Des draps pour l’hôpital
15 Germinal (4 avril 1796) : le trésorier de l’hôpital demande 80 draps de lit, 40 taies d’oreillers, 120 chemises, 40 bonnets, 4 douzaines de serviettes et « six douzaines de naprons ». Ces linges sont pris dans les magasins nationaux de Châteaubriant, en provenance de l’ancienne « école charitable »
15 Germinal (4 avril 1796) : l’administration fixe les charges locales de la commune : le loyer du lieu des séances, les gages du héraut et du concierge, l’entretien de l’horloge et de 4 réverbères, le traitement du garde-champêtre, et du matériel pour écrire : « un cent de plumes, une livre et demi de cire, deux pintes d’encre, du pain à cacheter, du papier commun et du papier à lettres » et aussi « 38 livres de chandelles, une corde et demi de bois et 150 fagots ». Ces charges sont fixées de deux façons, au choix de l’administration du gouvernement, soit selon la valeur de 1790, soit « à raison de 30 capitaux pour un », en se servant des bases que présente le décret du 6 ventôse (= 25 février 1796) relatif à l’admission des assignats dans le commerce et leur échange contre des mandats territoriaux. Vous allez voir, c’est tout simple :
. Si l’administration autorise la levée des sommes établies dans la première colonne, « les contribuables pourront s’acquitter en numéraire et mandats territoriaux, ou bien en coupures d’assignats de 50 sous et en dessous, à raison de dix pour un, - et en gros assignats à raison de trente pour un »
. Si ce sont les sommes portées dans la seconde colonne, « les contribuables pourront s’acquitter en gros assignats, en petits assignats en payant un pour dix, et en numéraire et mandats territoriaux en payant un pour trente »
15 Germinal (4 avril 1796) : les loyers deviennent théoriquement exigibles en mandats territoriaux. Mais le mandat de 100 francs ne vaut déjà plus que vingt francs, ayant perdu les quatre-cinquièmes de sa valeur en quinze jours......
16 Germinal (5 avril 1796) : Bonaparte écrit à Joséphine : « Qu’est-ce que l’avenir ? Qu’est-ce que le passé ? Qu’est-ce que nous ? (...) Nous passons, nous vivons, nous mourons au milieu du merveilleux »
Ce même jour, dans le cahier des délibérations de la municipalité de Châteaubriant on discute de choses plus terre à terre : l’ouverture d’un local pour établir un magasin de souliers du 2e bataillon de la 67e brigade, dans la Maison dite du Lion d’Or, rue de Couëré, appartenant à la citoyenne veuve Hochedé de la Pinsonnais.
Jusqu’à maintenant, cette citoyenne s’est constamment refusée à donner une chambre dans cette maison au maître cordonnier pour y établir son travail. L’administration municipale considère que « cette attitude est inconcevable » et décide que « deux officiers municipaux, accompagnés d’un serrurier, se transporteront dans la Maison dite du Lion d’Or pour faire ouverture de la chambre dite Du Billard »
Faites payer les riches
16-17 Germinal et les jours suivants : des citoyens demandent à être déchargés de l’emprunt forcé. L’administration municipale reconnaît qu’ils sont souvent pas aisés, « Néanmoins il faut faire des efforts pour contribuer à une taxe que les besoins de l’Etat exigent impérieusement »
Certaines fois cependant, elle accepte des dégrèvements, considérant que « leur vieillesse, leur caducité et leurs infirmités les mettent hors d’état de contribuer ». Mais si les uns ne paient pas, il faut que d’autres paient. La municipalité demande donc d’augmenter la cote de la citoyenne Dubreil du Chatellier « qui doit supporter les sommes dont les décharges seront prononcées au profit des personnes surtaxées ».
18 Germinal (7 avril 1796) : le citoyen Pohier démissionne de son poste d’officier municipal à Châteaubriant, ce qui ne pose pas de problème puisqu’une décision du Ministre de l’intérieur dit que 5 officiers municipaux suffisent (en réponse à une série de questions dans laquelle était insérée celle qui concernait Châteaubriant)
Le citoyen Pohier est tout de même invité à terminer dans le plus bref délai l’opération relative à la levée des chevaux, commencée le 28 ventôse dernier (18 mars)
Que de boues !
18 Germinal (7 avril 1796) : depuis le 17 vendémiaire an III (8 octobre 1794), le citoyen Belot est adjudicataire des boues des places et rues de la ville. Il est tenu de balayer deux fois par décade la place du Champ de Mars (y compris le Grand Pavé), celle de la Liberté (avec le pourtour de la cy-devant église St Nicolas), la place de la Pompe, le dessous des Halles, etc. Il est aussi tenu d’enlever les « ballayures » ainsi que « celles qu’il trouvera amoncelées dans les rües »
Mais cela fait 8 mois que le citoyen Belot ne remplit pas ses fonctions, ni personne pour lui. « Les boues et autres immondices qui se trouvent sur les places deviennent de plus en plus nuisibles à la santé des habitants et le moindre retard peut devenir funeste ». Le citoyen Belot est alors traduit devant le tribunal de police de Châteaubriant et condamné à une amende et « il sera mis en adjudication à sa folle enchère les boues, ballayeures des places, rües et pavés de Châteaubriant »
21 Germinal (10 avril 1796) : c’est à nos frontières le début de la campagne d’Italie sous la direction de Bonaparte. Un livre d’histoire de 1884 raconte que jamais, dit-on, une guerre ne fut faite avec une si surprenante rapidité. En 10 mois Bonaparte défit trois armées formidables, trois fois renforcées. Avec 50 000 Français, il vainquit plus de 200 000 Autrichiens. Il livra 12 grandes batailles et plus de 60 combats , toujours vainqueur, à Dégo, Montenotte, Millesimo, Mondovi, Lodi, Lonato, Rivoli ...
21 Germinal : arrive à Châteaubriant l’arrêté du Directoire exécutif qui prescrit « les mesures les plus sûres pour déjouer les projets liberticides des ennemis de la République ». Dans les bureaux de Poste les plus limitrophes « des communes sous la dénomination (sic !) des chouans », les paquets et lettres « venant de ces communes ou destinées à elles » doivent être ouverts et s’il s’y trouve « des objets dangereux et contraires aux intérêts de la chose publique », les dits objets devront être adressés à l’administration du Département qui les fera passer au ministre de la police générale. Deux commissaires sont nommés pour visiter ces lettres et paquets « des communes infestées de chouans »
21 Germinal encore (10 avril 1796) : la municipalité vient de recevoir la loi du 3 Brumaire (25 octobre 1795) qui ordonne de faire du 10 Germinal la fête de la jeunesse, du 10 Floréal (29 avril) la fête des époux, et du 10 Prairial (29 mai) la fête de la Reconnaissance.
Le 10 Germinal étant passé, la fête de la jeunesse est renvoyée au 30 Germinal à Châteaubriant (19 avril) et, « pour lui donner toute la solennité qui convient, les corps administratifs, judiciaires et militaires devront y assister »
21 Germinal toujours (10 avril 1796) : suite au recensement des chevaux de la commune (décidé le 28 ventôse, 18 mars 1796), on trouve qu’il n’y a que 87 chevaux dans la commune de Châteaubriant, « incapables par leurs âges, qualités, tailles, infirmités ou vices, de pouvoir être destinés au service des armées de la république ». La municipalité explique cela par « la fourniture faite aux armées lors de leurs passages ou les vols faits par les chouans »
21 Germinal encore (10 avril 1796) : le citoyen le Mesle demande à être déchargé de l’emprunt forcé, mais l’administration municipale refuse, considérant que « le commerce du dit Le Mesle, loin d’avoir souffert de la Révolution, n’a fait que grossir et augmenter » . Même chose pour la citoyenne Bouetel, comme quoi il y avait déjà des « profiteurs de guerre ».
23-24 Germinal (12-13 avril 1796) : victoires de Bonaparte dans la « Campagne d’Italie », la première à Montenotte, la seconde à Millesimo.
Ce 24 Germinal, le Directoire, qui a besoin d’argent, met en gage un nouveau lot de diamants du Roi dont « le Régent ».
25-26 Germinal (15-16 avril 1796) : ce doit être la période des réclamations contre l’emprunt forcé : la citoyenne Victoire Cathelinays est déchargée de la somme de 60 livres « à laquelle elle est employée à l’emprunt forcé » car elle a éprouvé de lourdes pertes. De même pour la citoyenne Louise Joubert. Quant à Jean Ernoul, ex-juge, il voit sa cote réduite à 100 livres parce que « les fléaux de la guerre civille ont anéantis les propriétées et rendus les habitants malheureux ». La citoyenne veuve Ballais est admise à s’acquitter de « sa cotte à l’emprunt forcé, en nature de cuir » parce que les besoins de souliers pour le service de l’armée sont grands.
En revanche le citoyen Jean Huard, marchand cloutier, « n’est pas riche ni même à l’aise. Néanmoins par le commerce des clous et de fer, il se trouve moins mal que quelques autres » donc pas de réduction pour lui.
27 Germinal (16 avril 1976) : le Directoire édicte une loi punissant de mort ou de déportation tous ceux qui attaqueront la constitution de l’an III ou réclameront la loi agraire
Dans les jours qui suivent, la Campagne d’Italie se poursuit. Bonaparte proclame aux peuples de ce pays : « L’Armée française vient rompre vos chaînes » mais les instructions données par le Directoire à Bonaparte sont claires : « c’est le Milanais qu’il ne faut pas épargner. Levez-y des contributions en numéraire sur le champ, pendant la première terreur que cause l’approche de nos soldats ». C’est ainsi que le Directoire entend une guerre révolutionnaire « libératrice » des peuples !
Contrôle des comptes publics
29 Germinal (18 avril 1796) : en exécution de la loi du 3 Germinal, Lelièvre, commissaire du Directoire Exécutif, demande deux commissaires pour « descendre dans les bureaux où il existe des caisses publiques » y compris auprès du préposé des subsistances militaires « parce qu’il peut avoir en mains des fonds de la République ». Il est décidé (et ce sera fait) de vérifier ces caisses publiques tous les mois.
1er Floréal (20 avril 1796) : Babeuf et ses amis de la « Conspiration des Egaux » diffusent « Le cri du peuple français contre ses oppresseurs ».
3 Floréal (22 avril 1796) : le citoyen Duradier, conservateur des hypothèques à Châteaubriant, demande un logement sûr et commode pour l’établissement de ses bureaux et « offre de payer le prix à dire d’experts et aux termes d’usage ». C’est l’occasion de toute une controverse avec les administrateurs de ce qui était « le District » et qui ne se maintient que parce que la plupart des communes voisines ne sont pas organisées constitutionnellement.
La municipalité, considérant « qu’il ne serait pas juste de faire expulser des pères de famille, ouvriers et marchands parce que les administrateurs du District ne veulent pas se borner à ce qui leur est strictement et rigoureusement nécessaire » est d’avis que « la grande salle où le District tenait ses séances, la chambre servant de bureau des Emigrés, la chambre du cabinet où couchait le concierge » ainsi que deux « selliers » soient désignés pour le bureau du conservateur des hypothèques. Il resterait tout de même quatre « appartements » c’est-à-dire quatre pièces pour le cy-devant District.
4 et 7 Floréal (23 et 26 avril 1796) : pesage de fer trouvé à St Julien de Vouvantes. Et réclamation de la citoyenne Lanoë de la Guerche qui demande la main-levée de 8200 livres de fers emmagasinés à Châteaubriant et dont elle se dit propriétaire. L’administration municipale la renvoie au département « pour prononcer ainsy qu’il jugera convenable »
16 Floréal (5 mai 1796) : le citoyen Jean Marchand, adjudant des équipages militaires, fait état d’un traité entre le ministre de la guerre et l’administration des dits équipages, selon lequel « il sera fourni, des magasins de la République, pour chaque cheval ou mulet, 18 livres de foin et 2/3 de boisseaux d’avoine, mesure de Paris. Si la pénurie nécessitait une réduction sur la ration, je serais autorisé à acheter des fourages pour y suppléer ». C’est pourquoi la Municipalité certifie que, « d’après les Mercurialles, le prix du quintal d’avoine durant le mois courant est de 8 livres 16 sous, et que celui du millier de foin est de 150 livres, le tout en valleur métallique ».
Le même traité fixe à 3 livres par jour le loyer d’un cheval ou d’une voiture, et à 5 livres le loyer d’un couple de bœufs, « le tout en numéraire métallique »
21 Floréal (10 mai 1796) : Babeuf et ses amis de la « Conspiration des égaux » ont été trahis par l’un des leurs. 245 arrestations sont opérées à Paris.
21 Floréal, c’est la bataille de Lodi, journée capitale pour l’idée que Bonaparte se fait de son avenir : « je voyais le monde fuir sous moi, comme si j’étais emporté dans les airs ... Alors naquit la première étincelle de la plus haute ambition » dira-t-il plus tard.
27 Floréal (16 mai 1796) : Le Directoire ordonne de former, au sein de la Garde Nationale, des colonnes mobiles pour donner la chasse aux bandes de « chauffeurs » et autres brigands contre-révolutionnaires.
1er prairial (20 mai 1796) : Olivier Grelier, tisserand, obtient d’être rayé du rôle de l’emprunt forcé parce que « l’état de tisserand, dans ce pays, est très borné et fournit bien strictement la subsistance à un père de famille, et que Grelier n’est pas dans la classe de ceux qui ont augmenté leur aisance par la révolution ».
1er prairial (20 mai 1796) : le Commissaire du Directoire Exécutif demande à l’administration municipale de faire les préparatifs nécessaires à la Fête des Victoires, prévue pour le 10 Prairial (29 mai). « Les commandants de la force armée, les corps administratifs et les bons citoyens seront invités par des avertissements et cris publics d’assister à la dite fête afin qu’il y soit donné toute la solennité, la pompe et la dignité qui convient »
2 Prairial (21 mai 1796) : Le Citoyen Peuriot, percepteur des contributions foncières et « mobiliaires » de l’année 1792, n’a versé que 2200 livres au citoyen Ballais, trésorier de la municipalité. Celui-ci lui réclame encore 62 livres considérant que, en tant que collecteur, il aurait dû « agir contre les débiteurs en retard, qu’il est en faute à cet égard et responsable de sa négligence ». Ces 62 livres, le percepteur Peuriot doit donc les payer de sa poche. Il en est de même pour les Percepteurs, de nos jours.
2 Prairial (21 mai 1796) : le citoyenne Louise Rousseau (66 ans) vient déclarer que sa fille Louise Guérin, femme de Jean Catel, volontaire au service de la République, s’en est allée à Rennes avec son mari et a abandonné leurs fils Julien âgé de 8 ans et Jean-Marie âgé de 6 ans, « de manière que ces deux enfants de la Patrie sont sans ressources et sans pain ». La pauvre dame dit qu’elle a bien de la peine à pourvoir à sa propre subsistance, c’est pourquoi elle demande que les deux enfants soient admis à l’hôpital de la ville « pour y être entretenus et nourris jusqu’à ce qu’ils puissent gagner leur vie ». L’administration accepte « malgré que l’hospice de cette cité soit dans un état déplorable de dénuement et de détresse »
7 Prairial (26 mai 1796) : Bonaparte livre la ville de Pavie, en Italie, au pillage de ses troupes, pour faire un exemple.
17 Prairial (5 juin 1796) : le citoyen Huquereau, commissaire des guerres, est remplacé par le citoyen Bouquet. Celui-ci ne sera pas beaucoup à Châteaubriant vu qu’il est chargé « de la police des Troupes dans la place du Croisic, de Savenay, Guerrande, Nozay et généralement de tout l’arrondissement en y ajoutant le service de Châteaubriant »
Aux Forges Nationales
23 Prairial (11 juin 1796) : le citoyen Lesire, régisseur des Forges Nationales de Moisdon, n’est pas content. Il raconte que le 12 Germinal dernier (1er avril 1796) un bataillon s’en est allé prendre cantonnement au bourg et aux forges de Moisdon et qu’il s’y est rendu avec eux. Il trouva les forges dans le plus grand bouleversement, « les ouvriers errans, les portes des magasins enfoncées, les fers, les outils des ouvriers et partie des charbons, enlevés. Qu’aussitôt il s’occupa de rallier les ouvriers, de les placer dans les attelliers qui étaient propres et qu’il a eu la consolation au bout d’un mois, de fabriquer du fer pour l’agriculture » - « aujourd’hui tous les charbonniers sont occupés à cuire du charbon et les chevaux des voituriers, au nombre de 250 chevaux, à les conduire à l’établissement ». ll dit enfin qu’il a fait préparer du bois pour les réparations ...
Mais voilà que cette perspective va s’évanouir car le cantonnement a été rappelé ce jour environ les 7 heures du matin. Du coup, estimant qu’il lui serait imprudent de rester seul là-bas, il revient à Châteaubriant laissant « des approvisionnements de toutes espèces, charbon, fers, castines, mines - 60 milliers de fer recouvrés de ceux qui ont été enlevés par les chouans et 68 milliers de fer qu’il a fabriqués depuis sa rentrée ». Il affirme que le déplacement de la troupe va produire le plus mauvais effet « vu le deffaut de confiance que vont avoir les ouvriers et qui sont tous abandonnés faute d’un chef » et que, si on n’en prend pas les moyens, les approvisionnements seront compromis pour l’année prochaine.
27 Prairial (15 juin 1796) : Bonaparte écrit à Joséphine : « Sans appétit, sans sommeil, sans intérêt pour l’amitié, pour la gloire, pour la patrie, toi, toi, et le reste du monde n’existe pas plus pour moi que s’il était anéanti ». Joséphine, qui le trompe surabondamment, montre ses lettres en riant à Barras (l’un des 5 membres du Directoire Exécutif) et le trouve « drôle »
28 Prairial (16 juin 1796) : la commune de Châteaubriant fait l’élection des citoyens qui doivent former la « colonne mobile de la Garde nationale sédentaire du canton » (sachant que Châteaubriant est un canton à elle toute seule). Cette colonne mobile doit être en activité pour le 1er Messidor suivant (= 19 juin 1796). On voit alors que la Garde Nationale de Châteaubriant comporte 245 hommes. La colonne mobile est formée d’un capitaine, d’un lieutenant, d’un sous-lieutenant, de deux sergents, cinq caporaux, « 40 fusillers » et un tambour, soit 51 hommes qui sont regroupés en 5 escouades confiées aux 5 caporaux. Le capitaine est le citoyen Robert Bureau.
28 Prairial (16 juin 1796) : le prix de journée du malade militaire traité à l’hospice de Châteaubriant est fixé à 3 francs pour le second trimestre de l’an IV car, « indépendamment de l’étape en pain et viande que reçoivent les militaires, les autres fournitures pour le traitement des malades sont rares et chères »
28 Prairial encore (16 juin 1796) : le citoyen Louis Derval, maréchal de la ville, a déposé sur le bureau de l’administration municipale, 9 bons de ferrage de chevaux de cette garnison et d’ordonnance. Il menace de cesser de travailler « par le deffaut de matières si l’administration ne prenait pas le parti de luy faire délivrer deux milliers des fers qui ont été trouvés par la troupe, en attendant qu’il eut reçu le remboursement de la somme de 208 livres qui lui est due pour le payement des bons ci-dessus » .
Le citoyen Juin est autorisé à délivrer provisoirement 2 milliers des fers qu’il a en charge.
28 Prairial toujours (16 juin 1796) : la citoyenne Paladin, 70 ans, demande à être déchargée de la somme de 50 livres « à laquelle elle est portée au rôle de l’emprunt forcé ». La municipalité accepte vu qu’elle est infirme et sans fortune
29 Prairial (17 juin 1796) : le citoyen Nicolas Lejeune demande à être déchargé du paiement d’une année de la ferme de la métairie de la Carantaiche, dépendant de l’hospice civil de Châteaubriant .
L‘administration municipale refuse en considérant qu’il a reçu les grains produits par cette métairie « et qu’il a dû disposer des effouils des bestiaux, cidres et autres prestations »
Elle rappelle que s’il a été privé d’une partie des fruits de l’année dernière, « la loi du 20 vendémiaire (12 octobre 1795) le met dans le cas d’exercer ses reprises vers les 20 plus riches habitants de la commune »
Le citoyen Nicolas Lejeune est donc prié de verser 540 livres, moitié en nature, moitié en numéraire ou mandats, entre les mains du receveur de l’hospice, sinon il sera traduit devant les tribunaux !
8 Messidor (26 juin 1796) : Napoléon Bonaparte déclare à Joséphine : « J’ai toujours été heureux, jamais mon sort n’a résisté à ma volonté »
8 Messidor (26 juin 1796) : à Châteaubriant, de la vente des effets nationaux déposés dans les magasins militaires, il a été extrait « 42 livres de laine poids de 24 onces provenant des abats de la boucherie militaire, 50 livres de savons poids de 16 onces, 4 draps, 23 napes, 12 douzaines de serviettes, une chemise à femme, un paquet de mauvaises napes d’autels, un mauvais drap mortuaire de la commune de Soudan, deux mauvaises chemises d’hommes provenant du dépôt fait par les officiers de 39e régiment, et un sarreau de toile d’hôpital »
« Je vous propose, dit le citoyen Lelièvre, d’en faire délivrance à l’hôpital militaire de cette commune qui a un besoin urgent du tout. Il est dépourvu de tout en ce moment où il est encombré de militaires malades ou blessés
« Je vous propose encore d’approuver la délivrance qui a été faite à l’hospice lors de la vente de 3 mauvaises napes d’autels, un paquet de chiffons et vieux linges, une canule de seringue d’étain, deux urinoirs, dont un fayance, l’autre cristal »
L’affaire Pouzin
13 Messidor (1er juillet 1796) : à l’assemblée municipale un membre annonce qu’un citoyen nantais, Antoine POUZIN, a souhaité acquérir la maison et le jardin de l’ancienne « école charitable », « située vis-à-vis et près la Porte Neuve de la ville ». Mais l’administration souhaite conserver ce bâtiment pour servir à l’instruction publique. D’autre part, trois citoyens, qui doivent tenir leurs séances de jury (?) à Châteaubriant, n’ont que cette maison qui puisse leur servir de local.
« N’est-ce pas une raison pour en empêcher la vente ? L’article 6 de la loi du 3 brumaire an IV, porte qu’il sera établi dans chaque canton une ou plusieurs écoles primaires et qu’il sera fourni à chaque instituteur un local, tant pour lui servir de logement, que pour recevoir des élèves pendant la durée des cours »
L’administration municipale désigne donc la maison de l’école charitable pour servir de local à l’école primaire et « la maison presbitérale pour local d’une instruction publique pour les jeunes filles » avec ce commentaire :
« Cette ville éloignée de 12, 15 et 18 lieues des villes de Nantes, Rennes et Angers, centre de 8 cantons formant l’ancien District de Châteaubriant est susceptible d’avoir des établissements d’éducation de la jeunesse. Cette institution ne peut qu’être fort importante et utile à la société et vous devez sentir la nécessité qu’il y a de ne pas réunir les enfants des deux sexes dans un même local » . ben voyons ! Rappelons que ce n’est qu’à partir de 1968 que les cours de récréation du Lycée Guy Môquet à Châteaubriant sont devenues mixtes .
17 Messidor (5 juillet 1796) : projet de bref « Pastoralis Sollicitudo » du Pape Pie VI, conseillant aux catholiques français d’accepter la République.
19 Messidor (7 juillet 1796) : le citoyen Pierre Jean Baptiste Lefebvre dit avoir fourni au département les bois de la Galissonnière ainsi qu’un corps de logis situé au cy-devant château de cette cité. Il offre d’abandonner la « salle verte » faisant partie du Corps de logis du Château pour servir de magasin de subsistance tant que les besoins de la place l’exigeront (1)
26 Messidor (14 juillet 1796) : Nicolas le Jeune, juge de Paix du Canton de St Julien de Vouvantes, qui s’était réfugié dans les villes d’Angers et de Nantes « pour se soustraire à la fureur des chouans qui infestaient le pays de St Julien », déclare vouloir reprendre son poste. Il demande à la municipalité de Châteaubriant, « à défaut d’organisation constitutionnelle de la municipalité de St Julien » de recevoir sa déclaration d’être « sincèrement attaché à la République et vouer une haine éternelle à la Royauté ».
6 Thermidor (24 juillet 1796) : pour accorder aux ouvriers travaillant dans les magasins militaires « une rétribution convenable et proportionnée aux besoins de la vie », l’administration municipale arrête de fixer le prix de la journée des boulangers et chefs ouvriers à la somme de 22 livres 10 sous, celui de la journée des journaliers à 15 livres et la mouture des grains au prix des grains mercuriales.
6 Thermidor (24 juillet 1796) : revoilà le citoyen Antoine POUZIN qui « s’obstine à dépouiller les habitants de cette commune d’un établissement destiné à secourir l’indigence et l’infirmité » - « Quand il croyait que l’école charitable dépendait des biens de la Boispéan, fille émigrée, il était excusable, mais il est blâmable de vouloir par tous moyens imaginables, dépouiller l’indigence de ses ressources et priver la jeunesse d’instruction contre le texte littéral des loix »
L’administration retrace alors toute l’histoire de l’école charitable et conclut qu’elle est « vrayment un hospice de Charité et de bienfaisance, non vendable en raison de la loi du 28 Germinal de suspendre la vente des biens des hôpitaux et autres établissements de charité et de bienfaisance ». Donc, qu’on se le dise : on ne vendra pas les bâtiments de l’école charitable !
9 Thermidor (27 juillet 1796) : encore une histoire d’hôpital : la citoyenne Gallouine, qui fut directrice de cet établissement, lui doit 854 livres 19 sous et 2 deniers depuis sa démission du 18 Brumaire an II (8 novembre 1794), « somme dont ses héritiers auront sans doute profité » .
L’hôpital n’étant pas décidé à se laisser faire, a réclamé son dû : « cet argent métallique était une espèce de dépôt que ses héritiers devraient se faire un devoir de rendre en même espèce. Mais ils en sont bien éloignés (...) ce n’est que depuis que les assignats n’ont aucune valleur qu’ils offrent de se libérer »
20 Thermidor (7 août 1796) : il s’agit de procéder à l’adjudication de la Perception de la contribution foncière, de la contribution personnelle et somptuaire de Châteaubriant, pour l’an IV. Sera retenu celui qui en offrira le plus bas prix.
L’adjudication se fit à la bougie et c’est au bout du 5e feu que le citoyen Pierre Philippes l’a emporté pour « 3 deniers par livre du montant de la recette ». Soit quatre fois moins que la mise à prix !
20 Thermidor (7 août 1796) : Jean Etienne Chartier demande la délivrance de 5 milliers de fers en verge, de ceux emmagasinés à Châteaubriant et enlevés aux Forges de Moisdon par le Général Humbert lorsque les chouans occupaient le pays de Moisdon. Il prétend que ces fers lui appartiennent. L’administration municipale estime ne pas en avoir la preuve et refuse de les lui remettre.
23 Thermidor (10 août 1796) : pour entreposer la récolte de 1796 (vieux style) des grains et autres fruits en nature provenant des baux des biens nationaux, la municipalité désigne « la salle verte » (1) et la maison « ci-devant occupée par Cotelle » au château.
28 Thermidor (15 août 1796) : pétition d’artistes français contre les enlèvements de tableaux et objets d’art en Italie. En vain
Les galeux
30 Thermidor (17 août 1796) : le citoyen Jean Baptiste Régnier est autorisé à prendre la surveillance de la maison où se trouvent les militaires galeux. 3je me repose entièrement sur votre zèle et votre intelligence et suis persuadé que vous ne négligerez rien pour procurer aux malades toutes les douceurs qui leur sont dues » dit le Commissaire des Guerres qui autorise le citoyen Régnier à prendre « deux rations de pain et viande par jour pour les subsistances »
1er fructidor an IV (18 août 1796) : Châteaubriant n’est plus en état de siège. Le citoyen Masson, chef de bataillon de l’arrondissement de Châteaubriant annonce que l’état de siège est levé dans toutes les communes des départements de l’Ouest. Une grande cérémonie est organisée ce jour à 11 heures et demi du matin. Les officiers municipaux, le juge de paix et le Commissaire du Directoire exécutif près le Tribunal Correctionnel, sont invités à se rendre à la maison commune « Une garde d’honneur nous a conduits au bruit des tambours et au son des instruments sur la place de la Liberté où la Garnison et la Garde Nationale étaient formées en bataillon carré au sein duquel nous avons été introduits »
1er fructidor (18 Août 1796) : « quatre citoyens déclarent vouloir profiter de la permission leur accordée, de porter des armes en qualité de garde-forêts en activités, dans la cy-devant maîtrise de Châteaubriant et Bois y réunis » . C’est la première demande de ce type. Par la suite, bien des citoyens, à un titre ou à un autre, obtiendront l’autorisation de porter des armes.
1er fructidor (18 Août 1796) : même si l’état de siège est levé, la vigilance demeure. « Le citoyen Besnier a été arrêté pour avoir été trouvé à dégrader et faire dégrader les fortifications de cette ville derrière sa maison ». Le citoyen se défend, il dit qu’il a appris « par les papiers publics » que le Directoire a levé le siège de tous les pays ci-devant insurgés des départements de l’ouest, et qu’il ne pensait pas faire de mal en faisant ouvrir une porte « qui lui donne une communication directe pour aller à son jardin sur les douves ». Il s’engage à reboucher cette porte dans les 24 heures.
2 Fructidor (19 août 1796) : le Trésorier de l’hôpital de Châteaubriant dit qu’il n’a en caisse que des mandats avec lesquels il ne peut rien procurer au dit hospice : « leur peu de valleur met cette maison dans le dénuement le plus grand des premiers besoins. Le moyen de faire quelque chose de ces papiers est de les convertir en numéraire métallique ». L’administration municipale l’y autorise
2 Fructidor (19 août 1796) : Julien Jambu, ayant accepté les fonctions de commissaire du pouvoir exécutif près l’administration municipale du canton de Moisdon, démissionne de ses fonctions d’officier municipal à Châteaubriant
Le prix du pain
10 Fructidor (27 août 1796) : un membre dit que les marchés de grains ont repris leur cours depuis la cessation de la guerre civile. « Les boullangers ont repris leur commerce mais ils vendent le pain excessivement cher. Il est pressant d’en régler le prix d’après les mercurialles que la municipalité se procure à chaque jour de marché ». La municipalité, « voulant faire cesser l’arbitraire qui se fait de la part des boullangers » fixe ainsi le prix de la livre de pain :
le pain de fine fleur de froment : 3 sous 6 deniers
le pain de méteil 3 sous
le gros pain 2 sous 6 deniers
le pain de seigle avec toute la fleur : 2 sous 6 deniers
« Les boullangers doivent afficher ces prix dans un endroit apparent de leur boutique, à peine de confiscation du pain qui se trouvera chez eux pour la 1re fois, de 3 jours de prison et de 4 livres 10 sous en numéraire, sauf à être poursuivis en cas de récidive devant la police correctionnelle »
12 Fructidor (29 août 1796) : le citoyen Janvier garde-magasin des réserves de domaines nationaux de Châteaubriant, déclare qu’il attend des fermiers et qu’il lui faut une balance pour recevoir les grains. Il ajoute qu’il a multiplié les démarches pour se procurer des balances pour le service du dit-magasin. « Il n’a pu en découvrir qu’une paire avec 200 livres de poids appartenant au citoyen Grandin Gendarme, à la condition de payer chaque mois, et par avance, une somme de 3 livres en numéraire ou la valeur en grains au prix de 1790 »
14 Fructidor (31 août 1796) : émigré à Lausanne, le prince-évêque d’Embrun menace d’un schisme si Pie VI persiste à promouvoir le ralliement des catholiques à la République
Commerce de gueule et tripots
Sous le Directoire, le pays était divisé en deux camps, (fracture sociale !) :
d’un côté les travailleurs, de plus en plus dépossédés du fruit de leur labeur
d’un autre côté, peu nombreux mais insolents, ceux qu’on appelle maintenant « les pourris »
Devant les interminables files d’attente qui se formaient au seuil des boutiques, on parlait ironiquement ou avec colère du directeur Barras (l’un des 5 membres du Directoire Exécutif), qui se rendait du Luxembourg à sa terre de Grosbois en équipage attelé de chevaux couleur « soupe au lait », aux traits et aux brides argentés. Détesté du peuple, il était adulé et imité par ceux qui, comme lui, possédaient du numéraire et fréquentaient les établissements les plus luxueux. Ce qu’on appelle « le commerce de gueule » était plus prospère que jamais, mais plus florissant encore était celui des tripots où l’on perdait et gagnait des fortunes au pharaon, à la bouillote, au whist et autour de tables de jeu dressées dans des appartements luxueux où les dames dégustaient des tasses d’un liquide récemment introduit en France : le thé
(d’après Histoire du peuple français, de Pierre Lafue et Georges Duveau, tome III)
Du pain de député
En ces temps troublés, la corruption et l’impuissance des assemblées élues passent très mal. Les députés sont méprisés. Qu’une ménagère voie du pain blanc à l’étal d’un boulanger, elle s’écrie « c’est du pain de député ». Que passe une femme élégante, on lui attribue inévitablement pour époux « un député ». Des voyageurs ont entendu des fermières appeler leurs dindons « des députés ».
Le peuple misérable, et la bourgeoisie restée saine et active, aspirent à un régime qui serait d’abord celui de l’honnêteté et disposerait d’assez d’autorité pour faire rendre gorge aux parvenus de la richesse et pour rétablir l’ordre public. Les Français, en grande majorité, mettent leur espoir dans un pouvoir fort, quitte à être privés d’une partie de la liberté que la Révolution leur a donnée. Ils cherchent un sauveur, sans s’avouer qu’ils accepteront, s’il le faut, un maître.
D’après « l’Histoire du Peuple Français »
par Lafue et Duveau, tome III