Evocation artistique conçue et réalisée par Alexis Chevalier - Théâtre Messidor
Dimanche 22 octobre 2006, Carrière des fusillés, 65e anniversaire
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Une classe de garçons passe en chantant « Y’a une pie dans l’poirier »
Tandis qu’une classe de filles les croise sur l’air de « gentils coquelicots »
Puis arrivent sur scène des personnages années 30.
Certains tiennent des journaux qu’ils lisent. Une discussion commence.
La crise de 1929
Homme 1 : (comme s’il parlait du temps)
Année 32 ! temps de crise et de chômage !
... et tous les pays capitalistes sont touchés !
Homme 2 : Maudit 24 octobre 1929 ! Quelle catastrophe cette chute de la bourse de Wall Street !
Homme 3 : Quel triste spectacle !
Homme 1 : Oui comme vous dites ! La crise est profonde !
Femme 1 : (un peu naïve) Crise de surproduction ?
Homme 1 : Non Madame ! Non ! Une crise plus grave !
Une crise de sous consommation !
Conséquence logique d’un système fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme !
Femme 1 : Comme vous y allez !
Homme 3 : Nous voilà des millions de gens à nous priver de tout !
Femme 2 : ...et du nécessaire !
Homme 1 : Sans compter la mévente que cette crise entraîne pour les commerçants et les paysans.
Homme 2 : Oui ! La pauvreté s’installe chaque jour davantage dans notre pays !
Homme 1 : Et dans toute l’Europe Monsieur !
Savez-vous que dans le monde on recense 32 millions de chômeurs !
On manque de tout, parce qu’il y a trop de tout.
Femme 2 : Que voulez-vous dire ?
Femme 1 : Il a raison, les riches sont trop riches et les pauvres trop pauvres.
Homme 2 : (lisant son journal)
On dit que la crise touche davantage encore l’Allemagne, soudainement privée des importants capitaux américains investis dans la reconstruction.
Homme 3 : Cela ne laisse rien présager de bon !
Homme 1 : Rien de bon en effet ! Déjà les désordres de la crise nourrissent la base sociale de ceux qui promettent un ordre nouveau.
Femme 1 : Vous voulez parler du parti nazi allemand ?
Homme 1 : Oui. Ecoutez ce qui est écrit là : "En Allemagne, le parti Nazi enregistre une progression fulgurante :
En 1928, il était à 2.2 %
En 1930, il atteignait 18.3 %
En juillet 32 : 37.3 % et voilà qu’en 33, il obtient 45 %.
Homme 2 : Il n’y a pas d’illusion à se faire. Hitler sera nommé sous peu Chancelier d’Allemagne par le vieux président Hindenburg !
Homme 3 : Si vous dites vrai Monsieur, l’Europe et le monde peuvent être inquiets !
Un gendarme entre, observe le rassemblement. Les hommes et les femmes se saluent et sortent.
La montée du nazisme
Narrateur 1 : Inquiétude ! C’est le sentiment qu’on est en droit de ressentir assurément !
Désigné chancelier le 30 janvier 1933, Hitler instaure dès le 4 février le règne de la censure et de la répression.
Le 20 mars, Himmler ouvre DACHAU, près de Munich, premier camp de concentration, destiné à l’enfermement des Allemands opposants.
Le 14 juillet 33, le parti nazi est déclaré parti unique.
Narrateur 2 : Six mois ont suffi pour mettre le pays sous la botte.
Hitler, grâce à l’appui des grandes firmes industrielles allemandes - notamment Thyssen et Krupp, grâce à une propagande d’un nationalisme outrancier réussit à tromper une nouvelle fois une grande partie du peuple allemand et réclame pour l’Allemagne plus « d’espace vital ».
Narrateur 1 : Il mobilise les chômeurs - plus d’un demi million - et ouvre d’immenses chantiers pour la construction d’autostrades, de stades, de casernes ... Une soupe populaire et une faible allocation de chômage pour tout salaire !
De plus, 250 000 jeunes sont astreints au service du travail et touchent une solde équivalente à celle des soldats.
Narrateur 2 : Les démocrates et les communistes allemands sont arrêtés et jetés en prison.
Narrateur 1 : Dès 33, un nouveau camp est imaginé à Sachsenhausen, près de Berlin.
Les communistes allemands y sont enfermés massivement, maltraités en permanence, affamés et astreints à des travaux pénibles par des brutes « SS » pétries de haine contre leurs détenus.
Un jeune (année 35 - type italien arrive sur scène) : Les « SS » ?
Narrateur 2 : Une sélection de chômeurs, enrôlés, recrutés parmi les mouchards ou les plus zélés au travail sous payé.
Narrateur 1 : Oui jeune homme, les « SS », Schütz Staffel ! Littéralement « échelon de protection » envoyés en stage de formation spéciale. Hitlériens forcenés, dotés de pouvoirs exorbitants.
Le jeune : Et pourquoi ne parlez-vous pas également de Mussolini ? En Italie aussi nous avons un dictateur brutal.
Narrateur 1 : Tu as raison. Nous allions y venir bien sûr. Nous aurions même pu commencer par lui, puisqu’il est au pouvoir depuis 1924, élu comme dirigeant socialiste !
Le jeune : Mais aujourd’hui, chef nationaliste fasciste, il revendique lui aussi de nouveaux territoires : Nice, La Savoie, La Corse...
Qu’attendent donc les Nations pour agir ? N’y a-t-il pas une force internationale capable d’empêcher de telles ambitions, si ouvertement proclamées ?
Narrateur 2 : Hélas ! La Société des Nations est occupée à palabrer sur d’autres sujets. Elle n’interviendra pas !
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Manifestations
Un second jeune : (il appelle) Camarades ! Camarades de tous pays ! Réunissons-nous à Londres, à Bruxelles, à Amsterdam, à Stockholm ! Ensemble manifestons notre rejet du fascisme !
Des jeunes arrivent de partout.
Un troisième jeune : Ce matin, 6 février 34, à Paris, les organisations fascistes - l’Action française de Maurras,les jeunes patriotes et les Croix de feu du Colonel de La Roque ont tenté un putsch contre la Chambre des Députés.
Une jeune fille : Ils ont mis le feu à des autobus.
Ils ont lancé l’assaut contre le Palais Bourbon.
Le 3e jeune : Les gardes mobiles et la garde républicaine ont fait barrage !
La jeune fille : Les fascistes n’ont pas pu franchir le pont sur la Seine. Nous arrivons d’Ivry, nous, les jeunes communistes, pour contre-manifester.
Le 3e jeune : Il y a aussi l’Association Républicaine des Anciens Combattants, et d’autres, beaucoup d’autres contre-manifestants, alertés par le Parti Communiste, qui viennent des quartiers populaires et des usines.
La jeune fille : Nous sommes plus de 25 000 avec un seul mot d’ordre :
Le fascisme ne passera pas ! (Ter)
Le tableau de la manifestation se fige puis au ralenti se décompose et sort. En fondu monte alors du fond de la scène, chanté par une chorale :
LE CHANT DES MARAIS
(Chant créé en 1933 dans le camp de concentration de Boergermoor, chanté par Dany Coutand
et la Chorale Méli-Mélo dirigée par Catherine Diamin
Narrateur 3 : 9 février 1934. En réponse aux violences fascistes du 6 février, à l’appel du
Parti Communiste, une grande manifestation doit se tenir place de la République. La SFIO refuse de s’y associer mais demande à ses adhérents de rester en « état d’alerte ».
Narrateur 4 : La place de la République, occupée par d’importantes forces de police est inaccessible. Mais partout aux alentours, vers la place Voltaire, vers la Gare de l’Est, à Ménilmontant comme à Belleville et dans toutes les rues voisines du Xe et XIe arrondissement, les manifestants, de plus en plus nombreux, font retentir le mot d’ordre : « Le fascisme ne passera pas ! »
Tous : Le fascisme ne passera pas !
Parmi les spectateurs, des individus puis des groupes de comédiens/manifestants se réunissent et reprennent le mot d’ordre. Durant les textes de narrateurs qui suivent, la manifestation va s’organiser dans le public.
Des gendarmes apparaissent pour protéger la scène.
Courses poursuites et arrestations sont évoquées .
Pendant ces actions, les narrateurs continuent le récit tels des reporters de radio.
Narrateur 3 : Des socialistes ne respectant plus les consignes de leur parti, quittent leur permanence pour rejoindre la manifestation.
Narrateur 4 : Aucun attroupement n’est toléré. Des policiers casqués, la matraque au poing, sont lancés sur les manifestants.
Narrateur 3 : À chaque charge de police, les manifestants entrent dans les couloirs d’immeuble, dans les cours et ressortent aussitôt.
Narrateur 4 : Des habitants se joignent à la lutte.
Narrateur 3 : Il y a de nombreux blessés.
Narrateur 4 : Cela dure depuis quelques heures. Et voilà que s’effectue la sortie du cinéma de la rue Oberkampf. La police confond ces groupes avec des manifestants !... Elle charge violemment !
Narrateur 3 : Au lieu de rentrer chez eux, la plupart des spectateurs se joignent à la manifestation.
Narrateur 4 : Des fenêtres, tombent alors des projectiles de toutes sortes sur la police déchaînée : boîtes de conserve, pots de peinture, pots de fleurs, bouteilles vides ou pleines d’eau... La police n’hésite plus à tirer. C’est la pagaille !
Narrateur 3 : Rue d’Orillon, des barricades sont dressées. Elles empêchent les forces armées de passer.
La manifestation se calme. Petit à petit les participants se sont retirés. Deux brancardiers arrivent et évacuent un blessé resté étendu parmi les spectateurs.
Grève générale
Narrateur 4 : Au matin du 10 février, le bilan est lourd... 6 morts et des centaines de blessés.
Narrateur 3 : Alors le 12 février, c’est l’union des forces.
La grève est proclamée.
Tous les manifestants se regroupent sur scène, avec des banderoles et des pancartes CGT - CGTU.
Narrateur 4 : Oui, les syndicats parisiens CGT unitaires des services publics s’entendent avec les confédérés de la CGT pour lancer un mot d’ordre de grève de 24 heures.
Narrateur 3 : Grève générale sur le plan interprofessionnel et national. Et bientôt tous les cortèges convergent et s’unissent : CGT et SFIO, CGTU et PCF ne font plus qu’un.
De la manifestation jaillissent des cris et des mots d’ordres :
Abolition des décrets loi !
Unité d’action !
Le fascisme ne passera pas !
Narrateur 4 : Premières luttes communes
La mobilisation est puissante dans tout le pays
Plus de quatre millions de grévistes !
Narrateur 3 : Un comité de vigilance des intellectuels antifascistes, le CVIA se constitue autour des professeurs LANGEVIN, RIVET et du philosophe ALAIN.
Ils lancent un appel à l’union pour un mouvement mondial contre la guerre et le fascisme.
Narrateur 4 : Fin juillet 34 ! Un pacte d’unité d’action lie les Partis Communiste et Socialiste.
Le 10 octobre à Nantes, Maurice THOREZ parle d’élargir l’union pour réaliser « le Front Populaire, pour le pain, la paix et la liberté ».
Narrateur 3 : Mais il faudra encore une année entière et attendre le 27 septembre 1935 pour que se recrée l’unité syndicale entre la CGTU et la CGT et que s’opère la réunification confédérale sous le sigle CGT.
Narrateur 4 : Cette unité d’action de la classe ouvrière va empêcher le fascisme de triompher en France ! A ce moment historique de la lutte, le poème du chansonnier révolutionnaire Eugène Pottier : « l’Internationale » écrit en 1871, est devenu l’hymne unitaire. :
L’INTERNATIONALE
De Eugène Pottier et Pierre Degeyter
Couplets 1, 2 et 6
Les chanteurs puis les chanteuses de la chorale, interprètent les différents couplets.
Le refrain est repris par l’ensemble des comédiens.
Octobre 1934
(Une scène de classe)
L’instituteur : (Années 50 - en avant scène cour)
Robert, rappelle- nous quels grands événements vont encore marquer la fin de l’année 1934 en France.
Robert : (il hésite) Heu ! La mort du ministre des affaires étrangères ?
L’instituteur : Très bien. Il s’appelait ?
Robert : BARTHOU Monsieur, Louis BARTHOU.
L’instituteur : Parfait, et comment est-il mort ?
Robert : Assassiné par des terroristes croates, à Marseille le 9 octobre 1934.
L’instituteur : Excellent. Vous savez, ce BARTHOU n’était pas un homme de gauche mais il était vigilant. Il savait qu’en cas d’agression de l’Allemagne, il fallait garder de bonnes relations avec la Pologne et la Yougoslavie.
C’est également lui qui a plaidé à Genève pour l’admission de l’Union Soviétique à la Société des Nations.
Lucien : Et elle sera acceptée Monsieur, le 18 septembre 1934.
L’instituteur : Bien ! Très bien Lucien ! Et encore...
Lucien : Louis BARTHOU engage avec Moscou les premiers pourparlers pour la signature d’un pacte franco-soviétique d’assistance mutuelle.
L’instituteur : Et bien sûr la presse hitlérienne et les journaux étrangers liés à l’Allemagne se déchaînent. BARTHOU est gênant. Il fait peur à l’extrême droite et 3 semaines plus tard on l’assassine, dans des circonstances étranges !
Et qui va remplacer BARTHOU ?... Adrien ?
Adrien : Pierre LAVAL, Monsieur, un protégé du Maréchal PETAIN.
L’instituteur : LAVAL, oui, qui lui, ne rêve que d’un pacte franco-allemand ! Mais nous en reparlerons demain. Maintenant prenez vos cahiers.
De l’autre côté de la scène, à jardin, est installée une classe de filles avec son institutrice.
L’institutrice : L’année 1935, vous le savez est marquée par une inquiétante agitation d’extrême droite. Des groupes armés des jeunesses patriotes de Pierre TAITTINGER et les commandos motorisés des Croix de feu du Colonel de LA ROQUE. Mais encore ... Que se passe-t-il dans le monde, Madeleine ?
Madeleine : L’armée de MUSSOLINI envahit l’Abyssinie et attaque le peuple éthiopien, Madame, en octobre 1935.
L’institutrice : Exact ! Une guerre de conquête qui durera 6 mois.
Madeleine : À Rome, LAVAL et MUSSOLINI signent un accord laissant les mains libres au fascisme italien.
L’institutrice : Et en Espagne, Simone ?
Simone : Les monarchistes, le clergé et les officiers réactionnaires se coalisent contre la République née des élections de 1931. Avec l’armée de métier et les légions de FRANCO, ils donnent l’assaut contre les mineurs des Asturies en grève. Des centaines d’entre eux sont écrasés et tués.
L’institutrice : Oui, c’est terrifiant ! Et quelle est la situation en Allemagne durant cette année 35, Claudine ?
Claudine : La répression Hitlérienne prend de l’ampleur.
Après les Communistes martyrisés, les Socialistes deviennent eux aussi les victimes de l’Hitlérisme.
Hitler s’en prend aux syndicats des Réformistes et ferme leur centrale. Les persécutions contre les Juifs se développent. D’abord la nuit, puis au grand jour. Les Juifs sont évincés de la fonction publique. Leurs magasins sont boycottés, maculés de peinture et détruits. Les Catholiques sont aussi vexés et brutalisés. Les Gitans ne sont pas épargnés.
L’institutrice : Tout cela est très juste Claudine. L’antisémitisme prend une ampleur considérable. Les lois de Nuremberg interdisent les mariages mixtes entre juifs et aryens. Ajoutons encore que le 16 mars 1935, en violation des accords internationaux, Hitler décide de reconstituer une armée. Il n’y a aucune riposte du gouvernement français, pas plus d’ailleurs que des britanniques.
Bien Mesdemoiselles, voyez-vous autre chose ? Oui Hélène ?
Hélène : Oui Madame, en France en juin 35, le Congrès SFIO accepte l’idée du Front Populaire.
Le 14 juillet, un demi million d’hommes et de femmes défile à l’appel du mouvement Amsterdam - Pleyel, animé par Romain ROLLAND et Henri BARBUSSE et en octobre le Parti Radical, à sa majorité, se rallie à son tour au Front Populaire.
L’institutrice : 1935 restera donc comme l’année des grandes manifestations et particulièrement celles en faveur des Amis de l’Union Soviétique.
En Europe, les forces en présence sont donc maintenant clairement définies.
D’un côté, les pays fascistes avec l’Allemagne et l’Italie.
Madeleine : Et de l’autre les Républiques - celle toute jeune de l’Espagne, et la France très préoccupée par la situation interne du chômage et par la vigilance et la lutte contre les ligues factieuses.
Simone : La France, madame, où la gauche du Front Populaire signe définitivement sa réunification syndicale le 6 mars 36 au Congrès CGT de Toulouse.
Front populaire
Des jeunes filles arrivent sur scène et chantent : AU DEVANT DE LA VIE
Celles de la classe les rejoignent. Puis de jeunes garçons entrent à leur tour en chantant AUPRÈS DE MA BLONDE
Les jeunes filles rient et se mêlent au chant des garçons
Sur le 4e couplet, tous partent en riant et en chantant vers le lointain.
Narrateur 6 : Oui, la jeunesse était joyeuse en 1936 !
1936 ! Il y a soixante dix ans.
Narrateur 5 : 1936 ! Année d’élections législatives !
Elles sont annoncées pour le 26 avril.
Narrateur 6 : Pour le Parti Communiste réunit en Congrès du 22 au 25 janvier, les mots d’ordre sont simples : « Faire payer les riches » !
Narrateur 5 : « Union de la nation française contre les 200 familles ! »
Narrateur 6 : Deux cents sociétés puissantes qui s’interpénètrent et constituent l’oligarchie financière.
Narrateur 5 : A la tête de la finance, de l’industrie, des établissements de crédits, des banques, des compagnies d’assurances.
Deux cents familles qui dominent l’économie et la politique de la France.
Narrateur 6 : Pour la première fois, la radio entre en jeu dans une campagne électorale.
Et c’est sur Radio Paris que Maurice Thorez, le 14 avril, lance son appel de la « main tendue » aux catholiques.
Maurice Thorez : (qui entre) " Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques, parce que tu es notre frère et que tu es comme nous, accablé par les mêmes soucis (...)
Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu Croix de Feu, parce que tu es fils de notre peuple (...) parce que tu veux, comme nous, éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe (...)"
Une scène muette évoque un jour d’élection dans un bureau de vote.
Narrateur 5 : Le 26 avril, au premier tour des élections législatives, tous les signes annonciateurs de la victoire du Front Populaire au deuxième tour sont visibles.
Narrateur 6 : Et le 3 mai, la majorité est atteinte avec 376 sièges pour les partis de gauche, dont 72 communistes, contre 238 aux partis de droite.
Narrateur 5 : La victoire du Front Populaire c’est le fruit des luttes menées depuis le 6 février 1934 contre le danger fasciste et aussi contre la réaction.
Occupations d’usine
Un ouvrier : (accourt sur scène et s’adresse à d’autres ouvriers)
Camarades ! Chez Bréguet au Havre, des ouvriers sont licenciés, coupables d’avoir fait grève le 1er mai.
Un second ouvrier : Chez Latécoère à Toulouse c’est pareil.
Un troisième ouvrier : Et bien, réagissons ! Organisons la grève avec occupation de l’usine !
Un vieil ouvrier : L’usine ! Occuper l’usine ! Vous êtes fous, ça s’est jamais vu !
Le 3e ouvrier : Justement camarade ! Il faut oser inventer la lutte ! Occupons notre outil de travail !
Image arrêtée : scène de l’occupation de l’usine.
Narrateur 7 : Le patronat ne voit pas d’un bon œil le succès électoral du Front Populaire.
Narrateur 8 : Et, dans les usines la discipline intérieure est renforcée par des sanctions, des licenciements.
Le tableau se défige.
Un ouvrier militant : Camarades ! Notre occupation a fait plier la Direction ! Toutes les sanctions sont levées !
Les ouvriers : (cris de joie) Hourrah ! Hourrah !
L’ouvrier militant : Les gars sont tous réembauchés !
Les ouvriers : (cris de joie) Hourrah ! Hourrah !
Image arrêtée.
Un patron : Messieurs, face aux difficultés que certains agitateurs nous procurent en mettant tout en œuvre pour enrayer la production et pour empêcher le bon fonctionnement de l’entreprise, nous nous verrons malheureusement contraints - si les désordres se poursuivent, de fermer notre usine.
Image arrêtée.
Un second ouvrier : (face aux ouvriers)
Camarades ! Ne nous laissons pas intimider ! Puisque les patrons veulent nous empêcher de nous défendre sur place, occupons l’usine non seulement le jour mais aussi la nuit ! Non seulement les jours ouvrables mais aussi le dimanche et les jours fériés !
Nous avons rendez-vous avec l’Histoire ! Osons la lutte jusqu’au bout pour le bonheur à venir de toute la classe ouvrière.
Tous : (Ovation et adhésion) : Hourrah !
Image ralentie d’ouvriers en lutte et en piquets de grève. Pancartes et banderoles apparaissent.
Narrateur 7 : Chez Block à Courbevoie, chez Lioré-Olivier à Villacoublay,
Chez de Lavalette à St Ouen, chez Hotchkiss à Levallois,
Narrateur 8 : Nieuport à Issy les Moulineaux, Sauter Harlé à Paris, Farman à Billancourt,
Dewoitine à Toulouse, aux Chantiers Navals de Saint-Nazaire,
Dans le nord, dans le midi,
Narrateur 7 : A Nantes, dans le Bâtiment, puis un peu partout, dans la Métallurgie, chez les dockers, toujours avec occupation des usines, des chantiers, des dépôts.
Narrateur 8 : Le bruit de l’extension des grèves se répand très vite !
Renault à Billancourt : 33 000 travailleurs, le 28 mai.
Narrateur 7 : Puis, c’est Chausson, Citroën, Gnome et Rhône, Panhard, Simca, Rosengart, JJ Carnaud, Salmson,
Narrateur 8 : Talbot, le Matériel Téléphonique, Brandt...
Narrateur 7 : Partout !
Narrateur 8 : Partout, dans toute la France, la radio, demi journée après demi journée annonce de
nouvelles occupations d’usines.
Narrateur 7 : Dans toutes les branches de l’industrie, chez les mineurs, dans le Bâtiment, les Industries chimiques, le Textile, le Papier carton, y compris dans les grands magasins.
Narrateur 8 : Le 4 juin on compte en France plus de 2 millions de grévistes.
Narrateur 7 : Pièces de théâtre, chansons, c’est le temps où les artistes viennent dans les usines pour soutenir les luttes. Francis LEMARQUE est de ceux-là.
MARJOLAINE de Francis Lemarque
interprétation Dany Coutand et Chorale Méli-Mélo.
Narrateur 9 : Dans la semaine du 7 au 14 juin 36, la grève atteint son plus haut niveau.
Le patronat est contraint de négocier.
Narrateur 10 : Pour la première fois, ses représentants doivent accepter « le face à face » avec les délégués de la CGT.
Narrateur 9 : Jean-Pierre TIMBAUD, secrétaire du syndicat des métaux de la région parisienne, Jean POULMARC’H, secrétaire des industries chimiques,
Narrateur 10 : Jules VERCRUYSSE, secrétaire de la fédération du textile,
Désiré GRANET, secrétaire de la fédération du papier carton,
Narrateur 11 : Jean GRANDEL, secrétaire de la fédération de la poste,
Narrateur 9 : Henri POURCHASSE, responsable des syndicats CGT des services publics.
Au fur et à mesure, les hommes se sont présentés.
Narrateur 10 : Face à eux, un certain Pierre PUCHEU, représentant de l’industrie lourde, siège pour le patronat !
PUCHEU ne pardonnera jamais cette lutte, ni n’acceptera les acquis obtenus.
Il vouera une haine absolue à ses adversaires politiques et en octobre 41, ce sera lui, PUCHEU, devenu ministre de l’intérieur de PETAIN, qui, en vengeance froide, couchera le nom de ces syndicalistes sur la terrible liste des otages à fusiller le 22 octobre ici dans La Sablière de Châteaubriant.
Narrateur 11 : TIMBAUD - GRANDEL - POULMARC’H .
On entend une fusillade qui évoque leur exécution future à la Sablière
Narrateur 10 : VERCRUYSSE - GRANET - POURCHASSE .
On entend une seconde fusillade qui évoque leur exécution future à la Sablière. Le récit reprend.
Narrateur 11 : Parmi les négociateurs des accords de Matignon de ce mois de juin 36, n’oublions pas de citer également Eugène HENAFF pour le bâtiment.
Narrateur 9 : Arrêté lui aussi en 1940, il aura la vie sauve pour s’être évadé en juin 41 du camp de Choisel.
Narrateur 11 : Et René PERROUAULT de la fédération CGT des industries chimiques de Paris. Arrêté, interné également à Châteaubriant et fusillé le 15 décembre 41 à La Blisière !
On entend une salve qui évoque son exécution future à la Blisière
Accords de Matignon, Congés Payés
Narrateur 11 : Le 8 juin 1936, à 1h du matin, le patronat, contraint, accepte donc et signe les accords dits « de Matignon ».
Narrateur 10 : Par ces accords, les travailleurs obtiennent une augmentation des salaires de : 7 à 15 % et jusqu’à 50% pour les catégories les plus défavorisées notamment des jeunes et des femmes.
Narrateur 9 : La signature des conventions collectives.
Narrateur 11 : L’institution des délégués d’ateliers élus.
Narrateur 9 : La semaine de 40 heures sans réduction de salaire ! Quinze jours de congés payés !
Narrateur 10 : Et diverses mesures en faveur des paysans dont le relèvement des prix à la production et la création de l’office du blé.
Narrateur 11 : « Les accords » rendent également la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans.
Narrateur 9 : Le temps semble s’allonger pour le repos et la culture !
Quai des brumes de Renoir, La belle équipe de Duvivier, Hôtel du Nord de Carné, Le cinéma entre dans la vie des travailleurs . Chorales, groupes théâtraux, bibliothèques naissent un peu partout. Et les Français vont découvrir la France
Narrateur 11 : Partir en Tandem, à vélo, en Juva 4 ou en Simca 8 vers le sud, « Nationale 7 » ou comme Monsieur Hulot vers l’ouest, à Saint Marc Sur Mer.
Narrateur 9 : Eté 36, pour les travailleurs Français, une nouvelle vie commence !
Narrateur 10 : La classe ouvrière vient de montrer sa maturité, d’où la haine d’une certaine bourgeoisie.
Scène d’ouvriers prenant leurs premières vacances.
Un couple de bourgeois regardant des travailleurs en maillot de bain
L’homme (rageur) : Plutôt Hitler que le Front Populaire !
La femme (mauvaise) : Ces congés payés qui envahissent nos plages !
Narrateur 10 : Vacances ...Temps libre, famille, jardinage...
Narrateur 9 : Des milliers de Françaises et de Français n’avaient jamais vu la mer, ni la montagne.
Narrateur 10 : Des milliers d’entre eux n’avaient jamais connu rien d’autre que le travail.
Benoît Frachon : Vous commencez à comprendre que la classe ouvrière était comme enterrée dans un caveau. Les grèves de mai lui ont permis de soulever la dalle. Maintenant, elle voit la lumière du jour, elle ne se laissera plus enfermer dans la nuit !
Narrateur 10 : Puissiez-vous dire vrai Monsieur Benoît FRACHON !
Narrateur 9 : Vous, secrétaire national de la CGT en 36 !
QUAND ON S’PROMÈNE AU BORD DE L’EAU (chanson de Jean Gabin)
par Dany Coutand accompagnée par Olivier Rousseau et Ludovic Hellet