Pas de prestation en nature !
2 juillet 1859 : le maire de Châteaubriant écrit au Sous-Préfet que le recours à la prestation [faire réaliser les chemins] « peut être praticable sans beaucoup d’inconvénients dans les campagnes » - « mais il n’est guère possible de l’appliquer à une population semi-urbaine et semi-agricole sans blesser l’équité ».
2 juillet 1859 : le sieur Buron, boulanger, a fourni 1535 rations aux troupes de passage au cours du mois de juin soit 268,63 frs à raison de 0,175 frs la ration d’après la mercuriale du pain.
3 juillet 1859 : après la vic-toire de Solférino, l’impératrice, qui assure la Régence pendant que Napoléon III est en Italie, assiste à un Te Deum à Paris. La foule est enthousiaste. La guerre est si belle, de loin.
4 juillet 1859 : Mlle Guibourg, qui a légué deux pavillons au bureau de bienfaisance, a précisé dans son testament : « si j’ai du grain dans mon grenier à l’époque de mon décès, je le donne tout à
l’hospice de Châteaubriant ».
6 juillet 1859 : voyant le champ de bataille de Solférino couvert de morts et de blessés, Napoléon III n’a plus qu’une idée, faire la paix. Il offre l’armistice à l’Autriche. La paix est faite entre la France et l’Autriche ...en dehors de Victor-Emmanuel II.
En France un ministre résume bien la situation inextricable : « le gouvernement impérial ne veut ni maintenir le morcellement de l’Italie, ni permettre sa complète unification, notamment par la suppression du pouvoir temporel du pape. Entre les deux seules politiques nettes, il va louvoyer désormais péniblement ».
L’impératrice soupire : « le métier de rédempteur est un métier de sot »
23 juillet 1859 : à Châteaubriant le sieur Nion-dit-Lacroix Gustave, se destine à l’école impériale des Arts et Métiers d’Angers. Il a fait son apprentissage chez le sieur Nion-dit-Lacroix, son père, arquebusier à Châteaubriant.
23 juillet 1859 : L’exercice illégal de la médecine est une contravention depuis la loi du 19 ventôse an XI. Mais c’est une pratique peu sanctionnée. En fut-il différemment en 1859 ? En tout cas l’hospice de Châteaubriant a reçu, le 23 juillet, la somme de 28,50 frs à ce titre !
De la charpie pour l’armée
27 juillet 1859 : le maire écrit au Sous-Préfet : « j’ai l’honneur de vous faire parvenir, pour les blessés de notre brave armée d’Italie, 26 kg de vieux linge et de charpie qui ont été remis au secrétariat de la mairie par :
M. le supérieur des Frères de la Doctrine Chrétienne (13,5 kg)
M. Pasquier Hamon (9,5 kg)
M. Derval Victorien (2,750 kg)
M. Damy inspecteur des écoles primaires (0,750 kg)
Je suis heureux, Monsieur le Sous-Préfet de vous faire ce nouvel envoi qui, encore une fois, témoigne du dévouement et du patriotisme des habitants de Châteaubriant »
[Y a-t-il eu un premier envoi ? Sans doute mais nous n’en avons pas trouvé trace].
28 juillet 1859 : le sieur Besnard, horloger à Châteaubriant, voulait être autorisé à mettre en loterie « une pendule avec un tableau représentant un chalet suisse ». Le Sous-Préfet rappelle que « la vente de marchandises par la voie du sort est interdite ».
29 juillet 1859 : le maire demande l’autorisation de vendre « les terres amoncelées sur le bord du chemin n° 3, conduisant du faubourg de la Torche au faubourg de Béré, et les terreaux provenant de la répurgation de la ville ».
2 août 1859 : Le maire écrit à M. Liberge architecte à Nantes, au sujet des travaux entrepris depuis bientôt un an à l’hospice civil de Châteaubriant. Il lui demande de « venir le plus tôt possible visiter ceux en partie terminés dont les ouvriers réclament le paiement, et activer par votre présence ceux qui ne sont point encore achevés ».
14 août 1859 : l’armée, de retour d’Italie, défile dans les rues de Paris, dans l’enthousiasme populaire pour « notre brave armée d’Italie »
16 août 1859 : Napoléon III accorde l’amnistie aux exilés politiques dont Blanqui est enfermé depuis 1851. La plupart des exilés rentrent, sans se rallier à l’Empire. Victor Hugo s’y refuse : « Dans la situation où est la France, protestation absolue, inflexible, éternelle, voilà pour moi le devoir. Je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera en France, je rentrerai ». Proud’hon et Schoelcher refusent eux aussi l’amnistie.
18 août 1859 : le maire de Châteaubriant écrit au Sous-Préfet : « je m’empresse de vous faire parvenir par la voiture faisant le service des messageries de Rennes à Nantes, un panier renfermant 24 paires de souliers confectionnés pour les besoins du service de l’armée d’Italie ». Trois bottiers de Châteaubriant et un de St Vincent des Landes ont fabriqué ces souliers . La facture se monte à 192 frs.
19 août 1859 : le maire de Châteaubriant réclame l’arrêté qui lui permettra de verser les fonds prévus à Mme Ballais [revoir au 30 mars 1859.]
23 août 1859 : l’hôtel du Boisdulier a été vendu en juin dernier au sieur Aubin, mais le maire reconnaît une erreur.
Il explique au Préfet que M. Lemoine avait fait une offre en date du 7 septembre 1858 disant : « Je soussigné, offre à la commune de Châteaubriant de devenir acquéreur de l’ancien presbytère pour le même prix que celui payé par la commune ».
« Or, en 1828, le maire M. Ballais, avait acheté cet immeuble pour 13 000 frs. La commission municipale a pensé que l’offre de M. Lemoine s’arrêterait à la somme de 13 000 frs (...) et dans l’espoir que les 13 000 frs seraient atteints ou même dépassé, a cru devoir procéder à la vente ».
« L’avilissement du prix des propriétés bâties nous a donné tort »
« J‘ai remarqué qu‘à Châteaubriant où je suis propriétaire de deux maisons, les loyers dans l’espace de 10 ans sont tombés de 500 frs à 350 frs. Deux causes principales ont concouru à ce résultat. D’abord l’extinction ou le départ de huit ou dix familles aisées dont chaque membre habitait une maison. Et les constructions que l’espoir de la résidence de Mgr le Duc d’Aumale firent élever en 1846 et 1847 ».
« Deux concurrents MM. Lemoine et Aubin se trouvaient seuls en présence et je pense, M. le Préfet, qu’une nouvelle adjudication n’atteindrait pas un meilleur résultat ».
23 août 1859 : dans l’inventaire des archives de l’hospice de Châteaubriant [voir au 14 avril 1858], on a découvert des lettres patentes des rois Henri II, Charles IX, et Louis XIV concernant l’institution et les privilèges de la Compagnie des Papegaults. L’Inspecteur général envoyé par le Ministre de l’Intérieur, demande que ces archives soient réintégrées dans les archives communales.
24 août 1859 : il aurait dû y avoir un Conseil Municipal à Châteaubriant le 21 août au sujet d’un rôle de prestation [voir au 19 juin 1859] mais ... « bien que l’ordre du jour fit mention de plusieurs questions, entre autres d’une adresse à sa majesté l’empereur, la majeure partie des membres du Conseil n’ont pas répondu à mon appel » écrit le maire au Préfet. « Si bien qu’après une demi-heure d’attente, l’assemblée ne comptant que 9 membres, je me suis vu dans l’obligation de la congédier ».
« Les renseignements que j’ai pris, m’ont fait connaître que nos conseillers municipaux parfaitement au courant des idées de leurs concitoyens, et de leur répugnance pour l’établissement d’un rôle de prestation, ont voulu éviter de se mettre en hostilité avec la population ».
« Vous leur rendrez donc un éminent service, M. le Préfet, en nous imposant d’office conformément à la loi du 21 mai 1836 »
La veuve Hervé est-elle folle ?
25 et 27 août 1859 : le Commissaire de Police dit que la veuve Hervé, née Colleson Reine, est maligne et plus méchante que folle. Du coup le Préfet a refusé son admission à l’asile St Jacques de Nantes.
La femme a donc été déposée à l’hospice de Châteaubriant et les administrateurs sont invités à la faire observer. Le maire se dit « douloureusement surpris » du refus du Préfet d’autant plus que le Docteur Delourmel de la Picardière la considère comme atteinte d’aliénation mentale. « Le Tribunal de 1re instance n’a pas cru pouvoir entreprendre des poursuites contre cette malheureuse à l’égard des écarts graves qui lui sont reprochés, parce qu’il l’a reconnue affligée de folie ».
La veuve Hervé est un embarras extrême pour l’hospice. Elle est cause de trouble et de scandale perpétuels dans la maison où elle hurle sans cesse les propos les plus obscènes qui parviennent, en dépit de toutes les précautions, aux oreilles des passants, des voisins et surtout de toute la population de l’hospice qui compte un grand nombre de jeunes filles.
Que faut-il faire ?
Le maire insiste auprès du Préfet : « Si contre toute attente mes efforts demeuraient infructueux, l’administration de l’hospice ne se trouverait-elle pas dans la nécessité, malgré le désir de vous être agréable, de faire ouvrir les portes qui retiennent cette malheureuse ? Dieu sait ce qui arriverait alors.
Si cette fille est folle, elle doit être conduite et traitée le plus promptement possible dans l‘établissement spécial car chaque jour de retard peut rendre sa guérison plus difficile. Si elle ne l’est pas, elle doit être congédiée de l’hospice où elle n’a d’ailleurs aucun droit d’être maintenue ».
Canal de SuezInclusion directe :
Le Canal de Suez est un canal de l’Égypte, long de 163 km, qui relie Port-Saïd, port de la Méditerranée, et la ville de Suez sur la mer Rouge. La compagnie de Ferdinand de Lesseps construisit le canal entre 1859 et 1869. À la fin des travaux, l’Égypte pour 44 % et 21 000 Français en étaient conjointement propriétaires. On estime que 1,5 million d’Égyptiens participèrent à la construction du canal et que 125 000 moururent, principalement du choléra. Le Canal de Suez permet aux navires d’aller d’Europe en Asie sans devoir contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Avant son ouverture en 1869, les marchandises devaient être transportées par terre entre la Méditerranée et la mer Rouge. À l’époque de Napoléon, on disait que le niveau de la mer Rouge était dix mètres plus haut que la Méditerranée. Comme le canal ne peut être utilisé qu’avec des bateaux utilisant un moteur et qu’en 1860 seulement 5 % des navires fonctionnaient à la vapeur, sa construction fut un pari. Dans la décennie suivante les marines marchandes s’équipèrent en masse. Le canal ne comporte pas d’écluses, tout son trajet restant au niveau de la mer, contrairement au Canal de Panamá. Son tracé s’appuie sur trois plans d’eau, les lacs Manzala, Timsah et Amer. Quelque 15 000 navires traversent le canal chaque année, représentant 14% du transport mondial de marchandises. Un passage prend de 11 à 16 heures. |
TocquevilleInclusion directe :
« Je n’ai pas de traditions, je n’ai point de parti, je n’ai point de cause, si ce n’est celle de la liberté et de la dignité humaine ; de cela, je suis sûr. » L’écrivain Alexis de Tocqueville s’éteint le 16 avril 1859, à 54 ans. Il est l’un des principaux penseurs modernes, dans la continuité de Montesquieu. Mieux et plus tôt que quiconque, il a entrevu la naissance des démocraties modernes et les dangers qui les menacent. Député sous Louis-Philippe, Tocqueville annonce à la tribune de l’assemblée, en janvier 1848, une explosion sociale que rien ne laisse paraître : Après l’abdication du roi en février 1848, Tocqueville participe à la commission qui rédige la Constitution de la IIe République. L’égalitéTocqueville expose la relation qui s’établit entre un maître et son serviteur : dans la société démocratique il y a inégalité entre le maître et le serviteur, mais cette inégalité est libre et temporaire. Libre car c’est un accord volontaire, que le serviteur accepte l’autorité du maître et qu’il y trouve un intérêt. Temporaire parce qu’il y a le sentiment désormais partagé entre le maître et le serviteur qu’ils sont fondamentalement égaux. Le travail les lie par contrat mais une fois terminé, en tant que membres du corps social, ils sont semblables. Et égaux : absence de distinctions sociales fondées juridiquement, égalité des droits, sentiment collectif de l’égalité. Les risques de la démocratieAlexis de Tocqueville montre que l’État de droit et les libertés individuelles sont les moteurs indispensables du progrès économique et social. Mais il craint que le mouvement démocratique et l’individualisme ne conduisent à terme à une atomisation de la société et ne débouchent sur l’avènement d’un État despotique. Pour lui, c’est dans le renoncement à la liberté que se trouve le danger majeur pour la société démocratique. Un régime politique se caractérise par la règle de la majorité qui veut que, par le vote, la décision soit celle du plus grand nombre. Tocqueville relève que la démocratie comporte le risque d’une toute puissance de la majorité. Parce qu’il s’exerce au nom du principe démocratique, un pouvoir peut s’avérer oppressif à l’égard de la minorité qui a nécessairement tort puisqu’elle est minoritaire. Les hommes démocratiques sont dominés par deux passions : celles de l’égalité et du bien être. Les hommes pourraient être conduits à renoncer à exercer leur liberté pour profiter de l’égalité et du bien-être. A partir de là, l’État peut progressivement mettre les individus à l’écart des affaires publiques. Il peut étendre sans cesse les règles qui encadrent la vie sociale. Le despotisme prend la forme d’un contrôle. On arrive ainsi à l’égalité sans la liberté. Selon Tocqueville, une des solutions pour dépasser ce paradoxe, tout en respectant ces deux principes fondateurs de la démocratie, réside dans la restauration des corps institutionnels intermédiaires (asso-ciations politiques et civiles, corporations, etc.). Seules ces instances qui incitent à un renforcement des liens sociaux, peuvent permettre à l’individu isolé face au pouvoir d’État d’exprimer sa liberté et ainsi de résister à ce que Tocqueville nomme « l’empire moral des majorités ». |