Boulangers
1er juillet 1854 - Le maire de Châteaubriant fait le point sur les neuf boulangers de la ville : « Jusqu’au 18 juin 1854, date de la mise en application de l’arrêté du 19 mai, la fixation du prix du pain a eu lieu d’après une base complexe puisée dans le prix des grains et dans celui des farines lorsque le prix de celles-ci pouvait être constaté. Un hectolitre de froment était réputé produire 81 kg de pain et on avait admis que 100 kg de farine deuxième qualité donnaient 140 kg de pain dit batelier. La moyenne du prix du froment et de la farine servait de point de départ pour la taxe du pain avec addition de 4 francs pour 100 kg de farine pour le bénéfice du boulanger.
Le prix du pain de méteil était ordinairement fixé à un cinquième de celui du pain de froment dit batelier. Quant au pain blanc son prix était habituellement d’un dixième supérieur à celui du pain batelier ».
Depuis le commencement de 1854 surtout, les réclamations des boulangers contre la taxe du pain étaient devenues plus fréquentes et plus vives. L’administration examina la possibilité d’appliquer à Châteaubriant la taxe de Nantes, avec une modération en rapport avec la différence du prix des loyers, des patentes, du combustible, de la main d’œuvre, enfin de toutes choses nécessaires à la vie. Restait à déterminer le taux de la modération. Les boulangers auraient accepté une réduction de 15 centimes mais, après un sérieux examen, il fut reconnu qu’il était possible de le porter à 20 centimes. [pour 6kg]
La transition a été un peu laborieuse, elle coïncidait malheureusement avec une augmentation anormale survenue exceptionnellement dans le prix des grains au marché de Châteaubriant. Toutefois la perturbation n’a produit aucun mouvement, elle paraît calmée et il est présumable qu’elle ne se renouvellera pas. »
Pompiers : ces généreux citoyens
2 juillet 1854 - La Commission Municipale se réunit à Châteaubriant sous la présidence de M. Béchu du Moulin Roul, premier adjoint, le maire étant absent. Lecture d’une lettre du Sous-Préfet en date du 22 juin dernier :
« Monsieur le Maire,
Nous avons, je crois, répondu aux vœux de la population tout entière en réorganisant le corps des sapeurs pompiers à Châteaubriant. Ces généreux citoyens ne demandent pour prix de leur dévouement et de leurs sacrifices, qu’être exonérés du logement militaire en dehors de circonstances exceptionnelles. J’ose espérer que la commission municipale voudra bien prendre les mesures les plus convenables pour arriver à ce but ».
Après cette lecture, le Président s’exprime en ces termes :
« La réorganisation d’une compagnie de pompiers était universellement reconnue nécessaire et réclamée par la population. Ce vœu, dont la réalisation a forcément entraîné quelques délais, est enfin accompli.
En effet, un décret impérial a pourvu à la nomination des officiers ; les sous-officiers et caporaux ont été institués et le cadre de la compagnie se trouve formé. Enfin le corps des pompiers de Châteaubriant, dont les chefs de tous grades ont été solennellement reconnus, se trouve en mesure de rendre les services qu’on doit attendre si ces circonstances malheureuses qui, il faut l’espérer, se produiront rarement, mettaient son intelligence et son dévouement à l’épreuve ».
Dispensés du logement des gens de guerre
Et M. Béchu du Moulin Roul poursuit : « Nos honorables concitoyens qui, volontairement, se sont inscrits pour faire partie du corps des pompiers, ont fait non seulement un acte méritoire et digne de la gratitude publique, mais encore ils se sont imposé des charges. Pensez-vous, messieurs, qu’il ne serait pas juste et convenable de les dédommager un peu ? On l’a fait dans un grand nombre de villes. A Nantes par exemple, les pompiers jouissent entre autres avantages, de la dispense de logement des gens de guerre. Cette exonération qui n’est point un salaire, mais un simple témoignage de reconnaissance, se pratique sans qu’il en résulte des plaintes et j’aime à croire qu’il en serait généralement de même à Châteaubriant ».
« Il ne s’agit rien de plus que de réduire d’un dixième la liste des personnes assujetties jusqu’ici au logement des militaires en marche. Toutefois l’on pourrait encore admettre que l’exemption de logement serait suspendue dans les conjonctures où le nombre des militaires à loger amènerait de l’encombrement et que messieurs les officiers du corps des pompiers ne jouissent point du bénéfice de la dispense ».
[Etant donné qu’il y avait, à cette époque, 63 pompiers y compris les officiers, on peut en conclure que 630 familles environ était assujetties, à Châteaubriant, au logement des gens de guerre, ce qui est considérable, sachant que la commune faisait environ 4000 habitants.]
Une courte discussion a suivi cet exposé et M. Toullic a exprimé la crainte que la loi soit violée. « Il pourrait être préférable, a-t-il ajouté, de voter un fonds sur le budget afin de payer chez des logeurs le logement qui aurait dû être pris chez un pompier ». Finalement la proposition suivante a été adoptée à l’unanimité :
« Les hommes qui se sont volontairement engagés à faire partie du Corps des Pompiers, ne doivent recevoir aucune solde. Cependant, afin de donner un motif à la bonne discipline qu’il importe de maintenir parmi eux, il y a lieu de leur accorder l’avantage d’être exemptés du logement des gens de guerre et d’étendre cette dispense à leurs père et mère lorsqu’ils demeurent chez eux. Toutefois dans les passages nombreux occasionnant encombrement, le bénéfice de la dispense sera suspendu ».
4 juillet 1854 - le maire de Châteaubriant transmet au Sous-Préfet un état des sommes payées, au 2e trimestre 1854, « à titre de secours de route » , conformément à la loi du 13 juin 1790, « aux voyageurs indigents munis de passeports » .[la lettre n’en indique pas le montant].
Vacances
4 juillet 1854 - le maire de Châteaubriant signale au Recteur d’Académie que M. Triau cesse son service d’instituteur le 31 juillet. « Il me semble donc convenable de fixer les vacances de notre école à partir du 1er août. Je pense que vous serez de mon avis ».
« Monsieur l’inspecteur m’a annoncé qu’il a cherché et trouvé un instituteur remplissant toutes les conditions voulues pour remplacer M. Triau. Je voudrais connaître son nom et avoir tous les renseignements nécessaires pour le faire agréer par le Conseil Municipal ».
3 août 1854 - Le maire relance le Général de Brigade commandant la Loire-Inférieure [cf le 13 avril 1854] au sujet de la demande de secours de la dame veuve Houssard René, Jean-Marie, chevalier de la Légion d’Honneur, ancien chasseur de la Vieille Garde. Le maire sollicite une prompte expédition : « la réclamante n’ayant aucune fortune et, par son âge avancé, se trouvant dans l’impossibilité de pourvoir à ses besoins ».
On partit pour partir
20 août 1854 - Les alliés transportent 48 000 hommes vers la Crimée : Français (20 000), Anglais (22 000 fantassins et 1000 cavaliers), Turcs (5000). En face l’armée russe compte 50 000 hommes.Maxime du Camp, photographe, dira « On partit pour partir, sans vraiment savoir où on allait. On ne se doutait de rien, ni des forces de l’ennemi, ni des terrains où l’on devait combattre ». Rapidement les soldats sont malades du choléra. La maladie emportera deux jeunes de Châteaubriant.
25 août 1854 - Un incendie a eu lieu dans la nuit du 23 au 24 et, ni les autorités, ni le commissaire de police n’ont été prévenus d’un événement qui pouvait avoir des suites graves. Le maire rappelle donc au capitaine des pompiers qu’il est de son devoir de faire avertir les autorités « dont la présence sur les lieux du sinistre, peut être utile ». Ces autorités sont au nombre de trois : le Préfet, le Procureur Impérial et le maire.
1er septembre 1854 - Le bureau de bienfaisance organise une loterie dont « le produit sera affecté au soulagement de la classe indigente de la commune ».
« Dans le but d’assurer le succès de cette œuvre, toute de charité, la commission administrative, confiante dans la bienveillante sollicitude de Sa Majesté l’Impératrice des Français, a cru devoir lui présenter une adresse pour obtenir un ou plusieurs lots ».
9 septembre 1854 - le maire de Châteaubriant s’était plaint de ne pas avoir le dossier correspondant à « la libéralité faite en faveur des Frères de la Doctrine Chrétienne » par feu M. l’abbé Baguet de la Rolandière. Cette fois il a sans doute ce dossier puisqu’il le transmet, complet, au Sous-Préfet.
L’école publique sera-t-elle confiée ... à un religieux ?
19 septembre 1854 - Réunion du Conseil Municipal de Châteaubriant sous la présidence de M. Delourmel, maire. Il est précisé que M. Béchu du Moulin Roul, qui présidait la réunion précédente, est cette fois présent avec voix consultative seulement.
Une double question est posée à l’assemblée.
1.- un instituteur laïque sera-t-il maintenu à la tête de l’école communale de Châteaubriant dont M. Triau a abandonné la direction ?
2.- ou bien cette école sera-t-elle confiée à un membre d’une congrégation religieuse ?
M. Berge propose que cette école cesse d’être sous une direction laïque et qu’elle soit dorénavant mise sous celle des Frères des Ecoles Chrétiennes.
M. Béchu est du même avis, en faisant valoir, outre les considérations morales « développées par le pré-opinant », le motif d’économie au profit de la caisse municipale.
Trois conseillers s’expriment en faveur d’une direction laïque.
Le Maire dit qu’un instituteur laïque est désiré par la population « afin que les parents soient à même de choisir entre l’école des Frères qui est en plein exercice dans cette ville, et une école communale laïque étrangère à leur influence ».
Le vote, secret, donne 10 suffrages dont 7 en faveur du maintien d’un instituteur laïque. C’est M. Lucas, instituteur de Carquefou, qui sera le successeur de M. Triau.
Encore l’octroi
19 septembre 1854 - Décidément, la loi du 11 juin 1842 et le décret du 17 mars 1852, prescrivant un abaissement notable des droits d’octroi sur les liquides, ne passent pas. Le Conseil Municipal a proposé, le 30 janvier 1853, un droit d’octroi sur les comestibles, les combustibles, et les fourrages, et a élaboré un règlement d’octroi le 6 mars 1853. Pour rien ?
En effet, le cahier officiel des délibérations dit ceci : « Jusqu’ici la commune n’a point été autorisée à faire d’autre droit d’octroi que celui qui frappe les boissons »
Ce n’est sans doute pas catastrophique puisque « quoique son produit ait été fort réduit, il a suffi aux dépenses ordinaires, mais force a été de s’abstenir de toutes entreprises nouvelles. S’il en avait été conçu, il eut fallu recourir à des centimes additionnels. Avec un budget trop restreint, beaucoup d’améliorations sont susceptibles ou du moins ne peuvent s’accomplir qu’en créant des charges que les contribuables supportent difficilement ».
Mais la loi de finances du 22 juin 1854 a permis de donner plus d’importance aux recettes des octrois sur les liquides, en autorisant même « à les élever au double du droit d’octroi déterminé par le tarif du 17 mars 1852 ».
Ainsi, à Châteaubriant, le droit sur les vins qui est de 0,726 frs/hectolitre peut être porté à 0,80. Celui sur les cidres et poirés peut être porté de 0,454 à 0,50. Enfin celui sur l’alcool, « borné maintenant à 3,632 frs peut être établi à 8 frs ».
Jusqu’à maintenant la bière a été affranchie du droit d’octroi à Châteaubriant, mais la récolte a été mauvaise pour le vin et le cidre, cette année, « la bière est donc probablement à la veille de fournir un fort contingent à la consommation » et il y aurait lieu de l’imposer.
La ville de Châteaubriant demande à être autorisée à percevoir :
Par hectolitre
Vins ................................. 0,80 frs
Cidres, poirés, hydromel.......... 0,50
Bière.................................. 1,26
Alcool et eaux de vie ............... 8,00
Le droit d’octroi sur les boissons « étant le plus juste et, pour la ville de Châteaubriant, le moins dispendieux à recouvrer parce qu’il n’exige qu’un faible personnel », la Commission Municipale renonce « jusqu’à nouvel ordre » à établir les droits qu’elle avait demandés sur les comestibles, les combustibles et les fourrages.
« Mais elle entend maintenir ceux mentionnés dans sa délibération du 30 janvier 1853 : ceux qui frappent les animaux exposés en vente aux foires et marchés. Et ceux qui atteignent les sacs de grains et graines laissés en dépôt d’un marché sur l’autre sur le carreau de la Halle ».
Enfin la Commission accorde 75 frs à M. Broët, architecte, comme honoraires pour le plan d’alignement du quartier de la Vannerie.
23 septembre 1854 - Comme en 1853, les récoltes n’ont pas été bonnes. Le maire écrit au Sous-Préfet : « Tous les renseignements s’accordent pour faire croire que les prix des fermages subiront de notables augmentations » - « Comme vous le savez, la sécheresse que nous éprouvons depuis trop longtemps ne peut manquer d’y contribuer ». Le maire signale que cette augmentation se fait déjà sentir.
23 septembre 1854 - en raison de l’incendie qui a ravagé le magasin du commerçant Pierre Petit, le 24 août dernier, le maire demande pour lui, au Sous-Préfet, un secours au gouvernement.
26 septembre 1854 - le maire rappelle au Sous-Préfet qu’il lui a adressé une demande de secours pour Mme Veuve Peuriot, veuve du sieur Letort Julien, ancien sous-officier dans l’artillerie de la Vieille Garde. N’entendant plus parler de sa réclamation, elle relance l’affaire « pour lui faire continuer le secours dont elle a joui jusqu’en 1852 »
30 septembre 1854 - le maire prend un arrêté concernant la police de la Halle aux Blés et qui défend d’exposer à la vente et de vendre les grains et graines ailleurs que dans cet établissement.
26 octobre 1854 - L’inspection des gîtes d’étape de la Loire-Inférieure a montré que, à la prison de Châteaubriant, l’allocation de paille n’est pas suffisante. Le Ministre de la Guerre en a été informé. Le maire écrit au gardien-chef : « Il paraîtrait que cette allocation n’est que de 1 kg pour chaque militaire ne séjournant guère plus d’un jour tandis qu’il serait nécessaire qu’elle fut de 4 ou 5 kg pour toute nouvelle entrée »
Sébastopol
14 novembre 1854 - Face à la Russie, après les victoires de l’Alma, de Balaklava et d’Inkermann, les alliés mettent le siège devant Sébastopol qui durera onze mois, jusqu’au 12 septembre 1855. Nombreux sont les soldats qui mourront par le froid ou le choléra. Pour la première fois les journaux évoquent la vie dramatique des soldats : le public découvre leurs souffrances.
Société de secours mutuel
19 novembre 1854 - Réunion de la Commission Municipale sous la Présidence de Délourmel (maire). M. Béchu du Moulin Roul, adjoint, siège avec voix consultative seulement.
Il est fait état d’une circulaire du Préfet, en date du 18 septembre, qui concerne la création, dans chaque commune, d’une société de Secours Mutuel. Mais y a-t-il utilité à Châteaubriant ? MM Biche et Toullic y sont favorables. M. Béchu lit une liste d’habitants disposés à en faire partie. La Commission se prononce favorablement et à l’unanimité.
19 novembre 1854 - Le maire est autorisé à vendre « quatre pieds d’accacias » qui, plantés à l’entrée de la Promenade des Terrasses, vis-à-vis le préau de la prison, gênent le développement des ormeaux qui s’y trouvent aussi « et qui doivent être ménagés de préférence pour l’harmonie de la plantation »
Le maire est aussi autorisé à compléter la plantation de peupliers, faite depuis quelques années, sur le pâtis des Planches, et à entreprendre et faire exécuter une autre plantation dans de bonnes conditions :
sur le remblai appartenant à la ville au bord et dans l’étang de la Torche, en dessous du massif du Bout du Monde, dépendant de la promenade publique des Terrasses
sur la partie communale du « Pré des garde-robes »
et sur le petit pré situé entre les ruines de l’ancien donjon et la promenade des Terrasses
30 novembre 1854 - Le vice-Roi d’Egypte signe un « firman » (décret) de concession du Canal de Suez, sur la suggestion de Ferdinand de Lesseps. Cela conduira à la réalisation d’une voie navigable entre la mer Méditerranée et la Mer Rouge.
8 décembre 1854 - Le pape Pie IX proclame le « dogme de l’immaculée conception de la vierge Marie » pour l’Église catholique par la bulle Ineffabilis Deus.
Choléra
15 décembre 1854 - Le maire de Châteaubriant écrit à M. Pierre Alizon, cultivateur : « Je viens de recevoir un extrait mortuaire qui constate que le sieur Alizon Lucien, votre fils, est décédé à l’ambulance de l’armée de la Baltique, le 22 août 1854, à 11 h du matin, par suite du choléra »
Le même type de lettre est adressé à M. Hurel, concernant son fils Jean-Aimé François, décédé le 23 août à 5 h du matin, aussi par suite de choléra.
16 décembre 1854 - La commission administrative de l’Hospice de Châteaubriant demande que la soupe qu’elle fournit aux détenus de la Maison d’Arrêt soit payée à raison de 25 centimes. « Cette augmentation n’est point exagérée par suite de l’élévation du prix de tous les aliments surtout depuis deux ans ».
Sucre en morceauxJusqu’en 1854, le sucre n’existe que sous forme de pain, et c’est ainsi qu’il est livré dans les épiceries. Le cassage du sucre, avec un couperet et un marteau spéciaux, est une tâche quotidienne et monotone que l’on délègue aux commis, et qui donne comme résultat des éclats de sucre inégaux et pas toujours très propres. C’est un épicier parisien, Eugène François, qui a le premier l’idée de découper les pains de sucre en rondelles, puis les rondelles en morceaux réguliers. |