Texte de Paul Chazé
C’était un 24 décembre. Tous les ingrédients pour un vrai Noël étaient réunis.
La nuit précédente, la neige était tombée abondamment. Le ciel s’était éclairci, un vent glacé soufflait et la lune en forme de croissant brillait intensément. Cela faisait penser à la « Faucille d’or dans le champ des étoiles » de Victor Hugo mais ce n’était pas messidor mais nivôse.
Le petit Philibert qui avait sept ans avait bâti un volumineux bonhomme de neige dans le jardin. Il l’avait coiffé de la casquette à pois rouges du meilleur grimpeur de Tour de France cycliste, lui avait enfoncé dans la bouche une vieille pipe qui traînait dans un tiroir depuis que son père ne fumait plus et mis dans une main un balai et dans l’autre une pelle. Il lui avait accroché autour du cou un écriteau sur lequel il avait écrit : « Bienvenue au Père Noël ».
Tout était prêt pour recevoir le bienfaiteur.
Le sapin était décoré de boules multicolores qui scintillaient. Philibert avait déposé dessous ses chaussons et ses souliers qu’il avait soigneusement cirés.
Il était 20 heures, l’heure du souper.
Devant son assiette de potage fumant, Philibert était songeur et il ne put s’empêcher de poser la question fatidique : « Est- ce que le père Noël existe vraiment ? »
Sa mère et son père faillirent s’étouffer en avalant leur soupe de travers. Après un temps de réflexion, sa mère lui demanda : « Pourquoi demandes- tu ça ? ».
Parce que à l’école, mon copain Gustave m’a dit qu’il n’existait pas !
Eh bien tu diras à ton copain Gustave qu’il est mal renseigné.
Son père précisa : Je l’ai vu de mes yeux, vu en chair et en os l’année dernière !
Il habite où ?
Dans la forêt où il a un grand hangar pour mettre les jouets !
Pour transporter les jouets il a un âne ?
Non, depuis au moins dix ans, il a un grand camion ça va plus vite !
Il fait ses livraisons en une seule nuit ?
Oui, bien sûr, il est très rapide !
Papa, je n’arrive pas à comprendre, notre ville a quatre mille foyers environ, en mettant trois minutes par foyer, cela fait douze mille minutes soit deux cents heures ? Peux- tu m’expliquer ce mystère ?
Euh, c’est pourtant simple, car il se fait aider par ses douze frères et en plus, il gagne énormément de temps car il ne descend plus par les cheminées mais il possède une clé spéciale qui ouvre toutes les serrures.
Ah bon, je comprends mieux !
Il est marié ?
Oui, il a trois garçons et trois filles !
Il y en a un qui est dans ma classe et qui s’appelle Noël, c’est peut- être son fils ?
C’est sûr que oui !
La mère gênée aux entournures annonça : « je suis fourbue, je fais la vaisselle en vitesse et je vais me coucher. »
Mais le gamin n’avait pas envie de dormir.
Dis papa, qu’est- ce qu’il fait le père Noël en dehors de sa distribution de jouets ?
Il est garde forestier et il a de nombreuses ruches et récolte du miel !
C’est tout ?
Non, l’été chez nous, il s’expatrie pour la Noël dans l’hémisphère Sud ; l’année dernière, il était chez les Patagons et l’année prochaine, il ira chez les zoulous !
Bon, maintenant il est 21 heures, va te coucher, moi je regarde un film à la télé !
Qu’est ce que c’est ?
C’est « Emmanuelle », il paraît que c’est très beau !
Je voudrais bien rester avec toi pour le regarder !
Non, c’est trop compliqué pour les enfants, il est question de physique et de formes géométriques. Quand tu auras appris le théorème de Pythagore tu comprendras mieux !
La nuit se passa comme prévu.
Le père Noël fit la livraison des jouets commandés. Pour bien montrer qu’il était venu, il s’était servi une tasse du café que la mère avait préparé dans une bouteille thermos. Il avait laissé sa carte de visite, l’avait signée et avait ajouté : merci PhiPhi !
Philibert ravi, sauta au cou de ses parents. Plus de doute, le Père Noël existait bien et Tatave s’était lamentablement trompé. Se tournant vers son père : Dis, papa, il était bien ton film ?
Oui, agréable à regarder, des images magnifiques mais il t’aurait certainement ennuyé ! ...