Impôts en nature
11 Nivôse an IV (1er janvier 1796) : le citoyen Pierre Philippes dit que « pour l’interret public » il veut bien se charger de la recette des contributions « foncières et mobiliaires ». Sa femme se porte caution pour lui. « Le Corps municipal a reçu la dite caution et a arrêté qu’elle signera pour soumission. Il autorise pour le bon plaisir du Département, le citoyen Philippes à se faire fournir par les contribuables le papier nécessaire pour les quittances qu’il aura à leur donner ».
12 Nivôse an IV (2 janvier 1796) : le citoyen Pierre Galinier explique que « la ferrure en fer de la porte de la maison de Paluel » où il réside, a été enlevée et qu’un volontaire (= un militaire) est allé l’offrir à vendre à trois serruriers de la ville qui n’ont pas voulu l’acheter. Il dit aussi que « le milieu du balcon en fer de l’en-haut de la dite maison a été aussi enlevé en grande partie sans savoir par qui » et qu’enfin « beaucoup d’arbres futaye ont été ébranchés par la Troupe gardant les bœufs à la pâture ». Comme quoi, quand ce ne sont pas les chouans, ce sont les militaires qui font des dégradations.
19 Nivôse (9 janvier 1796) : un arrêté du Département ordonne qu’il sera fait une levée de 330 quintaux de grains, par acompte sur la contribution foncière de l’an III payable en nature.
Les magasins de l’armée à Châteaubriant sont vides. Le citoyen Connesson, garde-magasin des vivres de la ville, demande qu’il y soit pourvu. « Je requiers qu’il soit sur le champ procédé à la confection du rolle de répartition des 330 quintaux de grains demandés par le Département et que de suite il soit mis en recouvrement ».
Le Corps municipal discute. Il fait valoir que Châteaubriant est resserrée dans son arrondissement, « qu’il y a beaucoup de bois, de landes et de prairies qui ne produisent aucuns grains - que les métairies sont de peu de produit - que les propriétaires à qui elles appartiennent n’ont pas de grains suffisamment pour leur provision, et qu’il leur serait par conséquent impossible d’en fournir en nature »
« Considérant que la majeure partie des habitants a fourni par la voye de la vente beaucoup de grains aux magasins militaires - et que les chouans qui infestent nos campagnes ont enlevé partie des grains des propriétaires, surtout ceux qui ne demeurent point dans la campagne - que les chouans font tout leur possible pour faire manquer la trouppe de vivre afin de la faire retirer », la commune arrête donc :
en premier lieu de faire procéder à « un rolle provisoire de répartition » de la quantité qui sera demandée à chaque propriétaire de terre et de métairie
en second lieu, elle demande au Département des commissaires « à l’effet de vérifier l’estimation de la commune et d’obtenir un dégrèvement des contributions dont elle est surchargée »
en troisième lieu, elle rappelle au Département qu’elle n’est qu’une municipalité provisoire et demande « à être autorisée, dans le cas où les dits membres ne seraient pas remplacés de moment à autre, à mettre en adjudication la confection des dits rolles »
Finalement, le 21 Nivôse (11 janvier 1796), « un rolle provisoire est établi et déclaré exécutoire pour 165 quintaux et demi de froment, seigle, avoine et orge » c’est-à-dire pour la moitié de ce que demandait le Département.
22 Nivôse (13 janvier 1796) : le Directoire promulgue une loi ordonnant de célébrer « l’anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français » : ce jour-là à Paris les membres des deux Conseils devront jurer haine à la royauté, individuellement et à la tribune. Même les députés royalistes s’y soumettent. On ne trouve pas trace de pareille cérémonie à Châteaubriant. Le temps des grandes proclamations patriotiques est-il fini ?
23 Nivôse (14 janvier 1796) : le citoyen Pierre de La Fosse, dit que le citoyen Malherbe de la Hunaudière, « ayant un fusil à racomoder en cette ville, après qu’il l’a été, ne voulant pas le faire porter en campagne, l’a fait déposer chez lui, De La Fosse, où il est maintenant » et qu’il s’agit d’un fusil à deux coups.
24 Nivôse (15 janvier 1796) : le citoyen Eugène Peuriot vient dire à la municipalité que « depuis 5 mois, il a servi avec honneur la République dans la Garde Territoriale de cette commune, mais que son état et le soutien de sa famille l’obligent à désirer de cesser ce service dans lequel il sera facille de la remplacer, tandis qu’en le continuant dans ce moment il exposerait sa famille à manquer du plus pure nécessaire ». « En conséquence, il consigne icy son remerciement du dit service »
26 Nivôse (17 janvier 1796) : le citoyen Huquereau, commissaire des guerres, prévient que la garnison manque de subsistance en viande, qu’il a envoyé quelqu’un à Rennes « pour y quérir des bœufs » mais que depuis 15 jours il attend son retour.
Il explique donc que « le moyen le meilleur, qui a déjà réussi le 22 vendémiaire dernier (14 octobre), ce serait de prendre trois ou quatre couples de bœufs dans les métairies les plus fortes, de les faire priser et de les faire payer par l’agence »
« Nous avons invité nos concitoyens à avancer leurs vaches et bœufs et plusieurs ont secondé nos vües en fournissant à crédit. Malheureusement la ville ne présente pas de ressources suffisantes pour allimenter la troupe, les malveillans qui parcourent les campagnes s’opposent aux approvisionnements et la garnison manque »
Considérant « l’urgence et la nécessité absolue afin de prévenir les extrémités que le manque de vivre occasionnerait » le Corps municipal ordonne à trois habitants de la commune de fournir chacun deux bœufs pour le service de la troupe. Ces bœufs seront de suite estimés et le prix en sera payé au propriétaire « en numéraire métallique ». (Décidément, on ne fait plus confiance aux assignats !)
Le Commissaire des Guerres, « attendu la pénurie de bestiaux », est invité à s’adresser aux municipalités des autres communes pour fournir ultérieurement.
Emprunt forcé
27 Nivôse (17 janvier 1796) : le citoyen Lelièvre a reçu la loi du 3 pluviose qui parle d’un emprunt forcé et qui n’admet les assignats « sur le prix de 100 capitaux pour un » que jusqu’au 30 de ce mois inclusivement. Selon l’article 3 de cette loi, ce qui n’aura pas été payé dans ce délai « ne sera acquitté qu’en numéraire, matière d’or ou d’argent, ou en grains ». L’affichage de cette loi est fait sur le champ
29 Nivôse (19 janvier 1796) : « la Commission du Directoire Exécutif près les Départements » demande un état de la population des communes, suivant la loi du 10 vendémiaire. A Châteaubriant des commissaires sont nommés pour cette tâche : la campagne est partagée en 6 sections, la ville en 4 sections.
29 Nivôse (19 janvier 1796) : le corps municipal arrête de nommer provisoirement deux orfèvres « pour faire l’appréciation du numéraire métallique, des matières d’or et d’argent » que les castelbriantais vont offrir en acquittement de l’emprunt forcé. Il est précisé que ce matières seront appréciées « au prix qu’elles vallaient en 1790 »
30 Nivôse (20 janvier 1796) : René Tourneux, demeurant à l’Orgerais, commune de Rougé, dit que dans la nuit du 14 au 15 , « un cheval bez brun et hors d’âge lui a été pris dans la pâture nommée Les Breilles » - « que pour le faire passer on enleva l’échallier au midy, et que par les traces il vit qu’il avait été emmené vers le bourg de Rougé ». Ces jours derniers, il a appris que son chevaL a été amené à Châteaubriant par un militaire qui l’a enlevé à un chouan dans la commune de Noyal. « L’ayant fait reconnaître dans les écuries militaires, il requiert qu’il ui en soit fait délivrance ». Pas si vite, citoyen !
1er Pluviôse (21 janvier 1796) : le directeur trésorier de l’hospice explique qu’il a dû faire des emprunts pour payer différentes dépenses et particulièrement du suif et les frais que sa manutention a entraînés. Pour rembourser ces emprunts, il propose de vendre une certaine quantité de livres de chandelles en numéraire et demande à être autorisé à le faire, d’autant plus que « la chandelle composée de suif vieux peut, en vieillissant, perdra de sa qualité ». Le Corps municipal estime qu’il peut vendre 220 livres de la dite chandelle sans nuire au service de l’hôpital.
1er Pluviôse (21 janvier 1796) : Robert Jean Bureau, qui habite près des halles de Châteaubriant, et qui est fermier de plusieurs propriétaires à St Julien de Vouvantes et au Petit Auverné, dit que « malgré ses espérances, il a inutilement attendu qu’il luy fut venu des grains, fourrages, liqueurs de la récolte dernière ou des bestiaux de ces terres. Il ne luy est rien venu ! Il n’a rien eu ! Les Chouans se sont emparés de tout » . En raison de quoy il fait la présente déclaration, dont il demande qu’on lui donne acte, pour valoir et servir autant que de raison.
1er Pluviôse (21 janvier 1796) : anniversaire de la mort de Louis Capet. L’un des membres du Directoire en profite pour prononcer un discours menaçant ... contre la gauche et pour rassurer les propriétaires.
Il n’est pas fait mention de quelque cérémonie à ce sujet à Châteaubriant
2 pluviôse (22 janvier 1796) : le citoyen Pierre Le Ray, « la main levée, a promis et juré de dire Vérité » Il déclare avoir vu « dans les écuries des convoyes militaires établies à Châteaubriant, un cheval Bez Brun qui a reconnu appartenir au citoyen René Tourneux ». Un autre citoyen ayant témoigné dans le même sens, le citoyen René Tourneux est envoyé vers le Commissaire des Guerres, en raison de « l’article 11 du titre 22 de la loi de la police ruralle du 23 septembre 1791 (vieux style) qui ordonne la restitution des bestiaux dans le cas où ils auraient été volés » (2)
Gilbert Chassaing Président
2 Pluviöse (22 janvier 1796) : la situation administrative de Châteaubriant se régularise. Les citoyens Gilbert Chassaing, Marie-François Guérin, Benjamin Lejeune et Henry Pohier déclarent qu’ils ont été élus officiers municipaux par l’assemblée primaire du 2 frimaire dernier (23 novembre 1795). Ils se présentent pour s’installer en cette qualité « déclarant révoquer les démissions par eux données ». Mais la municipalité n’est pas au complet, parce que le citoyen Lelièvre a opté pour la place de Commissaire du Directoire Exécutif « près l’administration municipalle », et parce que le citoyen Guibourg, homme de loi, maintient sa démission. Deux membres sont alors élus et acceptent la charge d’officiers municipaux : le citoyen Jambu ex-Juge et administrateur du District et le citoyen Masseron ex-officier Municipal.
Le Commissaire du Directoire Exécutif observe alors que selon l’article 9 de la loi du 21 fructidor dernier, il faut nommer un « Président de l’administration Municipalle du Canton de Châteaubriant » : ce sera le citoyen Gilbert Chassaing, à la majorité des suffrages.
Ensuite Nicolas Rebillard, qui fait fonction de greffier depuis le 1er vendémiaire an III (22 septembre 1794), accepte de continuer à exercer ces fonctions.
Et il est demandé aux citoyens Cathelinays, Lefebvre et Delourmel de continuer à être officiers d’Etat-Civil puisqu’il ont rempli ces tâches « avec exactitude »
Châteaubriant en état de siège
9 Pluviôse (29 janvier 1796) : une lettre a été adressée le matin de ce jour par le citoyen MUSCAR, « commandant de l’arrondissement de Châteaubriant, armée de l’Océan, division de l’Ouest, quatrième division ». Cette lettre prévient l’administration municipale que, conformément à l’arrêté du Directoire Exécutif du 7 Nivôse et aux ordres des généraux à ce sujet, il va déclarer la commune de Châteaubriant en état de siège, et qu’aussitôt après cette déclaration toutes les fonctions de la municipalité relatives au maintien de la police et de la sûreté cesseront, en conformité de la loi du 7 septembre 1792, et seront dévolues de droit au pouvoir militaire.
L’administration municipale enregistre, précisant toutefois que le commandant militaire doit exercer exclusivement ces fonctions sous sa responsabilité personnelle.
Le même jour, aux 3 heures de relevé, le Commissaire du Directoire exécutif déclare : « Citoyens, la Générale bat et vous êtes à votre poste, il paraît que c’est pour déclarer cette commune en état de siège, comme étant une des grandes communes de l’armée de l’Océan, division de l’Ouest ». La municipalité est alors invitée à se rendre « avec ses décorations » sur la Place de la Liberté où la Garnison est assemblée. Là le citoyen MUSCAR prononce un discours « véhément contre les ennemis de la patrie et rassurant pour les citoyens soumis à l’ordre et aux loix et pour ceux-même des révoltés qui rentreront dans l’ordre en déposant leurs armes ». Ce discours a été applaudi aux cris répétés de « Vive la République »
Appréciateurs
9 Pluviôse encore : chaque administration municipale de canton où il se tient des marchés de grains, doit nommer dans les trois mois, deux ou trois citoyens commissaires qui, à la fin de chaque décade, « feront le rapport des prix qu’auront valu les grains dans les marchés locaux pendant la décade et le réduiront à un prix commun suivant la nature, l’espèce et la qualité des grains. De ces rapports il sera tenu registre et il en sera tous les mois envoyé un relevé à l’administration du département qui charge aussy chaque administration municipalle de lui faire connaître tous les mois les prix courants des foins et pailles ». Sont nommés « appréciateurs » : Louis Guémené, Jean Poulain et Pierre Galinier.
9 Pluviôse (29 janvier 1796) : la vie quotidienne se soucie peu de l’installation, faite ce jour, de la nouvelle municipalité, et de la déclaration solennelle de l’état de siège. Le citoyen Masseron a d’autres soucis ! Il vient dire que le 22 nivôse dernier (12 janvier), « une vache à luy appartenant, de couleur rouge, âgée de 6 ans, grandes cornes, de la valeur de 72 livres en numéraire métallique, fut prise par les chouans dans la pièce du paty Thomas située près La Maison Brûlée au faux-bourg de la Torche » à Châteaubriant. Déclaration faite « pour valloir et servir autant que de raison ».
9 Pluviôse toujours : Jeanne Jeusset, veuve Caris, (qui était venue déclarer sa grossesse le 4 Frimaire dernier) a accouché d’une fille, Françoise mais « sa malheureuse situation et sa pauvreté ne lui permettent pas de suffire à sa subsistance et à celle de son enfant. Pour quoy elle demande de recevoir de l’hôpital de cette ville les secours que l’on accorde aux nourices qui conservent le soin de leurs enfants ». Elle demande au surplus que lui soit accordé un secours « pour frais de gésine » (accouchement) : 30 livres.
15 Pluviôse (5 février 1796) : un secours de 4838 livres, neuf sous et quatre deniers est à partager entre les parents des défenseurs de la Patrie à Châteaubriant.
15 Pluviôse (5 février 1796), le citoyen Connesson, « garde-magasin des subsistances militaires, section pain à Châteaubriant », invite l’administration à déléguer de ses membres pour être présents au déchargement et au pesage de grains arrivés de la commune de Moisdon.
Combien de poêles et de chevaux ?
15 Pluviôse encore : la loi du 7 Thermidor an III (25 juillet 1795) a rétabli la contribution mobilière « personnelle et somptuaire ». La municipalité fait donc prévenir les habitants de faire les déclarations prescrites par la loi « nombre de cheminées et poêle dont ils usent, nombre de leurs domestiques, nombre de leurs chevaux ou mulets et de leurs voitures à quatre ou deux roues ». Ils doivent déclarer aussi s’ils sont célibataires ou non.
Et s’ils ne font pas cette déclaration, ils ne seront admis à se plaindre des erreurs qui auraient pu subvenir, qu’après avoir payé le montant de leurs cotisations.
15 Pluviôse (5 février 1796) : suite à l’enquête diligentée après le vol dont a été victime le citoyen Masseron le 13 thermidor dernier, le citoyen Martin Hamon demeurant faux bourg de Béré déclare que dans cette nuit-là (fin juillet 1795), les chouans au nombre de deux, tous deux armés, vinrent environ minuit, « le forcent de se lever et de les suivre pour, avec les autres habitants du faux-bourg, aider les dits chouans à enlever le foin du citoyen Masseron dans la pièce du Champ de foire de Béré. Il voulut s’y refuser mais les chouans lui observèrent qu’ils étaient 600 et que s’il s’obstinait dans son refus ils le tueraient. Il se rendit donc dans la pièce du champ de foire où il trouva tous les habitants du bourg avec plusieurs harnois notamment ceux de la Goupillère, de la Grange et de la Rouxellière. Le foin a été déposé dans un pré de St Aubin des Châteaux ». Le citoyen François Hamon, peigneur, fait pratiquement la même déclaration, disant que ce foin était presque sec.
15 pluviôse (4 février 1796) : Louis Joseph Margat qui, le 25 vendémiaire dernier (17 octobre 1795) avait déclaré n’avoir rien touché de ses propriétés, a tout de même reçu : 8 boisseaux de mauvais froment, presque 20 boisseaux de blé noir, 15 boisseaux de seigle, 2 d’avoine, un boisseau et demi d’orge et 9 barriques de cidre. Il signale en outre que la colonne commandée par le citoyen Humbert « qui partit hier de Châteaubriant pour Vitré, en passant sur la grand route, prit une jument brun noir, âgée d’environ 10 ans, defferrée des quatre pieds et d’une valeur de 90 livres en numéraire métallique »
20 Pluviôse (9 février 1796) : le Directoire rejette une pétition tendant à rétablir un prix maximum pour les denrées de première nécessité
23 pluviôse (12 février 1796) : le citoyen Pierre Cordeau, tanneur, demande que son fils Pierre, ouvrier tanneur, reste à Châteaubriant « en réquisition pour la préparation et la fabrication des cuirs destinés aux chaussures des deffenseurs de la patrie ». L’administration communale rappelle à cette occasion la circulaire des administrateurs de l’habillement, équipement et campement des troupes qui demande que chaque cordonnier fournisse deux paires de souliers par décade « ce qu’il ne pourra pas fabriquer s’il ne se trouve pas dans la manufacture de cuirs ».
Elle est donc d’avis que le fils Cordeau reste attaché à la manufacture de son père comme étant d’une utilité indispensable pour les besoins de l’armée.
En second lieu, elle demande que le dit Cordeau père soit surveillé ainsi que les tanneurs de l’arrondissement « pour qu’ils apprêtent la plus grande quantité de cuirs possible »
25 Pluviôse an IV (14 février 1796) : le citoyen Nolet de Châteaubriant déclare avoir reçu une commission du Directoire exécutif, du 24 Nivôse, signée de Reubell, par laquelle il est nommé Juge de Paix du Canton de Châteaubriant
Ce même jour, 14 février 1796, le citoyen Lelièvre déclare : « je viens de recevoir la lettre du 21 Nivôse (= 11 janvier 1796) qui ordonne la célébration de la juste punition du dernier roi des Français dans toutes les communes de la République et par les armées de terre et de mer ». Cette cérémonie aurait dû avoir lieu à Châteaubriant comme ailleurs le 1er Pluviôse (21 janvier 1796) mais les délais postaux en ont décidé autrement. Le citoyen Lelièvre demande donc que soient convoqués « les commandants de la force armée, tous les fonctionnaires publics, les employés du gouvernement, et les salariés de la République », pour le 28 Pluviôse (18 février)
29 Pluviôse (18 février 1796) : le Directoire, qui a besoin d’argent, met en gage une partie des « diamants de la couronne » c’est-à-dire des diamants des Rois de France.
30 Pluviôse (19 février 1796) : fin de l’émission des assignats. Les planches sont brûlées place Vendôme. 39 milliards d’assignats sont en circulation et l’assignat ne vaut même plus le prix de son papier.
1er Ventôse (20 février 1796) : le citoyen Muscar, commandant de l’arrondissement de Châteaubriant « accorde un terme de 6 jours pour tout délai aux habitants de cette commune pour rendre leurs armes et payer volontairement leurs impôts »
L’administration municipale arrête de nommer quatre commissaires « pour vérifier les déclarations faites » par les habitants « et suppléer à celles qui ne l’auraient pas été ». Des contrôleurs fiscaux, en quelque sorte.
Le crouil de la porte
Ce même jour 1er Ventôse (20 février) la citoyenne Marguerite Hevin « fille domiciliée aux Fougerais » vient signaler les dégâts commis dans la maison qu’elle occupe « à l’effet de ne pouvoir être inquiétée pour des débris causés par la force armée et desquels elle ne peut répondre ». Elle explique que le 27 frimaire dernier (18 décembre 1795) un détachement parcourant le pays s’arrêta au dit-lieu des Fougerais et y fit perquisition de chouans et ennemis « sans en trouver » mais que plusieurs militaires se portèrent à des excès considérables : « ils ont brisé la porte d’entre le jardin et le bocage, celle d’entre le jardin et la prairie, défoncé un placard de la chambre, démoli le fourneau de la buanderie, cassé et brisé une quantité de vitres dans toute la maison, détruit une grande partie des pallissades, des arbres fruitiers du jardin, dégradé différentes boiseries de la maison, démaçonné à l’endroit du crouil de la porte de la cave » et de plus, les effets renfermés dans le placard défoncé ont disparu : mouchoirs, coiffes, bas et autres menus effets. !
1er Ventôse (20 février 1796) : la citoyenne Toussaint Guillou « déclare être enceinte d’un enfant bougeant » du fait de Pierre Gasnier de Fougères, volontaire (= militaire) au 1er bataillon de la 144e brigade d’infanterie, qui était logé chez le citoyen Morion son oncle à Châteaubriant . Elle ajoute « ne pouvoir déterminer l’époque de la grossesse ».
1er Ventôse (20 février 1796) : Nouvelle lettre de Muscar, commandant de l’arrondissement qui expose que, pour subvenir aux besoins urgents en souliers pour la garnison, il propose à l’administration municipale de mettre en vente « les peaux cuirs provenant des abbats de la Boucherie Militaire qui existent en magasin, au lieu de les y laisser pourrir et de les échanger contre des cuirs préparés ».
L’administration municipale explique que les cordonniers ne peuvent suffire à la tâche « par les difficultés qu’ils éprouvent tous les jours de se procurer des cuirs préparés avec les assignats qu’ils reçoivent à la caisse du Trésor Public en payement du prix de leurs souliers »
6 Ventôse (25 février 1796) : quelle histoire ! Le citoyen Humbert, général de Brigade demande à la municipalité de nommer des commissaires pour assister au déchargement des fers de Moisdon et à leur pesage.
Mais l’administration municipale s’étonne et demande au général Humbert en vertu de quels pouvoirs il a le droit d’enlever « des fers nationaux ». Elle soupçonne le général Humbert de vouloir livrer ces fers « hors département » « pour les besoins du district de la Guerche et de Vitré »
De son côté, le citoyen Terrien, receveur de l’enregistrement, produit une lettre du Directeur des Domaines disant que le Général divisionnaire Chabot est chargé du recouvrement des récoltes des Biens Nationaux. La municipalité estime que seul le Général Chabot est autorisé à enlever ces fers « appartenant à la République » et décide de prendre des mesures « non seulement pour la conservation des fers fabriqués aux forges mais même à tirer des dittes forges tout l’avantage qui peut résulter de l’exploitation d’icelles »
7 Ventôse (26 février 1796) : il y a des citoyens à Châteaubriant qui ont droit d’obtenir des mandats « pour le payement de la valleur d’une livre et demie de pain pendant les mois de brumaire, frimaire, nivôse et pluviôse ».
Encore faut-il savoir ce que vaut le pain. Le citoyen Lelièvre, commissaire du Directoire exécutif demande donc de fixer le prix de la livre de pain.
Le prix du pain
L’administration municipale, « vu ce qui résulte des différents prix en assignats portés au registre des mercurialles pendant les mois de Brumaire, Frimaire, Nivôse et Pluviôse » décide, pour fixer la valeur de la livre et demie de pain, de faire « addition des prix des trois décades du mois de Brumaire et que le tiers de cette somme formera le prix du quintal et que le centième de cette dernière somme formera le prix de la livre de pain »
Avec ce mode de calcul, la livre et demie de pain est à :
60 livres 8 sous pour le mois de Brumaire
67 livres 10 sous pour le mois de Frimaire
67 livres 10 sous pour le mois de Nivôse
72 livres 5 sous pour le mois de Pluviôse
Mine de rien, ça fait une augmentation de 20 % en quatre mois !
7 Ventôse (26 février 1796) : Pour se conformer à la loi du 3 brumaire dernier (25 octobre 1795), les officiers municipaux déclarent individuellement n’avoir jamais provoqué ni signé des mesures séditieuses et contraires aux lois et n’être point parents ni alliés d’émigrés (voir document). On notera que le citoyen qui tient le cahier des délibérations, écrit « Chassin » au lieu de « Chassaing » comme nom du Président de l’administration municipale de Châteaubriant .
10 Ventôse (29 février 1796) : La citoyenne Félicité Borin, demande à la municipalité de la faire jouir, ainsi que ses trois enfants, des secours accordés par la loi aux colons propriétaires (loi du 27 vendémiaire an III, 18 octobre 1794). On découvre alors que les héritiers Borin sont propriétaires d’une habitation dans l’île de St Domingue et que « les malheurs arrivés à ce pays » les ont mis, disent-ils, dans le plus grand dénuement. (Des combats se sont déroulés dans cette île en juin 1794, contre les Anglais puis en juillet 1795 contre les Espagnols).
Mais la municipalité n’est pas dupe : « il est notoire et à la connaissance de tous que cette citoyenne n’est pas indigente parce que la fortune de son mary dont elle partage le sort, quoique médiocre, la met au-dessus de la classe des indigents et lui donne assez de faculté pour vivre tous ensemble dans une certaine aisance »
Le mari de la citoyenne Félicité Borin est en effet le citoyen Dupin, « et la famille Dupin est connue comme une famille des plus aisées de la commune ». La municipalité demande donc que le nom de la citoyenne Borin soit rayé de l’état de réfugiés ayant droit aux secours et même que cette personne rembourse une partie de ce qu’elle a déjà perçu. Ah mais !
12 ventôse (2 mars 1796) : Buonaparte est nommé général en chef de l’armée d’Italie. Il reçoit du Directoire des instructions écrites qu’il appliquera à la lettre : lever d’énormes contributions pour renflouer le Trésor et payer la solde de l’armée
18 Ventôse (8 mars 1796) : Muscar dit que le corps de garde de la place de Châteaubriant va s’écrouler en ruine. Le citoyen Juin, « Cazernier au château » est chargé de constater l’état actuel du corps de Garde, de faire estimer les réparations à y faire ou de trouver un autre local.
19 ventôse (9 mars 1796) : mariage de Napoléon Bonaparte avec Joséphine. Tous les membres des autorités constituées sont astreints à jurer haine à la royauté sous peine de déportation.
20 ventôse (10 mars 1796) : toujours à propos des fers des Forges de Moisdon, le citoyen Joseph Lesire, ancien régisseur des dites Forges, dit qu’il a fait « tous ses efforts au milieu des plus grands dangers, pour conserver le prétieux dépôt qu’il avait accepté sous la sauvegarde de l’honneur » et que sa douleur est grande « de voir aujourd’hui que sa bonne volonté n’a pas tenu lieu de puissance : les chouans, au pouvoir desquels a été abandonné l’établissement public des Forges de Moisdon, ont exercé toutes sortes de dilapidations. Pour les arrêter il ne restait d’autre ressource que d’enlever les fers fabriqués » ce qui explique pourquoi une partie d’entre eux se trouvent dans les magasins de la République à Châteaubriant
Mais il reste des fers à Moisdon, qui continuent d’être enlevés par les chouans. Le citoyen Lesire demande que la force armée et les autorités civiles de Châteaubriant prennent les mesures qu’ils jugeront convenables « pour protéger les usines de Moisdon, assurer la conservation des fers qui y existent et faire la recherche de ceux qui ont été détournés de façon quelconque »
La municipalité répond que ces forges sont situées hors de son territoire et qu’elle ne peut y faire aucun acte administratif. Elle renvoie le problème aux administrateurs du cy-devant District.
22 ventôse (12 mars 1796) : une charrette de fers a été trouvée à La Mercerie à Châteaubriant, dans la cour de la citoyenne Boullé, Veuve Ernoul Chenelière. Le citoyen Terrien, receveur de l’enregistrement, demande que ce fer soit considéré comme épave et vendu au profit du Trésor Public. L’affaire est renvoyée au Juge de Paix.
Le garde-champêtre est paresseux
28 ventôse (18 mars 1796) : « les propriétaires, possesseurs, détempteurs et gardiens de chevaux, juments, mulles ou mullets, doivent en faire la déclaration dans les 5 jours ». Ceux qui ne sont pas habituellement employés aux travaux de l’agriculture ou du commerce seront mis au service des armées. Il est question de lever un cheval sur 30, sauf les juments poulinières et les chevaux sont âgés de moins de 4 ans ou qui n’ont pas une certaine taille.
28 ventôse (18 mars 1796) : « Je vois avec douleur que la loi du 20 Messidor dernier (8 juillet 1795) est mal exécutée » dit Lelièvre, Commissaire du Directoire Exécutif en expliquant : « il doit y avoir un garde-champêtre dans toutes les communes ruralles, d’un zèle, d’une probité reconnus généralement » . L’ancienne municipalité a nommé 3 citoyens pour cette tâche, mais l’un d’entre-eux est manifestement un paresseux : « Remplit-il ses devoirs ? Conserve-t-il
les propriétés ? Non. Citoyens, les jardins, les champs, les prés qui touchent la ville sont pillés journellement sans que ce garde cherche à s’opposer et à faire punir les délinquans, sans qu’il n’ait fait aucun rapport. S’il est inactif, s’il ne remplit pas ses devoirs, il ne doit pas conserver une place aussi importante. En vain exceptera-t-il qu’il ne peut remplir sa place à cause des chouans. J’admet ce principe pour la campagne parce qu’un patriote ne peut pas s’éloigner, mais toujours peut-il garder les pièces, prés et jardins qui touchent aux remparts et c’est ce qu’il ne fait point ».
L’administration municipale décide de faire surveiller le garde-champêtre et le convoque pour explications dans les 24 heures.
28 ventôse (18 mars 1796) : Toujours Lelièvre : « Citoyens vous devez veiller à ce que les terres soient cultivées comme au passé ». Il signale un pré dépendant des biens de Duhamel Bothelière « qui est tout déclos, qui sert de place aux bestiaux et les enfants s’y amusent journellement sans que le fermier songe à se procurer une récolte de foin ordinaire. Et pourtant les besoins de l’armée exigent impérieusement que vous preniez tous les moyens d’en augmenter la quantité ». Suite à cette interpellation, la municipalité enjoint au fermier de faire clore le dit pré et de « létaupiner sous huitaine »
28 ventôse (18 mars 1796) : loi créant des « mandats territoriaux » admis à payer les biens nationaux : un pour 30 assignats (ce qui fait environ un pour 400 en valeur réelle). Conséquence : la plus grande partie des biens nationaux passera dès lors à la bourgeoisie
29 ventôse (19 mars 1796) : à la Chambre des Cinq-Cents, un député fait rejeter toute mesure restrictive de la liberté de la presse
30 Ventôse (20 mars 1796) : Nicolas Rebillard, secrétaire en chef de la municipalité de Châteaubriant dit : « la multiplicité des affaires qui se trouvent à expédier me met dans l’impossibilité de pouvoir suffire au secrétariat ». Il annonce qu’il a besoin de deux commis, qu’un arrêt de l’administration centrale du département l’y autorise et qu’il a déjà trouvé un « commis expéditionnaire »
« Quant au second commis, la disette des sujets ne me permettant pas de fixer mon choix actuellement, j’attendray encore quelques temps pour donner cette place à quelque citoyen qui ait les talents nécessaires pour l’occuper ».
30 Ventôse (20 mars 1796) : la maison du Pot d’étain, située place de la Liberté à Châteaubriant , est désignée comme lieu de dépôt des bestiaux saisis par le garde-champêtre »
2 Germinal an IV (22 mars 1796) : le citoyen Terrien, receveur des Droits d’enregistrement, a reçu une circulaire l’autorisant à mettre en circulation le papier timbré prescrit par la loi du 11 Nivôse (1er janvier 1796). On apprend que ce papier est timbré en rouge et qu’il est le seul à pouvoir être mis en circulation pour les Actes Civils. Ceux qui possèdent l’ancien timbre devront le remettre au bureau.
2 Germinal an IV (22 mars 1796) : le citoyen Jean Gautier demande du fer pour relever sa charrette brisée au service de la République. Ou une indemnité. Un procès-verbal estimatif est fait et relève « que la charrette était usée puisque les bandes sont vieilles et désormais propres qu’à faire des clous ». Cependant l’agriculture et le service public exigent impérieusement que cette charrette soit promptement remontée. L’administration municipale accorde donc « 40 livres valleur métallique pour aider à rembourser du coût des frais nécessaires pour la réparation de la charrette » à condition « seulement et non autrement » que sous 6 semaines le citoyen Jean Gautier justifiera que sa charrette est « en état de continuer le service de cette place et celuy de l’agriculture »
2 Germinal an IV (22 mars 1796) : Julien Victorien Ballais avait pris à ferme une pièce de terre en friche joignant l’étang de Choisel et appartenant à l’hôpital civil de la commune de Châteaubriant. En fait, l’hôpital a joui du foin de la dernière récolte et lui, Ballais, « ses 9 mois de jouissance luy ont donné seulement des pommes et la pâture jusqu’à ce jour ». Ayant appris que l’hôpital désire rentrer dans la jouissance de cette pièce de terre pour la nourriture de quelques bestiaux utiles à la subsistance de ses habitants, le citoyen Ballais « consent au résiliment de son bail en faveur des pauvres de cette maison dont les besoins lui sont connus »
7 Germinal (27 mars 1796) : Buonaparte a tenu à franciser son nom. Il est désormais Bonaparte. Il prend officiellement son commandement de Général en chef de l’Armée d’Italie
9 Germinal (29 mars 1796) : le chef vendéen Charette est fusillé à Nantes. Le pays chante (sur l’air du Chant du départ) :
Aveugle en ta fureur ambitieux Charrette
De ton pays sanglant bourreau
Tu ne voyais donc pas qu’en conjurant ta perte
Tu creusais ton propre tombeau ?
Péris et que ta fin tragique*Inspire à tes cruels chouans
Et l’Amour de la République
Et l’horreur de tous les tyrans
10 Germinal (30 mars 1796) : Babeuf forme le « Comité insurrecteur de la conspiration pour l’égalité » et crée un réseau « d’agents militaires » et « d’agents révolutionnaires » pour chaque arrondissement de Paris.
11 Germinal (31 mars 1796) : le citoyen Huquereau, Commissaire des Guerres, demande que l’administration municipale détermine le prix des journées de boulangers employés à la manutention des vivres , le prix de journée des journaliers employés aux magasins et le prix de la mouture du quintal de grains.
11 Germinal (31 mars 1796) encore : des tanneurs de Châteaubriant, qui veulent bien recevoir les cuirs provenant de la Boucherie de l’armée, en échange des cuirs apprêtés et confectionnés, demandent que les corps administratifs leur facilitent les moyens de se procurer de la chaux et du tan. La municipalité arrête, avec les adjudicataires du Bois du Parc « que l’abatti d’iceux ne pourra se faire avant le mois de septembre prochain pour qu’ils en aient l’écorce, ainsi que tous autres bois voisins propres à être écorcés ». L’arrêté du Comité de Salut Public du 6 Messidor an III (24 juin 1795) oblige, lors de l’exploitation des chênes de moins de 30 ans, « d’en enlever l’écorce pour la destiner aux tanneries ». « Ceux qui seront chargés de cet écorçage feront à dix pouces de terre une incision à chaque brin pour que la souche ne puisse être endommagée par l’enlief de l’écorce »
Par ailleurs, les propriétaires des fours à chaux du canton de St Julien de Vouvantes sont priés de les mettre en activité.
La dépréciation des assignats
La valeur des assignats était fondée, à l’origine, sur celle des biens nationaux qui avaient été confisqués. Peu à peu les gens prirent confiance en eux et les utilisèrent comme nous utilisons les billets aujourd’hui. Mais les besoins en argent étant énormes, les différentes assemblées ont fait imprimer plus d’assignats que la valeur totale des biens nationaux. Le coût de la vie devenant de plus en plus élevé, les assignats ont perdu de leur valeur pour ne plus rien valoir du tout en 1796. Personne ne voulait plus les utiliser. Ils ont été supprimés le 30 Pluviôse an IV (19 février 1796)