Accès rapide : Aller au contenu de l'article |  Aller au menu |  Aller au plan simplifié  |  Aide  |  Contact |
bandeau

Accueil > Histoire > Quelques lieux > Le lycée (1)

Le lycée (1)

sommaire généralSommaire "Histoire"Sommaire du lycée

  La création du lycée

« Monsieur le maire rappelle au Conseil Municipal les nombreuses pétitions qui ont été formées en faveur de la création d’un collège communal à Châteaubriant. Il rappelle que des villes dont l’importance est numériquement plus faible que Châteaubriant sont dotées d’un collège et il cite comme exemple les villes d’Ancenis (5052 habitants) et Redon.

Le nombre de familles de fonctionnaires ou de commerçants qui sont dans l’obligation d’envoyer leurs enfants en pension à Rennes, Nantes, Combrée, Château-Gontier, etc...., paraît être assez important pour justifier la création de cours d’enseignement secondaire permettant aux élèves de poursuivre leurs études jusqu’au baccalauréat. » (extrait du registre du Conseil Municipal)

Quand Paul HUARD, le 6 janvier 1955, fit voter un vœu par son conseil municipal, à propos de la construction d’un collège à Châteaubriant (voir texte ci-dessus), savait-il quelles complications il allait rencontrer ?

Ce vœu faisait suite à de nombreuses pétitions allant dans le même sens et Paul HUARD indiquait : « le nombre de fonctionnaires ou de commerçants qui sont obligés d’envoyer leurs enfants en pension à Rennes, Nantes, Combrée ou Château-Gontier paraît être assez important pour justifier la création de cours d’enseignement secondaire permettant aux élèves de poursuivre leurs études jusqu’au baccalauréat ».

« A l’époque continuer après le Certificat d’Etudes, c’était déjà beaucoup. Mon père était cheminot, pas question pour moi d’aller au baccalauréat : on n’y pensait même pas, ce n’était pas pour notre classe sociale » se souvient Michel Bourgine qui a fréquenté le Cours Complémentaire des Terrasses jusqu’à la classe de troisième en 1964. « A la fin des études, on passait le concours d’entrée en apprentissage chez Huard. Quand on réussissait, on était bien content ! ».

Mais que fallait-il faire pour avoir un collège communal ? : « Fournir un local approprié à cet usage et en assurer l’entretien, placer et entretenir dans ce local le matériel nécessaire à la tenue des cours et à celle du pensionnat si l’établissement doit recevoir des élèves internes ». Le Conseil Municipal propose alors que « l’école des Terrasses soit transformée en collège communal ». quelques jours plus tard, l’Amicale Laïque approuve cette décision

Châteaubriant, en ce début d’année 1955, était une commune de 10 000 habitants environ, dotée, en enseignement public, de deux cours complémentaires, l’un pour les garçons aux Terrasses, face à la gare, l’autre pour les filles à « Aristide Briand » (établissement situé à l’angle de la rue des Déportés Résistants et de la rue Jean Jaurès). Les « Cours Complémentaires » n’étaient autres que les anciennes écoles primaires supérieures destinées à la poursuite des études, après le Certificat d’Etudes, jusqu’au Brevet (classe de troisième). On n’y enseignait ni le latin, ni une deuxième langue vivante, ce qui ne pouvait qu’handicaper les jeunes voulant poursuivre jusqu’au baccalauréat.

En ces années-là, on parle d’imposer aux élèves une épreuve de seconde langue vivante au baccalauréat. Les parents d’élèves de Châteaubriant s’en émeuvent et, le 22 avril 1955, réclament « la création immédiate d’un collège mixte, dans les locaux de la nouvelle école des Terrasses » et, au cas où la création de ce collège ne pourrait pas être effective au 1er octobre 1955, ils demandent que l’enseignement d’une seconde langue soit dispensé dès la rentrée dans les deux cours complémentaires de Châteaubriant, au niveau de la classe de quatrième.

Cette même année 1955, année où est inaugurée la toute nouvelle école des Terrasses, le Ministère de l’Education Nationale met les points sur les i : « il serait nécessaire de savoir si la ville de châteaubriant a évalué l’ordre de grandeur des charges qui lui incomberaient et si elle est disposée à les couvrir ». Le Conseil Municipal, bien déterminé, s’engage, dans sa séance du 10 juin 1955, à prendre en charge les frais d’aménagement et d’installation de ce collège.

Le Sous-Préfet, M. RIDOUX, transmet au Ministère. Celui-ci promet d’envoyer un inspecteur de l’Education Nationale et on arrive au 27 janvier 1956 où se tient une réunion entre la Municipalité et MM. ALAMARTINE (Inspecteur des Services Administratifs) et M. PIEDVACHE (Inspecteur d’Académie).

On y apprend notamment qu’il n’y avait plus, en France, que 3 chefs-lieux d’arrondissement dépourvus d’un établissement d’enseignement secondaire : Saint Dié, Forbach et ... Châteaubriant.

Mais les choses sont en train d’évoluer pour Châteaubriant car, lors de cette réunion, un échéancier est prévu, permettant d’étaler le cycle des études secondaires sur plusieurs années, avec deux classes nouvelles chaque année :
1er octobre 1956 : une sixième classique (latin) et une seconde moderne
- 1er octobre 1957 : une cinquième classique et une première moderne
- 1er octobre 1958 : une quatrième classique et une classe de Philo, Sciences et Mathématiques
- 1er octobre 1959 : une troisième moderne et une troisième classique
- 1er octobre 1960 : une quatrième moderne et une seconde classique
- 1er octobre 1961 : une cinquième moderne et une première classique
- 1er octobre 1962 : une sixième moderne et une classe de Philo Lettres

L’affaire monte au Ministère où Paul HUARD et le Sous-Préfet se rendent pour une réunion le 20 mars 1956. Paul HUARD explique que « Châteaubriant est au centre d’un cercle de 50 à 60 kilomètres de rayon sur le pourtour duquel se trouvent différents collèges ou lycées. Un établissement du second degré serait assuré d’un recrutement important que l’on peut, sans trop d’optimisme, évaluer à environ 200 élèves ». Notez bien 200 élèves espérés. On va voir que se sera rapidement beaucoup plus.

 D’abord aux Terrasses

Tout de suite se pose la question des locaux.

Le maire rappelle que la ville vient de construire le Cours Complémentaire des Terrasses et ne saurait consentir à d’autres sacrifices pour la construction d’un nouvel établissement.

Du côté du Ministère, on pense « qu’il paraît difficile d’admettre qu’il y ait place à Châteaubriant pour un collège et deux Cours Complémentaires » et que la formule la plus rationnelle serait de s’orienter « vers un collège mixte et un cours complémentaire mixte », mais, prudente comme toujours, l’administration attend de voir si le collège atteint un certain développement et propose simplement d’ouvrir, dans les locaux du Cours Complémentaire Garçons, une sixième classique et peut être une classe de seconde. Paul Huard insiste pour obtenir un engagement formel de l’administration sur le principe de la création du collège à Châteaubriant car « la municipalité est très ferme dans sa demande » dit-il.

Finalement son insistance emporte la décision : un professeur de lettres classiques va être nommé à Châteaubriant. Les autres enseignements seront donnés par les professeurs du Cours Complémentaire des Terrasses ou par des professeurs d’établissements du second degré de la région. Les nouvelles classes seront placées sous l’autorité du Directeur du Cours Complémentaire, M. JEANNEAU.

 Un premier Principal

En 1957, le poste du Directeur du Collège est créé. Il est confié à M. DRAVALEN qui se trouvait, avant, à Savannaket (au Laos). Trois autres professeurs sont nommés en sciences, anglais et mathématiques et le nouveau collège, qui comporte maintenant 4 classes, émigre rue Marcel Viaud, dans l’ancienne école maternelle, aménagée en conséquence. Quant à l’enseignement de l’Education Physique, il est assuré par un employé communal, M. Jacques MAGNE, à raison de 10 heures par semaine et l’enseignement de la musique incombe à un autre employé municipal, M. BASSEREAU.

Mais il se pose un autre type de problème : à l’époque, Châteaubriant souffrait d’une pénurie de logements et, pour retenir ses professeurs, la ville décide, sans y être obligée, de construire 4 maisons préfabriquées à Béré, pour les loger.

C’est l’époque de l’explosion scolaire, surtout avec le prolongement de la Scolarité Obligatoire jusqu’à 16 ans. Au cours de l’année 1957 par exemple, il a fallu convertir 2 dortoirs en salles de classes à l’école Aristide Briand (cours complémentaire de filles), construire 2 bâtiments préfabriqués aux Terrasses (cours complémentaire garçons), et un à l’école primaire de filles à Béré. Pour la rentrée de 1958, le Conseil Municipal prévoit le manque de 4 classes et d’un dortoir aux Terrasses - même chose à Aristide Briand - et 4 classes au collège moderne.

Qu’on se rende compte : 14 classes et 2 dortoirs sont à préparer. La Municipalité cherche des bâtiments assez vastes en ville pour abriter les internes et, n’en trouvant pas, décide de surélever le bâtiment des Terrasses qui, heureusement, avait été prévu pour cela.

« Pour la rentrée de 1959, le collège aura encore besoin de 5 autres classes » déclare le Conseil Municipal, qui se demande s’in ne va pas se décider à construire un collège complet « comprenant au moins 12 classes ». Heureusement qu’il ne l’a pas fait : à peine construit ce collège aurait été insuffisant.

Au cours de l’année 1958, la municipalité décide en outre de surélever le bâtiment situé dans la cour de l’école Aristide Briand pour y établir un internat et 2 classes complémentaires.

Et puis, en ce qui concerne le collège secondaire, situé rue Marcel Viaud, elle envisage d’acheter un terrain, en vue de la construction d’un collège « appelé à connaître un rapide développement ».

Mais où trouver un terrain assez vaste (2 hectares) ? Deux possibilités se présentent : soit en face du Parc des Sports de la route de Vitré, soit au nord du même Parc des Sports . C’est ce dernier choix qui sera fait par la municipalité, malgré un inconvénient : celui de repousser d’une centaine de mètres l’entrée du collège.

En effet, le terrain retenu présente trois avantages :

- la proximité immédiate du Parc des Sports, sans avoir besoin de traverser la route. C’est un avantage considérable puisque « si nous avions fait le collège dans un autre lieu de Châteaubriant, ce n’est pas deux hectares que l’on nous aurait demandé mais 5 hectares » et par ailleurs « il est absolument contre indiqué et peu économique de refaire un Parc des Sports » (celui-ci, en effet, n’a été commencé qu’en 1945).

- Le terrain situé au nord du Parc des Sports est placé au point le plus élevé de Châteaubriant. Il possède une vue magnifique dans toutes les directions alors que l’autre est situé sur une pente qui descend vers Béré et a vue sur des hangars agricoles « ce qui est tout de même moins bien » dit le Conseil Municipal.

- et enfin, troisième avantage « c’est un terrain qui est tout de même un peu moins cher ».

Le Conseil Municipal du 4 juillet 1958 choisit donc le second terrain et sollicite du Préfet la Déclaration d’Utilité Publique qui permettra, si les propriétaires du terrain ne sont pas d’accord, de procéder à une expropriation.

Dans les faits, les propriétaires n’ont pas accepté un accord amiable et ne se sont pas contentés de l’estimation des « Domaines », allant jusqu’à demander 4 à 5 fois plus. Il a fallu exproprier, ce qui fut fait en juillet 1960.

Pendant que se déroulait toute cette procédure, le Ministère de l’Education Nationale mettait au point le « Programme Pédagogique » du collège mixte de la ville, disant : « il s’agit de construire un petit établissement mixte de 400 élèves dont 200 internes, garçons et filles se partageant par moitiés égales » (25 juillet 1958). Pour la petite histoire, on notera que Châteaubriant appartenait alors à l’Académie de Rennes, celle de Nantes n’existant pas encore.

 Tricot et repassage pour les filles

Ce programme prévoyait des travaux manuels éducatifs bien spécifiques : bois et fer pour les garçons, cuisine, buanderie, repassage pour les filles.

Les dortoirs sont à 40 lits pour les garçons et 35 lits pour les filles.

Garçons et filles sont séparées dans les salles d’études, comme dans les réfectoires, les textes disent clairement : « il faut prévoir un chef d’établissement masculin et une surveillante générale ».

Mais le collège mixte connaît d’autres problèmes que celui des locaux : le Principal, M. DRAVALEN est tombé malade, gravement, en mai 1958 (tuberculose) au point de donner des inquiétudes aux parents d’élèves, pour la santé des enfants qui lui étaient confiés. Plus grave encore : la détérioration des relations dans l’établissement. En effet, l’intérim de M. DRAVALEN était assuré par deux professeurs, M. CADO (maths) et M. CABANNES (géographie) mais leur autorité s’est trouvée, pendant tout le reste de l’année, « discutée, amoindrie et même annihilée par le Principal malade et son entourage qui continuaient d’habiter l’immeuble scolaire, ce qui n’était pas fait pour donner à ce collège débutant tout l’essor qu’on était endroit d’espérer » écrit un responsable des Parents d’Elèves.

Finalement, M. DRAVALEN sera mis en congé de longue durée et un Principal sera nommé, M. Le FORESTIER ... qui n’acceptera pas le poste, n’ayant pu se loger à Châteaubriant. Il faudra encore faire appel au dévouement de M. CADO. Celui-ci s’acquitte avec conscience de sa tâche, réclamant ce qui est nécessaire pour le tout nouveau collège (qui compte déjà 230 élèves lors de l’année 1959/60) : « je vous serais obligé de bien vouloir étudier la construction d’un préau » écrit-il par exemple au maire en décembre 1959 : lorsqu’il pleut les enfants doivent se réfugier pendant les récréations dans les vestiaires et dans les salles de classes « où l’on ne peut assurer leur surveillance de manière efficace, ce qui est indispensable dans tout établissement scolaire, surtout lorsqu’il est mixte ».

Finalement, en juin 1960, M. DRAVALEN est muté dans un autre établissement et Henri Le FORESTIER est à nouveau sollicité pour prendre la direction du collège, pour la rentrée d’octobre 1960.

Il trouve un établissement dans une situation qu’on pourrait qualifier de « ubuesque ». Dans les locaux déjà étroits de Marcel Viaud, 6 classes préfabriquées ont été montées dans la cour de récréation qui se réduit à un simple couloir. Les séances d’Education Physique ont lieu au stade de la SNCF, c’est-à-dire sur la butte séparant les lignes de chemin de fer de la rue de la gare. « Les élèves y ont à leur disposition une petite salle servant de vestiaires, or il n’existe aucune fermeture convenable à cette salle qui se trouve très fréquemment dans un état de saleté repoussante » écrit-il. La ville veut bien la remettre en état, mais la SNCF trouve que ce serait « mal séant » puisque « ce terrain, facilement embranchable conviendrait parfaitement à des installations de stockages et de distributions ou à des ateliers de petites transformations ». Mais toutes ces misères n’empêchent pas le succès grandissant du collège : 4 élèves reçus au baccalauréat en juin 1959, 20 en 1960 et 18 encore en 1961, sans compter les admissions à l’école Normale. Les élèves affluent.

 Saint Georges et le lycée

Le collège (on dit aussi le lycée) poursuit son expansion : de 310 élèves en 1960/61, il est prévu de passer à 640 pour 1964/65, on est donc déjà loin des prévision de 400 élèves faites en 1958. La construction de bâtiments neufs devient de plus en plus urgente.

Mais, dans l’immédiat, il faut pousser les murs : l’ancienne école maternelle est pleine à craquer (8 classes préfabriquées maintenant) et d’autres baraques ont poussé de l’autre côté de la rue Marcel Viaud. M. le FORESTIER demande que l’on songe à trouver un autre terrain pour implanter encore 2 classes provisoires, et deux autres l’année suivante.

Un terrain de 2500 m2 est trouvé à l’angle des rues Max Veper et St Georges, il est loué en principe pour 4 ans (en pratique cela fera 6 ans) et le Ministère attribue 2 groupes de 2 classes en mai 1961, et encore 2 groupes de 2 classes en juin 1961, avec tout le matériel nécessaire : « 180 tables, 180 chaises, 6 bureaux, des estrades, des tableaux, sans oublier les rainures à craies ».

 La ronde des gosses

L’existence de locaux dans tous les coins de la ville pose des problèmes de déplacement des élèves.

Les internes garçons s’en vont coucher dans la propriété Durand (à la Trinité) ou à la salle Lutétia.

Les internes filles sont logées en partie dans le collège Aristide Briand (rue des Déportés Résistants) où deux classes ont été transformées en dortoirs, et l’autre partie dans un bâtiment préfabriqué « SOFACO » sur le terrain du futur lycée.

Les repas se prennent à la salle Lutétia y compris pour le petit déjeuner des internes.

Le collège mixte, qu’on n’appellera bientôt plus que « le lycée de Châteaubriant » est un collège de nomades : les internes parcourent sans cesse la ville, de Marcel Viaud à la salle Lutétia pour manger, de Marcel Viaud à la Trinité ou de Marcel Viaud à la route de Vitré pour dormir. On les appellera parfois « les gosses de la rue ».

Internes et externes se promènent de Marcel Viaud à St Georges pour les cours, par tous les temps. Heureux ceux qui ont un parapluie. Les autres se mouillent quand il pleut. A l’époque pourtant la maladie ne voudra pas d’eux !

Ces difficultés sont résumées dans un rapport officiel de 1962 qui déclare que : on ne trouve pas d’enseignants pour Châteaubriant, même pas des maîtres auxiliaires. Le poste de Surveillant Général n’est pas pourvu, le poste de Surveillante Générale n’est pas créé. Le Principal doit assurer toutes les tâches administratives, pédagogiques et d’éducation avec deux surveillants seulement et ceux-ci vont disparaître quand la rentrée universitaire sera effectuée.

Trente salles de cours seraient nécessaires : 20 seulement sont disponibles, il n’y a pas de salles d’études ou de permanences : les élèves doivent rester dans la cour ... ou être hébergés dans le fond des salles des autres élèves.

Les sixièmes et cinquièmes ont cours de 14h à 18h30, mais les demi-pensionnaires ne peuvent assister au dernier cours de la journée.

Les quatrièmes et troisièmes ont cours de 8h à 12h, mais certains demi-pensionnaires ne peuvent venir aux cours dès 8h ou doivent quitter le collège le midi, sans pouvoir prendre leur repas, en raison des horaires des cars.

Cette même année, le jour de la rentrée, 11 postes d’enseignants sur 37 n’étaient pas pourvus (soit près de 30 %) et il a fallu bourrer les classes et imposer de nombreuses heures supplémentaires aux enseignants.

On manque particulièrement de professeurs de sciences physiques. Il y en a bien un, M. DUMONT, qui est titulaire du poste à Châteaubriant, mais il fait son service militaire « et il aurait la possibilité, tout en effectuant son service obligatoire, d’enseigner les sciences physiques, mais à condition d’aller à Tananarive et non à Châteaubriant » explique le Principal avec une colère bien compréhensible.

Du fait de cette situation fort précaire de l’établissement, les relations se tendent entre l’administration académique et l’administration municipale. M. le FORESTIER écrit des phrases pleines de sous-entendus : « la simple comparaison entre les conditions de réalisation des travaux entrepris par la Municipalité dans divers domaines (assainissement et réseaux d’égouts, abattoir, implantation d’usines nouvelles) et celles qui concernent la réalisation concrète du lycée, conduit à des conclusions contre lesquelles on chercherait en vain des arguments valables ». Nous sommes en 1962, la municipalité est dirigée par Xavier HUNAULT depuis les élections de 1959.

 La chasse aux salles

Dans ce lycée en pleine expansion, le manque de salles était endémique. « Je me souviens des multiples élèves d’autres classes mis d’autorité au fond des salles d’histoire-Géographie quand le temps était trop mauvais pour faire de la gymnastique dehors » raconte Alain CROIX, professeur d’Histoire-Géographie. « Les rentrées se faisaient avec un emploi du temps approximatif, qui était modifié ou reconduit de jour en jour. Dans certaines matières l’espagnol par exemple, le professeurs était souvent renvoyé chez lui : il n’était pas « rentable » car il n’avait que peu d’élèves à la fois ».

« Moi j’étais élève raconte Michel Bourgine, et j’ai vu se dérouler, dans la même salle, tête bêche en quelque sorte, un cours d’espagnol et un cours de sciences naturelles ».

Une autre façon de s’en tirer quand on n’a que 20 salles pour 30 classes, c’est de caser une partie des élèves ... dehors. « J’ai connu des cours de latin dehors : nous étions assises juste sur le petit rebord de la salle préfabriquée » raconte une autre élève, Mireille Magne.

Des conditions de travail difficiles à imaginer ...

 La fête des élèves

Au lycée, malgré toutes ces vicissitudes, l’atmosphère est bonne. Depuis décembre 1960 existe un groupe de théâtre, avec des pièces choisies dans les programmes scolaires des différentes classes, et qui se produit lors des distributions de prix, appelées « Fêtes des élèves » et qui se tiennent au château.

Depuis 1961 existe aussi un journal des élèves de Terminale, intitulé « la Bulle » (il est dirigé par M. PLEE professeur de philo, sous l’impulsion de M. le FORESTIER). Le prologue est alléchant : « Vienne la Bulle, grosse de science et de bonne esprit, impossible à coincer dans une salle d’étude. Qu’elle fasse rêver les petits ou qu’elle éclate sous les regards attendris et intéressés des plus grands ».

En fait, cette Bulle de chatoyantes couleurs se révèlera bien décevante par la suite et ce n’est pas « Boum » qui lui succédera après 1968, le « Réveil du Potache » en 1976 et le « Potache du Bahut » qui pourront relever cet impossible défi : faire faire un journal par les élèves pour les élèves.

Les distributions des prix revêtent un éclat particulier, avec des professeurs en toge, le traditionnel discours, le défilé des élèves sur l’estrade, etc. Chacun se met sur son « trente et un », robe pour les filles, costume cravate pour les garçons. Des personnalités se déplacent.

Par exemple, en juin 1962 la distribution des prix réunit le Sous-Préfet de Châteaubriant, l’Inspecteur d’Académie, le Maire de Châteaubriant, l’Adjoint au Procureur de la République, l’Archiprêtre de Châteaubriant, le Pasteur de l’Eglise Réformée de Nantes, le Colonel commandant la 3° légion de Gendarmerie, le Directeur de l’usine HUARD, les maires et conseillers généraux de la région, etc. ... Le député de Châteaubriant, Bernard LAMBERT, ne sera pas invité : M. Xavier HUNAULT prétextera que c’est parce qu’il n’est ni maire ni conseiller général.

En cette année 1962 donc, le Président de séance, le Sénateur Michel de PONTBRIAND, exprime sa joie « de voir notre université retrouver son cadre et son passé prestigieux ». Tandis que la presse se réjouit de l’existence de ce « lycée municipal qui peut tenir une place importante dans la vie matérielle et morale de l’agglomération castelbriantaise en gardant vivantes les valeurs les plus nobles de l’Université ».

Pour un peu, on croirait une séance inaugurale dans une ville de Faculté ! Il a fallu les évènements de 1968 pour mettre fin à ce type de cérémonie officielle, et quelque peu pompeuse, mais déjà, les années précédentes, on sentait une fronde des professeurs refusant de porter la toge noire « le costume officiel de l’Université » comme disait le Principal.

 Quatre fois plus d’élèves que prévu

Pour la rentrée d’octobre 1962, M. le FORESTIER laisse espérer une construction accélérée du lycée, avec l’installation des 4° et 3° dans des salles neuves, route de Vitré.

Hélas, il lui faut déchanter : Route de Vitré, les classes professionnelles sont installées dans des bâtiments préfabriqués.

Six nouvelles classes préfabriquées sont livrées rue St Georges. Et 4 autres encore en 1963/64. On arrive à des effectifs atteignant les 800 élèves dans 36 classes ... ce qui n’est pas sans poser de problèmes à l’administration municipale, surprise de voir ainsi dépasser les prévisions de 1961 : « Pourquoi ces chiffres seraient-ils dépasser et par autorisation de qui ? Tant que des mesures restrictives pouvaient craindre la perte du lycée, il était normal de favoriser le recrutement. Ce n’est plus, semble-t-il, le cas et c’est l’accroissement inconsidéré des effectifs qui serait maintenant un danger pour le bon fonctionnement du lycée » écrit le secrétaire général de la ville en mars 1963.

 Le drame du lycée de Châteaubriant

Ouest France, dans son édition du 12 octobre 1962, écrit : « Et depuis 3 semaines on assiste au regrettable spectacle d’une jeunesse qui ne demande qu’à étudier mais est réduite journellement à un congé partiel, faute de locaux où la recevoir. Les salles en préfabriquées du lycée provisoire et « transhumant » font le plein à tour de rôle, mais elles ne peuvent accueillir à la fois tout ce petit monde de quelque 600 élèves qui, le 21 septembre, a fait sa rentrée. Alors, pour nombre de jeunes classes, c’est la formule désespérément simple, mais hélas ! Il n’en est pas d’autre, des cours à mi-temps.

Cependant, le vendredi 21 septembre, à 9 heures du matin, elle était là cette jeunesse castelbriantaise et des environs qui répondait à l’appel et à l’invitation du ministre de l’Education Nationale.

Un à un, le Principal pointait tout son monde. Pour lui l’épreuve était plus que redoutable. Dans l’immédiat, elle était sans rémission. Il fallait trancher tout de suite, dans le vif, le cœur ulcéré, la volonté battue par des impératifs irréductibles. Après de telles espérances, un présent aussi sombre ! Pour le petit groupe de témoins, la situation avait quelque chose de dramatique.

Mais il fallait décider : pour les trois premières années, classes de 6°, 5° et 4°, ce sera les cours à mi-temps, les salles de la rue St Georges donnant l’hospitalité à tour de rôle. »

 Une histoire de thermomètre

Tout cela provoque des tensions, d’autant plus que le Principal du lycée n’est pas d’un caractère souple et qu’il existe des conflits d’autorité, notamment entre le lycée et la municipalité.

Le concierge, M. CHEYNEY par exemple, est un employé municipal mis à disposition du lycée. Qui doit le commander ? « M. Cheyney échappe à nos directives et M. Le Principal lui fait effectuer des travaux qui ne sont pas de sa compétence et qui ne doivent pas être à la charge de la ville : tirages polycopies, mise sous pli de documents divers, casser du bois pour M. le Principal ».

Ca grince comme on dit, et à tout propos : à propos des dortoirs par exemple, comme en février 1963 : « Lorsque après plusieurs relevés de températures j’ai fait vérifier par nos services, un dimanche, les températures exactes dans les dortoirs, nous nous sommes aperçus que le thermomètre de réclame utilisé par le lycée marquait 5° de moins que le thermomètre étalonné. Les ouvriers se sont bien sûr adressés au personnel de l’internat pour pénétrer dans les dortoirs. Le Principal a cru cependant devoir protester car il n’avait pas été avisé ».

Il y a aussi des histoires de machines à laver, ou de radiateur électrique, bref il y a de l’eau dans le gaz. « Les rapports entre l’administration du lycée et les services municipaux sont loin d’être parfaits. Cela est dû pour une grande part au débordement d’autorité de M. le Principal » lit-on dans un rapport de l’époque. Les personnels qui ont connu ce principal n’en seront pas autrement surpris.

 La marée d‘équinoxe

Et les effectifs des élèves montent comme la marée d’équinoxe.

Les prévisions pour 1964/65 sont de 875 pour le lycée (de la sixième à la terminale) en plus des 130 élèves de l’enseignement technique avec, en tout 60 enseignants.

Le problème de leur logement se pose avec acuité au point que le principal en fait un exposé détaillé au maire de la ville : « sur 35 professeurs mariés, 13 familles disposaient à Châteaubriant de logements convenables et les autres n’avaient pu en obtenir et étaient pour la plupart logés dans des villes fort éloignées ».

C’était en effet la période où, même pour un célibataire, il était difficile de se loger. Tel jeune professeur se souvient de son périple à Châteaubriant, où il était difficile de trouver une chambre indépendante : « j’avais trouvé une chambre, sous les toits, mais pour y accéder il fallait traverser la chambre à coucher des propriétaires. Ceux-ci mettaient à ma disposition un broc d’eau tous les matins et je me lavais dans une bassine qu’il me fallait vider ensuite dans la gouttière. C’était en 1965 ».

Un autre professeur s’est retrouvé dans une chambre meublée, « sans chauffage, sans chauffe-eau, sans salle d’eau, sans même des WC. Pour ce dernier équipement il fallait descendre deux étages, longer un couloir, traverser la cour et on trouvait un trou grossièrement cimenté au dessus de la rivière La Chère ».

C’était ça les conditions de logement à Châteaubriant vers 1965. Comme disait M. le FORESTIER, « cette situation n’incite pas des professeurs expérimentés à solliciter une mutation pour le lycée de Châteaubriant. Elle n’encourage pas non plus les professeurs débutants nommés dans l’établissement à y exercer pendant de nombreuses années scolaires », et il réclame des HLM ou des logements municipaux pour les profs. Des HLM il y en aura en 1968.

En attendant, la construction du lycée se fait petit à petit : au premier semestre de 1966, les dortoirs du nouveau lycée, route de Vitré, sont prêts, de même que le bâtiment d’externat où les classes du troisième étage, à l’exception des classes de Sciences Naturelles, sont en ordre de fonctionnement. Le second et le premier étages sont prévus pour la mi-juin, de même que l’aménagement du rez-de-chaussée. En août 1966, le maire de Châteaubriant écrit au Préfet pour lui signaler que les travaux de construction sont terminés.

En juin 1966, on compte 37 élèves reçus au baccalauréat. Le personnel du lycée se monte à 62 personnes (sans compter le personnel de surveillance) dont 47 enseignants. Le personnel d’entretien du lycée est toujours municipal, puisque le lycée n’ est pas encore nationalisé (il le sera en 1967).

Oui, le nouveau lycée est construit.

 Et le Collège technique ?

Ouis mais, et le collège d’enseignement technique ? Les travaux ne sont pas encore commencés et, pour ces élèves, la ronde infernale continue : les cours sont donnés à « Marcel Viaud » (4 classes en dur, 8 classes démontables). Le repas de midi se prend toujours à la salle Lutetia (rue St Martin), le repas du soir est offert au nouveau lycée, route de Vitré.

Les internes garçons dorment au premier étage du bâtiment préfabriqué « SOFACO » construit à côté du nouveau lycée. Les internes filles ont pu trouver place dans le nouvel internat du lycée.

Le rez-de-chaussée du bâtiment SOFACO sert encore de réfectoire (2 salles) car les 4 salles à manger du nouveau lycée sont insuffisantes pour assurer le repas des internes et demi-pensionnaires, même en 2 services. Quant à organiser un troisième service entre 12 et 14h, c’est impossible ! On attend les 4 salles à manger neuves qui font partie de la construction du Collège d’Enseignement Technique.

Mais progressivement, tout rentre dans l’ordre . avec le succès foudroyant du nouveau lycée, les deux cours complémentaires (garçons aux Terrasses et filles à Aristide Briand) fusionnent à la rentrée de 1968 en un cours complémentaire mixte réuni dans les bâtiments d’Aristide Briand. Ce cours complémentaire deviendra, plus tard, le collège Robert Schuman en s’installant en 1973 dans des bâtiments neufs à côté du Stade de la route de Vitré. L’établissement « les Terrasses » devient uniquement école primaire. C’était à l’époque un gros établissement car n’existaient ni l’école René Guy Cadou, ni l’école de la Ville aux Roses.

Par la suite, le lycée sera nationalisé (octobre 1967), libérant la ville d’un certain nombre de charges financières.

Puis le lycée sera séparé de sa partie collège (de la 6° à la 3°) quand sera crée le collège de la Ville aux Roses en septembre 1971.

Enfin, le CET (collège d’enseignement technique) prendra son indépendance en devenant Lycée Professionnel « Etienne Lenoir » à part entière.

Mais tout ça est une autre histoire . Laissons de la matière pour les historiens du futur.

Anecdotes :

La toge
Le bœuf
Des lits d’urgences
Ca brûle
Comment on réinvente la danse bretonne
Un règlement très strict
La solidarité des externes
Et si c’était à refaire ...
La promenade disciplinaire
Le pot de chambre
St Georges et les manteaux
Aux douches !
Une mixité toute relative
12 huitres et 30 complices
Le pétomane
Plus, plus, moins, moins
Chèvres bêlantes
Les châtiments corporels
Guy Môquet