Ecrit le 21 octobre 2009
Les fleurs de la désobéissance
Evocation du Camp de Choisel : barbelés, guérite et mirador
L’exode… Des milliers de Français du Nord, de l’Oise… des Belges, des Parisiens, des Normands, passent par Châteaubriant.
Annick Guérif : Ma mère est marraine de guerre. Elle peut entrer dans le camp avec la poussette. Mon frère, Serge, n’a qu’un an et moi Annick, trois !
Sous la planche du landau, il y a du beurre, des œufs, du pain et de la confiture !
En revenant, elle sort le courrier.
Moi Paulette B. je me souviens dans la cité de Carfort, la cité ouvrière juste à côté du camp de Choisel, je me souviens du mot d’ordre lancé :
"Mettez sur le fil les vêtements que vous voulez donner."
Le soir les familles étendent le linge.
Le lendemain il a disparu, "récupéré" par les prisonniers.
On sait qu’en tout, par divers moyens, 2.248 prisonniers s’évaderont des camps de Châteaubriant...
Au camp de Choisel, des nomades sont internés ...
… des femmes aussi
Quelques jours après le 22 octobre 1941, chacun, chacune veut rendre hommage aux otages fusillés, à leur sacrifice, à leur courage. Et en même temps dire aux Allemands : "On vous défie... C’est pas fini !"
Ecrit le 28 octobre 2009
Revenons un peu sur la commémoration d’octobre 2009 à la Sablière, pour ceux qui n’étaient pas présents, pour ceux qui n’ont pas tout vu.
13h15 : une foule joyeuse s’élance du Théâtre de Verre à Châteaubriant : des fleurs et des pancartes derrière la fanfare municipale. Au Rond Point Fernand Grenier le défilé rejoint les porteurs de gerbes et tous ceux qui ont à cœur de faire la route à pieds jusqu’à la Carrière. Certains ont parcouru 900 km pour venir, comme cette femme porte-drapeau. (voir ci-dessous)
Derrière, un peu plus loin : les officiels. On voit le député Michel Hunault bras dessus-bras dessous avec la députée communiste Marie-George Buffet. Le maire de Châteaubriant est là, le Préfet aussi.
A l’entrée de la Carrière, soudain, un ralentissement. Surprise. C’est tout simplement que la gendarmerie, sur ordre sans doute, fait du zèle. Il y a même une petite dame - noire - priée de montrer ses papiers. Marie George Buffet intervient, s’indigne de ce filtrage, d’autant plus qu’il a lieu dans l’allée, terrain privé ! Même Michel Hunault se fait entendre. Dans les rangs on gronde. Des responsables communistes rassurent : « Entrez calmement, mesdames et messieurs » . Mais oui, tout le monde est calme, comme d’habitude. Les habituels porteurs de drapeaux rouges sont là, en tout petit groupe, mais sans aucun drapeau.
Après le passage des officiels, la gendarmerie reprend le filtrage. Des militants CGT de Villeneuve St Georges ont le tort d’arborer un autocollant syndical, sur fond rouge. La gendarmerie veut le faire enlever. Un militant, qui a un autocollant à la main, est surpris de voir qu’on le lui arrache ! Pas de rouge ici, pas de signe ostentatoire. Plus loin les habituels porteurs de drapeaux rouges n’ont toujours pas déployé leurs oriflammes et le chemin est toujours … privé ! De quel droit la gendarmerie peut-elle intervenir ?
A la fin de la cérémonie officielle, le Chant des Partisans est interprété sur une cassette enregistrée. Le groupe des chanteurs et comédiens, qui voulaient le chanter de tout leur cœur, n’ont pas eu cette joie. La cérémonie se doit d’être aseptisée, loin des enthousiasmes populaires.
1500 chaises ont été installées dans la Carrière. Elles seront toutes occupées. Il y a plein de gens assis dans l’herbe ou debout… 3000, 4000 personnes ? Personne ne bouge pendant l’évocation théâtrale. Est-ce le fait des soldats « allemands » patrouillant dans les allées ?
C’est plutôt l’effet d’un beau spectacle, de par le texte et de par le jeu des acteurs. Les jeunes disent leur texte de façon très naturelle, sans jamais accrocher. Quelques scènes sont drôles comme l’évocation du marché, avec vache noire et petits cochons de lait. Le reste du temps l’émotion est à son comble, avec les scènes de l’exode, de l’adieu des hommes partant à la guerre. Derrière les barbelés du camp de Choisel, reconstitués, des hommes, des femmes seront prisonniers, rejoints par les Nomades.
La Chorale Méli-Mélo interprète « la quête » : « aimer jusqu’à la déchirure, aimer, même trop, même mal, tenter, sans force et sans armure, d’atteindre l’inaccessible étoile » Les chants gitans du groupe « Sans nom et sans maison » sont gais et entrainants, les textes de Christine Maerel sont poignants « Que finisse le temps des prisons, Passe passe le temps des barreaux, Que finisse le temps des esclaves, Passe passe le temps des bourreaux »(1). Des cœurs se serrent, des larmes sont furtivement essuyées, la foule vibre jusqu’au joyeux chant final « Et tous les discours finiront pas je t’aime, vienne vienne alors, vienne l’âge d’or ».
De l’avis général la commémoration 2009 est la plus belle de toutes celles que nous avons eu la chance de vivre. Un CD sera publié dans quelques mois. Le réserver auprès du Théâtre Messidor à Châteaubriant.
Carrière des Fusillés, 68e anniversaire. Evocation artistique écrite et mise en scène par Alexis Chevalier - Théâtre Messidor - et jouée le 18 octobre 2009 par 140 comédiens, jeunes et adultes du Pays de Châteaubriant.
Un CD-vidéo du spectacle est disponible. Rens.02 40 81 02 81
(1) Voici le chant : le temps des vivants, chanté par Christine Maerel
Le temps des vivants
Que finisse le temps des victimesPasse passe le temps des abîmesIl faut surtout pour faire un mortDu sang des nerfs et quelques osQue finisse le temps des taudisPasse passe le temps des mauditsIl faut du temps pour faire l’amourEt de l’argent pour les amantsVienne vienne le temps des vivantsLe vrai visage de notre histoireVienne vienne le temps des victoiresEt le soleil dans nos mémoiresCe vent qui passe dans nos espacesC’est le grand vent d’un long désirQui ne veut vraiment pas mourirAvant d’avoir vu l’avenirQue finisse le temps des perdantsPasse passe le temps inquiétantUn feu de vie chante en nos cœursQui brûlera tous nos malheursQue finisse le temps des mystèresPasse passe le temps des misèresLes éclairs blancs de nos amoursÉclateront au flanc du jourVienne vienne le temps des passionsLa liberté qu’on imagineVienne vienne le temps du délireEt des artères qui chavirentUn sang nouveau se lève en nousQui réunit les vieux murmuresIl faut pour faire un rêve aussiUn cœur, un corps et un paysQue finisse le temps des prisonsPasse passe le temps des barreauxQue finisse le temps des esclavesPasse passe le temps des bourreauxJe préfère l’indépendanceÀ la prudence de leur troupeauC’est fini le temps des malchancesNotre espoir est un oiseauGilbert Langevin (A)François Cousineau (C)Pauline Julien (I)©Les Éditions Prorata
Le texte de l’évocation 2009 :