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La Bête de Béré
La Belle de Béré
Grippatin le malin
Le Trésor de la Piette
Guenauds et Garous
Le geai de Louisfert
Le bon dieu de Villepôt
Le velin de Toulon
La messe blanche
La dame de Vioreau
Légendes sur fond d’histoire
Braves gens
Douces damoiselles,
gentes dames et fiers chevaliers.
Vous qui avez marché par les sentiers du Pays de la Mée
Qu’avez-vous rencontré dans votre randonnée ?
Le malin ? ou quelque velin ?
Un garou ou la Bête de Béré ?
Ecoutez-donc les histoires de cette contrée.
Car c’est ici un pays fantastique
Propre à l’effroi et à la rêverie
Avez-vous entendu parler
Du serpent de la Forêt Pavée ?
Il se cache à l’Etang-Neuf.
Prenez garde !
On dit qu’il interroge les randonneurs
Et les gobe tout crus
S’ils ne savent répondre à ses questions
Avez-vous dérangé, sous une feuillée
Quelque velin assoupi ?
Un brave bûcheron, un jour, entreprit d’en débarrasser la contrée.
Il les tua tous, sauf un :
le plus venimeux, le plus vindicatif,
Poursuivit le pauvre homme jusqu’en sa demeure
« Si tu veux sortir, donne-moi une goutte de ton sang »
Disait l’animal sauvage.
Le bûcheron passa le gros orteil par la chatière de la porte
Et le serpent aspira tout son sang
Tant et tant qu’à la fin le bûcheron expira
Et c’est pourquoi, à nouveau,
les velins ont repris possession des broussailles et des fourrés
Dans votre périple joyeux
Avez-vous vu les traces du Malin ?
Trois braves filles, un soir, firent un pari stupide
En apercevant un calvaire :
J’y serai la première, dit l’une
Non ce sera moi, si Dieu le veut, dit la deuxième
Que le diable m’emporte, ce sera moi, dit la troisième.
Le diable l’emporta
De la demoiselle on ne retrouva que son mouchoir et ses sabots
Avez-vous donc rencontré quelque garou ?
Certains hommes, le soir, s’enduisant d’un onguent spécial
Ont la propriété de se transformer en loup-garou.
De l’homme, ils gardent l’intelligence et la méchanceté
Du loup ils prennent la souplesse
Et la faculté de courir toute une nuit à la recherche d’une proie
Hurlant à la mort à l’huis des portes
Ou sous les vantaux des fenêtres
Quand la tempête se déchaîne
Que les éclairs déchirent les nuages
Et que les hommes s’abeulotonnent sous les couvertures.
Mais gare au garou qui n’est pas rentré au petit matin :
Il sera condamné, pour le reste de sa vie,
à garouyer toutes les nuits
Mais l’animal le plus effrayant, c’est la Bête de Béré.
L’histoire commence, quand même, comme une belle histoire
En ce couvent de Béré,
il y avait autrefois un vieux prieur et quelques jeunes moines.
Ils priaient et chantaient à matines, à vespres et à complies
Mais devaient aller travailler aux champs
Aux heures où le soleil éclaire la terre,
Ils semaient le blé, faisaient la moisson, récoltaient la vigne,
Ramassaient la litière des animaux et le bois de la cuisine
C’est lors d’une de ces sorties qu’un jeune moine, François Leroy,
Connut une jeune fille qui passait pour la plus belle du canton.
Rachel Belloin était son nom.
L’intimité la plus douce ne tarda pas à s’établir entre eux
Et l’amour souverain, qui se rie des conventions sociales
Mêla le sang des deux adolescents
Pour créer un de ces petits êtres qui font la joie des familles
Le prieur, fâché, mais surtout jaloux
Fit enfermer le moinillon dans la prison du couvent
Et relégua la jeune imprudente au fond d’un souterrain obscur.
Les gens du village de Béré
Ne voyant plus ni la jeune fille, ni le moinillon
S’en allèrent frapper à la porte du monastère.
Qui resta obstinément close
longtemps, si longtemps
Que les villageois décidèrent d’escalader les murailles
C’était un soir de décembre, ils trouvèrent les moines à table
Et le moinillon hâve, hirsute, décharné
Hébété de privations,
Couché sur de la paille dans une basse fosse.
Son amante fut trouvée dans un des caveaux du couvent,
Amaigrie, certes, mais bien vivante
Elle mourut cependant en donnant naissance à son enfant,
Que l’on appela Jan,
fils de François Leroy et Rachel Belloin,
C’était le 12e jour du mois de janvier 1584
Si l’on en croit l’acte de Baptème trouvé en l’église de Béré (*).
Alors le soir, au carrefour de la Goupillère, au Moulin Neuf,
A l’étang de Deil ou à Choisel,
On rencontre parfois une forme blanche,
Voilée de brouillards légers et vêtue de lune
C’est, dit-on, l’âme de Rachel qui cherche François et l’enfant.
De cette « vision de Béré » , n’ayez pas peur,
Ce n’est que mémoire d’une belle histoire d’amour.
En revanche, craignez de rencontrer la Bête de Béré.
On dit que c’est l’âme noire du méchant prieur
qui s’est réincarnée dans cet animal fantastique
qui a la faculté de prendre les formes les plus effrayantes.
Parfois c’est un chien, les poils hérissés, les yeux jaunes,
Avec une grosse langue et des dents crochues.
Parfois c’est une vieille chèvre, hargneuse,
Traînant ses tétines sur le sol.
D’autrefois c’est un bélier, ou un énorme verrat
Ou un puissant taureau dont la patte arrière laboure le sol avec furie.
Encore cette année, des jeunes du collège de la Ville aux Roses
Ont vu une bête horrible, avec des poils partout sur le corps
Sa tête était mi-lion, mi-ours
Et son corps ressemblait à celui d’un buffle.
Son ventre était si gros que, selon les enfants,
Il devait être rempli d’êtres humains.
Alors, quand un pauvre homme rentre chez lui,
Après une veillée ou après la Foire de Béré
Quelque peu fatigué de sa journée
ou troublé par les fumées du cidre
Quand la nuit est noire
Quand la lune s’est cachée
Et que le vent siffle la déroute,
La bête est là, tapie à l’entrée d’un pont
Accoudée sur un échalier
Ou lovée au pied d’une croix
Recherchant la bagarre
et le corps à corps avec l’homme
Plus d’un s’y est affronté,
jeté par la Bête dans un fossé,
Ou dans le petit bras de la rivière de Chère
Et est rentré chez lui
tout ruisselant de sueur et de peur
les membres brisés
Et l’esprit perturbé
On dit que plus d’un y a laissé la vie
ou tout au moins la raison
Mais ce soir, braves gens
Prenez vos flambeaux d’une main ferme
Et rentrez chez vous par la ville illuminée.
La Bête de Béré, ce soir, ne peut rien contre vous.
Dormez bien
Et nous revenez, frais et dispos,
Pour poursuivre la découverte de Châteaubriant
Et du pays de la Mée.
La Bête de Béré
La Belle de Béré
Grippatin le malin
Le Trésor de la Piette
Guenauds et Garous
Le geai de Louisfert
Le bon dieu de Villepôt
Le velin de Toulon
La messe blanche
La dame de Vioreau
Les dents de la Bête de Béré ?
Non, juste un détail des abat-sons
LA BETE DE BERE
- La Bête de Béré
- Dessin de Roland Guillaudeux. A gauche le Couvent Saint Sauveur. Au fond : l’église de Béré
Personnage fantastique du quartier de Béré, à Châteaubriant, la Bête prend parfois l’apparence d’un chien aux longs poils gris ou noirs, ou celle d’un porc vautré au creux d’un fossé et grognant à votre approche.
D’autres fois elle semble un chat jucqué sur les héris à pourceaux, ou un poulain au galop inégal, ou une bique qui dévale un talus, les tétines trainant par terre.
Marie Glédel, après son Credo, vous en parlera "je la vis qui s’apparut à moi, comme je sortais. Elle était grosse, grosse et toute noire. Elle se mit à me suivre et à courir après moi, que j’arrivis toute essoufflée chez le gars Jean qui vint me reconduire : pourquoi je lui donnis un de mes bonbons, tant j’avais peur !". Il faut la croire, Marie Gledel. Ce n’est pas une fanatique ni une visionnaire.
Et puis Marie Guérin, de la Mercerie, la vit aussi un soir. "La bête parlait et menaçait. Ce jour-là elle était blanche, bien longue et grande comme un gros chien".
Une autre fois, c’est Yvon Gérard, un fort gaillard de la Bricaudière, qui l’a rencontré, à l’autre bout du pont rustique sur la Chère, à hauteur du Moulin Neuf : un gros mouton gris semblait disposer à lui barrer le passage. L’homme et la Bête luttèrent longtemps, au corps à corps, jusqu’à ce qu’ils arrivent à une sorte d’échalier contre lequel la Bête acculée ne pouvait se mouvoir. "Tu m’as vaincue aujourd’hui. Lâche-moi donc. Mais que je ne te trouve pas une autre fois sur mon passage, et garde toi de sortir après le soleil couché" lui dit-elle avant de disparaître. Quelques temps après le téméraire Yvon en mourut, de fatigue et de terreur, plus que de maladie.
La Bête de Béré se promène souvent dans les carrois des cantons. Et qu’importe si ces carrefours s’appellent "Allée des Soupirs", "Rond des Dames" ou "Avenue de la Comtesse" : la Bête de Béré ne respecte rien. On la trouve même blottie au pied des croix, attendant ceux qui, enhardis par les fumées du cidre, la cherchent pour se mesurer avec elle.
Noël Biton, le bûcheron de la Forêt Pavée, un charbonnier d’une force et d’une taille peu ordinaire, en perdit la voie et rentra chez lui ruisselant de sueur et les membres brisés. Huit jours après il était mort.
Peu d’hommes ont réussi à lui échapper quand elle voulait les noyer dans le ruisseau de la Galissonnière, ou dans l’étang de la Courbetière, ou dans une simple mare.
Une fois, il y a fort longtemps, les hommes de la Brichetière, de Montbaron et du Petit Chêne en Issé se réunirent un soir, armés de fourches, de faulx et de hansards. Avec des scapulaires au cou, des chapelets dans les poches et du romarin béni à leur chapeau, ils allaient chasser cette bête fantastique, qui tous les soirs poussait des cris et des hurlements et passait son museau par-dessus le husset pour voir dans les maisons. Ils étaient une douzaine, réconfortés par quelques gouttes d’eau de vie de cidre : ils ont couru toute la nuit, d’un bout de la commune à l’autre, des cris épouvantables venaient de tous côtés à la fois. La Bête était ici, et là-bas en même temps, les menant à travers haies, fossés et échaliers, du Petit Chêne aux Rottes-Besniers, des Voyettes-Pineau au pré du Quenard, du moulin de Montbaron ou l’Hôtel Joublin, et toujours ainsi. Du côté de la Quoue-de-l’eau et de la Fontaine-à-Madame, les chasseurs attendaient immobiles, les mains crispées sur le manche de leurs fourches, les yeux dans toutes les directions, quand un hurlement formidable, épouvantable, qui emplit toute la calotte du ciel, partit de dessous leurs pieds. Terrorisés les paysans s’enfuirent.
Il faut tout de même dire que, parfois, la Bête de Béré se montrait conciliante. Elle ne fit qu’accompagner Pierre Roul, de la Guimorais en Meilleraye. Pendant un an, elle fit tous les voyages de Châteaubriant à Nantes dans l’un des paniers de la charrette de Julien Salmon.
De tous ceux qui s’affrontèrent à la Bête, le plus célèbre est le gars Renaud Houlard de la Palissonnière. La Bête le terrassa si rudement qu’il chut sur le sol et déchira au genou son pantalon. Mais contrairement aux autres, il vécut longtemps après et conserva comme une relique le pantalon qu’il portait ce soir-là.
Adoncques maintenant, si vous passez le soir par quelques chemins creux, qu’il fasse nuit ou pleine lune, ne vous achoppez point trop si vous trouvez la Bête à carbi-carbaud sur un pont ou un palis, car tous ceux qui ont lutté contre elle s’en sont trouvés vaincus, meurtris, navrés.
(d’après Joseph Chapron, historien de Châteaubriant)
La Belle de Béré
Il était une fois, il y a 700 ans peut-être, un moine du Prieuré St Sauveur qui s’éprit d’une jeune paysanne des environs. Leur amour, si pur pourtant, ne pouvait que troubler les braves paroissiens. Le prieur obtint donc le départ du moine pour un autre monastère et persuada "la Belle de Béré" de s’éloigner aussi. C’est ce que disent les incrédules.
Mais la vraie vérité, la voilà : le prieur, jaloux de son moine, attira la belle de Béré au couvent où elle se languit et mourut. Elle est enterrée sous le clocher de l’église et la Bête de Béré est chargée d’éloigner les indiscrets. Si ! Si ! C’est vrai, et tous les vieillards vous diront qu’à minuit les cierges s’allument d’eux-mêmes dans l’église de Béré et qu’un prêtre de l’autre monde y célèbre une messe funèbre.
D’autres ont vu, une veille de Noël, apparaître une forme blanche, environnée d’une lumineuse auréole, une gracieuse enfant aux longs cheveux blonds tombant sur les épaules.
Mais la Bête de Béré veille et gare aux esprits trop curieux !
(d’après Joseph Chapron)