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Autres personnages




 Maurice Nilès


(écrit le 11 décembre 2001)

Maurice Nilès était une figure familière de Châteaubriant et notamment de la Sablière à laquelle, à la suite de Fernand Grenier, il a consacré beaucoup de son énergie pour que vive le souvenir des Fusillés de Châteaubriant et de tous ceux qui furent emprisonnés dans les camps de cette ville. Sa femme Odette fut prisonnière au Camp de Choisel, lui-même fit plusieurs camps d’internement dont le camp de Voves dont il s’échappa de façon extraordinaire pour devenir commandant des FFI (forces françaises de l’intérieur) et restructurer le réseau de Résistance du Sud-Ouest.

Il fut maire de Drancy pendant près de 50 ans, député communiste, conseiller général et conseiller régional d’Ile de France. Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre 1939-45, Médaille des Evadés, Médaille des Combattants volontaires de la Résistance, il était Président de l’Amicale de Châteaubriant -Voves-Rouillé. C’est en apprenant que la nouvelle municipalité lui retirait la Présidence du Mémorial de Drancy qu’il fut frappé, en pleine réunion, d’une attaque cérébrale. Il laisse la souvenir d’un homme volontaire, très apprécié pour son ouverture et son humanisme. Il est de ceux qui ont contribué, en 1997, à la réunification des cérémonies de la Sablière et à la création du Musée de la Sablière.

  Rol-Tanguy

Figure mythique de la deuxième guerre mondiale, en tant que libérateur de Paris, le colonel Henri Rol-Tanguy, est décédé au cours de la nuit du 8 au 9 septembre 2002 , à l’âge de 94 ans.

De ce militant et résistant communiste, Charles de Gaulle, le 18 juin 1945, a dit qu’il le considérait comme un de ses « Compagnons de la Libération ». 1 059 au total.

Après être passé une dernière fois par Denfert-Rochereau (où il avait son poste de commandement dans les catacombes, sous le lion) et la gare Montparnasse, hauts lieux de l’insurrection parisienne libératrice d’août 1944, le corps a été était acheminé vers les Invalides. Sous les doigts de fer des cadrans solaires pointés sur les frontons du musée de l’Armée, le Président de la République a rappelé le parcours de celui qui devait devenir, le 5 juin 1944, « colonel, chef des FFI d’Ile-de-France » et, ès qualités, l’un des principaux artisans de la victoire du peuple de Paris.

Son vrai nom était Henri Tanguy. Fils de marin entré à Renault-Billancourt ; ouvrier métallurgiste syndicaliste (*) ; à dix-sept ans, avec le plus grand sérieux, il adhère aux Jeunesses communistes. Il restera toute sa vie fidèle à cet engagement, toujours défenseur d’un humanisme généreux, épris de justice sociale et imprégné des valeurs de la Révolution française.

Février 1934 : « Les événements puis la guerre d’Espagne vont faire du militant et du syndicaliste un adversaire déterminé du fascisme » dit Jacques Chirac. 1939-1940 : sous les drapeaux, il se battra jusqu’en juin 1940, avant de regagner Paris le 19 août, quatre ans, jour pour jour, ainsi qu’il aimait le souligner, avant le début de l’Insurrection parisienne..

Mais, en 1940, en ce funeste été 1940, la France, qui vient de subir l’un des plus grands traumatismes de son histoire, mesure toute l’ampleur de la défaite ; dans un pays accablé, Paris, capitale de la liberté, devient « le remords du monde » (...) ; Henri Tanguy est de ceux qui ne peuvent accepter la défaite (...) ; il va se faire stratège pour défendre, avec courage et talent, les valeurs de la République ; il sera de ceux qui, à la tête des combattants parisiens, jouèrent, avec le général Leclerc et la prestigieuse 2e DB, un rôle absolument déterminant dans la libération de la capitale ; plus encore, cette figure mythique de l’insurrection parisienne deviendra l’un des symboles de cette Résistance rassemblant, dans l’ombre, des hommes et des femmes de toutes les origines, de tous les horizons, qui choisirent de se réunir, par-delà leurs différences, sous l’autorité de Jean Moulin.

Puis ce fut la plongée dans la clandestinité d’Henri Tanguy et de Cécile Le Bihan, les groupes armés, le détour par l’Anjou-Poitou pour déjouer les chasseurs et le retour, en avril 1943, à Paris où il réorganise les FTP (Francs-Tireurs et Partisans) affaiblis par de multiples arrestations et, en octobre 1943, lorsque commence l’unification des Forces armées de la Résistance, il intègre l’état-major des Forces françaises de l’intérieur de la région parisienne

Plus tard, les cheminots déclenchent la grève ; le 15 août 1944 est diffusé le premier ordre d’insurrection ; Rol s’adresse à la police parisienne, à la Garde républicaine, à la gendarmerie, aux gardes mobiles, aux GMR et aux gardiens de prison ; l’appel aux barricades tapé par Cécile Rol-Tanguy retrouve l’audace et la vigueur d’un autre appel aux armes lancé en 1871 par Victor Hugo : « Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil, le despotisme attaque la liberté. Francs-tireurs, allez ! »

Aussi, lorsque, le 25 août, à la gare Montparnasse, le maréchal von Choltitz remet la capitulation des troupes allemandes de Paris au général Leclerc et au colonel Rol-Tanguy, le chef de la 2e DB peut-il dire avec une satisfaction immense : « La France de De Gaulle, celle qui a refusé de cesser le feu, retrouve la France de l’intérieur, celle qui a refusé de courber le front. »

L’histoire ne s’arrête pas là : Paris libéré, Henri Rol-Tanguy s’engage dans la première armée française et, sous le commandement du général de Lattre, participe à la campagne d’Allemagne qui le mène du Rhin jusqu’au Danube ; il sera nommé commandant militaire de Coblence et, en octobre 1945, entrera définitivement dans l’armée .

Se tournant vers Cécile Rol-Tanguy, Jacques Chirac conclut : « Il restera pour tous un exemple de ce que peuvent réaliser, lorsqu’ils sont portés à leur plus haut degré, le patriotisme, l’amour de la liberté, de la République, de la France (...). Madame, j’ai souvent rencontré votre mari. J’avais pour cet homme d’exception une profonde admiration. Je ne l’oublierai pas (...) ; et, parmi toutes les images que le nom d’Henri Rol-Tanguy fait surgir dans mon esprit et dans ma mémoire, je garderai toujours, comme tant de Français, celle de ce colonel FFI, au visage énergique, accueillant avec fierté, aux côtés du général Leclerc, le général de Gaulle, chef de la France libre. C’était le 25 août 1944 »

(article de Jean Morawski,L’Humanité du 14 septembre 2002)

(*) il était secrétaire du syndicat des travailleurs de la métallurgie de la région parisienne, notamment aux côtés de Jean-Pierre Timbaud, l’un des fusillés de la Sablière à Châteaubriant . Engagé dans les Brigades Internationales du côté des Républicains espagnols, lors de la Guerre d’Espagne, c’est en hommage à un camarade mort dans les combats de la Sierra Cabalis, Théo Rol, qu’il choisira Rol comme pseudonyme dans la Résistance.

 Georges Guingouin

Un « préfet » est mort. Un homme atypique, communiste, et qui n’a jamais été préfet. Mais, ce titre, il l’avait hérité de sa popularité de libérateur de Limoges. Georges Guingouin, le « préfet du maquis », aussi surnommé « Lou Grand », en raison de sa grande taille, ou encore le « Tito limousin », est décédé jeudi à l’âge de 92 ans, à Troyes (Aube) où il s’était retiré après son exclusion du PCF en 1952.

Ses titres de gloire, Georges Guingouin, ancien instituteur, maire de Limoges entre 1945 et 1947, les a récoltés dans son combat contre l’occupant allemand. Dès 1940, alors que le PCF est interdit pour cause de pacte germano-soviétique, qu’il dénonce, Guingouin organise le premier maquis de France. Il entre dans la clandestinité début 1941. Commence alors une folle épopée, semée de cadavres, de coups d’éclat et de coups de gueule. Les morts, c’est une famille soupçonnée de faire du marché noir, et aussi un milicien, ou des paysans partis à la foire avec 30 000 francs, assassinés dans un bois. Ces épisodes serviront plus tard à monter un dossier à charge contre Guingouin. Ils sont racontés par Michel Taubmann dans l’Affaire Guingouin (Ed. Lucien Souny). La gloire, c’est une armée de 14 000 maquisards, sous son commandement, qui affronte la division SS Das Reich, celle d’Oradour-sur-Glane, en juin 1944. Pour l’avoir retardée alors qu’elle montait sur le front de Normandie, Georges Guingouin reçut les félicitations du général Eisenhower. Charles de Gaulle le fera compagnon de la Libération.

Résistant de la première heure, Guingouin n’est pas un tendre. Il est maître sur ses terres : il réglemente le ravitaillement de ses troupes, taxe les denrées... Franc-tireur, il s’oppose aussi à la direction clandestine du PCF, refusant par exemple d’occuper Limoges en juin 1944, « une consigne suicidaire ». Ce n’est pas là son premier désaccord. Dès 1943, l’homme de la guérilla rurale dans le Limousin est l’objet d’un ordre d’assassinat lancé par son propre parti. Au début des années 50, cette forte tête, comme nombre d’anciens résistants, sera pourchassée. Maurice Thorez a passé la guerre à Moscou. Les héros communistes ne peuvent lui faire de l’ombre : ce sera le cas par exemple de Maurice Kriegel-Valrimont, d’André Marty, numéro 3 du PCF, mutin de la mer Noire, ou de Charles Tillon, chef des FTP qui réorganisa le parti dans la clandestinité. Guingouin est l’objet d’un véritable « procès de Moscou ». Il est exclu du PCF le 9 novembre 1952. C’est l’époque de l’élimination des « titistes », et de l’affaire Marty-Tillon, accusés de « déviationnisme »...

En 1998, Robert Hue, alors secrétaire national du PCF, lance une grande opération pour réhabiliter tous ces « ex », pourchassés, malmenés, diffamés. Dans une lettre à Georges Guingouin, il écrit notamment : « Je tiens à vous confirmer [...]combien le Parti communiste reconnaît la gravité du tort qu’il a ainsi fait à des femmes et à des hommes, et le tort qu’il s’est fait lui-même. » Il n’y aura pas de suite.

(article de Libération du 29 octobre 2005)


Entré en rébellion dès le 18 juin 1940, Georges Guingouin a organisé en une armée efficace une troupe disparate d’ouvriers, d’agriculteurs et d’intellectuels, dont les Allemands ne viendront jamais à bout, malgré les troupes surarmées qu’ils enverront contre elle.

 Maire de LIMOGES

Animé par un idéal marxiste-léniniste, Georges Guingouin s’est également opposé aux diktats des dirigeants de l’époque du Parti communiste français, notamment quand ces derniers l’ont pressé, en juin 1944, de prendre Limoges par la force pour des raisons de stratégie politique. Même refus de se
soumettre aux plus staliniens de la hiérarchie de son parti, dont Maurice Thorez et Jacques Duclos, pendant son mandat de maire de Limoges, de 1945 à 1947, ce qui lui coûtera une exclusion "hors statut" - par une autre cellule que la sienne - en 1952. Résistant encore, face à la mort qui le guettait à la suite de brutalités subies en 1953 à la prison de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), après qu’une affaire de droit commun exhumée par ses propres amis a permis à des enquêteurs et des magistrats qui avaient sévi sous le régime de Vichy de
l’incarcérer pour un motif qui lui vaudra finalement un non-lieu six ans plus tard, à Lyon.

Jusque dans sa période de résistant et de maire de Limoges, Georges Guingouin sera resté un normalien, "instit" dans l’âme. Sa profonde capacité d’analyse et son humanisme l’ont convaincu de ne pas livrer à la boucherie les hommes qui l’avaient rejoint et s’étaient placés sous son commandement. Il disposait d’un effectif de 20 000 combattants en Haute-Vienne, au lendemain de la libération de la capitale régionale.

 Large soutien populaire

Georges Guingouin avait confié leur entraînement militaire à des professionnels. Il a toujours pris soin de ne pas faire supporter aux populations civiles la répression des pertes qu’il infligeait aux Allemands. Il était également conscient de l’importance de faire partager le sens des actions de son maquis aux paysans, par des tracts imprimés dans un atelier rudimentaire, clandestin et mobile. "Lou Grand" les a finalement gagnés à sa cause résistante, mais aussi partisane, puisque après la guerre, la Haute-Vienne offrait la particularité de recenser autant de militants communistes aux champs qu’à la ville. L’esprit est resté, et beaucoup de ces anciens ont rejoint les rangs des rénovateurs communistes dans les années 1980.

Marcel Rigout, ancien ministre communiste du gouvernement de Pierre Mauroy, reconnaissait, le 28 octobre 2005, dans un communiqué que Georges Guingouin, "tout au long de sa vie, de ses combats, a toujours été un homme de conviction allant
au bout de ses idées" et qu’il fut "d’un grand courage et d’une grande fidélité à son idéal".

"Lou Grand" a cependant renoncé à la lutte politique quand, après avoir surmonté les tentatives de discrédit de ses anciens amis et de ses ennemis de toujours, les dirigeants limougeauds de la SFIO (Section française de l’Internationale socialiste), il a repris le chemin de l’école dans l’Aube. Il était retraité depuis 1968.

(article du Monde, 29 octobre 2005)

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Compagnon de la Libération, figure emblématique de la Résistance, Georges Guingouin est mort dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 à l’hôpital de Troyes (Aube). Il était âgé de 92 ans.

Georges Guingouin sera inhumé à Saint-Gilles-lès-Forêts (Haute-Vienne), sur les pentes du mont Gargan. C’est là qu’il avait fait ses débuts f’instituteur. Et c’est là que pendant la seconde guerre mondiale il avait imposé son autorité de "préfet du maquis", qui lui vaudra d’être fait compagnon de la Libération. Rarement décernée à un communiste ­ il n’y en a eu que 12 sur un total de 1 053 ­, cette distinction n’empêchera pas son exclusion du parti.

En montagne limousine, dans cette contrée rurale, traditionnellement "rouge", qu’il organise dès 1940 un embryon de résistance. Recherché par la police de Vichy, il se cache de ferme en ferme, organise des vols d’explosifs et des sabotages de botteleuses pour empêcher les récoltes de quitter la région. Il constitue peu à peu des groupes de francs-tireurs, avec des paysans, des républicains espagnols, puis avec des réfractaires au STO (service du travail obligatoire). Il gouverne la nuit ce territoire difficile d’accès, fixe le prix des denrées, interdit le marché noir, signe ses circulaires du titre de "préfet du maquis".

Après le débarquement allié du 6 juin 1944, ses groupes participent au harcèlement de la division SS d’élite Das Reich, qui remonte de Montauban vers le front de Normandie. C’est à ce moment-là aussi qu’il s’oppose aux directives de son parti : ordre est donné de s’emparer des villes de
l’intérieur pour fixer sur place un maximum de forces allemandes. C’est ainsi que Tulle (Corrèze) est libérée, puis reprise par la division Das Reich avec de lourdes conséquences : 99 pendus et 162 déportés. Georges Guingouin refuse de prendre Limoges. Trop de risques, estime-t-il,
pour la population civile. Ce refus ne lui sera pas pardonné.

C’est la bataille du mont Gargan, du 17 au 24 juillet 1944, qui consacre son prestige militaire. Suite à un parachutage d’armes par l’aviation britannique, les unités allemandes convergent de Limoges, Brive, Tulle, Aurillac. Au terme d’une bataille frontale d’une semaine, les "maquis" repoussent les
assauts et restent maîtres du terrain. Ils investissent ensuite progressivement Limoges. Georges Guingouin est alors désigné par le comité national de la Résistance comme le chef départemental des FFI, les Forces françaises de l’intérieur.
Le 21 août, il obtient, sans combat, la reddition de la garnison de Limoges.

 Repentir du PCF

Elu maire de la ville, il n’en est pas moins marginalisé par la direction nationale du PCF. Suspecté de "titisme" ­ du nom de Josip Broz Tito, libérateur de la Yougoslavie ­, il est exclu le 9 novembre 1952, à la même époque que plusieurs figures majeures du parti, notamment Charles Tillon,
l’organisateur des FTP.

Devenu un homme seul, Georges Guingouin est aussitôt la cible d’un hallali : d’anciens policiers et magistrats de Vichy réincorporés, des adversaires de la droite classique, et de la principale figure du socialisme limousin, le normalien supérieur Jean LeBail, qui, dans une série d’écrits, Limousin
terre d’épouvante , l’accuse de toutes les affaires de droit commun qui ont pu accompagner les vengeances et les désordres de la Libération. Il réussit à provoquer l’ouverture d’une instruction.

A Noël 1953, Georges Guingouin est incarcéré à la prison de Brive. Le 22 février 1954, il y est victime d’une tentative d’assassinat dans sa cellule. Hospitalisé à Toulouse, défendu par deux jeunes avocats, Roland Dumas et Robert Badinter, il est remis en liberté provisoire, au bout de quelques semaines. Après cinq ans d’instruction et de reports, c’est le procureur lui-même qui en 1959 déclare "ne pas comprendre, en son âme et conscience, qu’on ait pu engager des poursuites contre Georges Guingouin" . Le non-lieu est prononcé, et Georges Guingouin peut alors reprendre son
métier d’instituteur, dans l’Aube d’où sa femme, Henriette, est originaire.

En 1998, Robert Hue, au nom du Parti communiste, fait acte de repentance et prononce la réhabilitation de Georges Guingouin. Réaction de l’intéressé : " C’est un problème du parti avec lui-même, ça ne me concerne plus, j’ai atteint l’âge de la sérénité."

(Article paru dans l’édition du "Monde", 30.10.05)


 Georges Guingouin, l’épopée de la Résistance

Nous sommes en février 1941. Il vient d’avoir vingt-huit ans. À quoi pense Georges Guingouin dans la cabane souterraine d’une sapinière du mont Gargan où il se cache, en ce pays limousin boisé et peuplé de croquants, pour échapper aux Allemands et à la milice ? S’autorise-t-il même à penser, à rêver alors que le temps dicte de faire entrer les paroles dans la vie ? Il faut faire tourner la ronéo pour sortir l’Humanité clandestine, imaginer un plan pour nourrir le maquis, trouver de quoi imprimer de faux papiers. Arriver à saboter les batteuses, et donc empêcher la livraison de blé à Hitler, sera de la première importance...

Les soirs de combat, quand la mort rôde trop, après avoir assisté les blessés, accompagné les mourants, des vers de Victor Hugo, appris par coeur du temps de l’école à Bellac, transmis aux enfants du temps où il était instituteur à Saint-Gilles-les-Forêts, remontent le fil de sa mémoire et calment son envie de hurler. Dans ces moments-là, toucher ainsi à la fragilité de l’humain le rapproche de son père qu’il n’a pas eu le temps de connaître et qui repose, avec sept cents de ses camarades, dans « la grande tombe », la fosse commune d’un village du Nord creusée en hâte pendant la Grande Guerre.

Évoquer Georges Guingouin ; quatre-vingt-onze ans, terrassé ces dernières semaines par le décès de sa femme Henriette, compagne des luttes, mais aussi des mille tourments et iniquités qu’il aura à subir, c’est explorer les qualités de désobéissance, d’héroïsme, de loyauté de l’homme, lorsqu’il est à son meilleur niveau. C’est aussi comprendre la singularité fondatrice de ce Limousin rouge qui, après avoir bercé de nombreux communards, offre à la nation de - sacrés maquisards.

Et aussi, juste après ce 18 juin 1940 où, blessé, mais déterminé à ne pas être fait prisonnier par les Allemands, il s’enfuit de l’hôpital Sainte-Madeleine de Moulins, Guingouin, l’un des premiers à penser la nécessité de créer un réseau clandestin contre Vichy, n’a aucun mal à convaincre les paysans communistes de la région d’Eymoutiers, parmi lesquels Andrée Audouin, qui deviendra journaliste à l’Humanité, de grimper avec lui dans la montagne avec des fusils. « Tu as été le seul normalien de Limoges à participer à la grève du 12 février 1934, lui disent-ils. Tu es quelqu’un de solide. On te suit. »

Les années passent. Le charisme, l’intelligence terrienne de Georges Guingouin s’affirment. Chef de la résistance civile dans la région, il est capable de diriger, à l’apogée de la lutte, des hommes aussi différents que 8 750 FTP, 4 100 membres de l’Armée secrète, 1 000 membres de l’organisation Résistance armée, 300 républicains espagnols et 500 ex-Vlassov. Cerveau de nombreux sabotages, il multiplie les coups gagnants contre l’économie de guerre, contre les lignes de communication de l’armée allemande. Ce faisant, il ne néglige pas la lutte des classes et s’allie les paysans en leur permettant de garder le fourrage et le blé, en rémunérant correctement les produits agricoles, en faisant revenir le pain blanc sur les tables grâce à des décrets signés « le préfet du maquis ». Enfin, on le découvre stratège. La capture, le 9 juin 1944, du Sturmbannführer Kämpfe, « héros » de la division d’élite SS Das Reich, retarde cette dernière de deux jours, dans sa mise en mouvement vers la Normandie. Le général Eisenhower reconnaîtra que ce retard a sauvé la tête de pont alliée. Mais ce n’est pas tout. Le 3 août, procédant à une manoeuvre d’encerclement de Limoges, il obtient sans effusion de sang la capitulation du général Geiniger. Cerise sur le gâteau : des escadrons de gendarmes et de gardes mobiles qui se terraient dans la campagne limousine après l’y avoir pourchassé des années durant se rendent à lui.

Les années passant, l’isolement gagnant, Georges Guingouin, sans contacts ni directives, a pris insensiblement ses distances avec les décisions du Parti qui ne lui semblent pas opportunes. Lorsqu’il ne partage pas les mêmes analyses, lorsque les directives lui semblent aventureuses, lorsque le coût en vies humaines lui paraît trop élevé, il désobéit. Son personnage n’en finit pas de soulever la controverse. Prend-il conscience que pareilles libertés, insoumissions, prises de distance avec l’appareil sont inconcevables dans un contexte de guerre froide, d’adhésion à la IIIe Internationale, de culte de la personnalité ? En tout cas, le portrait dressé de lui, à l’époque, est terriblement schizophrénique. Surnommé affectueusement « Lou Grand » à l’intérieur du maquis, il est, à l’extérieur, traité de « fou qui vivait dans les bois, se levant la nuit pour écraser des chiens ».

Guingouin l’incontournable l’ignore, mais il est déjà diabolisé, pris dans les mâchoires d’une étrange et double tenaille, étranglé par les manoeuvres conjointes de socialistes, de vichystes revanchards, mais aussi des siens, qui l’accusent de « travail fractionnel », d’« acceptation sans protestation des éloges de la presse américaine », de razzia sur les fonds secrets de la Résistance ! Deux exclusions valant mieux qu’une, un procès de Moscou est en marche dans le Limousin contre celui qui devient maire de Limoges de 1945 à 1947 et que de Gaulle a élevé compagnon de la Libération. Un grave accident automobile, une machination judiciaire qui l’envoie en prison, dans le coma et en hôpital psychiatrique parachèvent ce tableau de l’indignité.

Georges Guingouin, finalement réhabilité par Robert Hue en février 1998, est l’honneur des communistes français. Anticipant la déstalinisation, sa vie atteste que les valeurs communistes se valident à l’aune d’une liberté ressentie, questionnée en permanence et nourrie de l’humain. En 1964, il rédige une adresse aux membres du 17e Congrès du Parti communiste français. Se plaignant de la rupture entre les paroles et les actes au détriment de l’idéal proclamé, il a conclu par ces mots : « Au soir des combats, j’ai bercé dans mes bras des mourants (...), j’ai tenté des actions désespérées pour sauver ceux qui étaient destinés aux fours crématoires et au poteau d’exécution. Croyez-moi, c’est cette vertu de compréhension qu’il faut pratiquer pour trouver l’art d’avancer. »

Magali Jauffret (article paru dans le numéro spécial de l’Humanité, « 1944, la France se libère »)


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