Les clubs huppés
Fichtre ! Diantre ! Foutre-Dieu !
Dîtes moi. s’il vous plait, que faut il que je fasse
Pour qu’en un Club huppé je puisse avoir ma place ?
Médiévales les fêtes
Furent tant réussies
Et tant originales
Qu’elles m’ont ébahi,
Qu’il m’a sauté aux yeux
Comme révélation
Que les organisants
Confinaient au génie,
Etaient hommes de don
Et de grande décision,
Supérieurs pour tout dire aux gueux et aux bouffons
Qui pourtant les suivaient en trainant des chaussons.Ah ! Comme ils étaient beaux ces deux jours populaires
Loués soient les seigneurs qui nous les ont offerts
Ces toubibs, ces notaires,
Ces marchands, ces patrons
Performants et géniaux,
Véritables champions
Descendus dans la rue
Pour donner la leçon,
Pavoisant à foison
Et gonflant du plastron,
Moteurs indispensabIes
A l’essor du canton,
Exemplaires réussites pour cette populace
Qui, ma foi, les suivait en trainant des godasses.Que ne ferais-je point pour faire partie d’un Club
De haut rang, comme il sied à tout homme bien néBien pensant bien assis
A l’aise bien installé -
Et au coureur à pied
Qui vient juste d’arriver.
Il me faudra, je sais,
Avant que de prétendre
A la reconnaissance
Encore longtemps ramer,
Faire risette à la dame,
Dire bonjour au monsieur,
Etre élégant et lisse pour enfin se placer
Auprès de Ia gentry du pays de la méeJe donnerais mon chien, le reste de mon âme
Je donnerais ma vie cent balles et mon vélo
PIus les oeuvres complètes
D’Alexis Caberlot,
Les pommes du jardin
Les bières dans le frigo ;
Je couperais les branches
Du grand arbre aux oiseaux,
Je trahirais la cause,
Renierais mes héros,
Cracherais sur la tombe
De ce vieux Mirabeau,
Et je tuerais mon père et ma mère -s’ils vivaient -
Et je vendrais ma femme, pour décrocher la luneAh ! que vienne le temps de la consécration
Qu’on me parraine, baptise ou bien qu’on m’intronise,
Que l’élite magnifique
Me reconnaisse enfin
Pour un des siens, un vrai,
Une fusée, un train,
Un être exceptionnel,
Un de plus, encore un,
Un de ceux dont la France
A tant et tant besoin ;
Qu’elle m’aime, qu’elle m’adore,
Me cajole et m’invite
Aux dîners fins, aux fêtes, aux cocktails sucrés
Qui, post-conférences, poursuivent les soirées.Entre un doigt de whisky et quelques petits fours,
Et un autre whisky, un bon mot de Dutour,
Je ferai mon entrée triomphale à la cour.Fichtre ! Diantre ! Foutre-Dieu !
LEOPOLD
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