Le clocher de Châteaubriant
vu du Camp C (Camp de Choisel)
Au delà des prairies où nos âmes songeusesErrent entre les fils gardés par l’ennemiTu dresses ta tour svelte, un grand signe amiPour nous faire oublier ces heures malheureusesNous n’apercevons pas la nef d’où tu surgisMais nous la devinons tranquille et sonoreVibrante encor des cris d’un peuple qui déploreLe terrible destin de ses fils mal régis.Car des loups dévorants déguisés en bergersOnt rongé jusqu’aux os les chairs de notre FranceEt l’ont abandonnée loin de toute espéranceA l’angoissant assaut des suprêmes dangersUn château à ta gauche et quelques toits à droiteEncadrés de verdure et de soleil luisantEvoquent une ville aux aspects séduisantsEt peut-être même un ruisseau où l’eau pure miroiteTout ce tableau à notre cœur éprisSemble parler de paix, de province tranquilleMais entre toi et nous, au dessus de la villeSe découpe soudain un casque plat et grisTu domines pourtant ce sceptre inquiétantDe tout l’élan sacré de la flèche ogivaleSymbole singulier de la France idéaleDont la gloire ne peut s’éclipser qu’un instantTu sembles implorer dans ta raideur stoïqueLe Tout-puissant et divin justicierEt tu brilles le soir des reflets de l’acierComme un glaive tendu d’une main héroïque.Poème d’un soldat prisonnier , camp « C »Châteaubriant , juin 1940