Accès rapide : Aller au contenu de l'article |  Aller au menu |  Aller au plan simplifié  |  Aide  |  Contact |
bandeau

Accueil > La Résistance à Châteaubriant > b - Commémorations > Commémoration de la Sablière - 2000

Commémoration de la Sablière - 2000



(Textes, et poèmes extraits de l’évocation historique du 22 octobre 2000, conçue et écrite par Jacques Mignot, réalisée avec la collaboration d’Alexis Chevalier.)

Devant la caserne
Quand le jour s’enfuit
La vieille lanterne
Soudain s’allume et luit
C’est dans ce coin-là que le soir
On s’attendait, remplis d’espoir
Tous deux, Lili Marlène ....

De cette simple et nostalgique chanson d’amour au léger parfum non militariste, créée à Berlin fin des années 30, la Wermacht fit une agressive marche militaire. Marlène Diétrich qui dut fuir le régime nazi, la reprit dans sa version initiale et fit de Lily Marlène le succès mondial que l’on connaît.

Dès les années 30, le poète dramaturge allemand Bertold Brecht, dénonça, à travers ses poèmes, la montée du nazisme. Il écrivit par exemple, à la mémoire de Carl Ossietzky, prix Nobel de la Paix, mort en 1934 dans un camp de concentration hitlérien :

Il ne s’est pas rendu
On l’a battu à mort.
Battu à mort
Il ne s’est pas rendu.
 
La bouche qui criait
De terre fut remplie.
La sanglante aventure
Commence.
Sur la tombe de l’ami de la paix
Les bataillons scandent le pas.
 
Sa lutte était-elle donc vaine ?
 
Il a été battu à mort
Mais n’a pas lutté seul.
L’ennemi
N’a pas encore la victoire.
Bertold Brecht

Face à cette effrayante montée du nazisme, les gouvernements baissent les bras. Hitler éructe :

« La France est et restera le pays que nous avons le plus à craindre. Ce pays qui tombe de plus en plus au niveau des nègres, met sourdement en danger, par l’appui qu’il prête aux juifs dans le but de l’immersion universelle, l’existence de la race blanche en Europe. Car il faut qu’on se rende compte enfin clairement de ce fait : l’ennemi ; l’ennemi mortel, l’ennemi impitoyable du peuple allemand est et restera la France, que ce soient les Bourbons ou les Jacobins, les Napoléon ou les démocrates bourgeois, les républicains ou les bolcheviques rouges ! »

 L’Occupation

Mai-juin 1940. Il y a 60 ans. Ce fut la trahison, la défaite, l’Occupation. La barbarie nazie éclata au grand jour dès l’entrée en France de la Wermacht : le 8 mai 1940, dans le Nord, les SS mettent à feu et à sang les petites villes de Oignies et Courrières, faisant 200 morts parmi la population accusée d’avoir aidé les Anglais et les troupes du 6e régiment d’infanterie coloniale. Le 7 juin, les SS fusillent lâchement 31 soldats français à Beaufort-en-Santerre. Les 9 et 19 juin, près de Rouen et Paris, 321 soldats noirs de la Coloniale sont fusillés simplement pour avoir combattu et parce qu’ils étaient noirs. Le 14 juin, à Tremblay-Les-Gonesses, 14 otages sont tirés au sort parmi la population et fusillés. Ce n’était, hélas, que le début d’une longue et terrible période, la plus sombre de notre Histoire.

 Douce France ...

Aussitôt, cependant, des voix s’élèvent. La plus célèbre reste celle du Général de Gaulle, le 18 juin : « La France a perdu une bataille mais la France n’a pas perdu la guerre (...) Notre patrie est en péril de mort. Luttons tous pour la sauver »

Parmi d’autres appels, dont celui de Pierre Brossolette, il y eut aussi celui du Parti Communiste Français le 10 juillet : « Jamais un peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves »

Un million et demi de prisonniers français ! Combien d’entre eux auraient alors pu fredonner cette chanson du chanteur préféré de Guy Môquet, Charles Trenet : « Douce France, cher pays de mon enfance ... je t’ai gardée dans mon cœur »

Comme en réponse, en France, les femmes de prisonniers, pensant à leur mari, écoutaient la radio et fredonnaient à leur tour : « J’attendrai, le jour et la nuit, j’attendrai toujours, ton retour »

Beaucoup plus tard, on apprit que les bourreaux nazis utilisaient cette chanson, la tournant atrocement en dérision, lorsque dans certains camps d’extermination, ils emmenaient les Déportés à la pendaison. Leur barbarie n’eut pas de limite. L’image du soldat allemand, propre sur lui, galant avec les femmes, passionné de musique, image entretenue par Pétain et sa clique, fut tragiquement démentie par les faits. La vie, cependant, continue. La radio diffuse les succès d’alors.

« C’est la rue de notre amour ... »

 La lutte clandestine

Pétain, lui, appelle à la collaboration. Son slogan aurait pu être « Je veille sur vous, dormez, je le veux ». Certains « veilleurs », bien qu’alors peu nombreux, ne se contentent pas de rester vigilants, ils entrent très tôt dans l’action et la lutte clandestine.

Quand il arriva la saison
Des trahisons et des prisons
Quand les fontaines se troublèrent
Les larmes seules furent claires
On entendait des cris déments
Des boniments des reniements
Des hommes verts et des vautours
Vinrent obscurcir notre jour
Ils nous dirent : Vous aurez faim
Dans la main nous prirent le pain
Ils nous dirent : Jetez vos livres
Un chien n’a que son maître à suivre
Ils nous dirent : Vous aurez froid
Et mirent le pays en croix
Ils nous dirent : Les yeux à terre
Il faut obéir et se taire
Ils nous dirent : Tous à genoux
Les plus forts s’en iront chez nous
Ils ont jeté les uns aux bagnes
Pris les autres en AIlemagne
Mais ils comptaient sans Pierre et Jean
La colère et les jeunes gens
Mais ils comptaient sans ceux qui prirent
Le parti de vivre ou mourir
Comme le vent dans les cheveux
Comme la flamme sans le feu
Croisés non pour une aventure
Une lointaine sépulture
Mais pour le pays envahi
Contre l’envahisseur haï
Chassons chassons
Nos nouveaux maîtres
Les pillards les tueurs les traîtres
Le bon grain du mauvais se trie
Il faut mériter sa patrie
Chaque jardin chaque ruelle
Arrachés à des mains cruelles
Chaque silo chaque verger
Repris aux mains des étrangers
Chaque colline et chaque combe
Chaque demeure et chaque tombe
Chaque mare et ses alevins
Chaque noisette d’un ravin
Chaque mont chaque promontoire
Les prés sanglants de notre histoire
Et le ciel immense et clément
Sans nuage et sans AIlemand
Il faut libérer ce qu’on aime
Soi-même, soi-même, soi-même
 
Aragon

La répression fut féroce. Il y a 59 ans, jour pour jour, le 22 octobre 1941, 27 patriotes sont fusillés ici-même, et 16 autres à Nantes. Deux jours plus tard 50 autres otages connaissent le même sort à Souges, près de Bordeaux. 9 encore à la Blisière en décembre, sans compter ceux du Mont-Valérien et autres hauts lieux de la Résistance. Les atrocités nazies se poursuivront jusqu’à la victoire finale. Il y a 55 ans, le monde découvrit la plus ignoble des barbaries qu’il ait jamais connue.

Il avait dit :
Les juifs,
Les nègres,
Les prêtres,
Sortez des rangs
Alors
Dix juifs,
Deux nègres,
Deux prêtres
sont sortis des rangs.
Il avait dit :
La chambre à gaz
Pour les juifs,
Les nègres,
Les prêtres.
Mais ils n’ont pas été gazés.
Ils n’étaient pas assez.
Alors les juifs
Les nègres,
Les prêtres
Sont rentrés dans les rangs.
Il avait dit :
Je veux deux volontaires
Avec de belles dents
Alors deux Hollandais
Sont sortis des rangs.
Le lendemain...
Deux crânes
étaient sur son bureau
Entre des livres
Et le bourreau
 
André Migdall

 Les camps

Au nord de Munich, autour d’un grand château massif et rustique, de spacieuses et anciennes maisons (...). Peintres et écrivains y séjournaient pendant la belle saison, cherchant l’inspiration dans les vastes marais qui s’étendent au nord et à l’est de la ville. A une vingtaine de kilomètres on vient de construire un camp : Dachau.

Aux portes de la ville de Weimar qui, jadis, vit briller autour de Goethe un foyer prestigieux de la culture humaine (...) vient de s’ouvrir le camp de Buchenwald.

Dans la brumeuse Allemagne du Nord, près du lac de Furstenberg, à 80 km de Berlin vient de s’ouvrir un camp réservé aux femmes : Ravensbrück.

Sur une colline dominant le Danube, dans la région de Lintz, la nature a placé un site rocailleux, riche en granit : c’est là que s’ouvre le camp de Mauthausen

A 20 km du port de Hambourg, dans le silence feutré d’un marais mêlé aux embruns maritimes, s’ouvre le camp de Neuengamme.

Dans la région de Cracovie, sur le magnifique delta de la Vistule, viennent de s’ouvrir les camps d’Auschwitz et Birkenau.

« Loin dans l’infini s’étendent
Les grands prés marécageux
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux
Oh terre de détresse
Où nous devons sans cesse,
Piocher
 
A midi la cloche rassemble
Maigre repas de reclus ... »
(Chant des Marais)

La poupée

Sur un tas de cendre humaine
Une poupée est assise
C’est l’unique reliquat
L’unique trace de vie.
Toute seule elle est assise,
Orpheline de l’enfant
Qui l’aima de toute son âme.
Elle est assise
Comme autrefois elle l’était
Parmi ses jouets
Auprès du lit de l’enfant
Sur une petite table.
Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,
Avec ses grands yeux tout bleus
Et ses tresses toutes blondes, (...)
 
Pourtant tout est différent, (...)
Car les yeux de la poupée
Sont l’unique paire d’yeux
Qui de tant et tant d’yeux
Subsiste encore en ce lieu,
Les seuls qui aient ressurgi
De ce tas de cendre humaine,
Seuls sont demeurés des yeux,
Les yeux de cette poupée
Qui nous contemplent à présent,
Vue éteinte sous la cendre,
Et jusqu’à ce qu’il nous soit
Terriblement difficile
De la regarder dans les yeux.
 
Dans ses mains, il y a peu,
L’enfant tenait la poupée,
Dans ses bras, il y a peu,
La mère portait l’enfant,
La mère tenait l’enfant
Comme l’enfant la poupée,
Et se tenant tous les trois
C’est à trois qu’ils succombèrent,
Dans une chambre de mort,
Dans son enfer étouffant.
La mère, l’enfant, la poupée,
La poupée, l’enfant, la mère.
 
Parce qu’elle était poupée,
La poupée eut de la chance.
Quel bonheur d’être poupée
Et de n’être pas enfant !
Comme elle y était entrée,
Elle est sortie de la chambre,
Mais l’enfant n’était plus là
Pour la serrer contre lui,
Comme pour serrer l’enfant,
Il n’y avait plus de mére.
Alors, elle est restée là,
Juchée sur un tas de cendre,
Et l’on dirait qu’alentour elle scrute
Et qu’elle cherche les mains,
Les petites rnains qui voici peu la tenaient.
 
De la chambre de la mort,
La poupée est ressortie, (...)
Avec ses grands yeux bleus qui,
Tout pleins d’étonnement,
Nous regardent dans les yeux,
Nous regardent, nous regardent ....
 
(Moshe Schultein, Auschwitz, extrait de l’anthologie « ces voix toujours présentes »)

Un détail ?

On entend ici ou là : « C’est vrai, c’est atroce. Mais maintenant regardons l’avenir. Ne restons pas figés sur le passé ». On a même entendu dire par un sinistre personnage : « C’est un détail »

Le leader du parti fasciste autrichien, Jorg Haïder, ne s’est-il pas ainsi exprimé

- sur les anciens de la Waffen SS : « Des hommes honnêtes qui ont du caractère et qui, malgré des critiques sévères et des attaques, sont restés fidèles à leurs convictions jusqu’à aujourd’hui »
- parlant aux vétérans de la Wechmacht, il dit « vous êtes comme un rocher dans la mer. Vous êtes exceptionnels. »
- sur l’Holocauste : « Un génocide ? C’est vous qui le dîtes »

Comment va le monde
Môssieur ?

L’une des pièces de théâtre de François Billetdoux s’intitule « Comment va le monde, Môssieur ? » . A aussi vaste question, réponse prudemment évasive...

La terre tourne, certes, mais le monde, lui, tourne-t-il vraiment si bien que cela ?

Dans ce monde, aujourd’hui, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants s’épuisent et meurent d’accomplir un travail trop pénible. Dans le même temps, d’autres millions d’hommes et de femmes vivent et meurent dans la misère parce qu’ils n’ont pas de travail. Dans le même temps, des milliards de francs, de dollars, de marks, de livres et de yens circulent entre les mains virtuelles mais réelles de quelques-uns.

Intolérance, fascisme, racisme ont provoqué des dizaines de millions de morts et cela continue.

Comment va le monde, môssieur ?
Et bien, môssieur, il bouge.

Dans sa dernière lettre, Guy Môquet écrit :

« Certes, j’aurais voulu vivre, mais ce que je désire de tout mon cœur c’est que ma mort serve à quelque chose ». Il avait 17 ans et demi. Claude Lalet, lui, avait 19 ans lorsqu’il écrivit quelques heures avant d’être fusillé et le sachant : « Surtout, gardons nos rires et nos chants l »

Tous les combattants de la liberté qui donnèrent leur vie, hommes, femmes, français et étrangers, chrétiens, juifs, musulmans, croyants et athées, communistes, gaullistes, socialistes, républicains, gens de cœur et de paix nous ont laissé un message : « Ne baissez pas les bras. L’avenir de l’humanité dépend de ce que vous en ferez. »

N’oublions jamais « ces yeux qui nous regardent » .

Texte de l’évocation historique, du 22 octobre 2000
conçue et réalisée par Jacques Mignot



 Commémorations de la Sablière

La Sablière

_ La Sablière : Femmes courage - 2007

Plan general du site Resistance

Texte du livre "Telles furent nos jeunes annees", telechargeable ici : http://www.journal-la-mee.fr/bp/LivreMee.pdf

Plan du livre

Index du livre