25 janvier 1837 : la mairie écrit au directeur de l’Ecole des Arts et Métiers d’Angers. En effet, elle avait passé contrat pour une horloge à 1380 francs, et l’école réclame 1525 francs dont une partie « pour le temps perdu par le chef d’atelier ou son ouvrier ».
« C’est inadmissible », dit la mairie qui ajoute que la commune pourrait bien demander des dommages et intérêts pour avoir été privée si longtemps d’une machine qui devait être fournie en un an ! On apprend aussi dans ce courrier que « le sieur Adam, maître-serrurier à Châteaubriant, était obligé d’y aller trois à quatre fois par jour et qu’il fut tellement dégoûté que le 7 juin il l’abandonna entièrement ! »
4 février 1837 : convoqué à « deux heures de relevé », le Conseil municipal ne s’est pas tenu car, à trois heures, il n’y avait pas assez de conseillers présents.
12 février 1837 (un dimanche) : cette fois le Conseil est réuni. Toujours sous la présidence de M. Connesson (qui n’a toujours pas le titre de maire). Il est question de la révision annuelle des contrôles de la Garde Nationale. Dix-neuf hommes sont versés au service ordinaire dont onze de 21 ans. Les autres sont plus âgés, le plus vieux ayant 41 ans. Ils sont charron, marchand de bois, libraire, épicier, cordonnier ou simples paysans.
Quatorze jeunes, tous de 21 ans, sont versés dans le service extraordinaire. Puis le Conseil prononce le retranchement, sur le contrôle ordinaire, de 77 citoyens parmi lesquels sont compris ceux admis l’an dernier comme pompiers, et qui forment une subdivision à part.
Querelle d’écoles
Ecole : M. Dalimier, maître de pension à Châteaubriant, demande un subside au moins égal au montant de son loyer, soit 500 francs, déclarant qu’à défaut de cette subvention il ne pourra soutenir plus longtemps son établissement qui, d’après ses calculs, lui occasionne annuellement une perte de 720 francs.
Dans la discussion, certains conseillers municipaux disent que l’école de M. Dalimier est précieuse pour le pays. D’une part « en ce qu’elle offre aux familles d’une fortune modique, le moyen de commencer à peu de frais, sous leurs yeux, les études de leurs enfants qui, parvenus en quatrième, peuvent ensuite suivre les cours des grands collèges où, n’ayant plus que 3 ou 4 années à passer pour terminer leur éducation, ils pourront compléter leurs études sans qu’il en résulte des dépenses trop onéreuses ».
Et d’autre part « parce que cette maison exige des approvisionnements de denrées, donne de l’occupation en divers genres d’industrie, ce qui contribue par les octrois et par les bénéfices des fournisseurs, à alimenter la caisse de la ville et les bourses particulières »
Mais d’autres conseillers municipaux, sans contester les mérites de M. Dalimier et de son établissement, estiment qu’il est essentiel d’envisager la situation financière de la ville « autrement, en dotant avec largesse une branche de service, on se verrait peut-être dans la triste nécessité d’en laisser d’autres en souffrance »
65 à 11
Alors on fait des calculs, on remarque que la ville dépense 1700 francs par an c’est-à-dire le huitième de ses ressources annuelles, pour l’école d’enseignement mutuel, cette école communale « où 65 élèves doivent recevoir l’instruction gratuite » et qui doit « fixer spécialement les sollicitudes de l’administration » tandis que l’école de M. Dalimier est un établissement privé qui ne compte que 11 pensionnaires. « S’il était appelé à disparaître, il se trouve dans les environs des écoles du même genre où les parents pourraient, sans une augmentation sensible des frais, placer leurs enfants »
Les Conseillers ajoutent que M. Dalimier pourrait éviter de fermer son école en augmentant « dans une proportion raisonnable le prix de pension de ses élèves actuellement fixé à 330 francs ce qui ne donne pas un franc par jour pour 11 mois que dure l’année scolaire » [ndlr : 330 francs, cela représente une somme non négligeable : presque la moitié du salaire du secrétaire de mairie !]
Incorrigibles garnements !
M. Guibourg souhaite partager proportionnellement la somme mise au budget de la ville, entre l’école de M. Dalimier qui lui semble dirigée de façon satisfaisante, et l’école mutuelle dirigée par M. Ozanne qui, « sauf 3 élèves, n’est fréquentée que par des élèves gratuits qui, en majorité, ne font aucun progrès et qui par leur inaptitude et leur dissipation incorrigible déconcertent toutes les mesures du maître qui presque toujours est loin de voir se réunir le nombre d’enfants qui lui est assigné » (...) « Dans cette situation, le maître ayant moins d’élèves et par conséquent moins de peine, il n’y aurait pas d’injustice à diminuer ses avantages pécuniaires qui n’ont été fixés au taux où ils sont que dans une hypothèse qui ne se réalise pas ». [ndlr : dans un cas il y a un maître pour 11 élèves, et dans l’autre cas, un maître pour 65 élèves. Cela ne se compare pas : la discipline est plus facile à exercer dans le premier cas que dans le second)
Enfin bref, on passe au vote : 7 pour, 12 contre. La subvention demandée par M. Dalimier est refusée
430 absences
Les Conseillers reviennent sur la situation de l’école mutuelle au 4e trimestre de 1836, démontrant que parmi les 65 élèves gratuits qui y sont dénommés, il y a eu 430 absences pendant le trimestre « qu’il n’y a qu’un petit nombre de sujets à profiter des soins qu’on leur distribue et des frais que la ville fait en leur faveur et que, même, 8 enfants plus rebelles que les autres aux avertissements du maître, ont préféré ne plus fréquenter l’école plutôt que de se soumettre aux règles de discipline intérieure ».
La révélation de ces faits produit, semble-t-il, une impression pénible dans l’assemblée qui manifeste le vœu que des mesures soient prises pour atteindre un résultat moins en désaccord avec le but de cette fondation.
Le Président dit que les parents mettent une « excessive apathie » à profiter de la faculté qui leur est offerte pour faire instruire leurs enfants. Déjà, en 1836, l’absence de réussite à l’école était attribuée aux parents ... Enfin bref, passons à autre chose :
Pavé : 22,50 francs sont prévus pour le raccordement du pavé de la Basse Rue avec la « place de la halle aux bleds » (blés)
Horloge ! : Quant à l’école d’Angers, la voilà qui réclame encore 145 francs :
1.- pour axe supplémentaire avec pignons, supports et autres accessoires nécessités par la surélévation du cadran de l’horloge (25 francs)
2.- pour frais de voyage et de séjour à Châteaubriant du Chef d’atelier et de son ouvrier (90 francs)
3.- pour le temps perdu par eux (30 francs).
Le Conseil accepte de payer 100 francs en tout et pour tout.
4 mars 1837 ; dans un courrier, deux habitants se plaignent de leur voisine, la veuve Laurent qui, « atteinte de folie, menace continuellement de mettre le feu dans le foin et l’écurie et s’y rend nuitamment avec une chandelle allumée à la main ». La mairie s’adresse au frère de cette dame : « Vous devez veiller sur elle, l’empêcher de divaguer et prendre les mesures convenables pour qu’elle ne cause aucun désordre »
7 mars 1837 : la dame continue à menacer ses voisins. La mairie écrit au Procureur du Roi pour qu’elle soit arrêtée, et précise ; « il paraîtrait que l’état de la veuve Laurent tient à ce qu’elle fait un usage constant de boissons et surtout de liqueurs fortes ».
7 mars 1837 : à Paris, Louis Mathieu Molé, chef du gouvernement, dépose un projet de loi tendant à dissocier les crimes commis par les militaires des crimes commis par des civils. Ce texte de circonstance, consécutif au « complot de Strasbourg » du prince Louis Napoléon (31 octobre 1836), déplaît au Parlement. Molé démissionne, ce qui satisfait François Guizot, Ministre de l’instruction Publique, qui ne cessait de s’opposer à lui. Mais le 15 avril 1837, faute d’entente entre les opposants, Molé revient à la tête du gouvernement ... mais sans Guizot ! A cette époque, la situation économique de la France est excellente, le budget est en excédent ce qui permet de consacrer une partie des recettes à des travaux d’intérêt général (les routes par exemple). Le coût des denrées baisse, la prospérité bourgeoise s’étale.
18 avril 1837 : l’ingénieur des Ponts et Chaussées est venu à Châteaubriant sans prévenir. Le maire (ou plutôt M. Connesson qui en fait fonction) est fâché car il voulait discuter du projet d’alignement qui contrarie tous les propriétaires d’un jardin et les habitants de la Rue St Michel. « Cela met également obstacle à un établissement de bains publics dont la ville manque et qui était pourtant sur le point d’être construit ».
29 avril 1837 : la veuve Laurent, qui avait été arrêtée, est libérée.
29 avril 1837 : convocation de la Garde Nationale et des membres du Conseil Municipal pour assister à la cérémonie religieuses qui aura lieu le 1er mai à l’occasion de la fête du Roi Louis Philippe. La popularité du Roi est intacte : le 15 mai il est même acclamé lors d’une promenade au Jardin des Plantes à Paris (sous bonne escorte quand même ! On ne sait jamais).
7 mai 1837 : sous la présidence de Martin Connesson (faisant fonction de maire), le Conseil municipal de Châteaubriant poursuit l’idée de continuer l’aqueduc « depuis le pont de la rue Neuve, jusqu’à la Tour de M. Dupin » (c’est-à-dire sous l’actuel boulevard Victor Hugo). Les frais sont évalués à 833 francs. La ville prévoit d’employer des manœuvres « pour régaler les remblais qui seront amenés » et pour effectuer quelques ouvrages accessoires de terrassement (coût supplémentaire :150 francs).
Le Conseil, par ailleurs, vote 10 francs pour imprimer des avis relatifs à la police du roulage « qui seront répandus le plus possible dans les campagnes voisines afin de prévenir les contraventions qui sont constatées si souvent et en si grand nombre »
Tapage nocturne
A part ça, le Conseil demande que l’agent de police municipale « s’acquitte avec plus de vigilance de la police des cafés et cabarets où, trop souvent, il se fait après 10 heures du soir, du tapage qui trouble le sommeil des citoyens ».
Ce même jour, 7 mai 1837, le Président M. Connesson s’est réjoui « de ce que l’horloge fonctionne de manière satisfaisante ». Il propose « pour contribuer puissamment à maintenir cet heureux état de choses » que soit établi un lambris de bois, « sous la toiture actuellement dégarnie du cabinet où elle se trouve placée, afin d’empêcher l’humidité de pénétrer et les débris d’ardoise et autres matières de gêner le jeu des cordages et des poulies ». Il suggère pour cela d’utiliser quelques planches provenant de peupliers qu’il a été nécessaire d’abattre dans la douve, au dessous de la rue Neuve, afin de parvenir au comblement de la dite douve.
Pour compléter les améliorations se rattachant à l’horloge, M. Connesson signale l’avantage d’établir « un cadran solaire ou méridienne » de dimension convenable. « On serait par là à même d’avoir chaque jour l’heure juste et de régler en conséquence la machine » (ce qui tendrait à prouver que la machine ne donne guère l’heure juste !). Le Conseil donne son accord.
Enfin le conseil rappelle que 100 francs ont déjà été votés le 30 octobre 1836 pour la consolidation en maçonnerie du vieux pont de l’hôpital « mais des dégradations nouvelles sont parvenues par l’effet de crues extraordinaires et par suite de l’impossibilité d’entreprendre en temps utile les travaux, à cause de l’élévation permanente des eaux ». Un crédit supplémentaire de 50 F est donc voté.
L’école
Le Conseil se penche alors sur la situation de l’école d’enseignement mutuel, pendant le trimestre précédent, et note avec satisfaction une amélioration sensible des résultats. (Des échantillons d’écriture de plusieurs élèves sont communiqués au Conseil).
Un conseiller propose, afin de rendre service aux professions mécaniques, d’ajouter l’étude du dessin linéaire « aux matières trop restreintes de l’enseignement ». Le maire est invité à fournir à l’école, pour le retour des vacances, règles, compas et équerres.
Par ailleurs, une somme de 18 francs est votée pour réparer le carrelage détérioré et brisé, dans la classe, à l’endroit où portent les pieds des élèves.
Enfin, M. ANGER François, prête-instituteur à Châteaubriant, sollicite de la ville « un secours extraordinaire en une fois payé » se montant à 400 francs, pour fonder un pensionnat d’instruction primaire. Le Conseil décide d’en discuter à sa session d’août prochain.
16 juin 1837 : installation de nouveaux conseillers municipaux à Châteaubriant
Une protestation véhémente
22 juin 1837 : l’administration des Ponts et Chaussées présente le projet d’une route départementale, de Laval à Nantes partant de Pouancé pour aboutir « à l’abbay de Meilleray » (sic). Le Conseiller municipal faisant fonction de maire, inscrit alors son désaccord, non sans véhémence, sur le registre d’enquête publique en disant :
« la ville est en possession de la ligne de Paris à Nantes par Laval. Elle a longtemps été sans pouvoir obtenir l’ouverture de la route de Châteaubriant à Laval. C’était une lacune qui rompait la communication avec la Capitale. Malgré la faiblesse de ses revenus, la ville n’a pas hésité à faire dans une même année un sacrifice de 2400 francs pour la traverse Saint Michel et pour les indemnités à payer pour cession de terrains et bâtiments. Elle a dû compter qu’elle en recueillerait le prix, sa position centrale était pour elle une garantie presque certaine ».
« Et voilà que tout-à-coup on fait surgir un projet nouveau présentant un avantage fort douteux de 4 km de moins à parcourir, et laissant de côté Châteaubriant qui devient excentrique. On favorise le Petit Auverné et St Julien de Vouvantes au grand détriment de la Meilleray, Moisdon, Châteaubriant et Soudan. Ces communes en effet sont favorisées par le roulage considérable de Nantes à Laval, Mayenne »
« Par l’économie d’une lieue, [le roulage]changera sa direction et portera un grand dommage aux établissements de charronnage, maréchallerie, et bourellerie, ainsi qu’aux auberges et hôtels qui ont acquis très chèrement les terrains environnants pour en former des cours spacieuses, de vastes écuries et autres dépendances nécessaires à leur exploitation »
« Si d’un autre côté on considère que le devis éventuel de cette nouvelle route s’élève à 180 000 francs et dépassera cette somme de plus de 60 000 francs, on conviendra que c’est acheter bien cher une voie qui déshérite cette ville de celle qui lui est acquise et qui a de plus l’avantage de centraliser les voitures, sur Rennes, Nantes et Vitré et offre au public le choix de prendre la direction qui lui convient ».
Sur le registre d’enquête, le maire proteste donc, au nom de la ville, contre l’établissement de la nouvelle route et contre la dénomination sous laquelle on la présente (c’est-à-dire : « de Pouancé à l’abbay de Meilleray).
29 juin 1837 : le maire informe le Sous-Préfet de différents sujets intéressant la ville. De la qualité des récoltes par exemple : « On peut compter sur une année ordinaire de froment, médiocre pour le seigle et ordinaire pour l’avoine qui est fouaillée » [battue]. « La récolte de sarrazin dépend maintenant de l’état atmosphérique. Il faut de la pluie une fois par mois ».
Il évoque aussi une route effondrée [l’actuelle rue Pasteur] : « il y a quinze jours, on a démonté le pavé du mur de soutènement Porte Saint Michel, vis-à-vis le jardin de M. de la Pilorgerie. L’entrepreneur de ce mur se disposait à travailler, mais sur l’observation qui lui fut faite par une dame, que s’il ne suivait pas exactement le contour de l’ancien mur, son ouvrage ne serait pas reçu, il crut devoir attendre. Un orage est survenu, la grande quantité d’eau qui en est résulté a détrempé les terres, des éboulis ont eu lieu et la route étant devenue dangereuse et impraticable pour les voitures, j’ai dû faire barrer la route, ce qui force les voitures à suivre la route de Nantes à Rennes jusqu’à la Porte Saint Jean et à traverser toute la ville pour aller rejoindre par la Porte Saint Michel, la route de Laval ou d’Angers. Je vous prie de donner les ordres les plus précis pour que cette reconstruction soit effectuée de suite. »
ZIC ZAC
« Aujourd’hui qu’il faut refaire ce mur, il me semble qu’il est impossible de faire des ZIC-ZAC et des crochets et qu’il serait convenable d’établir une ligne droite (...). Du reste vous ferez ce qui vous plaira mais l’opinion publique s’élève contre une reconstruction aussi vicieuse que l’ancienne ».
Sources :
Archives municipales série 1 D 18 et 2 D 9
Histoire de la France et des Français
par A. Castelot et A. Decaux
(Editions Robert Laffont)
Histoire du peuple français,
par Pierre Lafue et Georges Duveau
(Ed. Nouvelle Librairie de France)
Les Rois de France, fiches Editions Atlas