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Accueil > La Résistance à Châteaubriant > b - Commémorations > La liberté en héritage

Commémoration de la Sablière - 2005

La liberté en héritage



  1945 - 2005 La liberté en héritage


Dimanche 23 octobre 2005
Carrière des fusillés à Châteaubriant - 64e anniversaire

Sablière 2005

On entend un train entrer en gare. La fumée envahit la scène.

Voix 1 : Le 30 janvier 1933, Hitler, chef du parti national-socialiste devient chancelier d’Allemagne.
Un mois plus tard près de 5000 opposants au régime sont arrêtés et internés dans des camps provisoires.

Voix 2 : Le 21 mars 1933, le premier camp est officiellement créé à DACHAU, près de Munich. Viennent ensuite ceux d’ORANIENBURG, SACHSENHAUSEN et BUCHENWALD.

Voix 1 : Puis le système concentrationnaire se développe à mesure que des territoires sont annexés ou occupés.

Voix 2 : Autriche, 1938.

Voix 3 : Tchécoslovaquie, 1939 - Pologne, 1940.

Voix 2 : Aux détenus allemands de la première heure, aux Tchèques et aux Autrichiens viennent s’ajouter des hommes et des femmes de toute l’Europe occupée.

Voix 1 : Membres des communautés juives tziganes.

Voix 3 : Résistants, apatrides, Témoins de Jéhovah, homosexuels et prisonniers de guerre soviétiques.

On entend à nouveau le train. Il freine et siffle. La fumée continue de se répandre sur la scène.

 Convoi

Voix 2 : Placé sous l’autorité de HIMMLER, chef suprême des SS du Reich, l’ensemble du système concentrationnaire affirme sa vocation criminelle en mettant à exécution la solution finale de la question juive décidée en janvier 1942.

Voix 3 : Ainsi des millions de femmes, d’hommes et d’enfants "raflés" et internés dans de nombreux pays, sont transférés dans des camps d’extermination.

Voix 1 : AUSCHWITZ / BIRKENAU

Voix 2 : BELZEC - SOBIDOR

Voix 3 : TREBLINKA - MAJDANEK - CHELMNO

Voix 1 : RIGA / JUNGFERNHOF

Voix 3 : Là, dans ces camps, ils doivent exécuter des tâches utiles à l’économie de guerre de l’Allemagne au sein de "Kommandos".

Voix 2 : Des milliers de déportés meurent d’épuisement tant les conditions d’existence sont inhumaines.

Voix 1 : En France, plus de 75 000 juifs de toutes nationalités dont près de 10 000 enfants sont déportés à partir de DRANCY dès juillet 42.

Voix 2 : Depuis le camp de transit de la Wehrmacht de Compiègne - Royalieu, plus de 85 000 Résistants sont acheminés vers les camps de concentration du Reich.

Voix 1 : Les Déportés Résistants issus des camps de Châteaubriant, de Voves, de Rouillé, d’Aincourt partent du Fort de Romainville où ils sont emprisonnés.

Voix 3 : Le calvaire de beaucoup de ces martyrs se terminera par la mort dans les chambres à gaz.

Le train siffle très fort et s’enfonce dans le lointain.
Des hommes serrés les uns contre les autres apparaissent dans la fumée. Des gendarmes français les encadrent.

convoi

Homme 1 : (il sort du groupe)
Je quitte Compiègne, le 12 mai 1944.
_ C’est le grand branle-bas de combat.
_ Tout débute par l’appel des noms.
_ A Compiègne, il n’y a pas de matricules, que des noms.
_ Nous sommes tous nommés et ... conduits vers les wagons.
_ Je suis Raoul GIQUEL du réseau BUCKMASTER de Fercé.
_ Ce qui nous attend est terrible.

Trois hommes sortent du groupe.

Homme 2 : Nous avons été arrêtés tous les trois, par la « BS2 », cette brigade de policiers français formée en 1941 pour traquer les résistants, qualifiés de "terroristes" par les occupants allemands.

Homme 3 : je suis Max NEVERS arrêté le 23 novembre 42 à Dijon.

Homme 4 : je suis Roger LEROY arrêté le 14 janvier 43 dans le 15e arrondissement de Paris.

Homme 2 : je suis Roger LINET arrêté le 21 janvier 43 à mon domicile clandestin de Clamart.

Le train siffle, les hommes retournent se fondre dans le groupe - fumée.

Voix 1 : À partir de la fin 1942, la contre-offensive avait été déclenchée par l’armée rouge à Stalingrad et par les troupes alliées de l’Afrikakorps.

Voix 2 : Le grand tournant de la guerre s’annonçait.

convoi

Homme 1 : (il s’avance)
Je me rappelle que le train s’est mis à rouler quand la nuit a commencé à percer.
_ Malheureusement dans le wagon, nous sommes de tout, du voyou à la plus haute personnalité...
_ Sur le sol du wagon, il y a de la paille. Dans un coin une petite trappe avec des barbelés.
_ C’est le mois de mai, il fait chaud, on manque d’air, c’est terrible.
_ Il faut se tenir debout, serrés les uns contre les autres, se déshabiller...on transpire, on ne peut pas tenir, on est tous à poil.

Les hommes 2 et 4 s’avancent à nouveau

Homme 4 : Notre train s’ébranle vers une destination inconnue.
Aux rares gares où le train marque un très court temps d’arrêt, des copains griffonnent un petit message pour leur famille. Pas besoin d’enveloppes, les petits billets sont lancés sur la voie. Des cheminots ont vu le manège.

Homme 2 : Je n’ai pas écrit à ma famille. J’ai hésité d’abord puis j’ai très vite pris ma décision. Non ! Je sais qu’au bout, il peut y avoir des risques graves pour mes proches.

Homme 4 : L’express roule à toute vapeur vers Strasbourg.

Homme 2 : Le train traverse la campagne, des champs, des prés. On voit quelques villages, le temps d’un coup d’œil circulaire. On dirait que la France ne nous regarde même pas, tant la nature, la vie semblent indifférentes à ce train qui nous emmène on ne sait où...

Homme 4 : La soif nous prend à la gorge. On étouffe. Un camarade s’est évanoui, on ne sait quoi faire. A Strasbourg, le wagon cellulaire est attaché à un train régional jusqu’à ROTHAU, petite gare près de SCHIRMECK.

Homme 1 : À SARREBRUCK, à la frontière, le train s’arrête. Ils ouvrent les portes avec des mitraillettes braquées : ce sont des fous parce qu’il vient d’y avoir des évasions.
Nous sommes 120 là-dedans, ils réussissent à nous faire repasser tous d’un côté, à coups de crosses, Tous ! Tous ! ... et nous repartons. Cela va durer trois jours.

Le train siffle (fumée). Des femmes avec des valises se massent à leur tour.

Voix 1 : Un train s’éloigne, d’autres arrivent, c’est le pouvoir des trains : partir et revenir.

Voix 2 : Il y a soixante ans, des centaines de trains partent vers l’Allemagne et le IIIe Reich, avec à leur bord, des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards.

Voix 3 : On les appelle "les convois".

Voix 1 : Aujourd’hui 84 convois sont recensés par Serge KLARSFELD, au titre de la persécution. Mais de 1940 à 1945, on évalue à 400 le nombre de convois vers la déportation.

Homme 1 : Trois jours...trois jours où il faut essayer de survivre à l’horreur.

Voix 2 : Toi femme, tu en es ressortie et tu as témoigné en janvier 46 face aux bourreaux nazis lors du procès de Nuremberg...Parle-nous, dis-nous.

Voix 3 : Nous t’écoutons, nous voulons savoir, nous voulons te croire.

Le piano et la contrebasse accompagnent les dialogues qui suivent.

Femme 1 : J’ai quitté Romainville pour Auschwitz le 23 janvier 43. Arrivée : le 27.
Je faisais partie d’un convoi de 230 Françaises. Je m’appelle Marie-Claude VAILLANT-COUTURIER, il y avait parmi nous, Danielle CASANOVA qui est morte à Auschwitz, Maï POLITZER, qui est morte à Auschwitz, Hélène SALOMON.

Homme 1 : ...On meurt de soif ! Quand on a soif, on boirait n’importe quoi.

Homme 4 : L’après-midi est déjà bien entamée... On arrive à la petite gare de ROTHAU. Toujours en France ? Oui, mais l’Alsace est annexée.

Aboiements de chiens.

Homme 1 : L’atmosphère est impossible...
Avant d’arriver à BUCHENWALD, il y a trois ou quatre gars qui sont couchés sur moi. Je ne peux plus bouger sous leur poids et je me dis : "Tu vas mourir là, mais ne bouge pas, si tu bouges tu es foutu".

Homme 2 : Des SS au regard méchant, haineux, nous attendent, la matraque à la main, le berger allemand en laisse. Ils nous matraquent à tour de bras. Il faut courir vers les camions. Les chiens aboient sans arrêt.

Le train se fait entendre dans le brouhaha et siffle.

Femme 1 : Il y avait dans le transport, des vieilles femmes, entre autres, je me souviens d’une de soixante-sept ans, arrêtée pour avoir eu dans sa cuisine le fusil de chasse de son mari...
Elle est morte au bout de quinze jours à Auschwitz.
Il y avait également des infirmes, en particulier une chanteuse qui n’avait qu’une jambe. Elle a été sélectionnée et gazée à Auschwitz. Il y avait aussi une jeune fille de seize ans, une élève de lycée, Claudine GUERIN. Elle est morte également à Auschwitz.

Homme 1 : J’ai une chance inouïe, j’ai la figure contre la paroi dans le bas du wagon. Il y a un petit trou, je sens l’air. C’est ce petit trou qui va me sauver.
Je ne sens plus mes membres, plus rien.

Femme 1 : Le voyage a été extrêmement pénible. Nous étions soixante par wagon et l’on ne nous a pas distribué de nourriture, ni de boisson pendant le trajet... Trois jours durant !

Femme 2 : À un arrêt, j’ai demandé à des soldats lorrains enrôlés dans la Wehrmacht, qui nous gardaient si l’on arrivait bientôt. Ils m’ont répondu : "Si vous saviez où vous allez, vous ne seriez pas pressées d’arriver".

Voix 1 : La particularité de ce convoi du 24 janvier 1943, dit des "31 000", est due à sa composition exclusivement féminine. Il est constitué de 230 femmes.

Voix 2 : Un autre convoi, le "convoi des Tatoués" d’avril 1944 sera quant à lui, différent par son parcours. Il ne restera que 15 jours à Auschwitz avant d’être envoyé au camp de Buchenwald.

Voix 3 : Sur les 4 500 hommes et femmes, Résistants français détenus à AUSCHWITZ BIRKENAU, 3 000 sont venus directement de France en trois convois. Le 1er, celui des 45 000, était parti le 6 juillet 1942.

Voix 1 : 31 000 ! 45 000 ! Ce sont les numéros de matricule tatoués sur l’avant bras gauche des Déportés à leur arrivée à Auschwitz.

Homme 1 : Le train s’arrête. Ils ouvrent les portes des wagons. Il y a des macchabées, je ne sais pas, plus de dix à quinze sont morts.
Trois jours d’une éternité de ténèbres sont achevés.
Nous voilà arrivés à BUCHENWALD.

La musique du piano et de la contrebasse s’arrête.
Depuis le début, dans la fumée et les sifflets du train, les hommes et les femmes se sont agglutinés au centre du plateau. Certains sont tombés.

 Nacht und nebel

Voix 1 : NACHT UND NEBEL !

Voix 2 : NACHT UND NEBEL !

Tous : (en cri) NACHT UND NEBEL !
(le chœur des hommes et des femmes)

CHANT 1
« Nuit et Brouillard » de Jean FERRAT
interprété par Dany COUTAND

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit, de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n’étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés, avaient été jetés
Dès que la main retombe, il ne reste qu’une ombre
Ils ne devaient plus jamais revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure obstinément
Combien de tours de roues, d’arrêts et de départs
Qui n’en finissent pas, de distiller l’espoir
Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhova ou Vishnu
D’autres ne priaient pas mais qu’importe le ciel
Ils voulaient simplement ne pas vivre à genoux
Ils n’arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essayent d’oublier, étonnés qu’à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant l’aurore
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers
On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours
Qu’il vaut mieux chanter que des chansons d’amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire
Et qu’il ne sert à rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille à pouvoir m’arrêter
L’ombre s’est faite humaine aujourd’hui c’est l’été
Je twisterais les mots s’il fallait les twister
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent

Voix 4 : Même un paysage tranquille,Même une prairie avec des vols de corbeaux, des moissons et des feux d’herbe,

Voix 5 : Même une route où passent des voitures, des paysans, des couples,Même un village pour vacances avec une foire et un clocher peuvent conduire tout simplement à un camp de concentration.

Voix 6 : Le Struthof, Oranienburg, Auschwitz, Neuengamme, Belsen, Ravensbrück, Dachau furent des noms comme les autres sur les cartes et les guides.

Voix 5 : Un camp de concentration se construit comme un stade ou un grand hôtel,

Voix 4 : ...avec des entrepreneurs, des devis, de la concurrence, sans doute des pots de vin.

Voix 6 : Pas de style imposé. C’est laissé à l’imagination... Des architectes inventent calmement ces porches destinés à n’être franchis qu’une seule fois.

Le Chœur des hommes et des femmes avance.

Le Chœur : (des voix sortent du chœur de façon impersonnelle)
-  Raflés de Varsovie
-  Déportés de Lodz, de Prague, de Bruxelles, d’Athènes, de Zagreb, d’Odessa, de Rome...
-  Internés de Pithiviers
-  Raflés du Vel’d’Hiv...
-  Résistants parqués à Compiègne

Voix 4 : La foule des pris sur le fait, des pris par erreur, des pris au hasard, entre dans les camps.

Une phrase musicale ponctue cette évocation de « Nuit et brouillard ».

 Femmes de France

Femme 3 : Loger,

Femme 4 : cacher,

Femme 2 : protéger,

Femme 3 : nourrir,

Femme 4 : informer,

Femme 3 : assurer des liaisons dans un monde de terreur et de répression.

Femme 4 : C’était notre rôle à nous femmes de résistance, femmes de France.

Femme 5 : Femmes de tous âges et de toutes conditions qui aspirions au bonheur et qui aimions la vie.

Femme 3 : Mais l’oppression, l’humiliation du pays sous la botte nazie, la perte de la liberté, rendaient le bonheur impossible.

Homme 4 : En file ! Déshabillez-vous ! A Poil !

Homme 5 : A la queue leu leu à la tondeuse !

Homme 3 : Tous, crâne nu et visage nu ! A peine si on se reconnaît !

Femme 1 : On a déplombé nos wagons et on nous a fait sortir à coups de crosse pour nous conduire au camp de Birkenau.

Femme 3 : Dans une prairie immense et glacée en ce mois de janvier.

Femme 4 : Nous avons fait le trajet en tirant nos bagages.

Les femmes se regroupent et entonnent le premier couplet de la Marseillaise.
Elles poursuivent ensuite l’hymne, bouches fermées sous les textes qui suivent
.

Homme 5 : Puis c’est le baquet de grésil ! C’est incroyable ce que ça brûle ! Les « kapos » se marrent ! Pas les SS, ceux-là ne doivent pas savoir rire !

Homme 2 : Inspection du corps avec une spatule, pour la bouche et pour l’anus et au suivant !
La spatule ne passe pas au désinfectant !

Homme 4 : Nous ne reverrons jamais plus nos vêtements.

Femme 1 : Nous sentions tellement qu’il y avait peu de chance d’en ressortir - car nous avions déjà rencontré les colonnes squelettiques qui se dirigeaient au travail - qu’en passant le porche nous avons chanté la Marseillaise pour nous donner du courage. C’est Raymonde FALEZ qui a osé la première.

Femme 2 : On nous a rasé la tête.

Femme 3 : On nous a tatoué sur l’avant-bras gauche le numéro de matricule !

Femme 5 : On nous a mis dans une grande pièce pour prendre un bain de vapeur et une douche glacée.

Femme 4 : En présence des SS, bien que nous soyons nues.

Femme 1 : On nous a remis des vêtements souillés et déchirés.

Femme 2 : Dehors il neigeait.

Fin de la Marseillaise.

Homme 5 : Une chemise, un pantalon, une veste. De vieilles fringues. Peut-être... sans doute celles des morts !

Homme 6 : Et une paire de « claquettes » comme des sabots de bois, pour que la marche soit pénible et ridicule.

Homme 3 : Et enfin, dernière opération vestimentaire, on nous distribue un triangle rouge en tissu, celui des politiques avec fil et aiguille pour le coudre sur la veste et le pantalon.

Femme 1 : Puis nous avons été conduites dans le bloc où nous devions habiter. Il n’y avait pas de lits.

Femme 3 : Non, des bat-flanc de 2 mètres sur 2 mètres, où nous couchons neuf par neuf.

Femme 4 : Sans paillasse et sans couverture la première nuit.

Femme 5 : Nous sommes demeurées là pendant plusieurs mois.

CHANT 2
« Maria Szusanna » de Michèle BERNARD
Interprété par Dany COUTAND

Elle a débarqué dans la class’ un vrai courant d’air
Drôle de dégaine et drôle de race, un matin d’hiver
Au beau milieu de la dictée, sur le ciel et la voie lactée
Elle s’est assise tout près derrière le p’tit bureau de bois
La maîtresse a dit : elle s’appelle Maria Szusanna
Elle sera là jusqu’à Noël puis elle s’en ira
Alors ça pouvait arriver au beau milieu de la dictée
Une môme fagotée comm’l’orage, fille du vent et du voyage

Ô Maria Szusanna où es-tu ? Dans quelle nuit t’es-tu perdue ?
Reste-t’il pour croquer ta vie Manouche, quelques dents dans ta bouche
Ô de Varsovie à Saragosse, roulottes-tu toujours ta bosse ?
Si belle encore mais comme tes semblables, toujours indésirables...

J’ai attendu à la sortie pour accompagner
Cette môm’ qui m’avait souri, même pas parlé
Elle a mis sa main dans la mienne, j’ai suivi la p’tite Bohémienne
Le long d’un boulevard tout gris aux pauvres arbres rabougris
Trois caravanes sous la neige autour d’un grand feu
Comm’un immobile manège et des hommes entr’eux
Qui parlent une langu’inconnue, étonnés que je sois venue
Dans la gadoue chercher du miel au pays des Romanichels

Ses petits frères l’attendaient devant la roulotte
Et tous ensemble ils sont entrés en fermant la porte
Elle a fait adieu de la main et j’ai rebroussé mon chemin
Jusqu’à ma maison de ciment où d’vait s’inquiéter ma maman
En m’retournant j’ai vu encore derrière le rideau
Ses yeux noirs qui brillaient si fort qui tenaient si chaud
A l’école on n’a pas revu l’enfant née en terr’inconnue
L’orage n’a plus éclaté au beau milieu de la dictée

Ô Maria Szusanna où es-tu ? Est-ce de t’avoir aperçue
A belles dents croquer ta vie Manouche que j’ai eu dans la bouche
Ô ce désir si fort de partir et chanter pour ne pas trahir...
L’enfant qui va sa vie coûte que coûte sur l’infini des routes !

Homme 2 : Le STRUTHOF, lieu-dit à l’écart de la charmante commune rurale de NATZWEILLER en Alsace.

Homme 3 : Le STRUTHOF - camp de concentration impitoyable de la folie et de la barbarie nazie.

Homme 5 : Nous sommes NACHT UND NEBEL sans le savoir.
Pas de visite, pas de correspondance.

Homme 2 : Pas de colis même venus de la Croix-Rouge !

Homme 3 : Nous sommes interdits de soins, bien qu’exposés aux coups en permanence.

Homme 6 : C’est la volonté du Führer de faire disparaître les ennemis du Reich dans la nuit et le brouillard.

Depuis le début de la scène, les "détenus" ont déployé un immense tissu blanc au travers de l’espace et des "ouvriers" peignent des rayures bleues dessus.

Voix 4 : Sous une rafale de coups qui font très mal, les détenus doivent courir au pas de gymnastique pour prendre chacun une pelle et une pioche.

Voix 5 : Courir encore pour se rassembler par petits groupes.

Voix 6 : Courir toujours pour aller à l’endroit prévu et commencer à piocher.

 Tenir

Homme 4 : Nous essayons de préserver aussi bien que possible les blessés qui peuvent encore tenir debout.

Homme 2 : Ceux qui sont trop mal en point et qui ne peuvent plus marcher, sont allongés par terre quel que soit le temps.

Homme 3 : On remplit les wagonnets à la pelle. Les grosses pierres sont chargées à la main.

Homme 2 : Et on pousse les wagonnets sur des rails jusqu’à la décharge.

Homme 4 : Cinq hommes par wagonnet.
On doit courir en les poussant, sous la distribution des coups.

Homme 3 : Communistes, gaullistes, catholiques, nous sommes tous copains solidaires pour épauler les plus faibles et les plus vulnérables.

Homme 5 : Les wagonnets roulent mal et déraillent souvent.
Pleins à ras bord, ils pèsent plusieurs tonnes.

Homme 2 : Les coups redoublent. Souvent les chiens mordent aux mollets.

Homme 3 : Quand un manche de pioche ou de pelle est cassé sur notre dos, les matraqueurs démanchent une autre pioche ou une autre pelle et ça recommence, ou plutôt, ça continue.

(On entend des aboiements)

Femme 1 : Pour l’appel on était mis en rangs, par cinq, puis on attendait jusqu’au jour que les surveillantes allemandes en uniforme viennent nous compter.

Femme 2 : Elles avaient des gourdins et elles distribuaient au petit bonheur la chance, comme ça tombait, des coups.

Femme 3 : Nous avons une compagne, Germaine RENAUD, institutrice à AZAY LE RIDEAU qui a eu le crâne fendu devant nos yeux par un coup de gourdin durant l’appel.

Femme 1 : À AUSCHWITZ le travail consistait au déblaiement des maisons démolies, construction de routes et surtout assainissement des marais.

Femme 4 : C’était le travail le plus dur. On était toute la journée les pieds dans l’eau et il y avait danger d’enlisement.

Femme 3 : Durant tout le travail les SS hommes et femmes qui nous surveillaient, nous battaient et lançaient sur nous leurs chiens.

Femme 4 : Il m’est même arrivé de voir une femme déchirée et mourir sous nos yeux, alors que le SS TAUBER excitait son chien contre elle et ricanait à ce spectacle.

Phrase musicale grave.

Homme 6 : Il faut mettre sur pied une organisation clandestine !

Homme 3 : Pour unir tous les Français au sein d’un comité patriotique clandestin.

Homme 4 : Oui, pour organiser le soin de tous les blessés, pour aider en nourriture les plus faibles et porter ceux qui ne peuvent plus marcher.

Homme 3 : Un comité patriotique, pour remonter le moral à ceux qui désespèrent et pour se préparer à saisir la moindre chance d’en sortir.

Homme 4 : La condition préalable c’est d’être unis, tous solidaires. C’est à ça qu’on va s’employer.

Homme 2 : (Il arrive) Camarades ! Le commandant François FAURE et tous les gaullistes joignent leurs efforts aux nôtres, à nous les communistes, pour cette entraide indispensable.

Phrase musicale

Femme 1 : Les causes de mortalité étaient extrêmement nombreuses. Il y avait d’abord le manque d’hygiène total.

Femme 6 : Lorsque nous sommes arrivées à AUSCHWITZ, pour 12 000 détenues, il y avait un seul robinet d’eau non potable, qui coulait par intermittence...

Femme 4 : Il était donc presque impossible de se laver ou de laver son linge.

Femme 7 : Nous sommes restées pendant plus de trois mois sans jamais changer de linge.

Femme 5 : Quand il y avait de la neige, nous en faisions fondre pour pouvoir nous laver.

Femme 1 : Il y avait les mauvais traitements, les coups sans cesse...
Il n’y avait pas de médicaments, pas de soins....

Femme 7 : Il y avait le manque de nourriture.

Femme 5 : Dans le bloc 25, c’était celui des condamnées à mort, on ne leur donnait à manger que s’il restait des bidons à la cuisine, c’est-à-dire que, souvent, elles restaient plusieurs jours sans une goutte d’eau.

Femme 6 : Il y avait les rats...gros comme des chats...
Et puis les épidémies, le typhus à l’hiver 43 et aussi en 44.

Femme 7 : Les épidémies ! On nous donnait à manger dans de grandes gamelles rouges seulement passées à l’eau froide après chaque repas.

Femme 1 : Comme toutes les femmes étaient malades et qu’elles n’avaient pas la force durant la nuit de se rendre à la tranchée qui servait de lieu d’aisance, elles utilisaient ces gamelles.

Femme 4 : Le lendemain on ramassait les gamelles, on les vidait sur un tas d’ordures, on les passait à l’eau froide et on les remettait en circulation.

Femme 2 : Pendant ces périodes d’épidémies, il y a eu 200 à 350 mortes par jour.

A partir de là, les hommes et les femmes vont parler ensemble sur les répliques qui suivent et très vite les paroles vont s’emmêler.

Homme 6 : Y a-t-il une petite chance d’en sortir vivant ?
Y a-t-il une petite lueur d’espoir ?

Homme 2 : Difficile d’avancer une certitude, mais il ne faut surtout pas abdiquer !

Homme 3 : Pourrons-nous tenir ? Il faut tenir !
Nos moyens de solidarité ne sont-ils pas trop faibles !

Homme 7 : Il ne faut rien négliger.

Femme 1 : Une cause de mort était la question des chaussures.

Femme 3 : Dans la neige,

Femme 1 : dans la boue de Pologne,

Femme 6 : les chaussures de cuir étaient abîmées au bout de huit à quinze jours.

Femme 2 : On avait les pieds gelés et des plaies aux pieds.

Homme 3 : L’entreprise de déshumanisation, de dégradation physique a déjà marqué quelques-uns uns d’entre nous.

Homme 7 : Redonner de l’espoir pour tenir, tenir encore, redonner confiance, maintenir la dignité humaine.

Femme 4 : Il fallait coucher sur ses souliers boueux, de peur qu’on ne les vole.

Femme 1 : Les internées juives qui allaient à l’appel sans chaussures, étaient immédiatement conduites au bloc 25.

Femme 5 : On les gazait !

Femme 3 : On les gazait !

Femme 1 : On les gazait pour n’importe quoi !

Il faut résister

Homme 2 : Ne pas sombrer ! Tenir !
Rester des hommes !

Homme 3 : Tenir ! Rester des hommes !

Homme 4 : Tenir ! S’estimer ! S’entraider, envers et contre tout dans le malheur, dans l’enfer.

Femmes 1-2 et 3 : Résister pour rester des femmes.

Hommes 2 - 3 et 4 : Résister pour rester des hommes.

Tous (un cri) : RESISTER !

CHANT 3
« Vadni Ratsa »
« Ilo Yatro »
Par les musiciens du voyage Rromani Gadjes

Les Rromani Gadjes

« RAVENSBRÜCK »
_ Poème de René Guy CADOU
dit par une jeune fille

A Ravensbrück en Allemagne
On torture on brûle les femmes

On leur a coupé les cheveux
Qui donnaient la lumière au monde

On les a couvertes de honte

Mais leur amour vaut ce qu’il veut

La nuit le gel tombent sur elles
La main qui porte son couteau

Elles voient des amis fidèles
Cachés dans les plis d’un drapeau

Elles voient. Le bourreau qui veille
A peur soudain de ces regards

Elles sont loin dans le soleil
Et ont espoir en notre espoir

Des femmes se regroupent, se serrent et au ralenti, tour à tour, vont glisser sur le sol.

Musique seule (piano) sur tout le texte qui suit. (Sonate)

  Gazage

Voix 6 : En 1945, devant le tribunal qui le condamne à mort, le sinistre commandant KRAMER (le SS HAUPSTURM) s’explique sur le premier « gazage » effectué par lui au Stutthof, en Pologne, sur ordre de HIRT.

C’était au début d’août 1943, quinze femmes juives venant d’Auschwitz.

Le SS : (il parle de dos)
« Je leur dis qu’elles allaient à la chambre de désinfection. Aidé de quelques SS, je les déshabillai complètement et les poussai dans la chambre.
Elles commencèrent à hurler.
Après avoir fermé la porte, je plaçai une certaine quantité de sel - de cyanure je suppose - dans un entonnoir situé au-dessus de la fenêtre d’observation par laquelle je regardais ce qui se passait à l’intérieur.
Elles continuèrent à respirer pendant une demi-minute puis tombèrent sur le plancher.
Quand j’ouvris la porte, après avoir fait fonctionner la ventilation, elles gisaient à terre, sans vie, pleines d’excréments.
J’ai recommencé quelques jours plus tard avec d’autres femmes.
Puis en deux ou trois jours avec cinquante, peut-être cinquante cinq hommes, qui furent tués avec les sels que m’avait donnés HIRT.
Je n’ai ressenti aucune émotion en accomplissant ces actes. J’avais des ordres, et, de toute façon, j’ai été élevé ainsi. »

On entend un coup de feu ou le tir d’un peloton d’exécution. Lentement, très lentement la silhouette du SS s’affaisse sans pour autant aller jusqu’au sol.

CHANT 4
« Si c’est un homme » de Primo LEVI
Mis en musique et interprété par Dany COUTAND

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,

Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non

Considérez si c’est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu’à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N’oubliez pas que cela fut,
Non ne l’oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.

Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant.
...

(Les internés se retirent emportant avec eux le drap peint)

 Emoi

Voix 13 : La nouvelle des exécutions, le 22 octobre 1941 : de 27 otages à Châteaubriant, de 16 à Nantes, de 5 au Mont Valérien, et le surlendemain de 50 nouveaux otages à Souges près de Bordeaux, s’est propagée en France comme une traînée de poudre.

Voix 8 : Toute la population est en émoi, tant à Châteaubriant que dans le reste du pays.

Voix 7 : Face à cette adversité populaire, à cette solidarité nationale autour du meurtre des otages, les Allemands devront se faire plus discrets.

Voix 13 : Alors, pour assassiner, les SS vont déporter hors de France.

Voix 8 : La plupart des 27 de Châteaubriant étaient des militants syndicalistes tous communistes connus dans la région parisienne.

Voix 14 : Parmi eux Charles MICHELS, Henri POURCHASSE, Désiré GRANET, Jean POULMARCH’ et Jean-Pierre TIMBAUD.

Voix 8 : Représentant national de la CGT, Jean-Pierre TIMBAUD participe pour la fédération des métaux aux négociations qui amènent les accords de 36.

Voix 13 : En 1941, PUCHEU ancien représentant du patronat devenu ministre de PETAIN inscrit Jean-Pierre TIMBAUD sur la liste des 27 otages, en répression, par haine de classe.

Voix 7 : Tribun remarquable, d’un dévouement et d’un courage exceptionnels, TIMBAUD était particulièrement populaire.

Voix 14 : Dans les usines, l’intimidation recherchée par les hitlériens se transforme, sous des formes diverses en énergie redoublée de forces combattantes.

Voix 8 : Et la Résistance engagée aux premières heures de l’occupation ne cesse de s’amplifier :

Voix 13 : Les comités populaires, le sabotage de la production de guerre nazie,

Voix 8 : ..les organisations spéciales et toutes les actions collectives ou individuelles de distribution de tracts, d’information, de persuasion, contribuent à organiser cette Résistance.

Voix 9 : Et en 42, la création des F.T.P. (les Francs Tireurs Partisans) marque une nouvelle phase de la lutte armée.
La guérilla est portée au cœur même de l’armée d’occupation ainsi harcelée par des groupes audacieux qui lui infligent des coups spectaculaires, l’obligeant à rester sans cesse sur ses gardes.

Voix 14 : D’autres organisations de résistance armée, gaulliste notamment, s’implantent en zone occupée.

Voix 8 : Certains réseaux gaullistes passent des "renseignements" à l’action directe contre les forces militaires allemandes.

Voix 7 : Le comité national français de Londres, présidé par le Général DE GAULLE, entreprend de regrouper ces "mouvements armés" sous son autorité et en octobre 1942, il nomme le Général DELESTRAINT, chef de cette « Armée Secrète ».

Voix 14 : En même temps, REMY, chef du réseau gaulliste le plus important de France, établit des contacts avec les F.T.P.

Voix 9 : HITLER, qui doit d’urgence envoyer des renforts sur le front russe, est contraint de maintenir partout,

Voix 7 : en France, comme dans d’autres pays occupés,

Voix 9 : des forces militaires soumises à l’hostilité d’une partie grandissante de la population.

Voix 8 : Mais au cours de l’année 42, ce dispositif de la Résistance est durement éprouvé par de nombreuses arrestations.

Voix 7 : 12 otages sont prélevés du camp de Choisel et fusillés dans des lieux inconnus :
Le 7 mars 1942 : Robert DOUVILLEZ et Armand FELDMANN.

Voix 8 : Le 23 avril 1942 : Simon BRONSTEIN, François RUITZ, Jacques JORRISEN et Henri CARIO.

Voix 9 : Le 29 avril 1942 : Marius GARBAZ, Georges TOMPOUSKI, Louis THORES et Pierre RIGAUD.

Voix 13 : Et plus tard Corentin CARIOU et Auguste DELAUNE qui lui, meurt sous la torture.

On entend une phrase musicale introduisant : « Le Chant des Partisans »

Voix 8 : (parlé) Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.

 Le procès des 42

Sablière 2005

Un facteur arrive, il donne une lettre à une femme accompagnée de sa fille.
La mère (qui ouvre l’enveloppe) :

« Chères mère et sœur,
Quand vous recevrez ce mot, je ne serai plus de ce monde.
N’ayez pas trop de chagrin. Il vous reste mon petit...
C’est une belle mort que de tomber sous les balles de nos ennemis et on ne souffre pas, sinon moralement...

La fille tombe dans les bras de sa mère qui elle, reste droite et digne.

Voix 10 : ...Ils nous fusillent comme des bandits, dites-leur que pour moi le nom des CHAUVIN est sans tâche. Au contraire je suis fier de le léguer à mon Petit, comme celui d’un communard qui n’a pas voulu baisser la tête devant la bestialité fasciste. Je ne regrette rien. Ma vie à refaire serait la même. C’est vous que je regrette mes pauvres chéries.

Adieu chère mère, chère sœur. »
Auguste

Voix 11 : L’homme qui écrit ces mots extraits d’une longue lettre du 21 janvier 1943, c’est Auguste CHAUVIN, l’un des 37 fusillés du stand de tir du Bêle à Nantes, aujourd’hui boulevard de la Beaujoire.

Là, commence le fredonnement collectif du « Chant des Partisans ».

Voix 9 : 37 résistants FTP condamnés au procès des 42 de Nantes et exécutés en trois fois.

Voix 10 : le 29 janvier 1943 tombent :
Eugène CHAUVIN - Valentin CLERO - Robert DOUINEAU

Voix 11 : André GUINOISEAU - Raymond HERVE - Maurice LAGATHU

Voix 9 : Eugène LEBRIS - André PEROCHEAU - André ROUAULT (17 ans)

Voix 12 : Le 13 février 1943, toujours au champ du Bêle sont fusillés : Henri ADAM -
Georges BARBEAU - Benedicto BLANCO DOBARRO - Basilio BLASCO-MARTIN.

Voix 11 : Marcel BOISSARD - Jean BOUVIER - Albert BREGEON - Auguste CHAUVIN - Marcel DUGUY

Voix 9 : Clément FOUGEARD - Alfredo GOMEZ OLLERO

Voix 10 : Pierre GRELEAU - Jacques GUILLOUX - Maurice JOUAUD

Voix 12 : et encore ce même jour sous les balles nazies tombent :
Henri LELIEVRE - Eugène LEPARC - Jean LOSQ - Marcel MICHEL

Voix 9 : Claude MILLOT - Ernesto PRIETO HIDALGO

Voix 10 : Miguel SANCHEZ TOLOSA - Joseph SEROT

Voix 11 : Félicien THOMAZEAU - Gaston TURPIN et Marcel VIAUD (35 ans) - instituteur à l’école des Terrasses de Châteaubriant et à la Ville au Chef en Nozay.

Voix 12 : Enfin le 7 mai 1943 une troisième fusillade emporte Yves BRISSON- Léon COIFFÉ et Louis LE PAIH.

Voix 10 : Que leurs noms résonnent ici dans cette carrière de sable et de poussière aux côtés des 27 de Châteaubriant. Tous ont bravé la mort pour nous offrir la liberté en héritage.

Le fredonnement du « Chant de Partisans » est de plus en plus présent.

Voix 7 : Le 21 juin 1943, aux alentours de 15h, à Caluire, près de Lyon, Jean MOULIN dit Max, est arrêté par une dizaine d’hommes de main commandés par Klaus BARBIE, chef de la section IV du service de renseignements et de sécurité du Reich de Lyon.

Voix 13 : Max ne survivra qu’une quinzaine de jours aux conditions de son interrogatoire.

Fin du fredonnement du « Chant des Partisans »

Voix 11 : (parlé) Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.

CHANT 5
« Le Chant des Partisans »
(Maurice DRUON- Joseph CASSEL- Anna MARLY)
Interprété par Dany COUTAND accompagnée de ses musiciens
et des musiciens du voyage Rromani Gadjes

Ami entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé ! Partisans, ouvriers et paysans c’est l’alarme :
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
Montez de la mine, descendez des collines, Camarades
Sortez de la paille, les fusils, la mitraille, les grenades...
Ohé ! Les tueurs à la balle ou au couteau, tuez vite !
Ohé ! Saboteur attention à ton fardeau...Dynamite !

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères,
La haine à nos trousses, la faim qui nous pousse, la misère...
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves ;
Ici, nous vois-tu, nous on marche, nous on tue, nous on crève.
Ici chacun sait, ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe....
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place
Demain, du sang noir séchera au grand soleil sur les routes.
Sifflez compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute.

 Je résisterais

Voix 20 : Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles en ce début 1943. Le 2 février, la VIe armée allemande, forte d’un million d’hommes, de 5 000 chars et 3 000 avions, est battue à Stalingrad par les Soviétiques.

Voix 12 : L’élite de l’armée nazie démantelée,

Voix 10 : Von Paulus et 24 autres généraux du Reich faits prisonniers avec des centaines de milliers de soldats !

Voix 21 : C’est le grand tournant de la guerre !

Voix 12 : Le fascisme recule sur tous les fronts, en Afrique à El-Alamein.
En mer de Corail où les Américains stoppent la progression japonaise.

Plusieurs voix : Même si tu prenais mon dernier pouce de terre
Même si tu m’enfermais entre mille murailles
Même si tu brûlais mes poèmes et mes livres
Même si tu donnais ma chair en pâture aux chiens
Même si ton cauchemar hantait nos demeures
Même si tu surprenais ma tristesse cachée
Jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je résisterais
Je résisterais...

Samih AL KACEM

Voix 20 : L’Allemand a beau faire, il est toujours détesté au fond des campagnes, et il le sera beaucoup plus encore après sa conduite vis-à-vis des prisonniers et surtout après les fusillades.

Voix 21 : Chaque région vit isolée, mais travaille dans l’ombre. De braves Français trament les fils de la défaite allemande, ils y mettent une ardeur extraordinaire, ils emploient mille pièges, dressent mille embûches pour gêner l’envahisseur.

Voix 15 : Quelques-uns osent aller plus loin encore et prennent le risque de cacher des évadés.

Voix 20 : Parmi ces Résistants, citons pour exemple Roger PUYBOUFFAT dentiste à Châteaubriant, Jean LE GOUHIR, cheminot ou Jean TROVALET le boulanger de Treffieux.

Voix 21 : Par ces réseaux de complicités, ils protègent et hébergent les camarades en fuite.

Voix 15 : Comme c’est le cas pour Fernand GRENIER, le 18 juin 41.

Deux hommes arrivent en vélo devant la scène.

Guillaume : C’est toi le colis ?

Fernand Grenier : Oui, c’est moi.

Guillaume : Salut, suis-moi.

Ils descendent de vélo et montent sur scène.

Jean Trovalet : Jean TROVALET.
(il serre la main de Fernand Grenier)
... et lui c’est mon commis Jean GUILLAUME.

Fernand Grenier : JULIEN. (il serre la main de Trovalet)

Jean Trovalet : Ne m’en dis pas plus. Tu es là en sécurité, à condition de te tenir discret...

Voix 19 : Fernand GRENIER, arrêté le 5 octobre 1940 à Paris, par la police de Vichy, a déjà connu le camp d’Aincourt, la prison de Fontevrault et la centrale de Clairvaux.

Voix 15 : Ce jour là, ils sont deux à s’être évadés : Henri RAYNAUD, membre du Comité Central du PCF et secrétaire du bureau confédéral de la CGT et lui Fernand GRENIER, alias Julien, député de Seine St Denis.

Voix 16 : Le 19 juin 41, deux autres évasions, du camp de Choisel, se déroulent aussi avec succès.

Voix 20 : Deux membres du Comité Central du PCF : Léon MAUVAIS et Eugène HENAFF s’enfuient avec l’aide des Résistants castelbriantais.

Voix 21 : A Paris, Von STUELPNAGEL, général SS de l’infanterie, est furieux : quatre dirigeants communistes évadés d’un coup !

Voix 22 : Une prime d’un million de francs est offerte à qui donnera des renseignements pour les retrouver.

Voix 15 : Mais cette fois-ci, ceux-là ne seront pas repris : ni plus tard Pierre GAUDIN, André TOLLET, GAUTHIER, André BOLZE, René SENTUC ...

Voix 16 : Ils iront rejoindre les FTP et avec l’appui de femmes héroïques comme Marie Le FUR, Léoncie KERIVEL, Marcelle BARON, Anna VIAUD dite "Camille" ou Germaine HUARD, ils agiront et prépareront la défaite d’HITLER.

 Conseil National de la Résistance

Voix 21 : En août 44, SENTUC, SCOLARI, FRANCIA, SEMAT, TOLLET, CARREL seront là, compagnons du colonel ROL-TANGUY pour la libération de Paris.

Voix 22 : Fernand GRENIER lui, compte tenu de ses connaissances et de ses compétences de fin diplomate, a rejoint le Général DE GAULLE à Londres, le 8 janvier 1943, pour y remplir une mission historique :

Voix 19 : La coordination des groupements de Résistance, d’où sortira quelques mois plus tard, la décision de constituer le Conseil National de la Résistance.

Voix 17 : Le CNR et son programme. Pour la première fois, un projet de gouvernement provisoire admet le vote des Françaises, pour élire l’Assemblée Nationale.

Voix 18 : ... et le 24 mars 1944, il est voté par 51 voix contre 6 que les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes.

Voix 19 : Un programme de conquêtes sociales jamais atteintes dans notre pays et dans aucun autre pays d’Europe.

Voix 17 : Un programme qui rend hommage à toutes celles et à tous ceux qui en ont payé le prix de leur vie, un héritage de liberté.

Voix 18 : Ce document du Conseil National de la Résistance qui dès février 44 avait obtenu l’adhésion unanime des forces politiques, des forces sociales et des forces patriotiques de notre pays, est né de la volonté ardente des français à refuser la défaite et à s’unir dans la Résistance quotidienne.

Les extraits du programme du CNR qui suivent, sont lancés comme des « rappels pour mémoire »,
par des jeunes qui traversent l’espace en annonceurs publics ou en vendeurs de journaux.

Sablière 2005

Jeune 1 : « Liberté de la presse et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères ».

Jeune 2 : « Liberté d’association, de réunion et de manifestation ».

Jeune 3 : « Un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ».

Jeune 4 : « La sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement ».

Jeune 5 : « Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Jeune 6 : « La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents ».

Jeune 7 : « Le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ».

Voix 5 : Oui, cela entre autre... et tant d’autres avancées sociales dont chacun bénéficie aujourd’hui
et qui ne peuvent être remises en cause.

Voix 1 : C’est l’héritage que nous ont légué en 1945 toutes celles et tous ceux qui ont libéré la France de l’envahisseur nazi pour lui rendre son équilibre moral et social.

Tous les jeunes  : Pour fonder une République nouvelle, démocratique et populaire, gage de justice, de prospérité et de bonheur pour tous les Français.

CHANT 6
« Swio Deschka »
« Csilavtu »
Par les Musiciens du Voyage Rromani Gadjes


Les jeunes du lycée entrent et continuent le récit.

Lycéen 1 : Et puis le 26 avril 1945, les troupes soviétiques et les Alliés se rencontrent à TORGAU, sur l’Elbe. Après quatre années d’horreurs et de désastres, la seconde guerre mondiale peut enfin se terminer.

Lycéen 2 : Le 30 avril, HITLER et Eva BRAUN se suicident. La bataille de Berlin est finie.

Lycéen 3 : Le 7 mai, à Reims, Alfred JODL, chef d’état major de DONITZ, successeur désigné par HITLER, signe la reddition.

Lycéen 4 : Le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule sans condition.

 La révélation des crimes

Lycéen 5 : Ce n’est qu’à ce moment que le monde va mesurer l’ampleur des crimes nazis.
Les soldats russes sont les premiers à atteindre le camp d’AUSCHWITZ. Le 30 avril, ils libèrent celui des femmes de RAVENSBRUCK.

Lycéen 6 : DACHAU et ALLACH sont aussi libérés aux derniers jours d’avril, par les Américains rendus fous furieux devant tant d’horreur. Ils tuent tous les gardes SS et découvrent l’impensable...

Lycéen 4 : Des monceaux de cadavres autour des crématoires et des wagons à bestiaux.

Lycéen 3 : Pour beaucoup de prisonniers le calvaire n’est pas fini...

Lycéen 5 : Dans le port de LUBECK, le 3 mai 1945, l’aviation anglaise bombarde et coule une flotte de quatre navires allemands chargés de déportés, évacués des camps par les SS.
André MIGDAL va survivre à cette ultime tragédie. Présent parmi nous aujourd’hui, il se questionne toujours dans son livre témoignage « Les plages de sable rouge ».

Lycéen 1 : Qui m’a aidé à sortir de cette cale infâme, puante, où j’étais allongé au milieu des cadavres, baignés d’excréments ?

Lycéen 2 : Comment ai-je fait pour m’extraire de ce tombeau flottant ?

Lycéen 4 : J’ai eu de la chance, alors que j’étais épuisé... que pouvais-je espérer de mieux en sortant de ce trou parmi les milliers d’autres ?

Lycéen 3 : Il faut avoir été déporté pour tout croire possible
Tout
Sauf l’oubli.

Une mesure du piano seul, puis la contrebasse le rejoint. Ils accompagnent le texte jusqu’au poème.

Lycéen 6 : 20 millions de Soviétiques sont morts durant cette guerre !

Lycéen 5 : 3 millions de Polonais fusillés, massacrés ou morts en déportation.

Lycéen 3 : Des millions de Juifs, hommes, femmes et enfants gazés ou morts dans les camps.

Lycéen 1 : Des milliers de Résistants de tous les pays d’Europe.

Lycéen 6 : 50 millions de morts ! Mais le système nazi est écrasé.

Lycéen 4 : 8 mai 1945 !
C’est l’espoir !

Tous : L’ESPOIR !

Lycéen 2 : Le rêve d’un monde de paix, débarrassé à jamais du racisme,

Lycéen 3 : de l’antisémitisme,

Lycéen 5 : de la xénophobie,

Lycéen 4 : et respectueux de l’indépendance des peuples.

Lycéen 1 : 8 mai 1945, la France retrouve sa liberté au prix de tant de luttes, de tant de courage, de tant de vies offertes.

Lycéen 4 : 8 mai 1945, il y a 60 ans.

Tous : La liberté en héritage.

  Apprenez une danse

Texte de Charlotte DELBO
(Dit par une lycéenne, puis repris par le groupe)

Je vous en supplie
Faites quelque chose
Apprenez un pas
Une danse
Quelque chose qui vous justifie
Qui vous donne le droit
D’être habillés de votre peau de votre poil
Apprenez à marcher à rire
Parce que ce serait trop bête
A la fin
Que tant soient morts
Et que vous viviez
Sans rien faire de votre vie.


Les lycéens reprennent le poème en écho, en mélangeant les phrases et scandent la fin en chœur.

CHANT 7
« Lindraji Szi »
Par les musiciens du voyage Rromani Gadjes

Texte partagé par les jeunes :

Depuis 60 ans, l’Amicale des camps de Châteaubriant, de Voves et de Rouillé nous réunit ici pour ce triste anniversaire de la fusillade du 22 octobre 41.

L’occasion, chaque année, de se retrouver pour exalter l’exemple des internés des camps.

L’occasion de maintenir le souvenir des 27 et de tous ceux qui en France ou en Europe ont payé du prix de leur vie, la résistance à l’occupant nazi.

L’impérieuse nécessité de garder vivante la mémoire pour construire un présent digne, juste, qui préserve la paix et en appelle à la fraternité des peuples.

Les compagnons des Fusillés, des Déportés, les enfants, les familles, les Résistants sont fidèles à l’engagement si bien exprimé par le dernier écrit de Guy MOQUET :

« Vous qui restez, soyez dignes de nous ».

L’Amicale, 60 ans après, entend continuer à leur rendre hommage. Parents, frères, camarades, amis, vous n’êtes pas morts pour rien. Vos combats pour les conquêtes sociales restent nos points de repère et nous continuerons comme nous l’avons fait depuis 1945 à porter intacte aux générations nouvelles cette liberté en héritage.

Mais écoutez...

Poème interprété par les CE2/CM1/CM2 de l’école des Terrasses.

  « Liberté » de Yannis RITSOS

Li-ber-té

Tu rediras le même mot, nu
celui pour lequel tu as vécu et tu es mort
pour lequel tu as ressuscité (combien de fois ?)
le même mot

Ainsi toute la nuit,toutes les nuits
sous les pierres, syllabe à syllabe
comme le robinet qui coule dans le sommeil de l’assoiffé
goutte à goutte, encore et encore
sous les pierres toutes les nuits.

Epelé sur les doigts
simplement comme on dit j’ai faim
comme on dit je t’aime si simplement
en respirant devant la fenêtre.
li-ber-té

 Liberté


Texte de Marcel Béalu

La liberté ne s’écrit pas sur la forme changeante des nuages
La liberté n’est pas une sirène cachée au fond des eaux
La liberté n’est pas une sirène cachée au fond des eaux
La liberté ne vole pas au gré des vents
Comme la lunule du pissenlit
La Liberté en robe de ciel ne va pas dîner chez les rates
Elle n’allume pas ses bougies de Noël
Aux lampions du 14 juillet

La liberté je lui connais un nom plus court
Ma liberté s’appelle Amour
Elle a la forme d’un visage
Elle a le visage du bonheur

CHANT 8

Dany Coutand entonne L’AGE D’OR de Léo Ferré
qui est repris par tous les participants, acteurs et musiciens.

Nous aurons du pain doré comme les filles sous les soleils d’or
Nous aurons du vin, de celui qui pétille même quand il dort
Nous aurons du sang dedans nos veines blanches
et le plus souvent lundi sera dimanche
mais notre âge alors, sera l’âge d’or

Nous aurons des lits creusés comme des filles dans le sable fin
Nous aurons des fruits, les mêmes qu’on grappille dans le champ voisin
Nous aurons bien sûr, dedans nos maisons blêmes
Tous les becs d’azur qui là-haut se promènent
Mais notre âge alors, sera l’âge d’or

Nous aurons la mer à deux pas de l’étoile les jours de grand vent
Nous aurons l’hiver avec une cigale dans ses cheveux blancs
Nous aurons l’amour dedans tous nos problèmes
Et tous les discours finiront par « je t’aime »
Vienne, vienne alors, vienne l’âge d’or.



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 Commémorations de la Sablière

La Sablière

_ La Sablière : Femmes courage - 2007

Plan general du site Resistance

Texte du livre "Telles furent nos jeunes annees", telechargeable ici : http://www.journal-la-mee.fr/bp/LivreMee.pdf

Plan du livre

Index du livre