Un site vient de paraître sur Victor Renelle, l’un des 27 Otages de la Sablière
Nous vous invitons à aller le voir : http://renelle1941.free.fr/
Né en 1888, Victor Renelle est issu d’un milieu à la fois conservateur et artiste. Son père est auteur-compositeur, sa soeur violoniste ; son frère et lui apprennent le solfège et l’harmonie, le violon et l’accordéon.
Les idéaux de cette famille catholique de droite - on y lit Maurras et Drumont - sont à l’opposé des valeurs adoptées plus tard par Victor Renelle : on imagine aisément le bouleversement causé par l’affaire Dreyfus, et le lent cheminement intellectuel d’un jeune homme - de l’Action française à la CGT.
La guerre de 14, qu’il passe réquisitionné dans les usines chimiques participant à l’effort de guerre, le contact avec le monde ouvrier, les dangers quotidiens d’un "métier malsain" comme il l’écrit dans une de ses lettres, vont peu à peu le façonner : par son métier et son statut d’ingénieur, il se sent concerné et responsable envers la classe ouvrière.
Aussi, quand au milieu des années 30 il fonde avec deux autres chimistes, R. Pascré et A. Bourrand, le syndicat CGT des ingénieurs des industries chimiques, il songe sans doute qu’il va dans le sens de l’histoire et prépare l’avenir pour les travailleurs de cette industrie.
Mais il ne sait pas qu’il vient de faire le premier pas vers Châteaubriant et la Carrière des fusillés.
Deux autres événements vont précipiter le cours des choses pour lui : le pacte germano-soviétique et le décret-loi Daladier du 26 septembre 1939.
Le pacte de non agression signé par l’Allemagne et l’Union soviétique au mois d’août 1939 est lourd de conséquences pour le PCF, désormais suspect de trahison en temps de guerre, tout au moins de pacifisme. Le gouvernement Daladier peut alors déclarer illégaux le PCF et la CGT sans provoquer protestation ni opposition.
Et pendant les douze mois de la drôle de guerre, de la guerre et de l’exode, la police aura tout le temps de constituer des listes de noms et d’adresses de syndicalistes et de communistes. Cette même police, sur ordre de la nouvelle administration Pétain, procédera à une vague d’arrestations à l’automne 1940, plusieurs centaines sur la région parisienne, des milliers dans toute la France.
Les hommes et les femmes arrêtés sont poursuivis pour infraction au décret de 26 septembre 1939. Un simple délit donc, sanctionné par quelques mois de prison - six mois pour Victor Renelle : on a trouvé des tracts chez lui, déposés par une amie.
Certains sortiront de prison à l’issue de leur peine d’autres, considérés comme des meneurs dangereux, seront internés à Clairvaux, puis à Châteaubriant. Ce sont des médecins, des syndicalistes, des députés. Là encore, c’est un décret du 18 novembre 1939, suscité par le préfet de police Langeron et le général Hérig, qui est appliqué. On comprend mieux la colère et l’amertume de V. Renelle chaque fois qu’il évoque Daladier dans ses lettres.
Une dernière étape dans cette tragédie, une dernière croisée des chemins où l’on se dit que peut-être, à ce moment-là, tout peut encore changer pour lui : son usine le réclame, il suffit qu’il prête serment d’allégeance à Vichy pour être libre. Comme de nombreux autres à Châteaubriant il refusera ce déshonneur sans savoir que l’administration de Pétain (Pierre Pucheu, ministre de l’intérieur) allait très vite en tirer vengeance et dresser des listes d’otages pour les Allemands - avec les noms de ces hommes.
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"Victor Renelle, ingénieur-chimiste, chef de laboratoire, est un de ces sans-parti qui furent toujours de tout coeur avec les travailleurs. Renelle ne s’est pas courbé devant l’envahisseur et ses complices de Vichy. Arrêté fin 1940, je l’ai connu à la Centrale de Clairvaux avant notre transfert à Châteaubriant : encore un de ces hommes dont notre peuple a le droit d’être fier.
En ces temps où la machine de guerre allemande a grand besoin d’ingénieurs de valeur, un gendarme est venu informer Renelle qu’il doit se préparer à quitter le camp le jour même, un ordre de libération à son nom venant d’arriver.
Surpris mais content tout de même, il a rapporté sa paillasse au magasin, préparé ses maigres bagages et s’est rendu au bureau pour les formalités de levée d’écrou. C’est là que le chef de camp l’informe : c’est sur l’intervention des autorités d’occupation que la mesure de libération a été prise. En compensation, il doit mettre son savoir au service de l’ennemi et un lieu de résidence lui est assigné.
A son interlocuteur, palissant sous l’affront, l’ingénieur répond qu’une libération acquise dans de telles conditions ferait de lui un traître à son pays et qu’il la refuse... Cher Victor, n’ayant pu te corrompre, les hitlériens s’apprêtent à te fusiller.." dit de lui Fernand Grenier (évadé du Camp de Choisel à Châteaubriant, futur Ministre du général de Gaulle)
La petite fille de Victor Renelle vient de réaliser un site internet avec les lettres de captivité de son grand père et notamment la dernière, celle qui précéda l’exécution à la Sablière.
On peut retrouver cet émouvant récit à l’adresse suivante :