Jean José España, Compagnon de la Libération
Jean José España est né à Paris le 10 décembre 1909. Après des études d’ingénieur à l’Institut Catholique des Arts et Métiers de Lille, et à l’Ecole supérieure d’électricité de Paris, il accomplit son service militaire dans l’artillerie en 1932 puis est embauché en 1936 à l’usine HUARD de Châteaubriant. En 1939, il est adjoint au directeur technique, par la suite directeur commercial, puis directeur général en 1958 et PDG de l’entreprise en 1967. Les salariés le surnomment « Le colonel ».
D’un caractère très réservé, décrit comme « glacial » par les salariés (en raison sans doute d’une grande timidité), il ne sait pas établir des contacts humains et laissera le souvenir d’un homme plus brillant comme soldat que comme ingénieur et chef d’entreprise.
Brillant soldat ? Oh que oui ! puisque nommé Compagnon de la Libération le 17 novembre 1945 par le Général de Gaulle. L’Ordre de la Libération, la plus haute distinction, est créée le 16 novembre 1940, pour récompenser les 1061 plus valeureux de ceux qui ont œuvré pour la Libération de notre pays (parmi lesquels cinq villes et dix-huit unités combattantes).
Dans le livre de Jean-Christophe Notin « 1061 Compagnons », publié à la Librairie Académique Perrin, on découvre Jean-José España à Dunkerque, fin mai 1940, au cours de l’opération Dynamo qui consiste à rembarquer vers l’Angleterre, par le port et les plages de Dunkerque, 200 000 Anglais du corps expéditionnaire britannique et 130 000 Français, menacés d’encerclement par l’avance allemande. ESPANA y commande la huitième batterie soit quatre canons de 75 mm et six mitrailleuses. Dos à la mer, il couvre l’évacuation des troupes alliées. Les chances de s’en sortir sont nulles, mais le moral des artilleurs ne faiblit pas.
La batterie d’España est la dernière à cracher ses obus. Un éclat ayant traversé sa cuisse, le lieutenant est transporté à l’hôpital de Zuydecoote pour être opéré d’urgence. Fait prisonnier sur son lit le 4 juin 1940, il est transféré avec ses camarades au Touquet puis à Lille, ville qu’il connaît bien pour y avoir poursuivi ses études. Dès qu’il se sent mieux, España échappe à la surveillance des gardes et accourt à l’ICAM où un révérend père Jésuite lui établit une fausse carte d’élève, dûment tamponnée, au nom de Molina, et lui donne une vieille bicyclette, avec de bons pneus, sur laquelle España-Molina gagne Paris, puis franchit la ligne de démarcation, et réussit à entrer en Espagne.
Emprisonné en Espagne
Avec sa carte au nom de Molina, on le prend pour un Espagnol, qui aurait dû être mobilisé en 1936 au temps de la guerre civile. Les autorités franquistes l’arrêtent donc comme déserteur. Il est emprisonné à Figueras, Reus et Madrid, puis placé en liberté surveillée et réformé.
Jean-José España traverse ensuite l’Espagne et s’embarque à Cadix pour rejoindre le Général de Gaulle le 4 décembre 1940. Il rencontre le Général de Gaulle le lendemain et demande à être affecté dans un régiment d’artillerie. Mais ses blessures mal cicatrisées l’empêchent de rejoindre une unité combattante. Il est donc affecté à l’instruction des élèves-officiers d’artillerie à Camberley
Fin juillet 1941, España, avec l’état-major de l’amiral d’Argenlieu, est chargé de ramener l’ordre en Nouvelle Calédonie. España, devenu capitaine, est nommé commandant de la place-forte de Nouméa. Le 27 mai 1942, il commande la compagnie de débarquement qui force les îles Wallis et Futuna à se rallier à la France Libre.
On retrouve ensuite España à Tahiti, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Inde, à Suez et Beyrouth puis à Bir Hakeim en juin 1942 au sein des troupes françaises qui tiennent tête à Rommel.
Il rejoint le 16 mars 1943 la première division des Français Libres en Lybie où il dirige le service du chiffre qui opère la liaison en morse entre Londres et les points stratégiques de la France Libre. Le 9 août 1943, affecté au deuxième régiment d’artillerie, il participe aux campagnes de Tunisie, d’Italie (notamment à la bataille du Mont Cassin), de Toulon, de la Trouée de Belfort et de Strasbourg, jusqu’aux dernières campagnes des Alpes en avril 1945. Il termine la guerre comme chef d’escadron. Il sera nommé colonel de réserve.
Compagnon de la Libération, Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec trois citations, Médaille de la Résistance. Un hommage tout particulier lui est rendu par l’Armée, le 12 décembre 2000, à Châteaubriant, lors de son enterrement.