4 janvier 1850 : « Depuis une quinzaine de jours un certain nombre d’ouvriers manquent de travail » : le maire de Châteaubriant, Jules Luette de la Pilorgerie, autorise sept d’entre eux à extraire et casser de la pierre à la carrière de La Brosse sur la route de Saint-Aubin-des-Châteaux.
A cette époque, dans le registre des courriers, on trouve régulièrement mention du passage de personnes « assujetties à la surveillance de haute police »
15 janvier 1850 : Victor Hugo : discours sur l’enseignement
20 janvier 1850 : Jules de la Pilorgerie brosse pour son Conseil Municipal un tableau de la situation sociale : « Grâce à plusieurs ateliers particuliers dans lesquels sont entretenus, cet hyver, beaucoup d’ouvriers et notamment les maçons que leurs patrons emploient à extraire des pierres pour les constructions qui doivent s’élever au printemps, la mauvaise saison que nous traversons ne présente pas autant d’embarras qu’on devait le craindre.
Cependant, quelques bras manqueraient d’ouvrage si l’administration n’y avait pas pourvu. Les travaux publics entrepris par la commune consistent principalement en cassage de matériaux pour empierrements. Mais ce genre de besogne va bientôt se trouver épuisé et il importe de ne pas être pris au dépourvu ».
Remblais
C’est pourquoi le maire envisage de poursuivre le remblai du terrain de M. Dupin de la Ferrière où 2800 m3 ont été conduits de la façon suivante :
. 1200 m3 livrés et conduits par les Ponts et Chaussées, provenant des déblais de la Torche (gratis)
. 1000 m3 extraits au prix de 0,60 francs l’un, de la douve entre les moulins de la Torche et de Couëré, pendant le chômage nécessité par la construction du pont de la Rue des Halles. Transportés gratuitement par le sieur Artur
. 600 m3 pris en exécution des clauses du marché du 16 juillet 1849, par l’entrepreneur des travaux de la Halle, partie à la Torche et partie derrière l’église Saint Nicolas. Prix : un franc le mètre-cube.
« En ajoutant encore 1000 à 1200 m3 , ce qui portera la quantité à 4000 m3 et la dépense totale à 2200 francs à peu près, en évaluant chaque mètre rendu à un franc pour bêchage, chargement, transport, etc, on sera arrivé au remblaiement nécessaire pour assurer la bonne circulation autour de l’édifice et pour appuyer les murs en dehors et en dedans » commente le maire.
Mais où trouver ces 1000 à 1200 m3 ?
. Environ 800 m3 par le sieur Fouchard qui offre l’abandon gratuit du produit de nivellement d’un terrain qu’il possède faubourg de la Torche
. Le surplus par l’administration des Ponts et Chaussées qui se propose d’enlever un sommet qui, depuis l’abaissement de la côte de la Torche, en 1848, « fait obstacle à la circulation par le haut chemin de la Maison Brûlée ». (ndlr : le chemin de la Maison Brûlée, qui s’appelle encore de nos jours "vieille route de Soudan", porte le nom de "rue du Maréchal Foch").
La ville aurait à sa charge « le bêchage, le chargement et le régalement des remblais » venant du terrain du sieur Fouchard ce qui aurait l’avantage de « créer une sorte d’atelier de charité en faveur des ouvriers privés de travail. Et tout en venant au secours de ceux-ci, la ville accomplirait une œuvre de haute utilité dans les conditions les moins onéreuses ».
Pour transporter les remblais, « les voituriers indigènes seront préférés à l’entrepreneur de la Halle, s’ils ne demandent pas un prix plus élevé que celui-ci et s’ils s’engagent à exécuter les transports avec la même célérité ».
Escalier : creuser derrière l’église St Nicolas, c’est bien joli mais « la petite porte de cette église va se trouver impraticable et il devient nécessaire d’établir un escalier de 9 marches garni d’une rampe solide en fer. Chaque marche aura 1,50 m de long, 17 cm de hauteur et 30 cm de largeur ». Le Conseil Municipal vote un crédit de 100 francs. [cet escalier correspond à un dénivelé de 1,70 m. Bigre !]
Puits : le sieur Lorin est prêt à vendre son puits du faubourg de Couëré pour en faire un puits public (revoir au 28 mai 1849). Il demande une somme de 150 francs et réserve « la porte avec la serrure qui y est attachée, plus le treuil, la corde et la chaîne servant à tirer l’eau ».
Il interdit en outre de creuser le puits à une plus grande profondeur, « pour ne pas ébranler la solidité de la maison, vu que la maçonnerie du puits fait corps avec celle de la maison ». Le Conseil Municipal charge le maire de négocier avec le sieur Lorin « en maintenant en place tout ou partie des ustensiles accessoires ».
Terrain à vendre : une partie du terrain de M. Dupin de la Ferrière est susceptible d’être vendue pour des constructions particulières. « Le moment est favorable car beaucoup de concurrents sont en présence. Plus tard l’ardeur pourrait se refroidir ».
Le Conseil Municipal accueille la proposition de M. Defermon d’imposer aux acquéreurs l’obligation de se conformer à un plan de façades régulières.
8 février 1850 : à Paris les Députés de La Montagne qui, le 13 juin 1849, ont manifesté en demandant que le Président Louis Napoléon respecte la Constitution, sont démis d’office. De nouvelles élections devront avoir lieu le 10 mars 1850. Le Conseil Municipal de Châteaubriant n’en fait pas mention.
Il est vrai que, en l’absence de presse libre, les élus municipaux révèlent aux citoyens ce qu’ils veulent leur révéler. [Les choses n’ont pas changé]
10 février 1850 : le Conseil Municipal de Châteaubriant prend connaissance d’une lettre de M. Ozanne, instituteur communal, qui donne sa démission « afin de suivre une autre carrière dans l’exercice de laquelle il considère comme certain de trouver des réponses plus avantageuses que dans celle de l’enseignement, pour fournir à ses besoins et à ceux de sa nombreuse famille ». Démission effective depuis le 6 février.
En même temps, M. Alexis Triau, père, ancien instituteur, demande à succéder à M. Ozanne. La lettre de M. Triau est accompagnée d’un « brevet de capacité pour l’enseignement primaire du second degré », délivré par M. le Recteur de l’Académie de Poitiers le 10 octobre 1822, et d’un certificat de moralité délivré à la mairie de Nantes le 30 janvier 1850. Le Conseil Municipal accepte la candidature de cet homme de 47 ans.
Mais cela provoque des observations critiques de M. Guimené, contredites par M. le maire, et une demande de M. Bivaud qui souhaite que l’école conserve toujours son caractère d’école mutuelle. M. Delourmel, de son côté, dit que : « Si une méthode autre que celle de l’enseignement mutuel, est reconnue préférable, il ne doit pas être mis obstacle à ce qu’elle soit adoptée ».
Hôpital : le Conseil d’Administration de l’hospice, par délibération du 24 novembre 1849, a accepté la proposition du sieur Grimaud et de M. Mittau son associé : « d’élever des constructions sur un pré dont il est locataire et qui appartient à l’hospice ». Durée du bail : 18 ans.
Route : Le Conseil Municipal prend connaissance des plan, devis et nivellement du chemin d’intérêt communal de Châteaubriant à Fougeray. « Le Conseil s’est trouvé dans une grande irrésolution [sans qu’on sache pourquoi] et a accepté le projet ».
Vente : la ville vend du bois et un terrain. « Du bois provenant du dessouchement effectué sur la traverse du Bois Hamon pour l’ouverture du nouveau tracé du chemin » [de Châteaubriant à St Aubin des Châteaux] et un terrain communal à La Fayère.
Indemnité : le Conseil verse :
277 francs d’indemnité à M. Voiton pour le terrain occupé à l’occasion de la construction du pont à la Vannerie.
Et 100 francs à M. Chatellier qui a permis depuis plus d’un an de déposer des décombres sur un terrain du côté de la Halle. « Cette généreuse tolérance a eu pour effet d’anéantir presque complètement la récolte de foin. M. Chatellier a rendu un service qui ne doit pas tourner à son détriment ».
Prison : d’en colloquer 25
La prison de Châteaubriant, il en a déjà été question le 29 octobre 1848. Ce 10 février 1850 M. Guibourg explique que l’exiguïté, l’insalubrité et le défaut de sûreté de cette prison sont, depuis son établissement, « l’objet de justes critiques et de légitimes appréhensions, auxquels M. le Procureur Général et M. le Préfet se sont associés. ». [La prison se trouve, depuis mai 1846, dans l’ancienne école des petites filles pauvres, rue de la Porte Neuve].
« Il est superflu de donner une description détaillée de ce misérable réduit. Il suffit de dire que la prison de Châteaubriant est tout simplement une vieille masure, convertie à la hâte en maison de détention, lorsque, à la suite de la vente du château à M. le Duc d’Aumale, les prisonniers durent quitter le pavillon qu’il y occupaient ». M. Guibourg décrit : deux chambres au premier étage, deux au second, et deux mansardes dans le grenier, plus une petite cour humide dominée immédiatement par les fenêtres des maisons voisines. « De mauvaises murailles composent l’extérieur de l’édifice. L’intérieur est divisé par des cloisons en planches. La prison de Châteaubriant pourrait à peine contenir 16 détenus et la nécessité contraint parfois d’en colloquer 25 ».
En temps ordinaire le gardien, pour prévenir les évasions, est obligé de faire sentinelle pendant une partie des nuits. « Et lorsque des personnes plus dangereuses, plus entreprenantes, y sont amenées, il faut ajouter à la surveillance du gardien celle de la gendarmerie ».
« Si l’an dernier le choléra avait sérieusement envahi Châteaubriant, il est présumable que la prison trop petite et malsaine, serait devenue un foyer d’infection très inquiétant ».
M. Guibourg poursuit : « Puisque, malgré les progrès de ce qu’on appelle la civilisation, et peut-être même à cause de ces progrès, des prisons sont toujours une nécessité, il faut qu’elles soient installées selon les règles de l’hygiène et de l’humanité » [150 ans plus tard, le problème demeure en France !]
« Il est temps, il est grand temps que l’administration, qui a repris sa marche régulière, s’occupe sérieusement des moyens d’amener une réforme commandée par les motifs les plus impérieux. Le Département a fait d’immenses sacrifices pour élever, dans la ville de Nantes, un vaste palais de justice. Nous n’avons point besoin ici d’un édifice monumental. Il nous suffirait d’avoir une maison de détention modeste mais dans de bonnes conditions.
Le terme des sacrifices imposés au Département par le palais de justice de Nantes est arrivé. Néanmoins le Conseil Général dans sa dernière session, a cru devoir voter le maintien de la taxe extraordinaire de 15 centimes et demi (...). L’arrondissement de Châteaubriant a incontestablement droit d’obtenir, pour la construction d’une prison, un prélèvement qui, du reste, sera léger, dans le capital que produira la perception de ces 15 centimes et demi. ».
M. de la Pilorgerie, Maire et Conseiller Général, dit que, lors de la dernière session du Conseil Général, le Préfet « a promis de faire les dispositions nécessaires pour qu’un projet complet soit mis sous les yeux du Conseil Général dans sa session de 1850 ». Le Conseil Municipal donne son approbation à l’exposé de M. Guibourg et appuie M. de la Pilorgerie dans ses démarches.
Routes : un état affreux
10 février 1850 : M. de la Pilorgerie rappelle qu’une ordonnance royale du 26 juillet 1845 a modifié le classement des routes n° 163 et n° 178 dans la traverse de Châteaubriant et a implicitement laissé à la charge de la ville la portion de la route n° 163 comprise entre la Porte Saint Michel et l’entrée du Faubourg de la Barre, c’est-à-dire tout le rempart sud de la ville et la Place de la Motte, sur une longueur de 340 m.
En remplacement de ces 340 m l’administration des Ponts et Chaussées a pris la rue Saint Michel et la rue du Dos d’Ane d’une longueur de 205 m. « Cet échange est inégal, non seulement par la différence de 135 m que les Ponts et Chaussées ont en moins, mais encore et surtout sous le rapport des frais d’entretien ».
En effet, la nouvelle traverse officielle par les rues St Michel et Dos d’Ane n’est pas assujettie à une pression équivalente au dixième de celle que subit la traverse ancienne par le rempart et par la Motte. « La première n’est empruntée, et à de rares intervalles encore, que par des charrettes légères. Tandis que l’autre est presque perpétuellement foulée, écrasée, par le gros roulage, les diligences, les courriers et les voitures locales de toutes espèces »-
« La raison en est fort simple : la route par le rempart fait suite à la route d’Angers et principalement à celle de Laval dont elle est le prolongement naturel dans la direction de Nantes qui alimente par l’importation et l’exportation le plus important mouvement commercial du pays ».
« Le développement ne peut avoir pour conséquence d’imposer aux rouliers et voituriers un circuit de 860 m pour atteindre, par la nouvelle traverse, l’entrée du Faubourg de la Barre ».
« La route de Laval à Nantes est plus fréquentée à elle seule que l’ensemble des routes qui passent à Châteaubriant et c’est par le rempart que s’exerce toute la circulation », d’une part parce que cet itinéraire est plus court que l’autre (860 m de moins), et d’autre part parce que « c’est dans cette direction que se trouvent les auberges, les bourreliers, les charrons, les maréchaux, les relais, le bureau de la poste aux lettres, la poste aux chevaux, en un mot tous les établissements qui se rattachent au roulage et aux voyageurs »
La municipalité cherche donc le moyen de rattacher ce bout de route « par le rempart et la Motte » à une route plus importante. L’administration des Ponts et Chaussées pourrait « appliquer aux endroits les plus maltraités et qui manquent de fonds suffisants, les ressources affectées à la partie presque toujours déserte entre La Croix Laurent et le département d’Ille et Vilaine où le premier empierrement est à peine broyé ». « Ce serait une sorte d’assistance mutuelle d’un point à l’autre sans augmentation de frais. Quoi qu’il en soit, il importe que la traverse du rempart et de la Motte ne demeure pas plus long-temps dans l’état affreux où elle a été durant tout l’hyver »
19 février 1850 : le maire proteste parce que le chemin de grande communication de Châteaubriant à Bain de Bretagne, ne reçoit cette année qu’une faible dotation sur les fonds départementaux.
8 mars 1850 : « pour maintenir l’harmonie entre l’ensemble du Pont de la rue des Halles et l’aspect des clôtures, murs et bâtiments adjacents », le Conseil Municipal revient sur sa décision du 26 août 1849, et renonce à l’établissement de balustrades en fonte. Il arrête que le pont sera tout simplement garni de parapets en maçonnerie.
Des terrains sont vacants et disponibles à l’ouest de la nouvelle halle, au droit du mur de clôture de l’établissement des frères des écoles chrétiennes. Un projet de division prévoit ceci :
1.- un premier terrain, qui fait l’encoignure de la route n°163 et de la rue du dégagement de la halle. Longueur 24 m sur cette rue, superficie de 144 m2. Mise à prix 20 francs le m2.
2.- Le deuxième lot, à sa suite vers le Nord, présente une longueur de 20 m et une superficie de 186 m2. Mise à prix : 15 francs le m2
3.- le troisième à la suite vers le Nord, présente une longueur de 16 m et une superficie de 280 m2. Mise à prix : 10 francs le m2.
Ce qui rapporterait 8480 francs. [on verra, au 13 avril 1850, que tout sera changé]
Plan des façades
Le Conseil Municipal décide :
1.- toute maison aura au moins un rez de chaussée et un premier étage
2.- le niveau de plancher du rez de chaussée se raccordera avec la surface du trottoir
3.- l’étage du rez de chaussée aura, y compris l’épaisseur du plancher supérieur, une hauteur de 3,30 m à partir du dessus du plancher
4.- le premier étage aura une hauteur de 2,70 m non compris l’épaisseur du plancher supérieur
5.- chaque ouverture de porte aura une hauteur de 2,50 m environ
6.- chaque ouverture de fenêtre aura au moins 1,25 m de largeur et 1,60 m de hauteur.
7.- il est expressément interdit de construire des pignons sur la voie publique
8.- il sera indispensablement construit une maison à l’angle de la route 163 et de la rue de dégagement et cette maison devra avoir les façades montées et les portes et fenêtres en place dans le délai de deux ans au plus tard.
Yvon : tu veux ou tu veux pas ?
Négociation : Des négociations ont lieu avec le Sieur Yvon, tuteur de ses enfants mineurs, pour arriver à l’échange du terrain que ces derniers doivent fournir pour compléter la largeur de la rue de dégagement à l’est de la halle et pour régulariser l’accès de l’abreuvoir. Le terrain serait échangé avec deux parcelles appartenant à la ville. Le terrain des mineurs Yvon fait 200,82 m2. Le terrain de la ville fait 116,94 m2, « mais comme le terrain de la ville est beaucoup plus précieux à cause de sa situation que celui des mineurs Yvon, il y aurait égalité de valeur ».
Les bases de cet arrangement étaient convenues avec le sieur Yvon quand, patatras, contrarié par quelques membres de la famille, il a décidé de rompre la négociation. Le Conseil Municipal décide de recourir à l’expropriation, avec offre de 100 francs l’are, conformément à la délibération du 26 juin 1849.
N’ayant plus assez de membres présents pour délibérer, le maire lève la séance du Conseil Municipal.
La grande peur
10 mars 1850 : aux élections législatives, La Montagne perd 10 sièges au profit des Conservateurs et ne sauve que 21 sièges. Les Conservateurs s’en émeuvent cependant et demandent des mesures de salut public.
18 mars 1850 : la commission administrative de l’Hospice de Châteaubriant demande au Sous-Préfet l’autorisation d’établir une loterie, dont le produit, comme les années précédentes, sera employé « à soulager les indigents de la commune ».
10 avril 1850 : on annonce l’arrivée, mercredi 17 avril, de 310 chevaux et 330 hommes du 9e régiment de hussards. La difficulté est de loger les chevaux, d’autant plus que le mercredi, jour de marché, les écuries des aubergistes et maîtres d’hôtel se trouvent occupées par les chevaux des habitants des campagnes qui fréquentent le marché. Le maire demande que les escadrons retardent leur arrivée jusqu’à 6 h du soir.
Lit de douleur
10 avril 1850 : le maire intervient auprès du Préfet pour un mégissier de la commune, âgé de 30 ans, veuf, sans fortune, chargé de deux enfants en bas âge et privé de l’usage de ses membres. « Il est probable, affirme le docteur Delourmel, que les eaux de Barèges lui rendraient la santé ». - « N’existe-t-il au Ministère de l’Intérieur, aucun fonds destiné à faire participer à ce bienfait un membre de la population civile ? Sinon il faudra bien laisser sur son lit de douleur ce jeune père de famille si digne d’intérêt ».
Ce même 10 avril 1850, une femme de Châteaubriant dont le mari a été admis à l’asile départemental, a fait savoir qu’elle croit son mari guéri et qu’elle désire vivement son retour. « Malgré ce que je lui ai affirmé à cet égard, elle est portée à croire qu’il est retenu à l’hospice pour des causes qui ne tiennent pas à son état mental ». [La femme a sans doute des difficultés pour subvenir à ses besoins]
[on verra plus tard, au 20 juin 1850, que cet homme, libéré le 30 mai, s’est livré à des actes de brutalité et de fureur, ce qui obligera le maire à demander son enfermement à St Jacques à Nantes]
Tuffeau et crazanne
13 avril 1850 : « Après bien des vissicitudes » comme dit Jules de la Pilorgerie, la négociation avec les mineurs Yvon se présente ainsi : le Conseil de famille accepte « les conditions fondamentales » que le Conseil Municipal a toujours considérées comme indispensables à savoir :
. Échange sans soulte ni retour (malgré une différence de 83 m2)
. Acceptation d’un plan de façade sur un développement de 24 mètres à partir de la route nationale et sur cette route elle-même, étant précisé qu’il n’y aura obligation de construire que sur 11,33 mètres (rien n’est indiqué sur le reste des 24 mètres de façade).
Les ouvertures du rez de chaussée pourront être disposées suivant les convenances du constructeur, celui-ci ne sera point obligé d’employer des pierres d’appareil telles que tuffeaux et crazannes figurés sur le plan
[Tuffeau : pierre de porosité élevée et de faible densité, d’origine calcaire (dépôt de sources), qui durcit à l’air.
Crazanne : pierre blanche assez dure et très homogène provenant des carrières de Crazanne (près de Saintes).- ndlr]
13 avril 1850 : le Conseil Municipal de Châteaubriant revient sur sa décision du 8 mars dernier., et décide que :
. La parcelle D, à l’angle de la Halle et de la route 178 fait 165,60 m2. Obligation d’y élever un plan de façade déjà adopté pour la portion parallèle située à l’Est qui concerne les mineurs Yvon. Prix de vente : un peu plus de 12 francs le m2 (et non plus 20 francs comme au 8 mars)
. La parcelle C située à la suite au Nord fait 20 m sur la rue latérale à la halle (cette rue étant de 8 m). Les 212,22 m2 seront vendus à 12 francs le m2 (et non plus 15 francs comme au 8 mars)
. La portion B sise encore à la suite vers Nord fait 17 m sur la place et 300,22 m2. Elle sera vendue 10 francs le m2.
Ce qui fera au total 7547,64 francs.
« Les lots B et C ne sont pas soumis à un plan de façade mais il est de rigueur que les constructions soient sans pignon sur rue et sans ruelles séparatives de maisons. La hauteur des étages, sans que le nombre soit déterminé, se trouvera au moins égale à celle des maisons-modèles des encoignures ». Les déblais provenant des fouilles seront acquis à la ville et déposés à l’endroit indiqué par l’autorité municipale dans le périmètre de la halle.
Quant au reste de l’excédent du pré (soit 985,79 m2), et coté A, « réserve en est faite par la ville soit pour s’aliéner ultérieurement, soit pour l’affecter à un usage d’utilité publique »
Toujours ce 13 avril 1850 : le sieur Maurice demande la résiliation pour la Saint Jean prochaine, du bail signé le 19 février 1849, pour 280 francs par an, de la maison communale située sous les halles [les vieilles]. Il donne la raison de cette demande : « sa misère et son insolvabilité qui est telle qu’il ne lui reste d’autre ressource pour payer le terme échu à Noël dernier et celui à échoir à la Saint-Jean, que le montant de son cautionnement versé à la caisse municipale ». Le Conseil Municipal accepte la résiliation et cherche un autre locataire. L’histoire ne dit pas où le pauvre homme va aller loger.
Enfin un nouveau crédit de 100 francs est mis à disposition du maire pour continuer le paiement du surveillant des travaux de la halle.
Le rouge effraie la Bourse
28 avril 1850 : à cette époque, un même homme avait le droit de se présenter comme député dans plusieurs départements. C’est ainsi que, le siège de Paris devenant vacant, le romancier Eugène Sue, présenté par les démocrates, est élu face à un conservateur.
Catastrophe, cette élection fait craindre un péril rouge, la Bourse baisse, les prêteurs de la Caisse d’Epargne retirent leurs fonds. Beaucoup d’étrangers quittent Paris !
8 mai 1850 : l’Assemblée Nationale est saisie d’un projet de loi électorale pour faire la guerre au socialisme. Thiers parle du peuple comme d’une « vile multitude » provoquant la colère des Montagnards.
20 mai 1850 : Victor Hugo : discours sur le suffrage universel
20 mai 1850 : le Conseil Municipal se réunit seulement pour décider que M. De Boispéan, Auguste, fils, est admis sur sa demande, dans les contrôles de la Garde Nationale.
24 mai 1850 : par testament olographe, Mlle Ernoul de la Provôté, Marie Jeanne Françoise, a légué aux pauvres de l’hospice civil de Châteaubriant un pré situé Faubourg de Béré nommé "Le Chêne Chollet"
26 mai 1850 : la comptabilité communale, c’est pas de la tarte. Au Conseil Municipal, Jules Victorien Luette de la Pilorgerie, maire de Châteaubriant, rappelle qu’il a été ouvert, au chapitre additionnel de 1849, un crédit de 42 067,87 francs pour les travaux de la Halle, adjugés le 16 juillet 1849.
Sur ce crédit, des dépenses ont été ordonnancées, qui le réduisent à 30 803,62 francs. Cette portion de crédit n’ayant pas été dépensée avant le 31 mars 1850, se trouve périmée.
Cependant le progrès des travaux est tel que : « il y a lieu de compter à l’entrepreneur un nouvel acompte de 8000 francs, qui sera suivi de plusieurs autres avant la fin de l’exercice ». Le Conseil Municipal est donc d’avis de rétablir le crédit et d’autoriser le receveur municipal à payer l’acompte de 8000 francs.
Le Conseil Municipal passe ensuite à des questions diverses :
Inutile : M. Guimené expose la nécessité d’aliéner le sol d’un chemin marécageux, près du village du Moulin Neuf. « chemin inutile et impraticable »
Illicite : M. Hervochon qui signale que François Ernoul Provôté occupe, de façon illicite, une parcelle de terrain, « sur la lande de Saint André au Sud et à l’entrée du chemin de Bain ». Le dossier est renvoyé à une prochaine séance pour explication.
Palâtres : un conseiller présente l’urgence de terminer la rue des Halles. Le maire explique que le trottoir occidental ne peut être achevé tant que M. Couettoux n’a pas fait enlever les palâtres saillants qui recouvrent l’escalier descendant à la cave de sa maison. « Le ville ne peut pas faire disparaître elle-même ces palâtres qui sont liés avec la muraille d’une tour caduque qui paraît susceptible de s’écrouler au moindre choc ». Le Conseil Municipal demande au maire d’insister auprès de M. Couettoux, « qui a touché depuis longtemps l’indemnité fixée pour l’expropriation d’une parte de sa maison » et pour que sa tour cesse d’être un danger.
[Le terme " Palâtre " désigne
généralement un boîtier métallique
enfermant le mécanisme
d’une serrure. Il est employé ici
dans une signification plus large- ndlr]
Halle au blé : le moment est venu de démolir le porche de la halle au blé acheté aux époux Gauchet. [il s’agit de la vieille halle]
Stagnantes : la dame veuve Clerc se plaint de la stagnation d’eaux, qui ne sont pas toutes pluviales, à l’entrée de sa cour, située derrière l’église St Nicolas. Elle propose à la ville d’établir, aux frais de la caisse municipale, un canal souterrain pour conduire ces eaux jusqu’à la ruelle ménagée « entre les propriétés Sabathier et Lepage. Les dites eaux seraient alors déviées par la dite ruelle à travers la rue de la Pompe ».
Mais le maire signale l’inadmissibilité de ce système, « attendu que les propriétaires Sabathier et Lepage ne veulent pas recevoir dans leur ruelle ce supplément d’eaux et qu’on ne peut leur imposer cette charge ». Le maire propose d’établir un caniveau pavé pour amener les eaux par la Cour de la Coquerie.
Plusieurs conseillers font alors observer que, lors du nivellement du sol, au levant et au nord de l’église St Nicolas, « à la fin de l’hyver dernier », les pentes ont été changées. « En effet, avant le nivellement, les eaux pluviales et autres s’écoulaient vers la Place St Nicolas, depuis l’entrée de la cour de Mme Clerc » : il y a donc lieu de restituer cette direction. Mais le maire objecte que cela paraît difficile à cause de l’état des lieux. Décision renvoyée à une prochaine séance.
[Finalement, au Conseil Municipal
du 30 mai 1850, il sera décidé de
construire un caniveau
vers la Cour de la Coquerie]
Deux salles de classe
Toujours ce 26 mai 1850, le Conseil Municipal décide de construire une cloison, dans la salle de l’école communale, pour séparer la dite salle en deux. « Cette séparation a pour objet d’établir deux divisions et d’utiliser ainsi le sous-maître attaché à l’école ». La cloison sera en bois
Il est décidé aussi une dépense de 40 francs pour mettre des rideaux aux fenêtres méridionales de la salle de classe.
Quant au puits demandé « dans l’enceinte de l’enclos de la dite école », le Conseil Municipal ajourne définitivement la discussion, en arguant des difficultés de réalisation du projet.
Histoire d’eaux : M. de Boispéan présente une réclamation : il demande qu’il soit constaté que les travaux exécutés sur sa propriété par la ville, pour l’écoulement souterrain des eaux de la Fontaine Saint Jean, ne l’ont été que par tolérance « et ne peuvent constituer un droit de servitude ».
C’est une vieille histoire qui date au moins de 1834 ! Le Conseil Municipal se réfère au 17 août 1845 et au 8 février 1846, puis au Conseil de Préfecture qui a pris un arrêté, le 18 mars 1846, autorisant la commune à ester en justice « pour défendre à l’action que M. de Boispéan se proposait de lui intenter pour la même cause et en outre à l’occasion d’un curage ». Cette affaire excède la patience du Conseil Municipal qui, loin d’accorder à M. de Boispéan la reconnaissance qu’il demande, estime qu’il y a lieu de soutenir le procès
en se servant de l’autorisation octroyée par le Conseil de Préfecture.
Envahissement : le Conseil Municipal est d’autant moins enclin à faire des concessions, qu’il entend M. Legal se plaindre d’un envahissement qui aurait été commis par M. de Boispéan sur un chemin public et « qua eu pour résultat d’accroître l’étendue de sa prairie, dite Le Champ de Foire, en face de la muraille occidentale du cimetière ».
Mais des Conseillers sont sortis en cours de séance : l’assemblée s’est trouvée réduite à un nombre insuffisant pour délibérer. La soirée étant d’ailleurs avancée, la continuation de la séance est renvoyée au 30 mai.
30 mai 1850 :
Pour l’histoire de Mme Clerc, un caniveau sera construit derrière l’église pour conduire les eaux sur la Cour de la Coquerie.
Au budget supplémentaire de 1850, le Conseil Municipal inscrit le badigeonnage de l’extérieur de l’église St Nicolas (pour 25 francs) et l’achat de 28 tournevis et de 28 monte-ressorts pour la garde nationale (70 francs)
Au budget de l’année 1851 on trouve divers salaires annuels :
Secrétaire de mairie 800 francs Commis expéditionnaire 300 Commissaire de police 600 Instituteur 600 Sous-maître 300
Une indemnité de 20 francs sera donnée au gardien de la prison « pour détention de tapageurs au violon ». 30 francs seront consacrés à l’achat de prix pour les élèves de l’école communale et 20 francs pour les élèves du collège Sainte Marie.
Le Conseil Municipal doit pourvoir à l’entretien des halles et marchés, des pavés, fontaines et abreuvoirs, de l’horloge, des promenades publiques, des pompes à incendie, de l’éclairage, des chemins vicinaux, des bâtiments communaux. Il s’occupe du balayage et de l’enlèvement des boues. Et des fêtes publiques.
Garde Nationale
Le Conseil Municipal effectue le retranchement des hommes âgés de plus de 55 ans et de ceux qui ont quitté la commune. Parmi les professions des gardes on relève : journalier, tisserand, sabotier, tailleur, voiturier, marchand de parapluie, tanneur, conducteur de diligence, facteur rural, postillon, peigneur, ferblantier, coutelier, perruquier, boisselier, paveur, greleur, mégissier, corroyeur, cloutier, carrier, poëlier, blanchisseur, fondeur, commis à cheval, boulanger, domestique, marin, agent d’assurance, notaire, huissier, instituteur, secrétaire, prêtre, juge, banquier, agent-voyer, imprimeur et divers marchands.
31 mai 1850 : A Paris, la nouvelle loi électorale est votée. Pour être électeur, il faut occuper son domicile depuis 3 ans, au lieu de 6 mois. De ce fait, la population ouvrière des villes et les artisans de village sont éliminés presque mécaniquement. Les condamnés sont également exclus même si leur condamnation est due à un délit politique.
Trois millions d’électeurs sont ainsi écartés du suffrage universel. Victor Hugo écrira : « le suffrage universel a aboli le droit d’insurrection. La loi actuelle le rétablit ». Mais les Républicains ne manifestent pas, refusant de donner prétexte à une dictature policière
Chateaubriand : Atala, Le Génie du Christianisme, René, Les Martyrs : François René de Chateaubriand, écrivain et homme politique, se sent vieux. Depuis 1809 il travaille à un vaste projet : ses Mémoires d’Outre-tombe destinés à n’être publiés qu’après sa mort. Il les achève en 1841 mais les remanie pendant 7 ans. C’est l’époque de sa vie où il est déchiré entre sa passion de la vie et sa hantise de la vieillesse. Il a connu la gloire et l’a aimée, il a eu de nombreuses maîtresses se distinguant par leur beauté et leur esprit. Comment peut-il renoncer au monde et à l’amour alors que son âme est encore jeune ? Chateaubriand, paralysé, meurt en juillet 1848, à l’âge de 80 ans. Les Mémoires d’Outre-tombe commencent à paraître trois mois après sa mort, sous forme de feuilleton, jusqu’en 1850. A côté d’un autoportrait assez flatteur, Chateaubriand réunit le passé et l’avenir dans une même vision historique. Les Mémoires traduisent une conscience très nette de l’écoulement du temps, perçu comme la destruction des monuments, des civilisations et de la mémoire, et comme l’approche de la mort que l’écriture doit enrayer en fixant souvenirs et pensées, en les immortalisant. |
Eugène SueAprès divers romans maritimes, Eugène Sue aborda le roman de mœurs avant d’exprimer ses idées sociales et démocratiques dans « Les Mystères de Paris », à travers l’histoire de Fleur-de-Marie, enfant trouvée et prostituée au cœur pur. Paru sous forme de roman-feuilleton, cet ouvrage dénonce les misères de l’époque (1842-1843), annonçant Les Misérables de Victor Hugo. Eugène Sue écrivit aussi Le Juif errant, dirigé contre les Jésuites, et Les sept péchés capitaux. Le roman-feuilleton "Les Mystères du peuple", commencé en 1849, élargit espace et temps pour donner une vision totale de l’Histoire humaine à la lumière de l’idéologie de 1848. immense fresque où vont se mêler l’épopée, le cours d’histoire, le lyrisme déclamatoire, le mélodrame, le catéchisme socialiste et la pédagogie. Ce sont les massacres de l’histoire, la lutte des classes et l’oppression du peuple qu’Eugène Sue livre à ses lecteurs. Contrairement aux Mystères de Paris, les opprimés ne subissent plus fatalement leur destinée, ils se rebellent. Ce roman sera condamné à la destruction totale en 1857 pour outrage aux bonnes mœurs, outrage à la religion catholique, excitation à la haine, attaques contre le principe de la propriété. Mais tous les exemplaires du livre ne seront pas détruits.... |
Sources :
Archives municipales séries 1 D 19 et 2 D 11 (courriers)
Histoire de la France et des Français par A. Castelot et A. Decaux (Editions Robert Laffont)
Espaces et Civilisations, 4e, Ed Belin
Histoire générale de la peinture, Ed. du Rionzi, Lausanne 1966