- TROIS CAHIERS POUR UNE COMMUNE
- DES BOURGEOIS ICI, ET DES BOURGEOIS
- LA GRANDE PEUR
- CHÂTEAUBRIANT QUITTE LA SÉNÉCHAUSSÉE
- UNE PRISE DE POUVOIR PROGRESSIVE
- UNE RÉVOLUTION BOURGEOISE
- QUELQUES MAIRES DE CHÂTEAUBRIANT
- JEAN NICOLAS MEAULLE - Député (...)
- 1789 - N’A PAS ETE UNE REVOLUTION
- UNE BOURGEOISIE ACTIVE
- UNE NOBLESSE OISIVE ET ENDETTEE
- LA MONARCHIE CONTESTEE
- L’ETAT AU BORD DE LA BANQUEROUTE
TROIS CAHIERS POUR UNE COMMUNE
Le 31 mars 1789, la paroisse de Béré a rédigé son cahier de doléances en présence d’une cinquantaine de personnes. Le 02 avril, c’est le tour de Châteaubriant ... à ceci près que, fait très rare en France, deux cahiers ont été rédigés par Châteaubriant, par deux assemblées différentes :
d’un côté, autour de Jean-René GUIBOURG, une trentaine de personnes se sont réunies au Couvent des Trinitaires.
de l’autre côté, autour du maire LOUARD et de l’avocat Jean-Nicolas MEAULLE, se sont regroupées 117 personnes à l’Hôtel de Ville. Les bourgeois (fonctionnaires, juristes, riches marchands) y sont majoritaires.
Le premier étonnement vient du contenu de ces deux cahiers. Celui de l’Hôtel de Ville est d’une pauvreté affligeante. Il se contente de reprendre le modèle qui circule en France sous le nom de "Charges d’un bon citoyen de campagne" ... tout en gommant les paragraphes qui dénoncent la mainmise sur l’expression du Tiers - Etat des officiers seigneuriaux. Le cahier de l’Hôtel de Ville, par exemple, ne reprend pas l’idée d’élire des "prud’hommes" (qui feraient concurrence aux hommes de loi : avocats, procureurs, notaires et autres robins), ni la phrase disant : "que nos représentants ne puissent être choisis parmi les officiers et gens des seigneurs et ecclésiastiques".
DES BOURGEOIS ICI, ET DES BOURGEOIS LÀ.
L’autre cahier, celui des Trinitaires, rédigé par des gens plus favorables à la noblesse qu’aux bourgeois, prend tout de même en compte certaines aspirations de la paysannerie moderne : contre les afféagements, contre les abus du gibier, pour la liberté économique, une meilleure assistance sociale, et "pour qu’il soit établi dans toutes les petites villes de France, et particulièrement dans celle-ci, des collèges pour l’instruction de la jeunesse". Ces demandes sont d’autant plus étonnantes que le seul professeur de la ville et la majeure partie des représentants de la société rurale ne siègent pas au Couvent des Trinitaires, mais à l’assemblée de l’Hôtel de Ville.
On peut donc en conclure avec la CLEF 89 (Association Nantes Histoire) que "démagogie, querelles intestines, ambitions personnelles, recherche du pouvoir : tel semble être le climat castelbriantais en ce printemps 89". Il serait donc vain de classer les bourgeois castelbriantais en "révolutionnaires" et "conservateurs" ...
Bref, voilà donc Châteaubriant avec deux cahiers de doléances. L’affaire est portée devant le Sénéchal de Rennes qui déclare seule valable l’assemblée de l’Hôtel de Ville (autour de LOUARD et MEAULLE). Appel est fait au Parlement de Bretagne, le 10 juillet 89, puis au Conseil du Roi le 09 août 89. Finalement, le Roi décide qu’il y aura de nouvelles élections d’officiers municipaux à Châteaubriant : c’est la défaite des partisans de Guibourg. Aux élections du 18 janvier 1790, un nouveau maire sera élu : Fresnais de Lévin, avec Méaulle comme procureur de la commune.
LA GRANDE PEUR
4 mai 1789 : ouverture des Etats Généraux à Versailles. Parmi les députés il en est deux de la région castelbriantaise : Jean-Nicolas MEAULLE (32 ans) et Jacques DEFERMON DES CHAPELLIERES qui réside à Gastines en Issé.
14 juillet 1789, la prise de la Bastille. Le prix du pain atteint son maximum en France ce jour-là.
15 juillet 1789, Louis-Joseph de Condé, seigneur et baron de Châteaubriant, quitte la France. Il prendra à Coblenz la tête des émigrés qui combattront plus tard la Révolution.
22 juillet 1789 : c’est la "Grande Peur" à Châteaubriant où on annonce que 500 hommes en armes font des ravages dans les environs. On s’assemble, on cherche les coupables. On ne les trouve pas (et pour cause !). C’est l’émeute. Un peu partout en milieu rural, des seigneurs sont importunés voire attaqués et la bourgeoisie de Nantes s’en inquiète car "beaucoup de capitaux avaient servi à acheter des terres, et les bourgeois percevaient non seulement les fermages mais aussi les droits seigneuriaux dont les domaines étaient souvent grevés" écrit Yannick GUIN dans "la Révolution en Loire - Inférieure". Cette grande peur devait déboucher sur la création de la Garde Nationale. Celle de Châteaubriant, forte d’une centaine d’hommes, fut mise sous le commandement de Jean-Nicolas MEAULLE.
Mais revenons au 22 juillet 1789 : ce jour-là, la foule, qui n’a pas trouvé les 500 brigands annoncés, tourne sa colère contre la cherté de la vie et la pénurie des grains. La Communauté de Ville saisit la caisse du receveur des impôts indirects : 4 sacs d’argent et un sac d’or, et s’en sert pour acheter du grain et le distribuer aux habitants pour les calmer.
04 août 1789 : à Paris, c’est l’abolition des privilèges, la grande embrassade. Dans l’enthousiasme, les députés bretons déclarent renoncer aux Privilèges de la Bretagne, s’en s’apercevoir que se sont des droits inscrits dans le traité de 1532 et non pas des privilèges de classe. Ce faisant, ils trahissent le mandat qui leur a été donné par les électeurs qui tiennent, justement, à leurs franchises et libertés bretonnes. Le Président de l’Assemblée Constituante, le rennais Guy LECHAPELIER, ami de MEAULLE, essaya de rattraper la chose mais en vain. C’était la fin du Parlement de Bretagne.
A Châteaubriant, les événements du 04 août sont passés inaperçus.
25 août 1789, bénédiction des drapeaux envoyée par Nantes à la Garde Nationale de Châteaubriant. On jure fidélité à la nation, à la loi et au Roi.
03 novembre 1789, la ville acquiert son propre drapeau et 300 fusils.
Ce même mois, la ville fait appel aux offrandes patriotiques pour secourir les pauvres dans le besoin. Le 20 novembre 89, deux religieux du Couvent des Trinitaires viennent déposer à la mairie, 4 chandeliers d’argent, deux autres chandeliers et une croix d’argent, pour les pauvres dont le nombre, vu la disette des grains, ne faisait qu’augmenter. On acheta du riz et du blé noir dont on fit une large distribution.
C’était, entre toutes les villes de province, à qui montrerait le plus de zèle pour prendre des mesures libérales et les suggérer aux autres. Ainsi, la petite ville de La Guerche a envoyé copie d’un arrêté qui fut aussitôt suivi à Châteaubriant, interdisant à la noblesse et haut clergé d’occuper toute place publique "parce qu’ils affectent un mépris dérisoire pour les milices nationales, parce qu’en tout temps ils ont montré une opposition formelle aux vœux du peuple et qu’on doit en conclure qu’ils regrettent l’Ancien Régime".
CHÂTEAUBRIANT QUITTE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE RENNES
1790, en janvier, la Constituante met au point la réforme des circonscriptions administratives. La province de Bretagne est divisée en cinq départements et, sur la réclamations des députés bretons, la Roche Bernard et six autres paroisses sont rattachées au Morbihan. En compensation, le Pays de Châteaubriant est détaché de la Sénéchaussée de Rennes pour être attribué au Comté Nantais qui, avec le Siège Royal de Guérande, devient la "Loire - Inférieure". Le district de Châteaubriant comprend alors six cantons et 27 paroisses (32 000 habitants environs).
18 janvier 1790 : élections à Châteaubriant. Sur les 3623 habitants, il n’y a que 434 personnes assez riches pour avoir le droit de voter (on les appelle des "citoyens actifs". Les autres sont des "citoyens passifs"). Il y aura 230 votants. Vingt-huit personnes sont élues dont Fresnais de Lévin (maire), Jean-Nicolas Méaulle (procureur), 8 officiers municipaux et 18 notables. Ces 28 personnes constituent le Conseil Général de la commune et, dans un élan patriotique, votent fidélité à la nation, à la loi et au Roi.
UNE PRISE DE POUVOIR PROGRESSIVE
21 janvier 1790 : un comité de subsistance est formé pour distribuer, chaque mois, de l’argent aux pauvres. C’était en quelque sorte l’ancêtre de notre "revenu minimum" ...
Au cours de ce mois, encore, le Conseil de la Commune prend en main toutes les administrations qui ne relevaient pas d’elle. C’est ainsi que la ville notifie au bureau de l’hôpital et à son économe, M. DUPIN DE LA FERRIERE que le Conseil de la Commune a seul le droit d’administrer l’hôpital et qu’il va s’en charger dorénavant. De nos jours, le maire est toujours, de part sa qualité de maire, le Président du Conseil d’Administration de l’hôpital.
De même, le corps municipal administre les biens et revenus de la paroisse.
12 février 1790, "quant au peuple, l’exercice des libertés déjà acquises lui avait ouvert un appétit démesuré pour des libertés plus grandes encore. Il suffisait de quelques citoyens pour provoquer une assemblée de la commune". Commente l’abbé Goudé en relatant l’assemblée du 12 février 1790 où il fut décidé que "tout citoyen de quelque âge et condition qu’il fût, à l’exception des ci-devant privilégiés qu’on abandonne à leurs remords, montât la garde - que tout bon citoyen fût admis aux assemblées municipales, sans pourtant y avoir voix délibérative - et que les ci-devant privilégiés qui voudraient revenir à Châteaubriant prêtent le serment civique devant la commune assemblée". C’est ainsi que MM. Dufresnes de Renac (possesseur du château de Fougerays), de la Houssaye (possesseur d’une vaste demeure bourgeoise de la grande rue), Duhamel de la Bothelière (dont l’hôtel se trouve rue du Pélican), Luette de la Pilorgerie, et d’autres, furent admis au serment patriotique.
Un peu partout le peuple s’en prend aux nobles et à leurs propriétés, ce qui provoque la protestation de M. Dufresnes de Virel, devant l’assemblée communale le 16 février 1790 :
"Messieurs, dit-il, on cherche à détruire nos propriétés. On nous suppose des tyrans, des oppresseurs, et on veut nous rendre responsables des vexations de quelques procureurs fiscaux qui ont pu abuser de notre confiance (...). Eh bien, messieurs, qu’on nous juge (...) il n’en est aucun de nous, nous aimons à le croire, qui ne soit et n’ait été, dans tous les temps, disposé à rendre à chacun la justice qui lui est due".
Suite à cela, le Conseil Municipal s’efforce d’apaiser les esprits et de maintenir le bon ordre dans les campagnes. Non sans peine, car il circulait sans cesse des rumeurs alarmistes : une troupe armée s’apprêtaient à envahir la ville avec des projets détestables. Alors, pour se mettre à l’abri de tout reproche, le Conseil de la Commune invite le Garde Nationale à surveiller très activement toute démarche visant à troubler le repos public et à léser les propriétés. On prescrit de tenir les armes en bon état, de faire monter les canons sur leurs affûts et de se procurer le plus de cartouche possible.
13 mars 1790, l’Assemblée Nationale supprime le Clergé Régulier (celui des Congrégations Religieuses). A Châteaubriant, la messe au couvent des Trinitaires sera supprimée à partir du 10 août 1790 et les deux derniers religieux quitteront la ville en 1791.
6 mai 1790, élections au Directoire de Département. Jean Nicolas MEAULLE en est membre, cependant que Fresnais de Lévin est président du district de Châteaubriant et Bruno de St Méen vice-président. Pour remplacer ces trois hommes, il faut donc de nouvelles élections municipales.
25 mai 1790, élections au Directoire de la Ville. Le nouveau maire est Louis Joseph MARGAT.
Elections aussi au Tribunal de Châteaubriant : Jean rené GUIBOURG est nommé Commissaire du Roi, par surprise, et sans qu’il ait prêté le serment civique exigé.
A noter que Fresnais de Beaumont (frère de Fresnais de Lévin) et contre-révolutionnaire notoire, a été élu Juge de Paix à St-Julien-de-Vouvantes. Il sera guillotiné Place de la Motte en février 1794.
Deux groupes s’affrontent donc toujours à Châteaubriant :
les patriotes, partisans inconditionnels des réformes, qui s’appuient sur la Garde Nationale. Parmi eux : Jean Nicolas MEAULLE
les nobles et les aristocrates et ceux qui les soutiennent comme Jean René GUIBOURG
C’était d’ailleurs toujours autant des conflits de personnes que des dissensions politiques ...
27 juin 1790, importante manifestation pro - révolutionnaire à Coesmes, à 25 km au nord de Châteaubriant. Un "pacte fédératif" y est signé. La Fédération de Retiers jouera un rôle plus tard au moment de la Chouannerie à Châteaubriant.
14 juillet 1790, la Fête de la Fédération, partout en France. Important banquet à Châteaubriant, dans l’enceinte du couvent des Trinitaires.
29 août 1790, le Roi signe la "Constitution Civile du Clergé" qui faisait élire les curés par l’assemblée électorale du District, et les évêques par celle des Départements. Cette décision contribuera à dresser, plus tard, une partie du peuple contre la révolution.
09 octobre 1790, la Communauté de Ville obtient le doublement des gendarmes de la maréchaussée de Châteaubriant, pour parer au brigandage qui se développe avec le chômage et la faim.
La Communauté de Ville crée un "atelier de charité" qui emploiera jusqu’à 115 personnes mais devra être fermé, début 1791, par manque d’argent.
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Nous arrêterons là notre récit. Les années suivantes furent des années de trouble : la Constitution Civile du clergé divisait les habitants, de même que la guerre et la nécessité d’enrôler de jeunes gens. La campagne était en effervescence. En ville siégeait la société des "amis de la Constitution" dont l’une des idées fût de débaptiser Châteaubriant pour lui donner le nom de "MONTAGNE SUR CHÈRE". Le sinistre "rasoir populaire" fût même dresser sur la place de la Motte pour guillotiner Fresnais de Beaumont.
Notre ville connut la guerre civile et la présence des troupes. Les "bleus" (républicains) avec la présence des généraux Kléber et Marceau qui résidèrent, dit-on, à l’hôtel de la Bothelière, et les "blancs" non loin d’ici, à Petit-Auverné, pourchassés par un certain Sigisberg HUGO qui y rencontrera la Jeune Sophie TREBUCHET. Et c’est ainsi que naquit un jour un certain ... VICTOR HUGO.
UNE RÉVOLUTION BOURGEOISE
Dans l’idée de nos concitoyens, la Révolution de 1789 fut une révolution populaire, dans la mesure où elle a mis fin aux privilèges de deux classes sociales : la Noblesse et le Clergé.
Mais il faut bien voir que le Tiers - Etat ce n’est pas seulement le peuple, mais aussi tous les bourgeois et grands bourgeois, avocats, notaires et autres hommes de loi, propriétaires fonciers, grands et petits commerçants, etc..., qui cherchaient avant tout à avoir leur part du pouvoir.
Le caractère bourgeois de la Révolution se montre en particulier dans la LOI LE CHAPELIER. Le Chapelier, un rennais, ami du patriote MEAULLE, a fait voter une loi le 14 juin 1791, interdisant les corporations ouvrières, déclarant illégale toute association de travailleurs, punissant la grève de peines de prison, laissant ainsi la classe ouvrière désarmée devant le capitalisme, au nom de la liberté du commerce et de l’industrie. Cette loi ne fut abrogée qu’en 1884 avec la reconnaissance officielle des syndicats.
QUELQUES MAIRES DE CHÂTEAUBRIANT
1759 - De Fermon des Chapellières
1769 - Ernoul de la Chenellière
1773 - Luette de la Pilorgerie
1776 - Maujouan du Gasset
177. - Fresnais de Lévin
1782 - Vissault des Penthières
1785 - Brossays de Louvrinays
1787 - François Louard
1790 - Fresnais de Lévin (le 18 janvier)
1790 - Louis Joseph Margat
1795 - Benjamin Lejeune
JEAN NICOLAS MEAULLE - Député de Châteaubriant -
Marcel Buffé, dans son livre "Châteaubriant, une cité dans l’histoire" (Ed. CID) le décrit ainsi :
Originaire de St-Aubin-des-Cormiers, Jean Nicolas MEAULLE avait un peu plus de vingt ans quand il fut reçu avocat. C’est alors qu’il se fit inscrire au barreau de Châteaubriant. D’humeur enjouée, il s’acquit vite l’estime des castelbriantais d’autant qu’il était doué d’un beau talent oratoire.
Son épouse, Félicité Peuriot, était la cousine du directeur de la Poste aux Chevaux de Châteaubriant, lequel était aussi le propriétaire du principal hôtel de la ville (Le Lion d’Or). Il est vraisemblable que le foyer n’habitait pas Châteaubriant mais peut-être à la Moisserie à St-Vincent-des-Landes.
Le cabinet de Méaulle était situé dans une maison qui donnait sur la rue Basse (au sud) et l’autre au nord sur cour et jardin.
Méaulle n’était pas un exalté contre la monarchie, ni un excité contre la religion. S’il prit le parti opposé à celui de son collègue Jean René Guibourg, aristocrate qu’il combattit, c’est qu’il jugeait urgent de faire des réformes pour faire respecter la justice en matière d’impôts et permettre l’accès aux carrières publiques.
Commandant de la Garde Nationale à Châteaubriant, juge puis président du Tribunal, il fut l’un des administrateurs du Département de Loire-Inférieure ; il ne siégea pas à la Constituante (n’ayant été élu que suppléant), mais il fut nommé premier sur la liste de son département à la Convention. Lors du procès de Louis XVI, il se prononça ainsi : "je ne puis soustraire le plus grand des coupables à la peine qu’il a mérité : je vote la mort".
Plus tard, Méaulle s’écarta d l’Empire et fut éloigné par les Bourbons. Il mourut à Gand en 1826.
Jean Nicolas Méaulle était un ami personnel de Guy LE CHAPELIER, avocat au Parlement de Bretagne, fondateur du Club des Bretons (futur club des Jacobins), président de l’Assemblée Constituante lors de la nuit du 04 août 1789, rédacteur de la loi portant abolition de la noblesse et des titres féodaux, et de la loi interdisant les corporations ouvrières et les grèves.
1789 - N’A PAS ETE UNE REVOLUTION SOCIALE MAIS UNE REVOLUTION POLITIQUE
En aucun autre des grands Etats Européens, il existait une bourgeoisie aussi policée et cultivée, aussi consciente de sa valeur, que dans la France du temps de Louis XVI. La Révolution de 1789 n’a pas été, dans son essence, une révolution sociale mais une révolution politique. La révolution sociale s’était déjà accomplie, peu à peu au cours du 18e siècle. Dans cette France essentiellement rurale, 30 % seulement des terres appartenaient encore aux deux ordres privilégiés, le clergé et la noblesse. L’immense majorité des paysans était libre (en 1779, le servage fut définitivement aboli dans le domaine royal). Dans l’ensemble, la condition des gens des campagnes (même si celle des journaliers, des ouvriers agricoles, restait précaire) s’était considérablement améliorée depuis le siècle précédent.
UNE BOURGEOISIE ACTIVE
Beaucoup plus impressionnants encore étaient les progrès de la bourgeoisie. Depuis la mort de Louis XVI, le commerce extérieur avait plus que quadruplé, la flotte de commerce était passée de 1657 navires en 1730 à 2341 en 1788. Armateurs et négociants avaient acquis d’énormes fortunes, et l’intensité du mouvement d’argent s’était manifestée par la création de la Bourse de Paris (1724), avec un marché à terme, une cote, de l’agiotage. A partir de 1776 exista aussi une banque centrale, la Caisse d’Escompte, au capital de 100 millions, qui négociait les effets de commerce et émettait des billets remboursables à vue. Necker pouvait affirmer que la France détenait la moitié du numéraire existant en Europe.
L’industrie se transformait, sous l’influence des méthodes anglaises, l’introduction des machines à filer et à tisser, vers 1760, permit la création de grandes manufactures comme celle d’Oberkampf, à Jouy. Changements aussi dans l’industrie métallurgique : Le Creusot fut fondé en 1782. De véritables dynasties bourgeoises commençaient d’apparaître (Dietrich, De Wendel, Perier, etc ...).
Le grand problème de la France résidait dans le retard des institutions par rapport aux réalités économiques.
UNE NOBLESSE OISIVE ET ENDETTEE
L’idée d’une égalité civile fondée sur les droits naturels, accréditée par les philosophes, ne pouvait que séduire une bourgeoisie active et en pleine ascension. Les rapports entre les classes sociales s’aigrissaient : la noblesse méprisait les bourgeois anoblis, mais les gens de commerce s’indignaient au spectacle de cette noblesse de cour, oisive, endettée et d’une avidité extraordinaire. La monarchie avait commis de graves erreurs psychologiques en distinguant la noblesse antérieure au 15e siècle et la noblesse plus récente (ordonnance des Carrosses, 1760) ou en réservant aux nobles d’extraction les places d’élèves officiers dans l’armée (règlement de 1781). Au sein même des ordres privilégiés, de sourds antagonismes opposaient les petits hobereaux de province, sans fortune, à la noblesse de cour ; le bas clergé, réduit à la portion congrue, et le haut clergé, fastueux et souvent indigne.
LA MONARCHIE CONTESTEE
Toutes les idées de l’époque contribuaient à ébranler les institutions traditionnelles et à discréditer l’autorité royale : aux "libertés communes" de l’ancienne France s’opposait la théorie des droits de l’individu, à la réalité d’une société hiérarchisée, la mystique de l’égalité naturelle répandue par Rousseau ; au respect de la coutume et de la tradition, le désir d’une Constitution écrite, dictée par les lois de la raison, enfin la conception d’une monarchie de droit divin perdait toute signification dans une époque où l’irréligion, répandue par le mouvement philosophique, avait gagné toutes les classes dirigeantes et cultivées de la société.
Ce furent les difficultés financières qui précipitèrent la crise : comme l’a souligné P. Gaxotte, dans cette France riche, l’Etat était pauvre : "il était extraordinaire, notait Benseval, de voir le Roi prêt à faire banqueroute dans un instant où la France était si florissante, la population au degré le plus désirable, l’agriculture et l’industrie poussées à leur comble, et Paris regorgeant d’argent". le Trésor Public souffrait des nombreuses guerres (la guerre de l’Indépendance américaine, 1778/83, fit échouer les réformes de Turgot), des dépenses de la Cour et surtout du paiement des rentes et de l’amortissement des emprunts. Pour imposer les réformes nécessaires, il eût fallu que l’Etat fût libre et fort.
L’ETAT AU BORD DE LA BANQUEROUTE
Louis XVI, dès son avènement, croyant se concilier la confiance de ses sujets, commis la faute de rappeler les parlements, qui se joignirent aussitôt à l’opposition des privilégiés. Turgot, disciple des physiocrates, voulut assouplir les cadres économiques de la nation (libre circulation des grains, suppressions des corporations) et remplacer la corvée royale par une imposition juste, reposant sur les privilégiés. Il se heurta à une énorme opposition et fut sacrifié par Louis XVI (mai 1776). La guerre d’Amérique, à laquelle Turgot s’était opposé, ayant encore augmenté les dettes de l’Etat, Necker émit des emprunts coûteux et indigna la noblesse de cour en rendant public le chiffres des pensions. Il fût renvoyé à son tour (1781). La royauté se montrait décidément impuissante devant l’opposition des parlementaires et des privilégiés. L’appel de Calonne à l’assemblée des Notables (1787) fut un nouvel échec. Quand Louis XVI se décida enfin à briser les parlements (réforme de Lamoignon, mai 1788), il était trop tard. L’Etat était au bord de la banqueroute (en 1789, les recettes s’élevèrent à 504 millions, les dépenses à 629 millions). Le Roi dut céder : il convoqua les états généraux, rappela Necker, renvoya Lamoignon. Le principe du doublement des députés du Tiers - Etat fut admis. Tout l’hiver 1788/89 fut consacré à la préparation des états généraux, qui fut aussi loyale que possible, et, le 5 mai 1789, les états s’ouvrirent à Versailles.
Extraits du "Dictionnaire d’Histoire Universelle" de Michel MOURRE, Editions Bordas-
(dans ce texte, les "parlementaires" sont les élus qui siègent aux Parlements de Bretagne, de Provence, de Bourgogne et du Languedoc)
Article de Maryvonne Bompol