Sans feu ni lieu
Sans foi ni loi répliquent les hypocrites
Sans cave ni grenier
Sans toit ni porte
Sans chaise ni table
Sans lit et sans fenêtre
Sans rien
Mais comment vivre
J’écris pour tous les sans logis, les va-nu-pieds
Les trimardeurs, les vagabonds, les traine-savates,
Les chemineaux et les clodos,
Pour tous les Benoît-Labre.
Il y avait naguère toujours jadis la part du pauvre,
L’écuelle au bout de la table, la porte ouverte,
La paille pour l’étranger
Je crie pour tous les déplacés, déracines, déportés
Les zoulous, les aztèques, les indiens, les cajuns
Les gens du grand déménagement
Je me souviens de l’an 40
Juin rayonnant sur les blés bleus
Et sur les routes on mourait à foison
Je connais bien les rites des vandales
Les coups de crosse dans les vitres et le brandon
Jeté sur le plancher et le feu comme une vipère qui court
Et la clameur quand les poutres s’effondrent
J’écris pour les fuyards, les Afghans dans l’anfractuosité
De la montagne, les Iraniens saignés aux quatre membres
Les Vietnamiens accrochés au bordage
Les juifs dans les ghettos
Les pauvres Noirs écorchés par les chiens
Les enfants d’Argentine arrêtés dans le petit matin blême
Tous les incarcérés des goulags dans la neige
J’écris pour les fils et filles du vent, tziganes, manouches
Gitans, gypsies, zingari jetés hors des verdines vertes
Et qu’on parque
Ecoutez piétiner le troupeau des errants
Comme un tambour roulant avant l’appel des morts
Ah croyez-moi, la peste fait tache dans le monde
Quand les chiens faméliques sans niche et sans coussin
Aboient à la lune
Hurlent à la mort
Il ne faut pas dormir tranquille
Je crie pour tous les Emmaüs
Pour qu’on donne à chacun
Son toit, sa hutte, sa natte, son coin
Sa part de feu
Mais qui écoute et qui entend ?
Yves Cosson