Quentin MIGLIORETTI
« Quentin Migli », comme on disait à Châteaubriant, est un personnage très populaire qui a marqué la vie économique, sociale et politique de la ville. Fils d’immigrés italiens, il est fait prisonnier en juin 1940, au moment de la débâcle, avec 15 000 autres militaires et enfermé au Fort de Queuleu, sur une colline dominant Metz, tout près de la ligne Maginot. Un fort était bien gardé : la Kommandantur se trouve à la sortie de ce qui a été un pont-levis. Seuls sortent de là ceux qui vont en corvée à Metz.
« Deux de mes camarades me demandent un jour de faire partie de la corvée et de bien regarder, à droite en revenant, à 40-50 mètres avant l’entrée. Ils avaient raison, on dirait un regard de réseau d’évacuation des eaux usées » raconte Quentin Miglioretti. Les trois camarades trouvent un « trou de visite » situé pratiquement sous le pont-levis, dans l’enceinte du camp, et obturé par une lourde plaque d’acier. Ils réussissent à y descendre, « c’était un boyau de 80 m de long environ et qui charriait les eaux usées et les matières évacuées des toilettes du Fort. Nous l’avons exploré à l’aide d’une lampe électrique ramenée de corvée et nous nous sommes procuré un marteau et un burin. Au bout de 3 semaines de travail, nous avons réussi à faire un trou assez grand pour nous échapper. Nous sommes sortis à sept. »
« Les Allemands l’ont découvert tout de suite, mais nous avons pu prendre le large ». Toujours revêtus de leurs uniformes militaires, les évadés frappent à la porte de ce qui se révèle être un asile de vieillards. Ainsi vêtu Quentin Miglioretti se rend à Nancy. A la maison où il frappe, au hasard, les habitants devinent tout de suite un des évadés que les Allemands ont signalés. Ils le cachent, l’habillent plus correctement et organisent son départ en train vers Paris . Parvenu à la gare Montparnasse, Quentin Miglioretti s’installe dans un compartiment qu’il a cru vide et qui, en réalité, ne comporte qu’une seule place libre parmi ... des soldats allemands. Nul ne lui pose de questions. « Mais j’ai tremblé jusqu’à Nantes ! ».
En zone libre
Une fois à Nantes, il réussit à se faufiler jusqu’au train de Châteaubriant, grâce à la complicité d’un employé de la gare à qui il déclare s’être évadé. Puis il arrive à Châteaubriant où, bien entendu, il est reconnu tout de suite.
« Le soir même de mon arrivée, le bruit courait en ville que j’étais là, que j’avais été libéré. C’était trop dangereux ». Il demande alors conseil au père Gilot, un grand mutilé de la guerre 14, dépositaire de Ouest-France. « Il faut faire quelque chose, lui dit Quentin, il faut rassembler des gens, trouver des armes ». « On en reparlera bientôt » lui répond le père Gilot qui lui conseille de partir d’abord en zone libre et lui donne une adresse. « C’était un peu comme un jeu de piste. A chaque étape nous attendait une nouvelle adresse ».
Pour atteindre la zone libre, il faut franchir un pont gardé aux deux extrémités par des SS. « Je m’engage, les bras chargés de légumes. On ne m’a rien demandé non plus cette fois-ci. Il y a de la chance pour la canaille » raconte Quentin Miglioretti en souriant.
Arrestations massives
Quand Châteaubriant redevient plus calme, Quentin MIGLIORETTI, informé, retourne en ville, et prend contact avec le groupe Letertre, toujours par l’intermédiaire de M. Gilot.
« J’ai fait comme les autres, parachutage, et stockage des armes. Nous avons réussi à avoir beaucoup d’armes, nous les cachions dans un champ, route de Martigné (au lieu-dit Guiboeuf). Les Allemands nous ont tout raflé ».
Car bien entendu, M. Miglioretti est arrêté, lui aussi. Le 21 janvier 44. « De Rennes, nous avions déjà reçu un message nous disant de nous méfier. Les Marcel Letertre avaient été arrêtés fin novembre 43. Mme Besnard avait subi le même sort en fin décembre. Nous étions sur nos gardes, mais que faire ? J’avais ma femme et un fils de trois mois. S’ils ne me trouvaient pas moi, et ils ne m’auraient pas trouvé, je savais qu’ils prendraient ma femme et mon fils ».
Un jour donc, de nouvelles têtes sont remarquées à Châteaubriant, chapeau mou et ciré noir. « Depuis un certain temps déjà, j’avais vu un homme en ciré noir qui, tous les soirs, regardait longtemps la vitrine du libraire en face de chez moi, dans la Grand Rue. Avait-il une glace de poche pour observer ? Regardait-il les allées et venues ? Le quartier était un nid de Résistants, il y avait Emile Letort, rue Tournebride, par exemple, André Baussier qui travaillait à la SDEO, là où se trouve maintenant la poissonnerie de la Grand Rue et d’autres encore ». Le camion de la SDEO, société d’électricité de l’Ouest, servira à plusieurs reprises à des transports d’armes.
Ce jour-là, 21 janvier 1944, des « cirés noir » en abondance embarquent Quentin Miglioretti (et d’autres) à Châteaubriant, Robert Monin et l’abbé Hervouet à St Julien de Vouvantes. Michel de Pontbriand (maire d’Erbray) suivra sans tarder.
« ils arrêtent aussi mon frère aîné parce qu’on leur avait dit qu’il y avait deux Miglioretti dans le groupe Letertre. C’était vrai. L’autre était Jacques (celui que nous appelons Antoine) qui lui, célibataire, a réussi à partir avant l’arrestation. A Angers, nous retrouvons Mme Berthe Besnard. C’est grâce à son témoignage et au mien, que mon frère aîné a pu être relâché ».
Pour Quentin Miglioretti se termine ici l’histoire de la Résistance à Châteaubriant, mais son histoire personnelle continue, celle des camps de concentration, Mauthausen, Melk, Ebensée, dont il est libéré le 8 mai 1945, « le dernier camp à être libéré par les Américains », dit-il. (voir page 139)
Les arrestations dans le réseau Buckmaster-Oscar continuent. Dans la nuit du 27 au 28 mars 1944, vers 3 heures du matin, les Allemands cernent la ferme des PLESSIS à La Pile, en Fercé. A l’époque tout le monde vit dans deux pièces, cuisine et chambre. Georges PLESSIS se souvient : « Ils ont crié : "Les mains en l’air, police allemande". Mon frère Lucien, qui dormait comme moi dans la cuisine, a voulu mettre son pantalon. Ils l’ont roué de coups. Puis ils ont emmené mon père Louis Plessis, mon frère Lucien et mon beau-frère Marcel Guibert qui logeait chez nous. Menottes aux mains, encadrés de la police nazie armée de mitraillettes, ils ont été poussés dans des camions militaires à coups de crosse et de pied. ». Compiègne, Buchenwald, Dora, la marche de la mort ... (sur Dora lire par ailleurs)
Louis Plessis et son fils Lucien (†) , Marcel Guibert, avaient participé aux parachutages de Fercé avec Pierre Morvan (†) , Félix (†) et Roger Lévêque(†), Raphaël Gicquel (†) , Joseph Esnault (†) , Jules Cavé (†) , Francis Gautier et son frère Georges (†) , Félicien Gautier et son frère Arsène (†) . Sur ces douze personnes, neuf mourront en déportation.