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1840 (de juillet à décembre)



5 juillet 1840 : le sous-préfet demande l’avis du Conseil Municipal sur le projet de St Julien de Vouvantes qui souhaite établir trois foires nouvelles, les 26 mars, 8 mai et le mardi d’après la Toussaint. Après avoir lu une circulaire ministérielle du 8 novembre 1822 sur les inconvénients de la multiplication des foires, le Conseil répond que les foires et marchés existants dans les environs sont considérables, et que le marché hebdomadaire de Châteaubriant offre à toutes les communes « circumvoisines », les moyens de satisfaire les nécessités du commerce de ces localités. Il s’oppose donc à la demande de Saint Julien de Vouvantes « qui d’ailleurs jouit, depuis une époque immémoriale, d’une foire renommée à la fin du mois d’août chaque année »

 La guerre en Orient ?

15 juillet 1840 : sans prévenir la France, engagée en Algérie dans une conquête difficile, l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse et la Russie signent un traité et lancent un ultimatum à Méhémet Ali, vice-roi d’Egypte, pour qu’il se contente de la succession héréditaire de l’Egypte et du Soudan, et abandonne la Syrie. La France voit ainsi son influence en Méditerranée, menacée.

2 août 1840 : une commission est nommée pour examiner les plans et devis de la future « maison d’école communale ».

Le Conseil accepte la vente à des particuliers de divers bouts de terrains communaux « dont la mise en culture sera favorable au pays ».

Le maire est autorisé à faire des réparations à l’écurie de la caserne de gendarmerie.

Le maire informe le Conseil que la négociation avec M. de Boispéan « sur la question de la jouissance du Champ de Foire » n’est pas encore terminée.

6 août 1840 : le prince Louis Napoléon Bonaparte, qui avait déjà tenté de prendre le pouvoir à Strasbourg le 30 octobre 1836, renouvelle sa tentative et débarque d’Angleterre à Boulogne avec une poignée d’amis mais les régiments refusent de le suivre et en trois heures tout est terminé. Louis Napoléon est arrêté et conduit au fort de Ham puis condamné à la détention perpétuelle.

16 août 1840 : la cession d’un terrain à la ville, par l’hospice, pour la construction de la maison d’école communale, a été autorisée par le gouvernement.

La commission chargée d’étudier les plans et devis, propose quelques modifications dans le but de faire baisser le prix des travaux et d’obtenir en même temps « plus de solidité et de grâce dans l’ensemble de l’édifice ».

Un conseiller propose l’acquisition du Champ de Foire de Béré, par voie d’expropriation puisque tout accommodement paraît désormais impossible avec M. de Boispéan. Le Conseil y réfléchit

20 août 1840 : l’adjoint au maire, M. Biolay est malade. Et le maire Louis Brossays doit se rendre à Nantes pour la session du Conseil Général. Il demande donc à M. Bivaud, deuxième adjoint, de « prendre les rênes de l’administration municipale » et de faire veiller avec un soin particulier, par l’agent de police, à ce que la loi sur les alignements ne soit point enfreinte « attendu que tout embellissement de la ville deviendrait impossible »

 Financement de la maison d’école

23 août 1840 : le Conseil Municipal se réunit sous la présidence de M. Bivaud. Il apporte une modification au projet de maison d’école, demandant que la charpente de l’édifice forme « croupe au Levant et au Couchant » au lieu des pignons qui figurent sur le plan. Il vote pour l’école un crédit de 11 515 francs ainsi financés :

2500 francs mis en budget de 1840
3900 francs venant des chapitres additionnels du budget de 1840
3000 francs promis par le ministre de l’instruction publique
2000 francs promis par le département.

Cela fait en tout 11 400 francs, pas loin des 11 515 francs nécessaires.

Le Conseil vote par ailleurs les sommes suivantes :
- 21 francs à M.Buron, pour achat « d’un fléau avec les balances et cordages pour peser les grains sous la halle »
- 60 francs pour placer des gouttières avec leurs tuyaux à la partie nord du toit de la maison charitable « dont les caves sont gâtées par l’infiltration des eaux que reçoit, comme un réservoir, le trottoir établi l’an dernier au sud de la Place de la Motte ».

Comme ce trottoir a été établi par l’administration des Ponts et Chaussées, le Conseil lui demande des travaux pour prévenir les infiltrations auxquelles les gouttières ne peuvent qu’imparfaitement remédier, « relativement à toutes les caves situées dans la ligne du dit trottoir ».

 Martin Connesson est mort

4 septembre 1840 : Martin Connesson, qui a joué un rôle non négligeable à Châteaubriant, en particulier comme maire, est décédé. Sa veuve prend une concession au cimetière.

10 septembre 1840 : le maire Louis Brossays demande le concours du lieutenant de gendarmerie pour la foire des 12-13-14 septembre : pour veiller à ce que le passage des bestiaux n’ait lieu que par les issues qui se trouvent aux extrémités du Champ de Foire, l’entrée du milieu étant réservée aux piétons. Le 14 septembre, sans doute jour de grande foire, « les conducteurs de bestiaux seront invités à descendre le champ s’ils viennent par le Nord, et à le monter s’ils arrivent par le Midy, afin d’éviter tout encombrement près des issues du champ ». Ils doivent veiller aussi à ce qu’aucune loterie ou « jeu de hazard » ne s’établisse en ville, dans le champ de foire ou ses environs, et à ce que soient éloignés « les mendiants et en particulier ceux qui découvrent des membres mutilés et des plaies dégoûtantes et poussent des cris lamentables ou effrayants afin d’attirer plus sûrement sur eux la charité publique ».

12 septembre 1840 : installation de huit nouveaux membres du Conseil Municipal de Châteaubriant élus les 21-23 et 25 juin de cette année. Les nouveaux conseillers prêtent le serment traditionnel.

27 septembre 1840 : trois nouveaux membres du Conseil, qui n’avaient pas pu être présents le 12 septembre, prêtent à leur tour le serment traditionnel.

 Trop de vacances

27 septembre 1840 : réunion du Conseil Municipal sous la présidence de Louis Brossays. On y parle d’abord de la maison d’école. L’ordonnance de vente du terrain de l’hospice n’est pas encore parvenue. Les fonds attribués par le ministère de l’instruction publique ne sont pas encore encaissés. De ce fait on ne peut pas procéder à l’adjudication des travaux. L’école n’ouvrira pas à la date espérée ! (c’est-à-dire à la Saint Jean 1841). Le maire demande donc de prolonger d’un an le bail signé avec M. Lefeuvre pour le local qui sert à la classe et au logement du maître.

Puisqu’on parle d’école, un conseiller s’élève contre la multiplication des congés et la durée des vacances des élèves de l’école. Mais d’autres conseillers ne sont pas de son avis.

Le Conseil apprend que le Conseil Général a voté l’ouverture du Chemin de Grande Communication d’Ancenis à Bain. La commune de Châteaubriant sur laquelle passera cette route, devra, à partir de 1841, concourir aux travaux, soit par 3 centimes additionnels et 2 journées de prestation, soit par des moyens qui procureront l’équivalent en argent. Le Conseil exprime sa répugnance en ce qui concerne l’emploi de la prestation, et décide de renvoyer à la session de novembre l’examen et la solution de l’affaire.

 Méhémet Ali

Fin septembre : Méhémet Ali ayant refusé l’ultimatum, une escadre anglaise bombarde Beyrouth. La guerre semble inévitable mais le roi Louis-Philippe ne veut pas la guerre et refuse d’envoyer une escadre française en Méditerranée.

15 octobre 1840 : un nouvel attentat est fomenté contre le roi Louis-Philippe à Paris, quai des Tuileries. Cet attentat soulève l’indignation.

18 octobre 1840 : l’attentat contre le roi a renforcé les idées de paix. Mais Thiers ne renonce pas à la guerre « La France doit se tenir prête à agir le jour où elle croirait l’équilibre du monde sérieusement menacé ». Louis Philippe rappelle « je veux la paix, et non la guerre » - Thiers démissionne alors et Guizot forme le nouveau gouvernement.

 Où loger le curé de Béré ?

1er novembre 1840 : au Conseil municipal, est donné lecture d’un arrêté du Préfet, en date du 15 octobre 1840, qui dit que le paiement du desservant de l’église de Béré doit être à la charge de la caisse municipale sauf recours, s’il y a lieu, contre les souscripteurs qui s’étaient engagés à fournir gratuitement le logement de cet ecclésiastique.

Plusieurs conseillers témoignent de leur vif étonnement, et refusent de remplir, à leur place, l’engagement que les souscripteurs ont pris « librement et solennellement » . « Et ils opinent pour que des démarches judiciaires et extrajudiciaires placent ceux-ci dans l’alternative, ou de solder, ou d’encourir les chances diverses d’un refus obstiné ».

Mais d’autres conseillers, faisant partie du comité des souscripteurs, s’efforcent de démontrer que l’engagement invoqué contre eux, et leurs co-signataires, « n’a jamais pu être considéré comme sérieux ». Des délibérations antérieures sont relues, notamment celle du 8 janvier 1838 concernant l’offre de logement pour le desservant attendu.

Le Conseil, sans renoncer aux poursuites, vote 300 francs pour le loyer de deux années, à partir du moment de l’occupation du local loué par Mlle Ernoul Provôté.

 Impôt ou prestation en nature ?

8 novembre 1840 : pour les travaux de la voie Ancenis-Bain, le Conseil municipal évalue à 5 centimes additionnels l’équivalent d’un rôle de prestation. Le maire estime qu’il va être difficile d’obtenir cette imposition supplémentaire. Il propose donc l’établissement d’un rôle de prestation [c’est-à-dire d’une liste de personnes qui, à tour de rôle, effectueraient les travaux nécessaires].

M.Guibourg estime qu’on pourrait affecter à cette voie la totalité des ouvriers habituellement occupés par la ville sur les chemins vicinaux et que, si ce n’est pas suffisant, « on pourrait combler le solde par le produit de l’octroi dont la situation s’améliore sensiblement par suite de l’abondante récolte des boissons »

Il explique que le système de la prestation, praticable dans les campagnes « où toutes les positions sont à peu près égales », ne paraît pas pouvoir être appliquée à une population semi-urbaine et semi-agricole, « sans blesser l’équité ».

Le Conseil municipal engage alors un long débat d’où il ressort qu’une grande majorité est hostile à la prestation et qu’il vaut mieux utiliser les autres moyens de libération offerts par la loi « non seulement dans l’intérêt des prestataires mais encore dans celui des travaux projetés parce qu’il est certain que 1500 francs par exemple, en numéraire, mis à la disposition de l’administration de la voirie, produiront beaucoup plus de bonne besogne qu’un rôle de pareille somme qui serait acquitté en nature ».

Le Conseil vote 3 centimes additionnels, destinés au chemin de grande communication.

Et puis il est « derechef » question de « la caducité de la tour carrée du château, faisant partie de la location de M. Le Baron Normand, sous-préfet ». Le maire évoque « l’état déplorable de la couverture de cette habitation » et invite les membres du Conseil à visiter les lieux pour qu’un parti puisse être pris en connaissance de cause. Mais un conseiller coupe court en rappelant la délibération du 26 décembre 1839.

Le maire s’inquiète de l’horloge et dit qu’à la prochaine séance il soumettra un devis relatif à l’établissement d’un plancher destiné à assainir et à dessécher le cabinet où se trouve cette horloge « trop exposée aux influences de l’humidité ».

Enfin il est lu une lettre émanant de la Fabrique de l’église de Béré qui cherche à obtenir l’abandon de la partie louée de l’Hôtel du Boisdulier, afin d’y loger le desservant de cette paroisse. La lecture de cette lettre est interrompue par la lecture d’une autre pièce relative au refus des souscripteurs de fournir le logement gratuit qu’ils s’étaient engagés à procurer gratuitement à cet ecclésiastique. Bref, ça va mal !

 On cherche des lits pour la garnison

20 novembre 1840 : le maire explique au Conseil qu’il y a eu un échange de correspondances, depuis la mi-août, entre lui et les autorités civiles et militaires, au sujet de l’envoi d’une garnison à Châteaubriant (la 5e compagnie du 1er bataillon du 20e régiment d’infanterie) afin de remédier à l’encombrement de troupes dans Nantes.

Dans cette fâcheuse conjoncture, et pour soulager la population, le maire propose de louer (au prix de 200 francs, jusqu’à la St Jean), la maison du sieur Gaussuron, dans laquelle les habitants seront admis à fournir des lits pour une quarantaine de militaires. Il ajoute que l’indemnité de couchage, dix centimes par jour, sera acquise aux fournisseurs de lits et que 2,5 centimes resteront à la ville pour l’indemnité du prix de location.

Les conseillers s’inquiètent : le maire est-il assuré de trouver assez de lits ? Est-il assuré de pouvoir disposer de la maison de façon permanente ? Le maire dit qu’il l’espère. Les conseillers lui demandent de prendre les mesures nécessaires pour que les effets de literie soient bien ménagés, et suggèrent de louer aussi la maison du sieur Jambu au cas où la première maison serait remplie. Par ailleurs un appartement destiné à servir de corps de garde est loué au sieur Renaud, tanneur, rue de Rigale

Le maire annonce qu’il a fait entreprendre la réparation de la couverture de la « salle
verte » du château, qui servira de cuisine à la troupe, et qu’il a fait rétablir le fourneau de cet appartement. Une lettre du 1er décembre 1840 précise cependant que la 5e compagnie n’est restée à Châteaubriant que quelques jours (elle est partie le 29 novembre).

Enfin le Conseil ratifie le tableau de recensement des 77 chemins ruraux de la commune.

11 décembre 1840 : le maire écrit au lieutenant de gendarmerie pour lui signaler un homme qui a quitté son domicile entre 10 h et 11 h du matin, sans donner à sa femme aucun avis de ses intentions ultérieures. « Cet homme d’un caractère sombre et susceptible, a été vu gravissant la butte du Bois Hamon. Ayez la bonté, dans l’intérêt de la famille de cet honorable homme, de vouloir donner ces renseignements aux brigades de gendarmerie sous vos ordres, afin qu’elles concourent à sa recherche pour le rendre à sa famille et à ses amis ».

18 décembre 1840 : il y a des tensions entre le maire Louis Brossays, et le Sous-Préfet. Le maire n’a pas pu finir dans les délais le travail de mobilisation des citoyens de la Garde Nationale et le Sous-Préfet a envoyé un commissaire, aux frais du maire, pour terminer cette opération.

Le maire n’est pas content et il écrit au Sous-Préfet : « Je vous répète ce que je vous ai dit, qu’ayant à la mairie un seul secrétaire, je n’ai obtenu que le travail que je pouvais désirer ».

Le maire rappelle alors au Sous-Préfet que, depuis quelques temps (juin ou juillet 1840, dit-il) il a refusé de continuer à porter la charge de maire, tout en acceptant d’attendre qu’un successeur soit nommé. Mais l’attitude du Sous-Préfet, en lui envoyant un commissaire, le fâche et il envisage sérieusement de démissionner. Mais finalement il réfléchit « aux inconvénients d’abandonner [son] poste avec brusquerie, laissant un travail important non terminé et avec la menace de placement d’un commissaire chargé d’y mettre la dernière main aux frais du maire ».

« Je pensais de plus à quelques affaires décidées par moi mais non expédiées par le fait seul de la mobilisation qui prend depuis quelques temps tous les moments du secrétaire de mairie ».

 Non acceptation ...

Le maire écrit donc au Sous-Préfet qu’il a considéré « en plus, qu’en abandonnant la mairie, je ressemblerais à un fuyard, ce qui ne convient nullement à mon âge, à mon caractère et à ce que je n’ai pas cessé de dire aux personnes qui connaissaient mes intentions : que j’attendais un successeur ». Il renonce donc à démissionner sur le champ et prévient le Sous-Préfet qu’il prend le temps de la réflexion : « j’attendrai un successeur pour remettre mon service, ne voulant rien faire qui ressemble à de l’humeur et du mécontentement ». Il fait porter ce billet par l’agent spécial de police, en demandant au Sous-Préfet de lui laisser le temps d’expliquer sa démarche au Conseil Municipal . « Une non-acceptation [de la charge de maire] est le fait d’une réflexion. Une démission est le fait d’un mécontentement »

19 décembre 1840 : le Sous-Préfet tâche sans doute de rattraper les choses, car le maire lui écrit : « Votre lettre m’exprime le regret de M. le Préfet et le vôtre sur ma non-acceptation de nouvelles fonctions, et quelques compliments sur nos relations passées et sur mon administration ». Mais les choses se compliquent bigrement car le Sous-Préfet précise « qu’un maire qui n’accepte pas [de continuer à être maire], ne peut se trouver en présence d’adjoints nommés et installés nouvellement » et qu’en conséquence le maire ne peut pas remettre son service à son premier adjoint, M. Biolay.

Vexé, le maire monte sur ses grands chevaux : « Monsieur, dit-il au Sous-Préfet, nommé par le Roi, je me dois à moi-même et aux Maires mes collègues, exerçant des fonctions gratuites et jadis réputées honorables, de différer à obtempérer immédiatement à votre opinion. Et pour ne rien faire d’illégal, j’ajourne l’installation de messieurs les adjoints jusqu’à une décision de M. le Préfet ».

 ... n’est pas démission

Que se dit-il dans les couloirs ? La lettre du maire semble faire allusion à une divergence avec une partie de son Conseil : « Je ne suis point démissionnaire. En remettant mes fonctions au premier adjoint je semblerais l’être. Dès le mois de juin ou juillet, en vous faisant connaître mon intention de non-acceptation, je vous déclarai que j’attendrais un successeur. Je n’ai, Monsieur, aucun sujet de mécontentement grave pour me retirer, c’est une affaire entre quelques membres du Conseil Municipal et moi, et aucun motif particulier à ma personne ne peut être articulé ou qualifié de bizarrerie de caractère, ce qui m’offusque »

« Je n’ai donc aucune raison de résilier à l’instant mes fonctions et surtout dans les circonstances actuelles où des gens malveillants y verraient tout ce qui n’y est pas »

 Pas envie d’être poussé dehors

Le maire rappelle la procédure normale : « Il est d’usage que le fonctionnaire nommé par Sa Majesté ait un successeur nommé par Elle. J’admets le droit de suspension attribué à M. le Préfet. Je ne pense pas être dans ce cas. Pour que le Roi puisse nommer un maire nouveau, en remplacement de celui récemment désigné et non-acceptant, il faut que vous trouviez dans le sein du Conseil Municipal trois candidats consentant à prendre la mairie, que vous envoyiez cette liste à M. le Préfet, que ce dernier la soumette à son tour à M. le Ministre de l’Intérieur qui alors fait un choix pour désigner un maire à la nomination du Roi ».

Puis le maire interroge : « Toutes ces formalités sont-elles remplies ? Avez-vous la garantie de les remplir avec facilité ? Pourquoi donc précipiter la retraite d’un homme dont vous convenez que l’administration a été régulière et dont la non-acceptation est motivée par des tracasseries intestines et nul autre motif, politique surtout. »

« Je vous le répète, je plaide ici plutôt la cause de mes collègues que la mienne (quoique je sois fort peu disposé à endurer de mauvais procédés) mais je crois que le moyen assuré de trouver des citoyens dévoués pour accepter les fonctions de maire, ce qui devient de plus en plus difficile aujourd’hui, c’est d’agir avec ménagement avec eux et pas du tout cavalièrement. Un homme qui s’estime et qui se respecte aime qu’on lui rende ce qui lui est dû ».

 Cavalièrement

21 décembre 1840 : finalement l’autorité supérieure, faisant fi de la procédure d’usage, n’accepte pas la poursuite de l’activité de Louis Brossays, et décide que le service de la mairie sera confié immédiatement (cavalièrement, pourrait-on dire) au premier adjoint M. Biolay, comme faisant fonction de maire.

Louis Brossays craint qu’on lui reproche de quitter ses fonctions dans une période difficile (celle qui suit l’attentat contre Louis Philippe, le 15 octobre 1840) : « Ce n’est pas moi qui refuse, mais bien l’autorité qui n’accepte pas la continuation de ma coopération. Quand en juin je vous fis connaître mes intentions, l’horizon politique n’était pas assombri comme il l’est devenu depuis lors. La crainte ne peut donc m’être imputée puisque je consentais à donner à l’administration supérieure tout le temps désirable pour trouver un maire et le faire agréer à Sa Majesté. Le malheureux régicide qui a failli commettre le plus grand des crimes, et qui a préféré se donner la mort, ne changera en rien mes déterminations. Aucune ambition ne m’a jamais dirigé, ni aucun intérêt : quand on a dépassé 62 ans, qu’a-t-on à perdre ? Quelques années peut-être ? »

 Effarouché ?

« Rien ne peut changer ma détermination. Je ne ferais qu’encourager l’opposition qui ne voit en moi qu’un ambitieux qui ne peut se décider à vivre en paix, loin des affaires, et elle ne manquerait point probablement de redoubler ses attaques contre toute proposition de ma part. Tout ce que je pourrais faire, je vous l’ai dit : continuer pour vous laisser le temps désirable pour agir ».

Dans sa lettre au Sous-Préfet, Louis Brossays continue : « Ces explications, monsieur, doivent vous faire voir que si je suis facile à effaroucher, je ne recule jamais devant les éclaircissements. Si vous écrivez à M. le Préfet, prenez bien soin de lui dire qu’il n’y a entre nous aucun ressentiment, aucun nuage même, qui puisse me faire refuser mon concours à l’autorité supérieure alors qu’il pourrait lui être nécessaire »

27 décembre 1840 : le registre du Conseil Municipal de Châteaubriant signale que Louis Brossays a installé et reçu le serment de M. Bivaud le jeune, deuxième adjoint de la commune. « Cette opération terminée, M. Brossays a prévenu l’assemblée que, n’ayant pas accepté le nouveau mandat qui lui a été délivré le 20 novembre dernier par le Ministre de l’Intérieur, il remettait ses fonctions à M. Bivaud. Puis il a fait ses adieux à ses collègues ».

Allons bon ! Il était prévu que ce soit le premier adjoint, M. Biolay, qui remplisse les fonctions de maire, et finalement c’est à M. Bivaud, deuxième adjoint, que Louis Brossays remet son mandat ! C’est un premier coup de théâtre. A la suite de quoi il se passe sûrement des choses dans la coulisse : Louis Brossays qui veut quitter la fonction de maire, tout en voulant continuer, a fait ses adieux mais ...

31 décembre 1840 : Le Sous-Préfet lit, au cours du Conseil Municipal, l’ordonnance du Roi du 20 novembre 1840 nommant M. Brossays Louis René Julien, maire, avec comme adjoints François Biolay et Jean Clair Bivaud le jeune. « Ces messieurs ayant déclaré accepter les fonctions auxquelles ils ont été appelés, ont alors prêté individuellement le serment exigé par la loi ».

Ainsi Louis Brossays a montré tant de mal à partir que, au bout du compte, il a accepté de rester !


Tristesse

J’ai perdu ma force et ma vie
Et mes amis et ma gaieté
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie

Quand j’ai connu la Vérité
J’ai cru que c’était une amie
Quand je l’ai comprise et sentie
J’en étais déjà dégoûté

Et pourtant elle est éternelle
Et ceux qui se sont passés d’elle
Ici-bas ont tout ignoré

Dieu parle, il faut qu’on lui réponde
Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré

Poème écrit en 1840, lors d’une nuit d’insomnie, par Alfred de Musset, presque âgé de 30 ans, à une période où il se sent physiquement et intellectuellement usé, tentant d’oublier ses souffrances dans l’ivresse et dans l’opium.

Des débuts éblouissants, une fin douloureuse et solitaire pour le plus déconcertant des « enfants du siècle » à qui l’on doit les Contes d’Espagne et d’Italie. Amant de George Sand, une femme libérée, féministe et autoritaire, il écrit les Caprices de Marianne, Fantasio, On ne badine pas avec l’amour, Lorenzaccio, œuvres imprégnées d’amertume et de chagrin, puis « la confession d’un enfant du siècle » et l’histoire d’un merle blanc.

« Mes premiers vers sont ceux d’un enfant. Les seconds d’un adolescent. Les derniers à peine d’un homme ». Méprisé par les « nouvelles générations » qui font de lui le symbole du Romantique larmoyant, Musset meurt dans l’indifférence en 1857, à 47 ans.



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Sources :

- Archives municipales série 1 D 18 et 2 D 9

- Histoire de la France et des Français par A. Castelot et A. Decaux (Editions Robert Laffont)