« Il y a encore, 60 ans après, de nombreuses informations qui manquent sur la seconde guerre mondiale » dit Jacqueline FOURNIER en parlant de son livre « Agent Number One » qui lève un coin de voile sur un réseau très secret, le réseau Mithridate, qui rassembla 1600 agents répartis sur la France, la Belgique et l’Italie.
Réseau franco-britannique, Mithridate dépendait directement de Londres, c’était un réseau de renseignements militaires chargé de fournir aux Etats-Majors les indications nécessaires pour précéder ou accompagner les opérations de guerre.
Le mérite de Jacqueline Fournier est d’avoir publié le témoignage de Rogatien GAUTIER, né le 14 mai 1917 à la ferme du Bois-Bonin à Rougé, entré au réseau Mithridate en juin 1941 (il avait 24 ans) comme agent de transmission, chargé des liaisons radio avec Londres et Lisbonne. Avec « un souci permanent et un problème majeur : trouver des gîtes pour pratiquer les émissions radio (...) se déplacer souvent pour éviter le repérage de la gonio » allemande.
Dans le livre, Rogatien GAUTIER raconte, sans fioritures, sa vie de clandestin et toutes les combines qu’il utilisait pour émettre vite et bien. Un qui-vive permanent. Le récit est haletant. De nombreuses fois Rogatien Gautier faillit être arrêté, mais son flair lui permit d’éviter les pièges, quitte à se jeter à se jeter, avec une audace vertigineuse, la tête la première dans la gueule du loup, ou à s’évader de manière audacieuse. Ce n’est pas pour rien que les Anglais lui avaient donné le surnom de Number One (numéro Un).
Une excellente réputation peut présenter des dangers accrus : Rogatien Gautier fut utilisé par les Anglais d’abord pour récupérer cent kilos de cartes d‘état-major des départements du Nord et du Pas de Calais, puis pour émettre sur un appareil dénommé « Ayesha ». Tout cela faisait partie, à l’insu de Rogatien Gautier, de l’opération « Fortitude », plan de campagnes et de manœuvres d’intoxication tendant à faire croire aux Allemands que le débarquement essentiel se réaliserait dans le Pas-de-Calais. Rogatien Gautier fut ainsi délibérément sacrifié, arrêté par la gestapo, torturé, condamné à mort et mis dans un wagon à bestiaux en partance pour un camp de la mort du Grand Reich. Mais la Résistance Belge réussit à intercepter le train le 3 septembre 1944.
Rogatien Gautier put alors se rendre dans Paris libéré. Il reprit ses missions de renseignement en alsace puis en territoire allemand. Le 11 avril 1945, Rogatien Gautier entra avec les Américains au camp de Buchenwald. « Tout était pire que le pire.(..) La cruauté avait dépassé toute imagination d’homme. J’ai pu voir, dans la villa du commandant du camp, le célèbre abat-jour confectionné par sa femme avec des peaux tatouées prélevées sur les détenus ».
Brisé
Après la guerre, Rogatien Gautier reçut de nombreuses décorations françaises, anglaises, belges. Il faillit avoir la médaille des évadés, mais devant le formulaire à remplir, et la formule « Je sollicite de la haute bienveillance de monsieur le ministre de la Guerre, etc ... » il inscrivit en diagonale, au crayon rouge gras, le mot de Cambronne, avec le sentiment que « nous reprenions les mêmes pignoufs et incapables qu’entre les deux guerres et que nous recommencions déjà à détériorer la France ».
Rogatien Gautier rentra alors à Rougé puis fut sollicité dès octobre 1945 pour une mission de renseignements à Calcutta (Inde orientale). Mais un "accident" de voiture brisa son corps et sa carrière. Étrangement une ambulance l’attendait depuis plus d’une heure près du lieu de l’accident. Rogatien Gautier termina ainsi sa brillante carrière, victime de la guerre des Services Secrets français et américains.
Agent Number One, par Rogatien Gautier et Jacqueline Fournier, Editions France Empire, 20 €