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Cadou

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 Par Mythèse Moriellon

Cadou
Galet ruisselant d’autres mots
Roulés entre berges gourmandes
Friandise ... et caillou.

Devant la demeure du poète
La première fois, je passai mon chemin
Et sortis de l’échoppe avec un autre poète
Maïakovski peut-être,
A vingt ans, que de points levés
Pour deux mains qui se nouent

Je revins avant la fin du jour,
Celui-ci ou un autre,
La poésie méconnaît le temps de la prose.
Je vins, suspendue à la rime
Comme la prise à l’appât.
Il suffisait d’entrer.
Il suffit de remuer doucement l’humus
Avec des doigts de paille
La vie est là, pérenne,
Votre vie,
La belle vie illimitée, les autres s’en emparent
L’étranger prend des libertés, plaide sa cause :
Je passais là par hasard ...
De la beauté rien ne se perd
Nous sommes tous des passants
Qui mendions notre provende.

Dans la joie et dans la peine,
Je suis entrée. Le poète avait dit :
« Ce sera comme un arrêt brutal du train »
Etoiles, clouées sur le drap noir du ciel,
Contre l’éternité tête longuement appuyée,
J’allai en vain chercher le billet du retour
Dans un port de mer tout au nord de chez nous.
Lors, je n’avais en poche que les mots de Cadou.

Mais la voix du poète parlait haut,
Plus haut que les orages,
Plus fort que la tempête :
A quoi bon hérisser de clous
La couche où l’on repose ?
Pourquoi, sur le chemin, toujours dresser des croix ?
Mais non, rassurez-vous ... Cadou n’a pas dit cela !
Usant de ses mots clairs comme des lampes
Il a simplement murmuré :
« A quoi bon revenir à pas lents dans l’allée ? »

Cadou a pétri les mots
Comme s’il faisait du pain
A la meule fondante
A la croûte craquante,
Que la vie incise de ses coups de couteau.

Je suis entrée pour la peine
Mais aussi pour la joie,
Pour l’auberge posée au creux de nos fatigues
Et le fruit du redoux sur les vignes du givre.
Les mots gravides enfantent leur jeunesse,
La peau des vergers n’a pas pris une ride
Ni dans le ciel, assigné, le visage d’Hélène.
Celui qui entre par hasard dans sa demeure
Sait que toutes les femmes du poète s’appellent Hélène
Et depuis plus de trente ans, il n’est pas une Hélène
D’où qu’elle vienne, qui à l’oreille, ne me chante .. Cadou.

Mythèse Morillon