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Livre - Marcel Letertre : ils ont osé

 

 Marcel Letertre : Ils ont osé

Henry Noguères, dans son livre « La vie quotidienne des Résistants, de l’Armistice à la Libération », distingue parmi les Résistants trois catégories : les légaux, les clandestins et les maquisards : « les légaux étaient ceux qui, tout en participant à l’action menée par la Résistance, n’avaient rien changé, au moins en apparence, à leur vie professionnelle et familiale ».

Marcel LETERTRE-Père, est de ceux-là, très attaché à sa famille et à son commerce, il tient à rester sur place. Marcel Letertre-fils, lui, peut assurer, à l’occasion une tâche d’agent de liaison. « Mon père était un homme hors du commun, un fonceur, ancien combattant 14-18, anticommuniste notoire, foncièrement honnête mais plutôt excessif dans ses propos ». Marcel Letertre (neveu), requis pour le service de travail obligatoire (STO), vient chez son oncle, Marcel-Letertre-père, à Châteaubriant en 1943 et entre aussi dans la Résistance, sous le pseudonyme de Jacques Gérard.

De sa guerre de 14-18, Marcel Letertre-père garde une sorte de profonde allergie vis-à-vis des « Boches ». Aussi, dès l’armistice de 1940, avant même que Châteaubriant soit occupée, il commence sa Résistance, une sorte de résistance morale avec des gestes un peu fous : refuser de descendre du trottoir pour céder la place à un Allemand, placer un drapeau tricolore au Monument aux Morts, le 10 novembre 1940, avec quatre autres Castelbriantais. [C’est ce jour-là qu’a été cassé le petit doigt de la statue. (Voir livre page 252.]. Il soutient ainsi le moral des Castelbriantais et montre à l’Occupant que les Français ne se laissent pas démoraliser.

 En recherche

Pendant les années 1940-41, Marcel Letertre-père, au cours de ses nombreuses rencontres avec ses camarades Anciens Combattants comme lui, ne cesse de les inciter à constituer des groupes d’amis pour être prêts à en faire davantage le jour où il sera possible de chasser l’ennemi. « Ce rôle de propagande n’était pas inutile, dit son fils, les Anciens Combattants détestant l’Allemand mais n’étant pas prêts à mener des actions. Ils étaient, dans l’ensemble, plus Pétainistes (par légalisme) que Gaullistes. Mon père avait choisi De Gaulle ».

Au moment de l’arrivée des Allemands à Châteaubriant : « mon père s’était réconcilié avec son vieil adversaire Ernest Bréant qui était, lui, radical ». D’adversaires farouches, les deux hommes deviennent des alliés contre l’envahisseur. Ils savent pouvoir compter l’un sur l’autre.

Arrive la fin de l’année 1941, il y a des « politiques » au Camp de Choisel, des syndicalistes essentiellement. Le père Letertre n’hésite pas à héberger chez lui le père DELAVACQUERIE (dont le fils sera fusillé le 22 octobre 1941), lorsqu’il vient voir son fils au camp. « Il a toujours été très bien accueilli chez nous et il repartait toujours avec du ravitaillement. Ce n’est pas à lui qu’il aurait fallu dire du mal de nous » raconte son fils.

Le soir des fusillades de la Sablière (22 octobre 1941), le père Letertre est rentré en pleurant : « ils ont osé les assassiner » a-t-il dit. Il sait qu’ils étaient majoritairement communistes. De ce jour, comme quelques autres Castelbriantais, il se sent encore davantage concerné par ce que l’on n’appelle pas encore « la Résistance ».

 Le Front National puis Libé-Nord

Une année passe. Des contacts se prennent en vue de former des groupes. Mais c’est un projet encore fumeux, nébuleux.

« Fin 42, mon père est contacté par Monsieur TRAVERS, placier sur différents marchés. Le magasin familial se trouve Place de la Motte, à Châteaubriant, qui sert de « foirail » le jour de marché. M. Travers, qui a de nombreux contacts de par son métier, fait ainsi entrer mon père au « Front National » avec quelques membres de la famille : mon cousin et moi-même. Nous nous appelions tous Marcel Letertre, nom qui nous avait été donné à notre naissance ».

Selon Henri Michel (« Histoire de la Résistance en France ») le « Front National » est le seul mouvement à la fois militaire et politique maintenu en même temps en zone occupée et en zone libre. Il se propose d’unir le plus largement possible les Français disposés à lutter contre l’Allemand. Son comité directeur comporte Villon et Marrane (communistes), Joliot Curie (alors socialiste), Georges Bidault (démocrate populaire), Mgr Chevrot (évêque), Yves Farge (de Franc-Tireur), etc. Aux postes de commande sont placés des communistes de pure orthodoxie, mais le Front National recrute très largement y compris des éléments de « Témoignage Chrétien ». Rien à voir avec le Front National, fasciste et raciste, qu’on connaît autour de Jean-Marie Le Pen à la fin du XXe siècle.

M. Travers étant en contact avec Londres, le groupe castelbriantais commence à préparer un parachutage d’armes du côté de Bain de Bretagne. « Mais nous avons tout arrêté quand il n’a pas été possible de faire comprendre à M. Travers que les risques encourus étaient grands. En effet, le message de reconnaissance, prévu pour ce parachutage, était vraiment trop explicite. Les Allemands étaient lourds, c’est vrai mais il y en avait aussi de très intelligents » rappelle Marcel Letertre-fils qui continue :

« En mars 1943, mon père est contacté par le réseau LIBERATION NORD, par l’intermédiaire d’André Chauvel. Nous avons constitué un réseau de renseignements pour savoir où étaient les dépôts de vivres, de munitions, d’essence , qui commandait ces dépôts. Signaler les changements d’état major, les mouvements de troupe, les déplacements de véhicules allemands (faciles à suivre à la trace en raison des emblèmes qui étaient peints sur les voitures) ». Le groupe Letertre fournit, entre autres, le plan de la gare de Châteaubriant. Il se procure aussi des « tampons officiels » grâce aux mairies de Martigné et de Retiers. A Châteaubriant est précieuse l’aide de Jacqueline LAYGUES et de Pierre TROADEC qui travaillent à la mairie. (Pierre Troadec est au service de ravitaillement, il sera arrêté le 18 janvier 1944).

La possession des tampons officiels est d’une grande importance : elle permet de fabriquer des faux papiers et de nouvelles identités pour les personnes recherchées ou évadées. « Pour nous, les Marcel Letertre, il ne servait à rien que nous changions d’identité : dans un petit pays, tout le monde se connaît et connaît en particulier les commerçants. ».

En dehors de ces missions de renseignement permanentes, surgissent des missions plus ponctuelles : « Un jour, nous avons été chargés de convoyer deux officiers américains qui avaient été abattus sur Lorient et qui venaient de Rennes, par le train, accompagnés d’un évêque, Mgr Weber, coadjuteur de l’évêque de Strasbourg et recherché aussi par la Gestapo. Nous avons amené les deux officiers chez Charles Besnard et avons réussi à les faire filer par Nantes. Ils ont pu rejoindre Londres via l’Espagne. Ce fait nous sera plus tard reproché par la Gestapo ».[Ces trois personnes étaient annoncées par un message téléphonique demandant à la graineterie Letertre de bien vouloir réceptionner "trois sacs de trèfle" en gare]. L’abbé Weber, lui, rejoint l’abbé Hervouet, autre résistant, à Saint Julien de Vouvantes.

Avec le réseau « Libé-Nord » sont mis en place divers groupes : à Châteaubriant avec les Letertre, les Besnard, les Miglioretti, Michel de Pontbriand, etc. A Rougé le groupe est animé par Pierre Morvan. A Sion les Mines par Célestin Deroche, à Fercé par Jules Cavé.

« Nous avions tous un rôle d’agent secret, mais 99 % d’entre nous n’avaient aucune formation à ce sujet. Cela nous a probablement conduits à faire des imprudences » dit Marcel Letertre-Fils. « Entre autres idées farfelues, un des responsables de « Libé-Nord » m’a demandé de constituer un groupe de réfractaires au STO dans la forêt de Javardan et de les réunir dans un café de Fercé. Réunir des jeunes réfractaire dans un bourg de 400 personnes, c’était de la folie, un risque certain et inutile. J’ai refusé. Il n’empêche que ce « maquis de Fercé » me sera reproché aussi par la Gestapo. Comme quoi ils étaient au courant de tout, même de ce qui ne s’était pas fait. Moi j’étais réfractaire au STO, je me suis caché quelques semaines et je suis revenu au grand jour à Châteaubriant. Pour cela, je n’ai jamais été inquiété. Je me suis demandé depuis si les Allemands n’en avaient pas profité pour nous laisser faire et nous surveiller ».


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Texte du livre "Telles furent nos jeunes annees", telechargeable ici : http://www.journal-la-mee.fr/IMG/pdf/LivreMee.pdf

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