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Livre - Les Juifs à Châteaubriant



 Les juifs à Châteaubriant

Châteaubriant : pendant la guerre seules quelques familles de « Juifs » habitent Pendant la guerre, seules quelques familles de « Juifs » habitent Châteaubriant, résidents locaux ou réfugiés. Les PICKS par exemple ont été accueillis dès le printemps 1938 : la montée du nazisme leur faisait déjà envisager la persécution (Ils ont été logés boulevard de la République dans la maison de Mme Affilé, avant de partir aux USA). Une liste de recensement faite en 1940 relève 31 noms dans la région, sans indiquer le lieu de résidence. Les Juifs, ou supposés Juifs, sont très surveillés : un rapport de la brigade de gendarmerie de St Julien de Vouvantes signale, par exemple, l’arrivée, en juin 1942, d’une juive polonaise, Bickel Ryfka : elle sera arrêtée un mois plus tard.

A Châteaubriant les plus connues sont les familles SINENBERG, RIMMER, PACH, AVERBUCH, ISRAEL et KOHN.

 Il faut sauver les enfants

En juillet 1942, une grande rafle de Juifs a lieu en Loire-Inférieure : 98 arrestations dont 4 dans la région de Châteaubriant : Jean PACH médecin, (qui sera déporté à Auschwitz), Fischel RIMMER, Bickel RYFKA, et Jacob RAVITSKY.

Nouvelle rafle le 9 octobre 1942. Les listes signalent cinq arrestations à Châteaubriant : M. et Mme KOHN, Mme Biena RIMMER et ses deux enfants Robert 6 ans et Bella 16 mois. Biena Rimmer réussit à faire prévenir ses voisins, les MOUSSON qu’elle est prisonnière à la caserne Richemond à Nantes. « il faut récupérer les enfants » disent Auguste et Esther Mousson. Mme MOUSSON et sa fille se rendent alors à Nantes. Les enfants seront ainsi sauvés. Après la guerre, Jules Moch, Ministre de l’Intérieur, écrira à Madame Mousson : « Vous avez en toute circonstance servi avec dévouement et désintéressement la cause de la France. Je suis heureux, au nom du gouvernement, de vous remercier de votre belle attitude et de vous transmettre l’expression de la Reconnaissance Française ». [Les noms d’Auguste et Esther MOUSSON figurent depuis janvier 1994 à Yad Vashem, « la montagne de la mémoire », dans le « Jardin des Justes » qui ont aidé et protégé des Juifs durant la guerre en France]

Fischel et Biena RIMMER périront dans les crématoires d’Auschwitz.

 La famille Sinenberg

A partir du 7 juin 1942, adultes et enfants de plus de 6 ans, y compris sur les bancs de l’école, portent l’étoile jaune, cousue ostensiblement sur la poitrine. Les Juifs n’ont plus ni le droit de travailler (sauf dans les emplois subalternes et manuels sans contact avec le public) ni d’aller dans les cafés ou les fêtes, ni de conduire un véhicule, leurs comptes bancaires sont bloqués, les « biens israélites » sont recensés pour être vendus à des « aryens ». Il arrive qu’une « bonne âme », maniant la délation, signale une ferme à Jans et une autre à Soudan, appartenant à des Juifs ; Il arrive aussi que, dans un autobus, un Français mal éduqué s’exclame en voyant l’étoile : « dire qu’il nous faut voyager en compagnie de Juifs ». Ceux qui le peuvent font valoir que, si les chefs de famille sont juifs, les mères sont « aryennes » et que, n’ayant que deux grands-parents juifs, ils ne tombent pas sous le coup de la loi. Les familles Sinenberg et Kohn se rendent ainsi à la kommandantur qui demande au commissaire de police de surseoir à la remise de l’insigne.

La famille SINENBERG, sur le fichier d’identité de la Mairie, porte la mention « JUIF » écrite en larges lettres rouges (1,5 cm sur 3,5 cm).

Le père Alfred SINENBERG, comme les autres, n’a plus le droit de travailler mais la famille est appréciée à Châteaubriant. Un jour même, un collaborateur notoire, passant sans s’arrêter à côté du père Sinenberg, lui dit entre ses dents : « Méfie-toi, une rafle est prévue ».

26 Janvier 1944 : dès 8 heures, les Allemands arrivent, Six hommes et un officier. « Cela fait quatre ans qu’on les attendait, la valise était prête » se souvient Germaine Sinenberg. Alfred est amené à la Kommandatur (installée à la banque Couchot), puis une heure après, la femme et les enfants sont amenés à leur tour. Claudette (3 ans) est très malade. André (11 ans) et Paul (12 ans) se souviennent de tout « y compris d’avoir traversé le marché encadrés d’Allemands ». Enfermés dans le bordel « A notre idée » de la rue Pasteur, il y retrouvent leurs cousins, arrêtés comme eux : treize personnes en tout, 9 de la famille Sinenberg, 4 de la famille Israël.

Vers 16 heures, départ vers Nantes (à la caserne Richemond) dans un fourgon sans fenêtre de la maison Decré (grand magasin nantais) et le lendemain vers Drancy. Un wagon spécial est réquisitionné pour le transport des Juifs de la région Ouest. Dans ce train des enfants très jeunes, encore au biberon, ont été séparés de leurs parents. André Sinenberg se souvient : « Un des nos gardiens allemands était très compatissant. A chaque arrêt en gare il se dépêchait de sortir pour aller quémander du lait dans les bars voisins, de façon à pouvoir en donner aux enfants ».

En arrivant à Paris, les cheminots, sans ménagement, font cogner le train sur les butoirs et changent brutalement les wagons, tout valse dans le compartiment, les valises tombent sur les voyageurs. « Je leur en ai voulu longtemps, raconte André Sinenberg, jusqu’à ce que je comprenne qu’ils croyaient avoir affaire à un train d’Allemands, puisqu’un Allemand surveillait les opérations juché sur la première marche du wagon ».

Drancy, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, tous la tête rasée. Par les fenêtres toujours disjointes, le vent de janvier s’engouffre glacial. « Je me souviens avoir emprunté un parapluie pour protéger le lit de Claudette qui souffrait d’une forte fièvre » dit Germaine. Inutile d’aller à l’infirmerie : elle ne délivre que des pastilles de charbon. Il neige, les chaussures en carton avec semelles de bois ne protègent pas du froid et la soupe n’est qu’un vague bouillon chaud où flottent quelques carottes. Le camp est gardé par des policiers français partisans de Pétain. Pour passer une lettre à l’intérieur, il faut verser un pourboire suffisant, sinon la missive est déchirée. Le régime est sévère et, « quand venait, à l’intérieur du camp, le grand patron Aloïs BRENNER, il fallait se découvrir vite fait » dit André.

A Châteaubriant, la famille de Germaine active les recherches, remonte 100 ans en arrière, et réussit à prouver que Germaine n’a pas de sang juif et que ses enfants ont été baptisés. « C’est grâce à cela que j’ai pu sortir avec mes trois enfants » dit Germaine. C’est aussi grâce à cela que son mari, Alfred, resté à Drancy jusqu’à la Libération, le 20 août 1944, a pu rester en vie. Mais ses frères n’ont pas eu la même chance : ils ont été déportés à Auschwitz. Marcel, sa femme Marcelle et René SINENBERG sont morts gazés. Le jeune Jean Sinenberg (20 ans) est mort d’épuisement. Charles et Juliette ISRAEL ainsi que les époux AVERBUCH sont morts en déportation, de même que les juifs Polonais RIMMER.

« A Drancy, tout le monde savait que les convois menaient aux camps d’extermination, aussi, avant de partir, ceux qui avaient des montres ou des bijoux s’en débarrassaient en les jetant au "petit château", c’est-à-dire dans les WC » se souvient encore André Sinenberg.

La famille Sinenberg dans les convois de juifs

 La famille Averbuch

La famille AVERBUCH vient de Paris, se réfugier à Châteaubriant dès septembre 1939. Elle est hébergée au 33 rue de la Victoire (à l’extrémité Est de l’actuelle rue Marcel Viaud, non loin de la Rue Michel Grimault), chez Cyprien et Anna ROUL. Madame AVERBUCH est enceinte ; elle donnera naissance à un petit Marcel, né à la Maison maternelle de Gastines à Issé en avril 1940. La famille avait deux autres enfants : Paulette née en 1923 et Jacques né en 1930. En septembre 1940 les parents et leurs enfants rentrent à Paris.

Le 17 juillet 1942 les cinq AVERBUCH sont pris dans la rafle du Vel d’Hiv’, mais Jacques et Marcel restent sur le quai avec Paulette qui ne figure pas sur les listes par un concours de circonstances inexpliqué. Ils regagnent leur appartement. Paulette télégraphie à la famille Roul et tous les trois reviennent vivre à Châteaubriant jusqu’en septembre 1946, d’abord dans la famille ROUL, puis à la fin de la guerre chez les PELON dans la rue Aristide Briand. La famille ROUL, malgré les risques encourus les accueille généreusement et sera d’une totale discrétion à leur sujet. Elle mériterait de figurer au Jardin des Justes.

Monsieur et Madame AVERBUCH seront déportés à Auschwitz d’où ils ne sont jamais revenus. A l’heure actuelle (2003) Paulette, Jacques et Marcel sont toujours vivants. L’appartement qu’ils occupaient à Paris a été spolié puis détruit avec l’immeuble lors d’un bombardement américain en avril 1944 : il y eut trente six morts.

 La famille KOHN

La famille KOHN, juifs allemands ayant fui le nazisme, réside à Châteaubriant avant l’Occupation. Les enfants Karine et Ernst, scolarisés à Châteaubriant portent l’étoile jaune. Leur présence à Châteaubriant pose parfois des problèmes. Le jeune Ernst KOHN, scolarisé à l’école St Joseph (alors repliée dans les bâtiments du cercle Catholique), se heurte à l’incompréhension de ses camarades de classe surpris par son accent allemand prononcé. Il faut l’intervention de son instituteur, Jean SIMON, pour expliquer sa situation aux autres élèves.

 Autres

D’autres enfants juifs sont recueillis dans la région de Châteaubriant . A Fercé par exemple, Mme CHEVROLIER, couturière, veuve, accueille deux enfants de son gendre, évacués de Paris, et deux fillettes juives Monique et Cécile MITAGZSTIN, 4 ans et 8 ans, scolarisées dans l’école du bourg. Elles seront baptisées : le curé de Fercé, les inscrit sous les noms de Monique et Cécile Massé , « nées de famille juive ». Imprudence qui aurait pu être fatale aux fillettes, à la famille Chevrolier et aux deux parrains Jules Cavé et Jean Gasnier. Il ne s’est heureusement rien passé de fâcheux. En 1992, Monique fera le voyage du Mexique (où elle réside désormais) jusqu’à Fercé pour retrouver son amie d’enfance Jeannette Rialland-Chevrolier. Une belle histoire, comme il y en eut certainement d’autres

 Drancy

Trois barres de quatre étages disposées en U. Les immeubles inachevés, destinés à devenir des habitations à bon marché, servent de prison pour les communistes, puis pour les prisonniers de guerre.

Drancy : le site est transformé en camp. Barbelés et miradors attendent les juifs. Le 25 août 1941, ils seront plus de 4 000. Parmi eux, 40 avocats ont été arrêtés, sur ordre spécial des Allemands. Au début, le camp est administré par les autorités françaises sous contrôle de la Gestapo. A côté de la famine organisée, les hommes subissent, debout dans la cour, les innombrables séances d’appel imposées par les gendarmes français chargés de la garde. Plusieurs dizaines d’hommes mourront d’épuisement et de faim. D’autres périront contre un poteau d’exécution comme cette cinquantaine de juifs, choisis à Drancy, et exécutés au Mont Valérien en décembre 1941.

27 mars 1942, au petit matin, 564 hommes quittent le camp. Ils sont rejoints peu de temps après par 558 autres détenus venus de Compiègne. Direction commune Auschwitz. Premier convoi de l’histoire de Drancy. Vingt hommes seulement survivront.

A partir de juillet 1942, Drancy recevra indifféremment hommes, femmes, enfants, vieillards arrêtés au gré des rafles comme la célèbre rafle du Vel’d’Hiv. Jusqu’à 8 000 personnes sont entassées dans ce camp, véritable antichambre des camps d’extermination.

En juillet 1943, Drancy passe sous le contrôle direct de la Gestapo, sous la poigne de fer d’Aloïs BRENNER.

Les deux principaux centres de
rassemblement en France
ont été Drancy (pour les déportés « raciaux »)
et Compiègne pour les « politiques »


 La mort

Au total, 75 000 juifs français seront déportés vers Auschwitz (dont plus de 10 000 enfants). Les premiers déportés juifs ont été tatoués sur l’avant-bras gauche : un numéro et l’étoile de David. Par la suite, ils seront gazés dès leur arrivée. Il n’en survivra que 3 500 environ.

Toutes nationalités confondues, 340 000 juifs « enregistrés » sont morts à Auschwitz, auxquels s’ajoutent 800 000 « non numérotés ». Soit un total de 1 140 000 morts dans ce camp d’extermination, sans prendre en compte les victimes des marches de la mort (cité par André Bessière dans « D’un enfer à l’autre »).

Ces Juifs sont des « Déportés » : pour la plupart d’entre eux ils n’ont pas pu être des « Déportés Résistants » car on ne leur en a pas laissé la possibilité, on les a enfermés avant.

Novembre 2008 : des plans d’Auschwitz retrouvés à Berlin

Auschwitz, la vérité

Récit : l’évadé de Drancy


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