9 juillet 1842 : le maire écrit au Préfet que la commune de Châteaubriant peut être divisée ainsi :
Familles aisées 565
Familles indigentes 359
[cela fait près de 39 % d’indigents, c’est considérable]
« Si tous les enfants mâles de ces dernières familles étaient admis à l’école communale, le nombre s’élèverait au moins à 300 ».
12 juillet 1842 : le Duc d’Orléans, fils aîné de Louis Philippe, est victime d’un accident près de la Porte Maillot à Paris, dans le « chemin de la Révolte ». Il meurt le lendemain. Apprécié de tous, il était pressenti pour succéder au roi Louis-Philippe qui est âgé de 70 ans. Alexandre Dumas déclare alors « Dieu vient de supprimer le seul obstacle qui existait entre la Monarchie et la République » tandis qu’un chansonnier ajoute « Je trouve que la Providence se fait furieusement républicaine » : mourir une veille de 14 juillet, sur « le chemin de la Révolte » n’est-ce pas un signe du destin ? Une manifestation de la colère divine ?. La régence est confiée au Duc de Nemours, deuxième fils de Louis-Philippe, en attendant que le jeune Henri, fils du Duc d’Orléans, qui n’a que 4 ans, atteigne ses 18 ans.
22 juillet 1842 : dans les cahiers de Châteaubriant il n’est pas fait mention de ce drame. Autrefois on aurait eu droit à des proclamations enflammées ! Les autorités municipales se contentent de gérer la ville. Tenez, le maire écrit à l’agent de police, qui a menacé de démissionner : « Mes reproches vous offensent ? Ai-je le droit de vous en faire ? Vous mettez-vous en devoir de les éviter ? Ne vous répétai-je pas à peu près toujours la même chose ? Il paraît que vous vous méprenez depuis longtemps sur la nature de vos fonctions (...). Réfléchissez ! »
23 juillet 1842 : le maire intervient auprès du Préfet en faveur d’une famille dont deux des filles, âgées de 26 et 28 ans, placées comme femmes de chambre « dans de bonnes maisons » ont été obligées d’en sortir : « Elles tendent à l’idiotisme. Celle dont la maladie est la plus ancienne s’occupe d’idées religieuses. L’autre s’effraye de tout et particulièrement des gendarmes dont elle parle sans cesse ».
Le maire demande une aide pour cette famille parce que, « non seulement elle est privée de leur travail, mais encore elle est obligée de faire surveiller toutes leurs actions ».
Le même jour, le maire écrit au Préfet qu’il y a à Châteaubriant « un vieillard de 68 ans ; privé de vue, sans domicile et sans asile » mais qui ne peut être conservé à l’hospice car il est étranger à la ville. Il demande au Préfet de le faire admettre à Nantes au dépôt de mendicité où Châteaubriant n’a aucun de ses membres. « J’y avais obtenu une place pour un pauvre infirme qui fut refusé plus tard parce qu’il était attaqué d’un cancer chronique à l’œil » [Le Préfet donnera son accord le 3 septembre 1842].
Chiens enragés
26 juillet 1842 : le maire écrit au Commandant de Gendarmerie : « Des chiens enragés ont parcouru la ville, y ont occasionné des ravages et plusieurs personnes en ont été les victimes ». Le maire fait rappeler aux citoyens l’obligation de tenir les animaux attachés, et au Commandant de faire exercer une surveillance active pour empêcher, s’il est possible, de nouveaux malheurs
Juillet 1842 : Victor Hugo : j’aime l’araignée
12 août 1842 : 50 francs supplémentaires sont envoyés à la ville de Hambourg pour ses malheureux sinistrés.
21 août 1842 : réunion du Conseil Municipal à Châteaubriant sous la présidence de M. Bivaud. Le maire Louis Brossays est encore absent mais il a fait envoyer un exposé dans lequel il explique que l’évêché suggère d’acheter l’ancienne cure de Béré avec ses dépendances pour l’affecter au desservant de la paroisse.
Le propriétaire des lieux, l’abbé Robert, consentirait à traiter moyennant une rente viagère de 650 francs. Après discussion, le Conseil est d’avis que le rachat serait avantageux, que la caisse municipale peut contribuer annuellement pour 400 francs, le surplus devant être fourni par la Fabrique de Béré ainsi que les frais de réparation, le paiement des impôts, les frais d’acte et accessoires. L’engagement de la Fabrique devrait être cautionné et garanti par une ou plusieurs personnes solvables, avec affectation hypothécaire suffisante.
Le sieur Yvon a présenté une nouvelle demande tendant à obtenir une réduction sur le prix annuel d’adjudication du droit d’étal. Le Conseil décide d’accepter la résiliation du marché, de la part du sieur Yvon, en lui versant une indemnité de 50 francs.
Un conseiller fait remarquer que déjà de nombreux accidents ont eu lieu, par suite du trop peu de hauteur des bornes plantées aux angles de certaines maisons de la ville, « les roues des voitures, dit-il, montent jusque par dessus le sommet de ces bornes et il en résulte une secousse violente ou un versement ». Il demande que les bornes aient une hauteur hors terre d’un mètre au moins.
Ce même jour, le Conseil exprime le vœu que les réparations aux toitures du château soient enfin entreprises.
28 août 1842 : toujours sous la présidence de M. Bivaud. M. Lesage expose que les plans du chemin de grande communication n°14, de Châteaubriant à Ancenis ont été préparés, qu’il paraît certain que l’on suit d’abord la route royale d’Angers jusqu’au village de la Franchetière, qu’on se rend ensuite au bourg d’Erbray puis aux Grands Ponts et que l’on parcourt ainsi 15 à 16 km pour se rendre à ce point. Tandis que si on suivait l’ancien chemin d’Auverné on ne ferait que 12 km en partant de Châteaubriant pour arriver au même point des Grands Ponts. « Si l’on ne veut consulter que l’intérêt public et l’opinions de toutes les personnes intéressées à la construction de cette route, il faut suivre l’ancien chemin car, si l’on excepte les habitants du bourg d’Erbray, tous les habitants des autres communes ont intérêt à suivre une route ayant 3 à 4 km de moins de longueur, et à éviter trois côtes rapides, celles de Saint-Michel, des Fougerais et du Chêne au Coq. (...) . Il explique que cette route serait utile à la commune de Moisdon et aurait l’avantage de « percer et d’éclairer une partie de l’arrondissement dont les communications avec Châteaubriant sont assez difficiles en hyver ». Son exposé recueille 11 voix sur 12.
Garnison ? Non !
Enfin le Conseil prend connaissance d’une lettre du Sous-Préfet, du 4 juillet 1842, qui souhaite établir, dans chaque ville de garnison située sur les routes militaires et constituées d’un gîte d’étape, une caserne de passage, spécialement affectée au logement des troupes en marche et des militaires voyageant isolément. Le Conseil répond sèchement, à l’unanimité, que Châteaubriant n’est pas un lieu de garnison et que d’ailleurs il ne possède ni literie ni local.
24 septembre 1842 : lettre au propriétaire d’une maison de la Grande Rue lui demandant de « curer le ruisseau des Vozelles » [c’est à dire le Rollard] qui passe dans sa maison. »
Septembre 1842 : à Paris, Ledru-Rollin, chef du Parti Radical, et Lamartine, défendent avec fougue le suffrage universel (et non plus le suffrage censitaire réservé à ceux qui paient un certain montant d’impôts). Pas d’écho à Châteaubriant.
Octobre 1842 : des élections législatives, provoquées par la dissolution de la Chambre des Députés, ne modifient pas la majorité et ne la renforcent pas non plus. Pas d’écho à Châteaubriant.
La Fabrique refuse
9 octobre 1842, à Châteaubriant sous la présidence de M. Bivaud (le maire est encore absent), il est lu une délibération du Conseil de Fabrique de la succursale de Saint Jean de Béré, repoussant l’offre formulée par le Conseil Municipal le 21 août dernier. Le Conseil de Fabrique ne veut pas payer tous les frais de réparation, ni la totalité des impôts, ni les coûts d’actes et accessoires, et ne veut pas « fournir une garantir hypothécaire pour les coups [sic] ci-dessus » ni payer les 250 francs annuels « laissés à la charge de cette Fabrique pour completter la rente viagère de 650 francs ».
Le Président de séance fait valoir que le crédit de 10 francs ouvert le 26 mai dernier pour clore l’accès du puits du faux-bourg Saint Michel, est insuffisant parce que M. Sinoir, menuisier, estime la porte à 17 francs. Le Conseil porte le crédit à 17 francs.
Le Conseil vote en outre 126 francs destinés aux élèves gratuits de l’école communale, pour l’achat de « 30 volumes de la doctrine chrétienne, 30 volumes de l’abrégé de l’Ancien Testament et 160 cahiers manuscrits formant 40 volumes ». Les livres réformés devront être rapportés à la mairie « dont le cachet sera appliqué sur différentes pages des livres et cahiers neufs afin de pouvoir les reconnaître ».
Enfin un crédit de 15 francs est voté pour faire monter le poêle dans la nouvelle salle de l’école communale, avec la précaution de faire établir, sous ce poêle, une tablette pour empêcher la communication du feu au plancher.
24 octobre 1842 : une allocation de 2400 francs est promise par le Ministre de l’Instruction Publique pour aider la commune de Châteaubriant dans ses frais de construction de la Maison d’Ecole aujourd’hui entièrement terminée.
9 novembre 1842 : le maire écrit à l’école des Arts et Métiers d’Angers : « les ressorts que vous aviez bien voulu pour faire marcher l’horloge que votre établissement a fournie à la ville de Châteaubriant , sont tous usés et cette machine, par suite de la rupture du dernier se trouve aujourd’hui à ne plus marcher. Pouvez-vous nous en faire parvenir une certaine quantité sans perte de temps ? »
Ces malheureux
17 novembre 1842 : le maire au Préfet : le passage des condamnés soumis à la surveillance est toujours un problème car « ils sont généralement sans moyens pour se sustenter, il en résulte donc pour eux l’obligation d’aller tendre la main ou bien d’être admis dans l’hospice de cette ville, à consommer les ressources destinées aux vieillards infirmes et indigents pendant les 5-6 jours nécessaires pour obtenir un visa. La réunion d’un trop grand nombre de condamnés peut-être occasionnée à raison du délai exigé pour l’accomplissement des formalités, peut compromettre la sûreté publique dans les campagnes où ces malheureux se répandent toujours pour y trouver à vivre et à se loger ».
Ainsi, courrier après courrier, en cette année 1842, le maire brosse un tableau de la misère quotidienne dans une petite ville de province, faisant ainsi le pendant au fameux « Enrichissez-vous » que plaidait le Premier Ministre, Guizot, le 15 janvier 1842.
20 novembre 1842 : le sieur Yvon, qui était adjudicataire du droit d’étal [étalage] est décédé le 7 septembre 1842 et, à ce Conseil Municipal (où le maire Louis Brossays est toujours absent), il est lu une lettre de « la dame veuve Yvon et ses enfants [qui] ont consenti la résiliation du droit d’étal à partir du 1er janvier 1843 ». Le Conseil décide de renouveler ce bail en fixant la mise à prix à 750 francs et en y insérant les mêmes conditions que précédemment mais en précisant que :
L’entretien de la couverture et des piliers de la halle, sera fait par l’adjudicataire à son compte
L’expiration du bail du droit d’étal sera mise à coïncider avec celui du pesage et mesurage publics, de manière toutefois à ce que la durée soit de 5 ans.
A ce Conseil, il est lu aussi une ordonnance royale du 22 octobre 1842 autorisant la commune de Châteaubriant à accepter de Mme Veuve Connesson, moyennant une rente viagère de 350 francs, l’abandon de son droit d’usufruit sur la partie du château comprenant l’appartement occupé par M. Chauveau-Lagarde (conservateur des hypothèques) et le magasin de la pompe à incendie (situé dans la cour de la Gendarmerie). Après quoi, le Conseil autorise le président de séance (M. Bivaud, adjoint) à passer avec M. Chauveau-Lagarde, de gré à gré, au prix de 430 francs par an et pour 6 ans, un bail pour l’appartement qu’il occupe déjà. Le preneur s’oblige à payer, outre le prix ci-dessus, l’intérêt à 5 et 10 % du montant de certaines réparations qui seront exécutées.
Les têtes sont caduques
Toujours au château, il se trouve que les têtes de trois cheminées de la portion du château dépendant de la location du Sous-Préfet sont « caduques ». « Et pour prévenir les accidents qui, tout en brisant les charpentes et les planchers, pourraient compromettre la vie des personnes, il est indispensable de les démolir et de les reconstruire ». Dépense envisagée : 72 francs.
De plus, 30 francs sont mis à la disposition du maire pour :
1.- réparer une serrure à la porte de l’appartement où se trouvent les bureaux de la sous-préfecture
2.- réparer le carrelage de la chambre occupée par le Sous-Préfet, et faire un « galandage de la cheminée ». (le galandage, on dit encore galandise, c’est une cloison non porteuse, de briques maçonnées sur chant).
3.- réparer l’ancien local de la sous-préfecture, destiné désormais à placer le matériel des poids et mesures.
Par ailleurs une commission est nommée pour vérifier la demande du lieutenant de Gendarmerie qui souhaite faire réparer diverses dégradations dans la partie du château servant de caserne, où il demeure avec ses subordonnés.
Les lattes sont pourries
27 novembre 1842 : toujours sous la présidence de M. Bivaud (adjoint), en l’absence du maire Louis Brossays, la commission désignée ci-dessus a constaté que « les dégradations signalées aux plafonds proviennent du mauvais état des couvertures du château, qu’il est fort difficile de rendre imperméables aux eaux pluviales à cause de l’écartement trop grand des chevrons entre eux et de la trop forte portée des lattes dont la plus grande part sont pourries et ne peuvent plus supporter l’attache des clous ». Il conviendrait que le bâtiment de la gendarmerie soit recouvert à neuf, de même que celui de M. Chauveau-Lagarde, « avec la précaution d’augmenter suffisamment le nombre de chevrons ». La superficie totale de ces couvertures est évaluée « à environ 1000 mètres » pour un prix de 250 francs.
C’est bon ou c’est pas bon ?
M. Bivaud déclare que, la veille, 26 novembre, le maire Louis Brossays lui a remis deux documents qu’il dépose sur le bureau. Le premier est une délibération du Conseil de Fabrique de la succursale de Béré [= église de Béré], en date du 20 de ce mois, contenant copie d’une lettre du 11 novembre adressée au desservant de la succursale par monsieur l’abbé Robert, propriétaire de l’ancienne cure de Béré. Cette lettre autorise le Conseil de Fabrique à déclarer au Conseil de la Commune qu’il s’obligera à ne demander à la ville jamais plus de 400 francs annuels, sa vie durant, au cas où la Fabrique deviendrait insolvable.
Le Conseil de Fabrique demande alors au Conseil municipal :
1.- s’il trouve ce genre de garantie suffisant
2.- si en conséquence il veut bien consentir à porter dorénavant l’indemnité de loyer du desservant de Béré à une somme de 400 francs jusqu’au décès de l’abbé Robert, condition à laquelle la Fabrique de la succursale se chargerait de traiter seule avec le propriétaire et de fournir seule tous les frais d’acte, d’enregistrement, d’impôts et de réparations locatives. (ndlr : le langage administratif de l’époque n’a rien à envier à celui de maintenant !).
Le deuxième document est une copie du budget du Conseil de Fabrique, vu et approuvé par l’évêque le 24 juin 1842 lors d’une visite pastorale. Il résulte que ce budget est en déficit .
Le Conseil Municipal note ce déficit et relève que le Conseil de Fabrique ne prend aucun engagement sur les grosses réparations qui peuvent être nécessaires pour rendre la maison habitable. En conséquence, il persiste à réclamer une garantie hypothécaire, ou exige d’obtenir la preuve irrécusable « que l’immeuble en question est en bon état aujourd’hui dans toutes ses parties et offre la chance d’y rester jusqu’à l’extinction de la rente demandée ».
Par ailleurs, des membres du conseil municipal, « au rang desquels figurent des fabriciens de Béré » font observer que l’intention de la Fabrique est de se charger de toutes les réparations, grosses et menues et que, du reste, la maison n’a besoin que de légères réparations. Ce à quoi d’autres conseillers répliquent qu’une simple affirmation ne peut suffire dans une matière aussi grave.
Bref, on passe au vote ... et on vote la mise en place d’une commission de trois membres, en plus du maire, qui, assistée d’un architecte et d’un ouvrier « capable », devra faire son rapport pour la prochaine séance.
11 décembre 1842 : (toujours sous la présidence de M. Bivaud). Voilà que le Préfet demande des explications au sujet de la délibération du 20 novembre dernier concernant la location du droit d’étal sous la halle et sur les places publiques.
Ca ne plaît pas aux Conseillers qui sont d’avis « qu’il n’y a rien à expliquer ou à rectifier parce que le texte fort lisible du Procès verbal porte SANS RECOURS, et non pas SAUF RECOURS, et qu’en conséquence la disposition est fort intelligible ».
En ce qui concerne l’église St Nicolas, le Conseil Municipal maintient ses votes des 8 et 24 juin 1841, autorisant la Fabrique à vendre une inscription de rente de 75 francs à 5 % qu’elle possède sur l’Etat, afin d’en employer le produit à concourir au paiement des travaux d’agrandissement de l’église (le Conseil rappelle que la caisse municipale ne pourra en aucun cas être appelée à y contribuer).
Sources :
Archives municipales série 1 D 18 et 2 D 9
Histoire de la France et des Français par A. Castelot et A. Decaux (Editions Robert Laffont)
Rois de France, Ed.Atlas