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Accueil > La Résistance à Châteaubriant > a - Récits > 68 - Livre - Poèmes 1

68 - Livre - Poèmes 1

 

 JE VOUS AI TOUS VUS, MOI, LE VIEUX DONJON

 
Je suis là depuis tant de siècles
Personne ne connaît mon âge
Mais mes pierres sont un coffre précieux,
Le plus précieux peut-être :
Celui de la mémoire
La tienne, sire de Brient,
Et puis vous les Dinan
Et vous Seigneur Jean de Laval
Je vous revois conter fleurette à votre Françoise de Foix
Et lui construire cette perle princière ...
 
J’ai vu la ville grouillante de 40 000 soldats pendant la Révolution
40 000 !
Et j’ai aperçu là, dans la rue de Couëré, Sophie Trébuchet
Eblouie par son Léopold, et bientôt mère de Victor.
Le grand Victor Hugo ...
 
Je vous ai presque vu naître, à deux pas d’ici
Au château des Fougerays,
Jacques Pâris de BOLLARDIERE
Je vous ai vu jouer dans ces jardins
Au petit soldat, bien entendu.
Avant de devenir un GRAND soldat,
Compagnon de la Libération, et le général le plus décoré
de l’armée française ...
 
Je vous ai vus, gars de Châteaubriant,
En 1914 partir à la guerre, la fleur au fusil.
Et votre nom est là sur le monument
Veillé par un Poilu de pierre ...
 
J’ai vu les foules de gens, déboussolés, dans la débâcle
Chercher abri dans ces cours, dans ces salles, sous cette galerie....
 
Et puis les bruits des bottes ...
Les bruits des bottes : ils durèrent quatre années...
 
Le Poilu m’a raconté une étrange histoire :
C’était par une nuitée de novembre 1940, le 10 je crois
Des pas feutrés, cinq silhouettes
Une échelle, un drapeau caché sous un manteau
Pas un rai de lumière ne perçait les ténèbres ni le couvre-feu...
Et au petit matin du 11 novembre,
le Poilu s’est éveillé, tenant dans ses bras le drapeau tricolore interdit ...
 
Alors il y eut des cris de colère :
ACHTUNG ! Ils ont osé faire ça !
 
Oui, ils avaient osé, le signal était lancé
 
Le Pays de Châteaubriant était entré en Résistance
Pas seulement les cinq, mais toute la région
Et toute la France aussi
Et tout changea dans cette enceinte apparemment paisible....
 
Je surprenais les allées et venues dans la Sous-Préfecture,
Là, à mes pieds.
On conspirait. Assurément ...
 
Ici ... ici derrière les arcades, c’étaient les gendarmes français qui,
le soir, cherchaient comment faire fuir les jeunes désignés
pour le service du travail en Allemagne
ou passaient furtivement chez les Résistants pour les prévenir du danger
ou sur les routes du voisinage qui menaient aux lieux de parachutage....
 
Un soir j’ai vu le juge Fichoux
fermer pour la dernière fois la porte du Tribunal,
Ici, où il avait mission de rendre la justice
Nul ne le revit jamais. Déporté lui aussi...
 
Je savais bien qu’à cent mètres,
à la Poste, sur la Place des Terrasses
on triait le courrier de la Kommandantur
pour en soustraire les lettres de délation. On sortait, inquiet.
Gestapo peut-être ? Elle était partout.
Mais on risquait tout...
 
Quelques personnes il est vrai ...
mais de cela je ne veux pas parler aujourd’hui....
 
La nuit parfois, j’apercevais des ombres furtives
qui couraient autour de la gare
Je savais bien que c’étaient des Résistants
qui repéraient les emplacements des wagons, le trafic des trains
et de la gare pour en informer Londres.
Tout était noté, enregistré, codé et filait en curieux messages
vers l’Angleterre...
pour le réseau Buckmaster ou d’autres réseaux.
 
Plus d’une fois j’ai vu des jeunes se glisser le long de ces murs
forcer des portes, dérober des armes à l’Occupant.
Un soir, un 6 février 1942, trois partirent Dieu sait où.
Déportés
 
Et puis ce sinistre 22 octobre 1941.
Oh ! ce 22 octobre...
 
Des camions s’engouffrent sous ce porche.
Ils stoppent au bout de la pelouse, là.
Alors, ignoble besogne, 27 corps sanglants sont jetés dans ce bâtiment.
Pour une nuit.
Et j’ai entendu une rumeur effrayante monter de la ville.
Déjà le poste radio caché dans la Grande Rue avait lancé la nouvelle.
C’était donc vrai ? C’était possible ?...
 
Un 30 novembre 1943, tout le quartier de la Motte fut bouclé.
Le vent du large me le murmurait :
Trois Résistants partaient, menottes aux mains
Déjà en route vers ... des lieux d’horreur.
Le réseau Buckmaster venait d’être décapité....
 
Peu après, le 21 janvier 1944,
plus de vingt Résistants connurent le même sort.
Tout le Pays de Châteaubriant était dévasté
Erbray et Fercé
Rougé et Ruffigné
Noyal et Sion
Martigné et Soulvache
St Julien et Treffieux ...
 
En mai 1944 il y eut d’autres arrestations
Le calvaire continuait.
Et un jour de juillet 1944 : des sifflements stridents,
des bombes pleuvent sur l’usine, sur la gare,
Sur le château lui-même
Là, cette tour qui s’écroule ...
 
Et ce fut le silence.
Ce silence plus angoissant que les explosions des bombes...
 
J’ai vu tout cela, moi, le vieux Donjon
J’ai entendu les pleurs des fiancées et des épouses,
Des mamans et des enfants.
Et l’on parlait aussi, presque à voix basse
de ceux qui attendaient depuis cinq ans, là-bas, dans des camps
aux noms imprononçables....
 
Mais un jour ...
Le tumulte se mêla de cris de joie
On croyait que c’était fini.
Et un rouge-gorge se mit à chanter, comme dit le poète....
 
Le Poilu retrouva son drapeau
Il y avait, à ses pieds, ce 4 août 1944, une gerbe.
Une gerbe d’hortensias. Bleus, Blancs, Rouges
Et sur la place de la Motte, plus tard,
la borne de la Voie de la Liberté...
 
Et moi le vieux Donjon, compagnon des siècles,
je suis toujours là.
Et je vous crie à toutes et à tous :
 
On n’arrête JAMAIS
La marche de la Liberté...

(texte d’Emile LETERTRE
prononcé par David Clausse, dimanche 13 avril 2003,
au Château de Châteaubriant lors du Congrès des Déportés Tatoués)


 France

FRANCE
 
Ils disaient tous Ma France ou la France éternelle
Et chacun te prenait un peu de plume à l’aile
Mais quand l’ennemi arriva
Les guérites étaient là
Mais plus les sentinelles
 
Ils disaient tous Ma France ou la France éternelle
Moi je t’aimais et je ne disais rien,
Je n’avais pas seize ans, France, tu t’en souviens ?
 
Ils disaient tous ma France ou la France éternelle
Je n’ai rien dit, moi, j’étais trop enfant
J’ai pris le fusil de la sentinelle
Et puis c’est fini maintenant
 
France, pardonne-moi si je te le rappelle
Je me sens si seul par moment.
 
Jean-Pierre Rosnay


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Texte du livre "Telles furent nos jeunes annees", telechargeable ici : http://www.journal-la-mee.fr/IMG/pdf/LivreMee.pdf

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