce que 30 législatures n’étaient jamais parvenues à accomplir ».
Mais en juillet 1936 le général Franco prend le pouvoir en Espagne, par un putsch. La guerre est en marche, Daladier, en France, prévoit l’internement des « indésirables étrangers », notamment les Républicains espagnols réfugiés. L’antisémitisme reprend du poil de la bête. Le monde a peur, la peur nourrit la haine. Daladier veut supprimer les acquis de 1936 et notamment la loi des 40 heures, « une loi de paresse et de trahison nationale » dit-il. Les libertés sombrent, le pain est noir, les années qui viennent aussi … Mais la Résistance s’organise, le programme du Conseil National de la Résistance instaurera une démocratie nouvelle dès la Libération.
Les jeunes de notre époque sauront-ils continuer la vie ?
Ecrit le 17 octobre 2012
Claudine Merceron
Photo : Claudine Merceron (écriture et mise en scène), Christine Maerel (costumes et chant), Elodie Raitière. (chant)
C’est l’histoire d’une rencontre, d’une femme Claudine Merceron, avec un homme, Ambroise Croizat. C’est l’histoire d’un rêve, devenu réalité... C’est l’histoire d’une innovation sociale que tous apprécient alors que le nom de son auteur est oublié …. Ambroise Croizat est l’un des pères de la Sécurité Sociale, un petit métallo, un fils d’ouvrir devenu ministre en 1945. Son père était un rebelle, chassé de partout en tant que syndicaliste. Lui-même, entré en usine à l’âge de 13 ans, avait « la fibre sociale » : il savait à quel point la protection sociale était importante pour les travailleurs les plus modestes.
1936, les rêves les plus fous : la semaine de 40 heures, les congés annuels, payés par surcroît. Puis la guerre. Et le programme du CNR (Conseil National de la Résistance) et, en 1945, la Sécurité Sociale, la prévention et la réparation des accidents du travail, les prestations familiales, les fondements des régimes de retraite.
Claudine Merceron a su mettre tout cela en théâtre. Une partie Front Populaire, une partie Guerre, une partie d’évocation de Châteaubriant, et une partie d’évocation du programme du CNR. Sans oublier « la flamme des femmes » : hommage à celles qui s’occupaient des gosses, et de faire bouillir la marmite, tout en continuant la lutte contre l’Occupant. Claudine Merceron en parle avec conviction.
Soixante-dix comédiens du pays joueront cette pièce le 21 octobre à La Sablière. Ils s’y préparent avec cœur.
Le défilé commémoratif sera ouvert par des enfants, tous ceux qui voudront bien venir présenter « les rêves des enfants » avc des ballons et des pancartes et un message adressé à M. le Président de la République. Des rêves pour transformer le monde. Le défilé partira à 13 h du Théâtre de Verre. Tous ceux qui le voudront pourront se joindre aux enfants.
Encore une très belle évocation en perspective, avec scènes d’histoire et d’émotion. En parallèle voir la nouvelle exposition au Musée de la Sablière sur le thème : « Communiquer c’est Résister »
Ecrit le 24 octobre 2012
Un jeune homme, Victor 16 ans, seul en avant scène, un casque sur les oreilles ! Du public, on entend une voix chantant à capella, sur une nappe musicale contemporaine. La chanteuse avance vers la scène, micro à la main, et dit ce poème :
De votre bouche, ouverte à la MarseillaiseVos yeux magnifiques de VieSe sont éteints…71 ans plus tard,L’écho de votre chant résonne encore…Camarades, frères, comme promis !Nous continuerons de Vivre !
Scène 1 : Scène contemporaine (2012)
- - Amélie (La mère, à son fils Victor, elle ouvre une lettre) : Victor !
- - Victor (Il écoute sa musique et ne répond pas)
- - Amélie : Non ! Mais je rêve ! 400 euros pour ma pomme ! (Victor ne répond toujours pas). T’entends ! (Il enlève son casque, la musique s’arrête).
- - Victor : Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ?
- - Amélie : J’en ai pour 400 € sur l’appareil dentaire … Déjà le mois dernier avec tes lunettes ! Heureusement ! On n’a pas pris les verres anti-reflets ! Sinon je n’aurais pas eu droit à la paire sécurité sociale…Qu’on avait droit à la paire de lunettes gratuite …dans le magasin, ils ne te le disent pas !
- - Victor : Je croyais que t’avais une bonne mutuelle !?
- -Amélie : Bah oui ! Á condition que je la paye la mutuelle ! Et puis là… Elles ont augmenté ! C’est pas comme les remboursements !... Ni pour les lunettes, ni pour l’orthodontiste ! C’est pas compliqué, les mutuelles...c’est comme les assurances, c’est pour les riches ! Plus tu payes, plus t’es remboursé ! Ça devrait être l’inverse !
- - Victor : Ben oui ! C’est comme ça ! (Il remet son casque et la musique reprend)
- - Amélie (Elle parle plus fort) : Comment ça, c’est comme ça ? Et comment ils font les petites gens ?
- - Victor (Il enlève son casque) : Ben, ils se débrouillent ! (Il remet son casque)
- - Amélie : Quoi ? (Il enlève son casque) Ils se débrouillent …. Qu’ils vont arrêter d’aller se faire soigner chez l’orthodontiste !Et que toi, t’as pas intérêt à perdre tes lunettes !
- - Victor : Ça y est c’est reparti !
- - Amélie : Quand je pense que nos parents et nos grands-parents et nos arrières grands-parents se sont battus pour la Sécurité Sociale !
- - Victor : Tu radotes, maman ! Y’a une dette ! A la télé …
- - Amélie : Mais la télé nous berne ! La dette ! Ha ! La dette, ça me fait bien rire ! Tu sais quand elle a été mise en place la Sécurité Sociale ?
- - Victor : Heuuuuuu…..
-
- -Amélie : En 1945 ! Et la dette en 1945 ? Elle était de combien la dette à ton avis ?
- - Victor : C’est plus la même là !
- - Amélie : T’as raison ! C’était pire ! Qu’il n’y avait plus rien dans les caisses .Que le pays avait été bombardé, l’Europe bombardée. Les hommes réquisitionnés … Plus de logements, tout à reconstruire, plus de vêtements, ils manquaient de tout ! Eh ! Ça n’a pas empêché Ambroise Croizat et les autres Résistants de rêver … Après tout ce qu’ils avaient vécu !
- - Victor : C’est qui Ambroise Croizat ?
- - Amélie : Quoi ? Tu connais pas Ambroise Croizat ?
- - Victor : Bah non !
- - Amélie (Dépitée) : Il connaît pas Ambroise Croizat ! On t’apprends quoi à l’école ?
- - Victor : J’ai jamais entendu parler de…Crrrrroizat à l’école ! Et ce n’est pas de ma faute !
- - Amélie : C’est ça qui ne va pas ! Il faut connaître l’Histoire ! C’est très important ça l’Histoire ! Déjà que les gens, ils n’ont pas de mémoire ! Alors… s’ils ne savent pas ! En plus !
- - Victor : C’est qui Ambroise Croizat ?
- - Amélie : C’est un des Pères de la Sécurité Sociale ! En 1945, il a été ministre du Travail et de la Sécurité sociale ! Un petit métallo, Ministre ! Tu te rends compte ? Un fils d’ouvrier, et il y a en a eu d’autres comme lui ! T’entends Victor !
Victor : Oui !... Je t’écoute maman !
Amélie : Á la Libération, le Général De Gaulle, il a nommé au gouvernement, des Résistants comme : Charles Tillon, Marcel Paul, François Billoux … Et s’ils ont mis en place des réformes sociales aussi énormes que la Sécurité Sociale, c’est que ça venait pas de la veille ! Ces gars-là, ils ont été élevés dans un esprit d’entraide, de solidarité, dès leur plus jeune âge ! Á 13/14 ans, ils travaillaient déjà …
Ils en ont vu de la misère ! Les conditions de travail très dures de leurs parents ! C’est pour ça qu’ils comprenaient les petits ! Il est là, le terreau ! Etre solidaire et garder la tête haute ! Ne jamais se laisser humilier ! Et pendant la guerre de 39/ 45, ils étaient Résistants ! Ils auraient pu être fusillés, comme ceux de la Carrière de Châteaubriant, ou du Champ de tir du Bêle à Nantes, ou du Mont Valérien, à Paris ! Ils défendaient les valeurs humaines, la liberté, la fraternité ! Et la dignité de ceux qui peinaient ! Des humanistes !
Il faut le savoir que la Sécurité Sociale, elle a été préparée pendant la période la plus noire ! C’est ça qu’est dingue ! Sous l’occupation nazie et tout ! Ça date de 1945 ! (Il replace son casque) Et c’est tout ce qu’il y a de plus moderne ! Et enlève ton Ipad quand je te parle !
Victor (Il enlève son casque) : Un Ipod maman …Un Ipod ! C’est plus moderne ! Dis donc maman ?
Une femme des années 80 : Madeleine Riffaud, entre et se place en avant scène, tandis que dans le même temps une vingtaine de femmes des années 40 apparaissent d’un autre côté.
Amélie : Quoi ?
Victor : Pour une féministe ! Tu parles toujours des hommes, y’avait pas de femmes ?
Amélie : Bien sûr que si ! Et tu as raison ! On n’en parle pas assez !
Scène 2 : La flamme des femmes !
Madeleine Riffaud années 1980. (Elle se place avant scène centre) : La mémoire est un travail exigeant, qui fait mal, un travail sur soi-même qui exclut toute pitié. Comme en 1941, ici, aujourd’hui, à côté de nos chers camarades morts pour la France, j’entends … : « Tu as survécu ! Pas nous ! Travaille, garde la flamme ».
Je m’appelle : Madeleine Riffaud, mon nom de Résistante est Rainer. Il y avait beaucoup de femmes, des jeunes… et des moins jeunes, à s’occuper des gosses, avec les maris Résistants absents, à faire bouillir la marmite tout en continuant la lutte !
Du fond, les femmes arrivent et même si elles ne sont pas encore placées, elles se donnent le micro comme un bâton de paroles solidaires. Chacune décline son identité.
Femme 1 : Lise Ricol, je deviens Lise London. Pendant la guerre d’Espagne, je m’engage comme volontaire Brigadiste Internationaliste ! Au début de la guerre, j’organise avec d’autres femmes des manifs anti-boches, à Paris, auprès des ménagères, dans les files d’attente !
Femme 2 : Geneviève De Gaulle- Anthonioz : Etudiante à Rennes, j’entends l’appel de mon oncle Charles De Gaulle ! J’entre en résistance puis en clandestinité, j’écris des articles et je désobéis à Pétain ! Mon pseudo : Gallia !
Femme 3 : Berty Albrech, je travaille à Vierzon, aux usines Fulmen, et je fais passer la ligne de démarcation à des prisonniers évadés. J’oeuvre pour les journaux : « Les petites ailes », « Vérités », « Libertés », qui deviennent « Combat » sous la direction d’Henri Frenay !
Femme 4 : Lucie Aubrac, je participe à la création de tracts, des journaux clandestins et aussi à de nombreuses évasions de Résistants, on imagine des stratagèmes ! Comme l’attaque du fourgon transportant Raymond Aubrac, Résistant prisonnier, mon mari !
Femme 5 : Madeleine Riffaud, jeune (Elle se place à côté de Madeleine Riffaud, plus âgée) : Madeleine Riffaud, j’ai 17 ans, et d’autres femmes encore, comme Germaine Tillion, Marie-Claire Scamaroni, Simone Gillot, Francine Fromond, Mademoiselle Desrureau,
Cécile Rol-Tanguy, Odette Nilès, Jacqueline Fouré, Germaine Hénaff, Evelyne Ereté, Josette Cotias.
Danièle Casanova, Yolaine de Sesmaisons, Simone Millot, Germaine Huard, Louise Velter, Andrée Vermersch.
Et tant d’autres, autant de femmes qui ne supportent pas de voir leur pays occupé par les nazis et qui résistent courageusement, au péril de leur vie !
Trois hommes arrivent doucement, et placent un cube noir derrière les femmes.
Femme 1 : La flamme ! Elle brûle depuis longtemps, d’avant le Front Populaire ! Devant les fours, les mines, les machines qui tuent et broient les hommes, les femmes et même les enfants !
Femme 4 : La flamme ! Elle éclaire loin devant et loin derrière ! En 1936, fallait voir le dynamisme des mouvements de lutte !
Femme 6 : Je peux vous dire que les femmes, elles ont joué leur rôle dans les luttes ! En pleine grève, moi, Christiane Tellier, à 24 ans, j’ai fait partie d’une délégation CGT, pour rencontrer un Préfet ! Je ne me suis pas dégonflée ! Ça y allait ! Autant, j’avais peur de parler à un ouvrier, que là, ça aurait été le Président de la République que c’était pareil !! ( Rire des filles )
Femme 3 : Et la confiance qu’ils inspiraient les gars et les filles, si jeunes !
Infatigables unificateurs, dans des combats anti-fascistes, anti-militaristes et anti-colonialistes, les syndiqués de la Métallurgie, du Bâtiment, des Chemins de fer ! De la Fédération des Cuirs et Peaux, des Cartons, de la Chimie, et d’autres corporations qui refondent la force de la solidarité.
Femme 1 : Ils sont nombreux à dire …
Les femmes se retournent, dos au public, face aux trois hommes montés sur le cube noir. Arrivent alors des femmes, des hommes et des enfants qui se placent pour écouter…
Homme 1 : C’est de nous que viendra l’unité, elle ne se réalisera que si chacun de nos syndicats s’implique dans le quotidien.
Homme 2 : Débattre dans les assemblées communes, rien ne sera possible sans cette union, aucune conquête !
Homme 3 : Aucun acquis, face au fascisme, face à la désespérance ouvrière !
Les personnages applaudissent…
Séparer les bons des méchants
L’Institutrice lit une petite publication scolaire - Janvier 1940 :
« Et, le Maréchal Pétain dit : D’abord remettre de l’ordre, séparer les bons des méchants.
Et, comme il parlait, on vit tous les vilains cloportes, toutes les araignées, tous les termites, toute la vermine qui avait fait tant de mal à la France, on les vit quitter en grande hâte le sol de la patrie ! Car le Maréchal avait pris un balai pour les chasser. Oui, il avait daigné prendre un balai dans ses nobles mains qui avaient tenu l’épée »
Lire la suite sur le document pdf ci-joint
ou sur le texte brut
Des images du spectacle
L’exécution des 27 otages :
Dans le camp de Choisel
Les enfants, les musiciens :