Accès rapide : Aller au contenu de l'article |  Aller au menu |  Aller au plan simplifié  |  Aide  |  Contact |
bandeau

Accueil > Histoire > Légendes > Garous et autres

Légendes

Garous et autres

sommaire généralSommaire "Histoire"page précédente

 Guenauds et garous

Les animaux, dans le légendaire castelbriantais, tiennent une place importante. Ne dit-on pas que les filles, lorsqu’elles restent filles, en sont réduites à chouetter après leur mort toutes les nuits, dans le brou des vieilles teroënes (émondes).

Ne dit-on pas que les lâches, les vaniteux, les présomptueux, se changent en daims, en antilopes, en cerfs dans la forêt de Teillay , cependant que les fourbes et les envieux deviennent des renards et des chacals décharnés, condamnés à guetter sans fin des proies insaisissables ?

Ne dit-on pas que les hommes avides, cruels et orgueilleux se réincarnent dans la peau de loups affamés, de tigres altérés, de lions à la crinière de flamme ? C’est l’abbé Goudé qui dit cela. Et il sait de quoi il parle.

Car ce pays castelbriantais est un pays de sorciers, de guenauds* et de garous comme on dit. Beaucoup de gens pratiquent encore la sorcellerie ou font croire qu’ils ont passé un pacte avec le malin. Il n’est guère de contrée qui n’ait son sorcier, son devin, son juge-à-l’eau. Qu’on se souvienne, par exemple, du sorcier d’Auverné, le père Mignot on le disait. "Ah, il ne fallait pas se mettre mal avec lui. Il était d’un caractère sauvage - ruffage comme on dit par ici - et ne frayait guère avec les bourgassins qu’il n’aimait pas. Malgré cela très complaisant quand ça lui disait, et toujours au chevet des grabataires et des égrotants, qu’il soulageait de ses conseils et de ses remèdes" dit J. Chapron. Il prescrivait du fiel de sang noir contre le haut-mal, et des frictions de sang de tourte contre les hémorroïdes, il délivrait les femmes du cancer en suspendant au-dessus de leur lit un lapin écorché dans lequel il faisait passer le mal et il n’hésitait pas, pour guérir les maux de tête, à éventrer un pigeon vivant et à l’appliquer tout chaud et tout saignant sur le crâne de la personne malade.

Mais gare à ceux qu’il n’aimait pas : les vaches de celui-là ne donnaient pas de beurre, les chevaux de celui-ci s’enclouaient, les ouailles de cet autre étaient pleines de taraches qui les épuisaient en leur suçant le sang.

Quant au gars de Fontaine-Fermée, qui s’était moqué de lui en le traitant de vieux garouaud, il en eut l’aiguillette nouée pendant les premiers jours de son mariage. Comprenne qui pourra !

La chasse hennequine

L’hiver il passait ses nuits à la chasse hennequine. C’était une spirale immense d’animaux et d’oiseaux fantastiques, chevauchés par des sorciers et des magiciens, qui se transportaient dans l’espace parmi les cris, hurlements, sifflements, claquements et battements d’ailes. Les chiens de la région entraient aussi dans la danse. Les esprits forts prétendent que ces bruits étaient produits par le passage de troupes considérables d’oiseaux migrateurs. Mais ce n’est pas vrai. La preuve ? N’avez-vous pas vu revenir les chiens, après une nuit de chasse hennequine, amaigris, épuisés, parfois même avec le poil grillé par endroits ?

La forêt de Domnesche, dit-on, recelait de féroces loups-tigres qui s’attaquaient aux bûcherons et aux promeneurs, surtout aux enfants.

Brasdane le garou

Mais il est dans la région une autre sorte de loups, plus malins, plus solitaires : ce sont les garous.

Homme le jour, le garou ne devient loup qu’à la nuit, entre l’Angélus du soir et celui du matin. Le garou est un peu sorcier, s’enduisant le corps d’un onguent, quand la nuit est venue. L’onction, progressivement, opère le maléfice, et le garou peut s’échapper dans les forêts, landes et taillis, prairies et moissons. De l’homme il garde la pensée et la parole. Du loup l’avidité, la cruauté, le goût de courir des lieues et des lieues la même nuit sans fatigue.

Le plus célèbre était Joson Brasdane qui habitait sur les landes du Drouillays. Dans ses courses nocturnes il aimait faire le tour de la forêt de Juigné, se désaltérer dans la Chère, et rejoindre son ami de Carbay qui garouyait comme lui. Souvent, il se rendait au village de l’Alleud en Soudan, pour y faire peur à un paysan, Tennerel, qui avait dénoncé son pouvoir. "Il allait donc à cette métairie hurler sous les hussets ou par le haut des cheminées, en montant par les escaliers de pierre qui vont aux chambres hautes, et les gens pelotonnés sous les couvertures se mouraient de peur aux hurlements de la bête nocturne", raconte J. Chapron, un historien de notre région qui sait de quoi il parle.

La grande peur des garous est double : d’abord de n’être pas rentré avant l’Angélus du matin et de ne pas retrouver à temps l’ingrédient "l’électuaire à faire revenir" ; ensuite de mourir lors d’une course de garouyage : s’il meurt dans la peau d’un loup, c’en est fait de son salut éternel.

Joson Brasdane, le garou, mourut ainsi une nuit, abattu par Tennerel qui avait chargé son fusil de balles bénites.

 Le geai de Louisfert

Il est heureusement, dans la région de Châteaubriant, des animaux, ni fantastiques ni méchants, et qui prêtent plutôt à rire. L’un est le geai de Louisfert. L’autre est le "bon dieu de Villepôt".

A Louisfert, un soir, le sacristain venu sonner l’Angélus, fut fort surpris d’entendre l’un des saints de bois de l’église jurer et sacrer comme un vieux charroyeur.

Scandalisé, il s’en fut trouver le curé, qui crut aussi que le démon s’était logé dans le corps du vieux saint. Avec force prières d’exorcisation, à grands coups de goupillon et d’eau bénite, le curé et le sacriste aspergèrent l’immonde. Jusqu’au moment où, trempé, guené, touillé, le geai qui était caché dans la niche du saint, prit le parti de s’envoler.

C’était un geai à qui le propriétaire avait appris à dire de bien vilaines choses. Depuis on dit dans le pays : "malappris comme le geai de Louisfert" ou "mal caché comme le geai de Louisfert". C’est selon.

 Le Bon Dieu de Villepôt

Le "bon dieu de Villepôt", c’est une autre histoire. On raconte qu’une vieille fille un jour (encore une histoire de vieille fille) en train de déplacer la poussière dans l’église, fit s’envoler sous ses yeux apeurés, rien moins que le St -Esprit ! Sans doute quelque pigeon ou quelque colombe qui s’était introduit dans le saint édifice. On dit désormais de quelqu’un qui disparaît soudainement : "il a faré comme le bon dieu de Villepôt".
(d’après Joseph Chapron)

 Le velin de Toulon

Si vous passez du côté de Treffieux ou d’Issé, non loin de Châteaubriant, prenez bien garde de ne pas déranger le Serpent de la Forêt Pavée. Fait-il sept mètres ? A-t-il sept têtes ? Il n’est pas recommandé de chercher à en savoir davantage car le monstre, domicilié à l’étang Neuf, s’amuse à poser d’extravagantes questions aux gens qu’il rencontre et à gober d’un seul coup tous ceux qui n’apportent pas la réponse qu’il désire.

Méfiez-vous aussi des vélins qui pullulent dans les bois et souvenez vous de la mésaventure de ce bûcheron qui, un jour, voulut en débarrasser les bois de la Croix Merhan, entre Nozay et Marsac : un à un il les appela, par leur nom, mais il eut le malheur d’en oublier un, caché dessous les fascines ; celui-ci, pour venger la mort de ses congénères, poursuivit le bûcheron jusqu’au moulin à vent de Toulon, près de la route de Puceul.

Le bonhomme était là, barricadé, incapable de sortir. Pour sauver sa vie, il consentit à donner au monstre quelques gouttes de son sang. Il passa donc un orteil par la chatière de la porte et le serpent pu ainsi se gaver du sang de l’homme, qu’il laissa pour mort.

Et c’est depuis lors que les serpents peuplent à nouveau les fourrés.

(d’après Joseph Chapron)

page suivante


(*) guenaud : prononcer gue-nia-ou