Texte publié pour le 40e anniversaire
Ecrit en mai-juin 1988
L’essence commence à manquer
Mercredi 22 mai 1968 :
A Châteaubriant, le mouvement prend de l’ampleur. Les établissements scolaires publics ou privés de l’enseignement secondaire sont fermés depuis le matin. Les ouvrières de la Confection FORCAST rejoignent le mouvement. Il y a grève avec piquets de grève à l’usine Huard et à la Fonderie, chez ALCA et à l’usine ATLAS-Issé. La grève a touché Leneveu, Maussion, Provost, Drouin (transports), et les Services techniques de la ville, pour ne citer que les plus grosses entreprises. Sans oublier ni la SNCF et les PTT, ni Miglioretti, Neau, le Nid Coquet, etc.
L’essence commence vraiment à manquer : certains font des stocks quitte à transporter le précieux liquide dans... les sacoches d’un vélomoteur.
" En ce jour de marché, c’est la panique à Châteaubriant. Le spectre de la faim se dessine et les magasins connaissent une animation peu commune. MAGANIS, place de l’église, a fermé ses portes très tôt de peur que des délégués grévistes ne viennent inciter le personnel à se mettre en grève. Une nuée d’acheteurs inquiets s’abat alors sur LECLERC (place de la Motte) ou PRISUNIC (rue de la Barre). En une matinée, il n’y a plus un kilo de sucre. Il est devenu « l’or en pierre ». L’inquiétude se lit sur les visages et se traduit par des achats inconsidérés : l’un se jette sur le riz tandis que l’autre stocke les nouilles. Les vendeuses ont du mal à suivre. C’est devenu fébrile "( raconte MFF, Marie Françoise Fleury)
Du côté des syndicats, un COMITE DE GREVE se réunit tous les jours, d’abord au local de la CGT (le seul à disposer du téléphone, qui était encore un luxe à cette époque). Les grévistes sont appelés à venir tous les jours faire le point sur la situation. Des émissaires sont envoyés dans toutes les entreprises pour les inciter à rejoindre le mouvement.
Le jeudi 23 mai c’est la fête de l’Ascension " ce fut aussi l’ascension de la crainte. Les propos échangés autour d’un plat d’asperges, entre collègues, firent état des bruits qui couraient. Les professeurs les plus en pointe du lycée avaient un triple tort aux yeux de leurs aînés... ils étaient « trop actifs » ; ils avaient « la confiance des élèves », et enfin ils étaient dangereux parce qu’ils étaient « catholiques » (sic). Le « combisme » n’était pas digéré à Châteaubriant"(MFF).
En France, l’opinion s’inquiète de ne discerner aucune procédure permettant de régler la crise politique. Le soir, nouvelle nuit de barricades au Quartier Latin. 200 blessés.
Vendredi 24 mai - allocution radio-télévisée de De Gaulle qui annonce un référendum et demande un nouveau mandat pour procéder à une « rénovation ». Graves bagarres à Paris. Des manifestants mettent le feu à la Bourse. 648 personnes arrêtées. Plus de 600 blessés.
Le ravitaillement est assuré mais les prix montent. Au Mans les délégués syndicaux font baisser les prix. Le président de la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises demande aux commerçants de rester ouverts et de ne pas spéculer sur les prix. Les liaisons aériennes sont assurées par l’Armée de l’Air. Des médecins de Paris et Lille soignent gratuitement les familles des grévistes.
A Nantes, les paysans manifestent autour d’Emmanuel Charriau, Bernard Lambert et Bernard Thareau. Ils débaptisent la « Place Royale » et l’appellent « La Place du Peuple ». Dans le Finistère 10 000 litres de lait sont donnés pour les grévistes. L’Evêque de Nantes voit de nombreux signes d’espérance dans les évènements actuels.
A Châteaubriant, le Comité de grève a trouvé un local « neutre » pour tenir ses réunions : l’ancien Hôtel des Postes, Place des Terrasses, qui est vide depuis que les PTT ont un bâtiment neuf boulmevard Victor Hugo. On y installe des chaises, des tables sur des tréteaux. Un gréviste des PTT vient rebrancher le téléphone. Cette occupation d’un local public est évidemment illégale. Mais aucune autorité n’a voulu prendre le risque de faire vider les lieux. A la porte d’entrée, juste au-dessus du majestueux escalier en pierre bleue flotte un drapeau rouge. Il excitera bien des colères en ville.
Le Comité de grève de Châteaubriant, en liaison constante avec celui de Nantes a notamment à assurer dans la mesure où tout est bloqué, la sécurité, les approvisionnements, l’organisation de la vie économique de la ville. Son rôle : faire l’inventaire de ce dont dispose la ville, en essence par exemple, éviter la spéculation et le stockage abusif, faire débloquer certaines denrées. Par exemple, des contacts sont pris avec la raffinerie de Donges pour que les grévistes laissent partir un camion d’essence pour Châteaubriant.
La « guerre de l’essence » se joue entre le Comité de Grève et le Maire (voir plus loin). M. Xavier HUNAULT est même venu discuter avec le Comité de Grève dans l’espoir d’obtenir un camion d’essence dont il pourrait faire ce qu’il voudrait. Il a été éconduit. En effet, il aurait été possible, en théorie, d’imaginer un accord avec la municipalité et les grévistes, mais, une fois de plus, HUNAULT ne voulait pas partager le pouvoir.
Une tonne et demi de patates
Vendredi 24 mai toujours.
Ce vendredi 24 mai, grand meeting à Châteaubriant, place de la Motte. Calme et digne. Un beau matin de printemps. Les commerçants avaient fermé leur porte mais ... étaient au balcon, intrigués, perplexes ou quelquefois narquois. Les ouvriers du bâtiment qui travaillaient à la construction de l’Hôtel Armor, place de la Motte, et qui n’étaient pas grévistes, avaient été priés par leur patron, de ne pas rester là. On ne sait jamais, n’est ce pas.
Au cours du meeting, Roger RIDEL (CGT) et André ROUL (CFDT) font le point sur la situation générale. Puis, au nom du Comité de Grève, Gérard FLEURY prend la parole pour annoncer que le Comité de Grève saura assurer l’approvisionnement de la ville. En effet, quelques jours avant, un agriculteur, Henri BARON, fait cadeau d’une tonne et demi de pommes de terre pour les grévistes. Il donne ainsi le départ, sans le savoir, d’une opération « ravitaillement » de grande envergure. Nous en reparlerons.
La manifestation se rend à la mairie pour demander au Député-Maire Xavier HUNAULT pourquoi il soutient la politique gouvernementale... Celui-ci répond « la chute du gouvernement, à quarante jours de l’entrée en vigueur complète du Marché Commun avec les graves conséquences qui en découlent, tant sur le plan économique que sur le plan social, aurait rendu impossible l’ouverture des discussions impatiemment attendues ». Il ne peut faire autrement, tout de même, que de parler « des indéniables valeurs du mouvement actuel » et de demander par télégramme, des négociations immédiates entre gouvernement et organisations syndicales.
Le Comité intersyndical estime que ces « justifications » sont inacceptables, dénonce l’attitude du député-maire qui n’a pas voté la censure sanctionnant le gouvernement et estime que le télégramme envoyé par X. HUNAULT au Premier ministre « est une dérisoire velléité ».
Manif’ à Issé, 400 grévistes ; soutien des commerçants et des paysans.
Un communiqué officiel venant de la Préfecture indique les stations-service où les prioritaires peuvent se procurer de l’essence (médecins, ambulanciers, hôpitaux, boulangeries). Pour Châteaubriant, deux points sont signalés : le garage Belin et le garage Ménard, qui appartiennent tous les deux à des Conseillers Municipaux. Ce fait provoquera l’irritation des autres gérants de stations-service qui obtiendront que la liste officielle soit élargie.
Samedi 25 mai - ouverture des négociations « de Grenelle » entre gouvernement, syndicats, patronat. Elles se poursuivront jusqu’au lundi 27 mai à 17h30
Un expert économique de la CGT, M. Barjonet, démissionne des instances dirigeantes de la CGT et du Parti Communiste parce qu’il est en désaccord avec leur attitude au niveau national vis-à-vis des étudiants. Quelques autres responsables cégétistes l’imitent en province, notamment Roland Andrieu à Nantes.
« A Châteaubriant c’est la communion solennelle à l’église St Nicolas. La lourdeur politique a des parfums d’encens et des senteurs de lys » raconte MFF (2)
« Dimanche 26 mai : fête des mères. Beaucoup de pères furent absents des domiciles familiaux. Ni fleurs, ni couronnes.
Dans les jardins, l’herbe poussait avec vigueur durant ce printemps fou et le vert des pelouses était bien reposant quand on avait remué de grandes idées ». (MFF)
A Nozay, le 14e moto-cross remporte un grand succès « malgré le temps et les évènements. »
Lundi 27 mai - Fin des négociations de Grenelle.
De nombreux rassemblements ont lieu dans toute la France, le constat des discussions est repoussé dans de nombreuses entreprises. La grève continue et se durcit.
A Nantes, 40 000 personnes manifestent. Il y aura 80 blessés. Les commerçants, après négociation avec le Comité Central de grève sont autorisés à ouvrir. Les poubelles s’accumulent et le Comité Central de Grève fait procéder à un ramassage des ordures.
A Châteaubriant, 3000 personnes manifestent et rappellent leurs revendications :
augmentation générale des salaires avec priorité aux bas salaires et garantie du pouvoir d’achat indexé sur le coût de la vie. Suppression des zones de salaire qui font que, par exemple, le SMIG est moins élevé en Province (2,18 F de l’heure) qu’à Paris (2,22 F)
retour progressif aux 40 heures/semaine
abrogation des lois anti-grève
création d’un salaire unique qui soit un véritable salaire pour la mère de famille « pour permettre la suppression des double-emplois »
départ à la retraite des cheminots en remplissant les conditions et gestion démocratique de la SNCF
refonte du système des impôts
respect et extension des droits syndicaux.
L’usine Lejaby : et si ça tient pas ?
Au cours du défilé qui suivit, les manifestants se rendirent devant la mairie de Châteaubriant, pour inaugurer en grandes pompes, l’usine LEJABY. Cette usine était promise depuis un certain temps aux Castelbriantais qui ne voyaient rien venir. On les faisait patienter en leur disant que tout était prêt. Que l’usine allait ouvrir ses portes. Bientôt. Avec 300 emplois. C’était sûr, c’était pour septembre 1967.
Mais on était déjà en mai 1968.
Le Maire, dès cette époque, promettait beaucoup. Un contradicteur, lors d’un débat pré-électoral en 1967, avait même eu un jeu de mot involontaire : « Et si ça ne tient pas ? » lui avait-il lancé à propos de cette usine de soutien gorge.
Donc, le 27 mai 1968, les responsables syndicaux de la ville avaient préparé leur coup dans le plus grand secret et avec apparat. Ils avaient déniché une « queue de pie » et un haut-de-forme, une écharpe tricolore et des clairons pour l’inauguration de cette usine-fantôme. Le « maire », élu pour la circonstance, prononça un discours :
« Mes chers administrés,
J’ai aujourd’hui la joie extrême d’inaugurer devant vous l’usine LEJABY. Cette usine, je vous l’avais promise l’an dernier, lors d’une réunion électorale. Elle devait ouvrir ses portes en septembre. Vous me connaissez, je tiens toujours mes promesses (...) c’est pourquoi, depuis 8 mois, 300 ouvrières ont la chance d’y travailler (...)
Il va sans dire que cela ne s’est pas fait sans difficultés. Nous avions dès le début le terrain et les techniciens et j’avais accordé une subvention importante. Il manquait peu de chose : les bâtiments et le directeur. Les bâtiments, les voilà ! Quant au directeur, nous l’attendons toujours mais... il ne saurait tarder.
D’aucuns prétendent que c’est une usine-pirate, d’autres disent que c’est une usine-fantôme ! Comment peut-on croire de telles affirmations malveillantes et dépourvues de tout fondement ? Permettez-moi d’affirmer avec force que j’ai ma conscience pour moi et que si cette usine n’était vraiment qu’une usine fantôme, alors je ne serais qu’un fantoche ! » (3)
Après cette « inauguration » de dérision, la grève reprit son cours, le comité de grève castelbriantais se préoccupant du ravitaillement des habitants. Le soir même, 27 mai, le comité de grève invitait les commerçants de la ville à une réunion à la mairie pour étudier les problèmes d’approvisionnement correct des denrées de première nécessité chez les commerçants et il décidait de réserver un poste téléphonique aux commerçants en précisant que « tout appel venant d’un poste extérieur ne serait pas pris en considération par les PTT »
A cette époque-là en effet, Châteaubriant n’était pas équipé de téléphone automatique. Il fallait passer par le Central de la Poste et par les « demoiselles du téléphone ». Celles-ci effectuaient une grève « active » en contrôlant toutes les communications de la ville.
D’une certaine façon, le « pouvoir » à Châteaubriant était l’enjeu d’une partie de bras de fer entre le maire Xavier HUNAULT et le Comité Intersyndical de Grève qui siégeait alors dans les locaux de l’ancienne poste, place des Terrasses. On vit un exemple de cette rivalité, le soir du 27 mai, lorsque le maire demanda, poliment, s’il pouvait assister à la réunion grévistes-commerçants qui se tenait dans sa mairie. On en verrait un autre exemple plus tard à l’occasion du chassé-croisé sur les bons d’essence.
Dans l’immédiat, le comité de grève se souciait moins du « contre-pouvoir » que du sort des plus démunis. Après le don d’une tonne et demi de pommes de terre, d’autres agriculteurs avaient suivi le mouvement, donnant plusieurs centaines de litres de lait. Le responsable « économique » du Comité de Grève, Gérard FLEURY, avait pris contact avec le Président de la Chambre d’Agriculture, Raphaël RIALLAND et avec la Coopérative agricole d’Ancenis (la Cana). Celle-ci cédait des poulets, du bœuf à braiser, du lait, des œufs, au prix coûtant. Des centaines de fromages avaient même été donnés.
Tous les jours, le Comité de grève procédait à une vente de nourriture, à prix réduit, pour les familles de grévistes. Avec l’aide de deux assistantes sociales, grévistes aussi, il recensait les personnes âgées de la ville, qui pouvaient se trouver en difficulté et n’osaient pas demander de l’aide, pour leur faire remettre gratuitement de la nourriture.
Des contacts étaient noués par ailleurs avec Donges (pour l’essence) et avec la raffinerie de sucre de Chantenay.
CHARLETY
LE SOIR DU 27 MAI 1968, c’est le grand meeting de CHARLETY à Paris organisé par l’UNEF (Union des Etudiants de France), la FEN (Fédération de l’Education Nationale) et le PSU (Parti Socialiste Unifié, avec Michel ROCARD), meeting auquel s’associe la CFDT tandis que la CGT s’y refuse et convoque des rassemblements en douze points de Paris. 50 000 personnes sont là. C’est la première jonction nationale massive, et sur le tas, d’ouvriers et étudiants qui jusque-là menaient leurs actions séparément.
Ce rassemblement fut plus : il eut une tonalité politique. Pierre MENDES FRANCE y fut sollicité pour prendre la tête d’un futur gouvernement, ou tout au moins d’un nouveau parti politique. Ce fut sans lendemain.
MARDI 28 MAI 1968, à Paris, les négociations s’engagent dans le secteur public et nationalisé. Quelques entreprises reprennent le travail mais pour les autres c’est le durcissement, parce que « Grenelle » n’a pas satisfait les revendications.
Le général De Gaulle annonce un référendum pour le 16 juin (il n’aura pas lieu). La pénurie d’essence s’accroît, les boulangeries sont fermées à Toulouse, l’armée se charge du courrier destiné aux militaires, les journaux publient les « messages familiaux »
François MITTERAND propose un gouvernement provisoire de gestion sous la présidence de Pierre MENDES FRANCE. Le Parti Communiste est très réticent et propose plutôt un « gouvernement populaire. » Georges POMPIDOU conseille à De GAULLE de se retirer.
A Nantes, CGT et CFDT mettent en place des Comités provisoire de gestion de la Sécurité Sociale et de la Caisse d’Allocations Familiales.
A Châteaubriant, le député-maire Xavier Hunault, a été piqué au vif par l’inauguration-dérision de l’usine LEJABY. Il répond par voie de presse que les pourparlers sont toujours en cours et que la firme va bel et bien s’implanter très prochainement à Châteaubriant. On sait, 20 ans après, que pour cette usine-là comme bien d’autres, rien ne s’est fait.
La bataille de l’essence
Et puis c’est la bataille de l’essence. Les grévistes de Donges ne lâchent leurs camions qu’au compte-gouttes, sur ordre écrit des Comités de Grève de Nantes, St Nazaire et Châteaubriant. On a dit à l’époque que Xavier HUNAULT s’était rendu au Comité de grève de Nantes, mandaté, disait-il, par celui de Châteaubriant, avec mission de débloquer un camion d’essence mais, que, reconnu, il a dû quitter les lieux. Nous n’avons pas eu confirmation du fait.
On a dit aussi que le camion-citerne destiné au Comité de Grève de Châteaubriant avait été l’objet d’un « hold-up » (manqué) visant à le détourner sur un détaillant en essence favorable au maire. On a dit tant de choses...
Ce qui est certain, c’est la rivalité entre la municipalité et le Comité de grève. La municipalité publiant un communiqué de presse disant que les prioritaires devaient venir retirer des bons d’essence à la mairie. Le Comité de Grève publiant un contre-communiqué rappelant que les bons d’essence devaient être contre-signés par ses soins. Les ordres et contre-ordres se succédaient, y compris jusque dans les stations service !
La Mairie essaie de reprendre l’initiative en annonçant la création d’une commission extra-municipale, toujours sur cette question de l’essence, avec les maires des communes environnantes, des représentants du Conseil Municipal, des délégués des professions « prioritaires » et des représentants du Comité de Grève... c’est bien l’un des rares cas où, dans cette ville, on a vu le maire tenir compte des syndicats... sans doute parce qu’il ne pouvait faire autrement. Mais cette commission n’a jamais fonctionné.
Dialogue en forme de bon sens ?
MERCREDI 29 MAI 1968. Echec des négociations paritaires dans de nombreux secteurs. Le Conseil des Ministres est reporté. De Gaulle a disparu. On saura plus tard qu’il est allé consulter les militaires basés en Allemagne.
La CGT organise à Paris un grand défilé de 500 000 personnes, de la Bastille à la Gare St Lazare et réclame un « gouvernement populaire ». La CFDT pense que la crise politique ne pourra trouver sa solution dans les formes parlementaires traditionnelles. Pierre MENDES FRANCE déclare qu’il ne refusera pas les responsabilités qui pourraient lui être confiées par « une gauche réunie » (incluant le PCF), mais les communistes paraissaient défavorables à cette candidature.
En Vendée, le syndicat des médecins se déclare décidé à s’adapter aux possibilités financières de chacun. A Nantes, la grève de l’EDF provoque des coupures de courant. Un peu partout les billets de banque manquent et une commune du Finistère crée des « assignats. »
A Nantes, le Comité Central de Grève s’installe à la mairie. Dans les usines, le théâtre « L’EQUIPE » joue une pièce de Pierre DAC « dialogue en forme de bon sens ». Le Centre Chrétien des patrons situe le conflit des générations que connaît le pays : « ou garder institutions et croyances ancestrales mais renoncer au progrès, ou s’ouvrir aux techniques et civilisations venues du dehors, mais rejeter avec les traditions du passé toute la richesse humaine ». On peut dire que le désarroi déstabilise tous les milieux.
A Châteaubriant, les syndicats ne font pas obstacle à certains services traditionnels (service de santé, hygiène et voirie) tout en maintenant leur contrôle.
A Issé, les syndicats (Louis DUBOSQ en tête) collectent des fonds pour le soutien des grévistes.
Le soir, une conférence débat sur les problèmes de l’enseignement est prévue au Marché Couvert. Elle rassemblera près de 300 personnes, preuve que ce sujet intéressait la population.
JEUDI 30 MAI 1968. Allocution-radio DE GAULLE qui dissout l’Assemblée Nationale, diffère le référendum et appelle les Français à organiser une « action civique »
A Châteaubriant, le Comité de grève accepte la présence d’un Conseiller Municipal, M. LE PAUTREMAT, à sa commission de distribution des bons d’essence.
A Guéméné Penfao, le comité de grève, mis en place le 28 mai, s’organise aussi pour la répartition des denrées alimentaires et des carburants.
Partout dans la région, la grève continue. On voit même des situations étonnantes : un artisan du bâtiment se mettre en grève avec ses deux compagnons et jouer au palet avec eux dans la cour de l’entreprise. Ailleurs, certains patrons « tiennt » leurs salariés, à commencer par le maire de Châteaubriant et son premier adjoint. Certains vont jusqu’à payer leurs salariés pour qu’ils défilent « pour la défense de la République »
A Paris, une manifestation gaulliste rassemble plus de cinq cent mille personnes « pour le soutien au Général DE GAULLE ». Quelques personnes se rendent au Quartier Latin pour discuter avec les étudiants. D’autres se livrent à un carrousel automobile avec klaxons et drapeaux tricolores, jusque tard dans la nuit.
VENDREDI 31 MAI 1968. Les CRS font évacuer les dépôts d’essence tenus par les grévistes. Les rues de Paris retrouvent un semblant de circulation normale. De nombreuses manifestations de soutien à DE GAULLE ont lieu en France.
Des discussions salariés agricoles-paysans s’ouvrent au Ministère de l’Agriculture. Le Paquebot Antilles est occupé par son équipage.Le tabac et les billets de banque manquent toujours.
Texte publié pour le 40e anniversaire : http://www.chateaubriant.org/histoi...